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11 septembre 2001 : quels enseignements pour le transport aérien 5 ans après ?


Jean Belotti s’interroge, 5 ans après sur les enseignements à tirer des attentats terroristes du 11 septembre 2001. Il reste notamment perplexe quant à l’inflation et l'efficacité des mesures de sûreté alors que « les objectifs des terroristes sont essentiellement de déclencher des catastrophes susceptibles de provoquer un traumatisme quasi-mondial et qu’il existe des cibles beaucoup plus faciles à détruire et dont l’impact est nettement plus importante que celle de la perte d’un avion et de ses passagers...»


Rédigé par Jean Belotti - jean.belotti@tourmag.com le Mardi 12 Septembre 2006

Après l’interdiction d’emporter dans les bagages cabine tout liquide, les Américains exigeraient des européens se rendant aux Etats-Unis de répondre à toute une série de questions très personnelles inacceptables pour d’aucuns
Après l’interdiction d’emporter dans les bagages cabine tout liquide, les Américains exigeraient des européens se rendant aux Etats-Unis de répondre à toute une série de questions très personnelles inacceptables pour d’aucuns
11 septembre 2001. Ce jour là, ce sont des avions civils qui - une nouvelle fois - furent confisqués par des pirates, pour déclencher leur action criminelle d'envergure, jamais atteinte auparavant. Par son ampleur, sa violence, par le choix des objectifs, cette terrible attaque terroriste fût une tragédie épouvantable, inimaginable, hallucinante, inconcevable. Même les plus imaginatifs scénaristes d’Hollywood n'auraient pu concevoir un tel scénario d’apocalypse ! (a)

Faire le point des effets d’un tel drame sur le monde du transport aérien nécessiterait une analyse de tous les événements survenus depuis, en vue d’une synthèse et d’une conclusion finale. Bien sûr, cette démarche sort du cadre de cette chronique dans laquelle seules quelques sujets seront brièvement abordés.

Réactivité des Pouvoirs Publics


Les Etats-Unis montrèrent leur réactivité, leur dynamisme, en prenant rapidement des dispositions afin de secourir une industrie en détresse. Trois semaines après l’attentat, le Congrès votait des aides de plusieurs milliards afin de sauver l’industrie du transport aérien, donc l’économie américaine (b). En effet, son effondrement aurait conduit également à celui de tout un pan de l’économie, donc aurait fragilisé tout le pays.

En Europe, l’efficacité a été moindre, car Bruxelles, qui "veille au grain", n’avait pas encore intégré les composantes de la phase de néo-libéralisme dans laquelle le transport aérien était entré.

Ainsi, lorsque les espoirs placés dans les vertus des "lois du marché" ont été déçus, ils conduisent à un interventionnisme de l’Etat, mais quand et comment ? Il restera à préciser si l’Etat ne doit intervenir que lorsque le feu est dans la maison - c’est à dire faire payer les "pots cassés" à l’ensemble de la population - ou s’il doit intervenir, en amont des événements, c’est-à-dire, à titre préventif.

Dispositions préventives

Parmi les dispositions prises, celle d’un renfort du contrôle des passagers a rapidement été mis en place, puis le projet d’armer les pilotes a heureusement avorté, pour des raisons évidentes (c).

Celui de blinder et de verrouiller les portes d’accès au poste de pilotage a eu pour but d’empêcher les pirates de pénétrer dans le cockpit en vue de renouveler le même type d’attentat. Cette protection, en limitant considérablement le risque d’un grave attentat a donc contribué à réduire également la fragilité de l’avion à ces actes de terrorisme.

Ayant moins d’attraits, ils devraient devenir de plus en plus isolés et ne représenter qu’une partie infime des dangers de la vie courante, comme ceux - entre-autres - de l’automobile, pour ne citer que celui-là.
Cette disposition ne laisserait aux terroristes que l’option de faire exploser un avion en vol. Mais la question qui se pose est de savoir si cet objectif fait encore partie de leur plan de déstabilisation de nos démocraties ?

En effet, pourquoi, pour ce faire, être obligé de mettre en place une très lourde organisation, alors qu’il est si simple d’intervenir au sol sur les avions en stationnement sur les aéroports (d). Je ne décrirai pas les mille et une façons de pénétrer sur un aéroport sans passer par les filtres mis en place - d’ailleurs probablement déjà connues des terroristes - mais simplement pour ne pas diffuser d’informations contributives à un nouvel attentat éventuel (e).

De plus, les faits montrent que les objectifs des terroristes sont essentiellement de déclencher des catastrophes d’envergure, susceptibles de provoquer un traumatisme quasi-mondial. Si tel est le cas, alors il faut admettre qu’il existe de nombreuses autres cibles qui sont beaucoup plus faciles à détruire et dont l’impact est nettement plus importante que celle de la perte d’un avion et de ses passagers. Bien sûr, ici également, inutile de les citer.

