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Futuroscopie - Crise de la presse, crise du réel, fatigue informationnelle [ABO]

Le décryptage de Josette Sicsic (Futuroscopie)


« Les Français sont-ils en train de boucler leurs valises pour quitter massivement le territoire de l'information ? » C'est le constat préoccupant que dresse en cette fin d’année l'enquête menée avec la Fondation Jean Jaurès et Arte sur le rapport à l'information. Et cela, deux ans après avoir mis en lumière le phénomène de « fatigue informationnelle ». On assiste donc à une véritable hémorragie silencieuse. Mais, pas seulement. La désinformation voulue ou subie compte également parmi les phénomènes les plus inquiétants affectant nos sociétés exagérément sollicitées par les écrans et par un monde virtuel n’hésitant pas à supplanter le réel. 
Parmi d’autres, l’information touristique circule massivement. Avec ses mensonges, ses rumeurs, ses vérités.


Rédigé par le Jeudi 19 Décembre 2024

Crise de la presse : les Français utilisent moins de canaux d'information (7,4 en moyenne contre 8,3 en 2022) et sont moins actifs dans leur consommation d'actualités. Depositphotos.com Auteur ra2studio
Crise de la presse : les Français utilisent moins de canaux d'information (7,4 en moyenne contre 8,3 en 2022) et sont moins actifs dans leur consommation d'actualités. Depositphotos.com Auteur ra2studio
Sommes-nous trop, peu, bien ou mal informés ? A l’heure où la presse notamment en print, subit des revers (finalement moins forts qu’on ne le dit)* et peine à conserver quelques milliers de lecteurs, les journalistes ne sont pas logés à meilleure enseigne.

L’ACPM (alliance pour les chiffres de la presse et des médias) estime que 2,4 milliards d’exemplaires de journaux ont été vendus en 2023 contre 2,7 milliards en 2022.

Dans ce dernier rapport, on découvre que 721 millions de ventes de journaux concernent les versions numériques, et ce chiffre n’a pas fini de grossir. 


Obligés d’exercer plusieurs activités à la fois : vidéastes, photographes, rédacteurs, maquettistes, le tout à grande vitesse pour conjurer l’impatience de nos contemporains de plus en plus assujettis à des rythmes endiablés, les journalistes se voient souvent interdits de prendre un recul propice à une réflexion originale sur l’état du monde.

Pire : privés de temps, donc de réflexion ils sont souvent privés du plaisir de laisser leur plume errer de fioritures en fioritures. Quant aux journalistes des chaînes d’info, ils se voient contraints de se répéter inlassablement et ce en multimédia. Car vous l’avez bien compris, télévision, radio, ne suffisent pas. Il faut être présents sur tous les canaux. Au risque réel d’épuiser son auditoire.

En France, les plateformes sociales gratuites sont ultra dominantes. Environ 40 millions de Français utilisent Google chaque jour, 30 millions Facebook, 20 millions Instagram et YouTube, 5 millions X et Spotify.

Quasiment aucun média d’information, même les plus puissants d’entre eux (Le Monde, Le Figaro, Le Parisien, France Info…), ne dépasse les 5 millions d’utilisateurs quotidiens sur Internet.


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Crise de la presse : une saturation d’informations

Et c’est bien ce qu’il se passe. Les chiffres de l’étude de la Fondation Jean Jaurés sont convaincants :

54% des Français se déclarent fatigués de l'information, dont 39% "très fatigués".
Plus de huit Français sur dix ont l'impression de voir toujours les mêmes informations,
Un sur deux avoue ne plus pouvoir prendre de recul face au trop-plein d'actualités.

Une saturation qui a des conséquences concrètes : les Français utilisent moins de canaux d'information (7,4 en moyenne contre 8,3 en 2022) et sont moins actifs dans leur consommation d'actualités.

Si bien que, la proportion de ceux qui discutent régulièrement de l'information avec leurs proches a chuté de 7 points. Ce qui constitue un constat accablant. En effet, que restera-t-il des conversations et autres débats maintenant en vie le lien social quand seuls les réseaux sociaux maintiendront leur niveau d'audience et quand les médias traditionnels verront leur fréquentation s'éroder encore plus ?

