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Agence de Voyages : et si vous changiez de business modèle ?

Manor a publié pour la 1ère fois les conditions commerciales de son réseau


Depuis des années, les agents de voyages dans le loisir et le business travel ne cessent de se lamenter sur leurs faibles marges et leur clients adeptes de plus en plus de désintermédiation. Pour mettre fin à cette lassitude ambiante, Grégory Mavoian a décidé de donner des pistes de réflexion à l'industrie, en s'inspirant du secteur bancaire et de la téléphonie. Découvrez lesquelles pour faire évoluer votre business modèle.


Rédigé par le Mardi 14 Novembre 2023

Manor a publié pour la 1ère les conditions commerciales de son réseau - Depositphotos @little_prince
Manor a publié pour la 1ère les conditions commerciales de son réseau - Depositphotos @little_prince
Durant 2 jours, les 170 professionnels du tourisme présents lors du 28e congrès Manor n'ont pas vraiment eu le temps de se reposer les méninges.

Des interventions de Marie-Laure Tarragano à celle de Mounir Mahjoubi, l'ancien secrétaire d'Etat au Numérique, les agents de voyages ont été invités à réfléchir sur l'avenir de la profession.

A lire : Vers une vague massive d'actions en justice contre Air France et la SNCF ?

"Notre modèle est dépassé, il est rigide, inflexible. La productivité s’est dégradée. Le modèle économique est la clé, je préfère parler d’évolution, plutôt que de révolution.

Le modèle économique de demain doit être plus agile et plus transparent, tout en laissant le choix aux clients,
" a fixé comme cap Grégory Mavoian, le président de Manor.

Depuis 20 ans, le secteur n'a pas été épargné. Entre la commission "0", NDC ou encore l'arrivée d'internet entrainant une désintermédiation accrue, mais aussi la volonté des clients de réduire les frais à 0, les agences de voyages ont dû s'adapter, voire totalement pivoter.

L'agence de voyages coincée entre les clients, les risques et la chute des commissions

"Notre modèle reposait sur un mix de services gratuits et payants. Aujourd’hui les clients déstabilisent grandement cet équilibre.

Ils ont de plus en plus de tarifs négociés et ne veulent pas payer de frais.

Dans le même temps, les acheteurs sont incentivés sur les fees, donc ils préfèrent des billets à 800 euros, avec des commissions à 1%, plutôt qu’un billet à 300 euros, mais avec un fee à 3%,
" explique Eric Estegassy, le fondateur de Djoca.

D'après les spécialistes du business travel, les acheteurs ont des objectifs pour réduire les frais versés aux agences de voyages. Une objectivation qui ébranle l'industrie.

Surtout que si les revenus sont réduits à peau de chagrin les charges, elles, ne cessent d'augmenter sur fond d'inflation non maitrisable.

"Nous faisons de plus en plus de choses qui ne sont pas rémunérées.

Même la société de nettoyage de nos locaux, nous a prétexté que du fait de la guerre en Ukraine, elle devait augmenter ses tarifs.

Nous allons devoir augmenter nos prix, d’autant qu’en 2024, NDC va devenir une réalité,
" témoigne Aurélien Rath, le directeur général de Cap 5.

Et comme nous le disions dans un précédent article sur les possibles actions en justice des agences de voyages à l'encontre des fournisseurs, la courbe des rémunérations a plongé, pendant que celle des dépenses s'est dangereusement redressée.

Face à des marges de plus en plus faibles, des négociations défavorables pour la distribution, le business modèle des agences de voyages en ressort très éprouvé.

"Nous sommes le seul secteur économique dans lequel les acteurs n’ont aucun revenu récurrent, alors que dans le même temps, il n’existe aucune autre industrie autant exposée aux crises.

Je ne vois pas pourquoi, il ne serait pas possible d’imposer le modèle d’abonnement dans le voyage d’affaires. Il y a aussi d’autres exemples comme Navan, Travelperk,
" estime Maxime Pialat, le PDG de Supertripper.

"Aujourd’hui, tout le monde se plaint, mais qui propose autre chose ?"

"Les modèles gratuits sont tous remis en question par les géants de la planète, de Netflix à Facebook.

Leurs clients gratuits ont vu leur service être dégradé, pour les pousser à s’abonner et rendre acceptable ce qui ne l’était pas, à savoir payer, c’est ce vers quoi nous devons aller,
" imagine Eric Estegassy.

A lire : Meta : pourquoi Facebook et Instagram deviennent-ils payants ?

Un peu à l’image de Youtube imposant des publicités pour lire une vidéo, puis insérant d’autres encarts durant le visionnage, la dégradation et la gêne doivent pousser les internautes à s’abonner.

Demain le voyage d’affaires pourrait réduire progressivement ses services gratuits.