J’ajouterai qu’il convient de veiller à ne pas tomber dans le panneau du soit disant "principe de transparence" nécessaire à l’information des foules :

- Alors que seules quelques de victimes de la maladie de la vache folle ont été déplorées, la publicité qui en a été faite a conduit à une psychose qui s’est propagée dans plusieurs pays et à une dramatique situation des éleveurs qui ont dû faire abattre leurs troupeaux.

- Alors que sur 250 millions d’habitants, ceux qui ont été touchés par la maladie du charbon (anthrax) ont été rapidement traités et guéris - seuls quelques rares décès ont été déplorés - une psychose s’est installée au Etats-Unis et à conduit à des milliers de dispositions, aussi coûteuses qu’inutiles, sinon celle de tenter de rassurer !

Ce faisant, on fait parfaitement le jeu des terroristes qui, en plus de l’attentat, ont pour objectif de semer une psychose qui affaibli et stresse tout le pays. Leur objectif est donc doublement atteint: une première fois par les pirates qui ont déclenché la psychose et une deuxième fois par la victime, elle-même, qui contribue à sa propagation au sein des populations.
Il y a mieux encore : Le FBI aurait démontré qu’il ne s’agissait, en fait, que d’un acte provenant d’une seule et unique personne !

Quant à la profondeur des mesures de sécurité avant l’embarquement; après l’interdiction d’emporter dans les bagages cabine tout liquide, ne voilà t-il pas que les américains exigeraient des européens se rendant aux Etats-Unis de répondre à toute une série de questions très personnelles (nourriture et boissons habituelles, qualité du sommeil, etc..) ce qui est, une intrusion dans la vie privée, inacceptable pour d’aucuns.

On apprend, qu’accepter cette nouvelle contrainte permettrait d’accorder une réduction des tarifs ! Il est permis de se poser la question de savoir comment ce type de chantage pourrait être effectivement concrétisé ? En effet, pourquoi les compagnies accepteraient-elles de diminuer leurs tarifs, sans compensation financière de l’Etat ?

De plus, il convient aussi de noter que cela serait une nouvelle intrusion des Pouvoirs Publics dans la domaine des affaires commerciales privées, ce qui introduirait un biais dans la libre concurrence, pourtant voulue par les Etats-Unis dans la "deregulation Carter" libérant le marché du transport aérien !

Finalement, cette fixation sur le transport aérien conduisant à d’interminables formalités avant le départ, à l’instauration de taxes - qui, sur certains vols sont plus élevées que le prix du billet - est-elle pleinement justifiée ? Ne va-t-elle pas, finalement, démotiver une partie de la clientèle ?
Ces questions nous amènent, tout naturellement, à l’observation du marché du transport aérien.

Effets sur le marché du transport aérien

Jusqu’à ce jour, la croissance a été au rendez-vous. Ainsi donc, le danger du renouvellement d’un tel attentat n’a pas été pris en compte par les utilisateurs du transport aérien qui ne se sont pas posé la question de savoir quelle était la probabilité de sa manifestation (f). Et ils ont eu raison :

- d’une part parce que donner une probabilité à cette éventualité n’est pas aisé, le risque, dans le cas présent, n’est pas mesurable, ni qualifiable en terme de probabilités ;
- et d’autre part parce que les coûts engagés en matériel, en personnels, plus les surcoûts dûs aux retards résultant de la durée des contrôles des passagers, représentent un énorme investissement, nettement disproportionné par rapport aux quelques rares complots qui ont été étouffés dans l’oeuf, par les forces de police.

Ce constat ne confirmerait-il pas que la sensibilité du transport aérien à ce type d’intervention a perdu de son intérêt pour les terroristes ?
Quant à la nature du marché, son évolution est constante. Elle est caractérisée par un phénomène de concentration - touchant également les compagnies "low costs" - qui continue à renforcer les plus forts.

- par des regroupements nécessités par un objectif d’efficience de l’industrie, mais également accélérés par certaines manoeuvres financières et de mauvaises gestions ayant conduit à plusieurs disparition de compagnies aériennes ;

- par la reconstitution, aux Etats-Unis, d’oligarchies plus puissantes qu’avant la "deregulation".
Cela étant, les équilibres obtenus après maints efforts restent fragiles, étant donné le nombre de facteurs auxquels l’industrie du transport aérien est sensible. La prudence est donc de rigueur, les faits ayant démontré que rien n’était définitivement acquis sur l’échiquier du transport aérien.

Les solutions

Pour perpétrer leurs actes criminels, les terroristes ont besoin d’énormes moyens, non seulement pour l’achat d’armes mais, également et surtout, pour la mise en place de réseaux et l’endoctrinement de leurs futurs adeptes. On ne naît pas "kamikaze". On le devient.