Cinq profils face à la fatigue informationnelle

Certes, comme d’habitude, la population n’est pas homogène. Tout le monde ne vit pas de la même façon son rapport à l’information. L’étude identifie donc cinq profils distincts dont l'évolution est révélatrice :
  • Les "submergés" (39%, +5 points en deux ans) qui suffoquent sous le poids de l'actualité, mais l’écoutent et la lisent.

  • Les "boulimiques" (12%, -5 points) au rapport compulsif à l'information. Ils sont peu et régressent. Mais ils dépassent les 10%. Ce qui en fait un groupe à observer de prés, capable d’influencer son entourage.

  • Les "défiants" (18%, stable) qui doutent systématiquement de tout et tout le temps. Une tendance très menaçante pour le vivre ensemble, favorisant par la même occasion les producteurs de théories du complot qui ont la vie de plus en plus facile, avec les outils qui existent notamment l’IA.

  • Les "traditionnels" (8%, -3 points) au rapport apaisé mais en voie de disparition. Ce sont des seniors menacés par l’âge, qui demain ne seront plus là pour maintenir en vie, la presse papier notamment.

  • Les "détachés" (23%, +3 points) qui ont choisi la distance volontairement. Ce sont les plus sages. Ils prennent autant de recul que possible et se bouchent à l’occasion les oreilles. Mais leur sagesse peut frôler l’indifférence. A moins qu’il ne s’agisse que d’une arme de défense contre l’anxiété provoquée par une actualité particulièrement angoissante.
 
Selon Nielsen Media Research , les soirées électorales des chaînes de télévision américaines ont chuté de 25%, perdant 15 millions de téléspectateurs par rapport au scrutin de 2020 (de 57 millions en 2020 à 42 millions en 2024.

Vrai ou faux, on ne distingue plus

Enfin, l’un des résultats les plus accablants de l’étude concerne l’incapacité de 58% des interviewés à ne plus être capables de distinguer le vrai du faux. Fabriqué, diffusé, asséné par des professionnels des contrefaçons informationnelles, le faux est non seulement dangereux parce qu’il est faux mais aussi parce qu’il se propage plus vite que le vrai et distille aisément son poison.

D’où la multiplication des sites et émissions comme celles de France Info, cherchant à démêler le vrai du faux. Mais cela suffira-t-il ?

Cela suffira d’autant moins que les mauvaises habitudes sont prises et que beaucoup sont en train de démissionner de la tâche consistant à recherche du vrai, à travers des médias sérieux, des images réelles, des sources officielles et des journalistes patients, consciencieux, prenant le temps d’enquêter, soutenus par leur rédaction.

De plus, la montée en puissance du virtuel via les jeux vidéo, musées, parcs de loisirs, spectacles ne se prive pas d’affecter les cerveaux des plus jeunes et de les entraîner sur des chemins fallacieux, parfois violents, sur lesquels ils sont rapidement désorientés.

Moins bien informés et moins grands lecteurs

Dans une société précisément dite « société de l’information », on aurait pu s’attendre à ce que les citoyens soient mieux informés que jamais. Mais le constat est donc tout autre.
Et l’enjeu de taille. Car cette grande transhumance soulève de sérieuses inquiétudes quant à la santé de notre démocratie et à la capacité de nos concitoyens à prendre des décisions éclairées, à mieux comprendre le monde et à s’y engager activement.
Pire ! Quand on sait le recul de la lecture, on peut s’inquiéter des évolutions cognitives de l’humanité soumise à des chiffres, des algorithmes, des images et sons artificiels tronqués par l’Intelligence artificielle.

Une enquête du site BuzzFeed révélait que les faux articles avaient généré davantage de trafic que les vraies informations, vérifiées et recoupées, au cours des trois mois ayant précédé le scrutin.

Josette Sicsic - DR
Josette Sicsic - DR
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com


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