"Aujourd’hui, tout le monde se plaint, mais qui propose autre chose ? La seule proposition de valeur au gré de mes échanges avec des professionnels, a été : il faut augmenter nos prix. Il est de notre responsabilité d’avoir une vision sur l’avenir et un modèle économique," affirme Grégory Mavoian.

Pour les uns, une plus grande transparence est obligatoire, quitte à lever le voile sur le décor et montrer toute la mécanique aux voyageurs, en dévoilant l'ensemble des frais, mais aussi les commissions reçues.

Pour les autres, cette opération mains blanches est contre-productive. Lorsqu’une personne se rend dans une concession automobile, il ne demande pas la marge du vendeur.

"Le problème n’est pas la transparence, mais plutôt les grands acteurs qui promettent 0 euro de frais par émission, des entreprises que nous retrouvons interdites quelques années plus tard. Nous pourrions créer une charte éthique," propose Maxime Pialat.

Une proposition qui pourra difficilement voir le jour. Elle reposerait sur un accord général, avec tous les réseaux, pour marginaliser les sociétés qui promettent une gratuité à toute épreuve, une promesse jugée comme "malhonnête."

Les agences doivent s'inspirer des opérateurs téléphoniques...

Pour Grégory Mavoian, les agences de voyages doivent s'inspirer du secteur bancaire et celui de la téléphonie - RP
Pour Grégory Mavoian, les agences de voyages doivent s'inspirer du secteur bancaire et celui de la téléphonie - RP
"Rien ne dit que plus de transparence sera acceptée par le client, en voyant les frais. Nous devons faire prendre conscience aux clients que tout n’est pas gratuit, c’est notre gros challenge," estime Eric Estegassy.

Le président de Manor, Grégory Mavoian, a profité de cette première année de mandat pour avancer sur la réflexion du business modèle de demain.

Alors que rien ne se passe dans l'industrie ou presque, il a regardé autour et deux secteurs ont retenu son attention pour donner un souffle nouveau aux agences de voyages.

D'un côté la téléphonie a réussi à apporter un véritable service à ses usagers, sans les freiner dans leur consommation.

"Votre forfait inclut certains services et si vous avez besoin d’autres, alors il est possible de négocier avec votre opérateur pour obtenir soit un nouveau forfait, soit de baisser les sommes à débourser.

Nous sommes dans un modèle figé, tout de suite dans la confrontation, avec les fournisseurs, comme cela a été le cas avec l’arrivée NDC,
" cite en exemple le patron de Manor.

L'autre modèle inspirant serait celui des banques. Dans ce monde, tout est facturé, rien n’est gratuit ou presque.

Sauf qu'à la différence des agences de voyages, dans le système bancaire, tous les frais sont transparents. Les établissements livrent les conditions commerciales à l'ouverture d'un compte et les renvoient à chaque mise à jour.

Et c'est en se basant sur cette transparence vis-à-vis du client, mais aussi cette flexibilité que Manor a créée un nouveau document pour ses adhérents.

... et des banques !

"Nous avons listé tout ce que nous faisons pour créer un catalogue des conditions tarifaires. Il n’est pas figé, il est évolutif," explique Grégory Mavoian (Manor) - RP
"Nous avons listé tout ce que nous faisons pour créer un catalogue des conditions tarifaires. Il n’est pas figé, il est évolutif," explique Grégory Mavoian (Manor) - RP
"Nous avons listé tout ce que nous faisons pour créer un catalogue des conditions tarifaires. Il n’est pas figé, il est évolutif.

Il n’est pas possible de vendre à perte, chaque prestation représente un coût,
" détaille Grégory Mavoian.

Dans le document de 18 pages, le réseau a listé l'ensemble des prestations et établi un prix.

Le document a reçu un bon accueil lors du dernier conseil d'administration, plusieurs agents ont fait part de leur envie de s'en emparer et de le partager à leurs clients.

L'enjeu n'est pas d'être inflexible comme votre banque en cas de besoin, mais plutôt de montrer aux clients que vendre un voyage ou un billet d'avion n'est pas si simple.

Il requiert énormément d'étapes et de process.

Avec ses conditions générales de vente, Manor espère crédibiliser le rôle des distributeurs et faire un travail d'éducation auprès de leurs voyageurs. Par contre, si plus rien n'est gratuit, il faut que tout puisse se négocier.

"Le client conteste ? Pas de problème : nous ne devons pas décider du mode de consommation des clients, par contre nous devons lui en proposer un.

Demain le sujet de l'agence sera de négocier de gré à gré avec son client. Notre focus doit rester sur la productivité et les technologies,
" poursuit le patron du réseau.

Au fil du temps, le rôle de l’agence n’a cessé d’être dénigré et le secteur n’a jamais su, comment le valoriser. Pour bien vivre, le taux de commission d’une agence de voyages affaires devrait être de 5 à 6%, alors que Ouigo propose 1% et la SNCF autour de 2,5%.

Une proposition qui a plutôt été bien reçue. Il reste à savoir, si la profession s'emparera du sujet.


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