Seuls d’énormes capitaux sont susceptibles de permettre de telles organisations et ramifications au niveau mondial. Il y a cinq ans j’écrivais : "Il y a de quoi être inquiet lorsqu’on apprend que la plus grande banque qui approvisionne les fondamentalistes islamiques est en Suisse et que l’Arabie Saoudite, au cours des dix dernières années, leur a versé des milliards de dollars".

À situations exceptionnelles, décisions exceptionnelles. Pour faire disparaître le terrorisme, tout le monde s’accorde pour convenir que c’est aux sources qu’il faut remonter, c’est à dire couper les voies de financement des commanditaires. Il est impératif qu’entre tous les Etats, une clarification de la nature de leurs relations - eu égard au terrorisme - soit faite.

Il faut être clair. Il n’y a pas de tergiversation acceptable. On ne peut plus admettre que des Etats jouent sur les deux tableaux. On est pour ou on est contre, avec toutes les conséquences et obligations que ce choix implique. Bien évidemment, il s’agit d’un travail de longue haleine, qui touche également l’évolution des régimes politiques.

Donc, malheureusement, il faut s’attendre à vivre avec le "terrorisme" pendant "un certain temps". Ainsi, cinq années après le drame du 11 septembre 2001, il convient de se rendre compte que nous sommes en guerre. En guerre contre un ennemi quasiment insaisissable, pouvant intervenir à tout moment et en tout lieu, avec toutes les conséquences qui en résultent et qui touchent profondément nos démocraties.

Une guerre, qui n’est pas faite des militaires qui se combattent, mais une guerre qui tue des milliers d’innocentes victimes civiles.
Pour mettre fin à cette invasion de nouveaux barbares sapant les fondements de nos sociétés démocratiques, seule une coopération internationale est susceptible de mettre fin à ces attaques terroristes qui trouvent leur source dans le fanatisme de l’Islam.

La tâche est évidemment d’une extrême complexité, mais elle doit être prise à bras le corps car, en constatant que, presque chaque jour, des attentats suicidaires ont lieu en Irak, on imagine l’importance du réservoir de "kamikazes" qui ont été endoctrinés et sont prêts à intervenir, le moment venu.
Il reste à espérer que les efforts engagés par les gouvernements permettront, qu’enfin, la paix règne sur la terre.

(a) - Détails dans ma chronique "Quatre bombes volantes" de septembre 2001
(b).- Le Président Bush, à la mi-novembre, avait signé la loi sur le renforcement de la sécurité aérienne. But: Redonner "confiance" aux américains, dans le transport aérien. Désormais, chaque Etat eut la responsabilité de la sécurité dans les aéroports et le contrôle des passagers. Les sociétés privées de sûreté furent remplacées par des inspecteurs fédéraux, obligatoirement de nationalité américaine, qui ne peuvent pas faire grève.
(c).- Détails dans ma chronique "Pilotes de ligne : ni shérifs, ni suicidaires" de mars 2004
(d).- On se souvient de l’expérience faite aux Etats-Unis où, en quelques mois, sur plus de 150 tentatives, des inspecteurs avaient réussi à passer au travers des filets de sécurité six fois sur dix. Les médias avaient alors qualifié les aéroports de "vraies passoires" !
(e).- Cela me remet en mémoire l’article d’un journaliste en mal de copie ou à la recherche du sensationnel qui, non seulement, a expliqué comment fonctionnait le système qui avertissait les contrôleurs aériens que l’équipage n’était plus maître de la conduite du vol, mais a indiqué le numéro du code affiché par les pilotes. Il en est résulté que dans les actes illicites passés, tous les pirates de l’air, dès qu’ils pénétraient dans le poste de pilotage, vérifiaient que l’équipage n’affichait pas ledit code sur leur "transpondeur", dont ils connaissaient d’ailleurs l’emplacement exact.
(f).- Détails dans ma chronique "Analyse des dangers" de novembre 2001

Ancien Commandant de bord, notre chroniqueur Jean Belotti est également expert auprès des tribunaux et écrivain. Voici une fiche bibliographique de ses ouvrages.

1.- “Les accidents aériens, pour mieux comprendre”
. Frédéric COUFFY Éditions - 1999.
12, rue de Nazareth 13100 Aix en Provence. Tél : 04 42 26 18 08. Fax : 04 42 26 63 26

2.- “Les Titanics du ciel”. FRANCE-EUROPE-EDITIONS - 2001
9, rue Boyer BP 4049 06301 Nice Cedex 4

3.- “Chroniques aéronautiques”. VARIO - 2003
1034, rue H.Poincaré 83340 Le Luc en Provence

4.- "Le Transport International de Marchandises". VUIBERT - 3ième édition en 2004.
www.vuibert.fr

6.- “Une passion du ciel”. NOUVELLES EDITIONS LATINES - 2005
1, rue de Palatine 75006 Paris

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