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Air France, Lufthansa : les intérêts catégoriels des pilotes mettent en péril les compagnies

La chronique de Jean-Louis Baroux


A peine une grève de pilotes se termine en France qu’une autre démarre, en Allemagne, cette fois chez Lufthansa. Certes elle est moins virulente que celle qu’a subie Air France, mais elle n’en est pas moins symptomatique d’un rapport délicat, pour le moins, entre la compagnie et ses pilotes.


Rédigé par le Lundi 20 Octobre 2014

Tout n’est pas parfait dans la relation sociale des compagnies aériennes, mais tous les dirigeants que je connais sont peu enclins à discuter avec leurs pilotes tant ces derniers ont pour seul principe, non pas l’intérêt de la compagnie qui les paie, mais leurs seuls avantages catégoriels.  © pixel974 - Fotolia.com
Tout n’est pas parfait dans la relation sociale des compagnies aériennes, mais tous les dirigeants que je connais sont peu enclins à discuter avec leurs pilotes tant ces derniers ont pour seul principe, non pas l’intérêt de la compagnie qui les paie, mais leurs seuls avantages catégoriels. © pixel974 - Fotolia.com
Je rappelle qu’un conflit grave a également opposé en début d’année les pilotes d’Iberia à leur direction et que, au final, c’est parce que les pilotes n’ont pas accepté la stratégie de redressement d’Alitalia que cette dernière a été au tapis.

Bon, il ne faut certainement pas imputer aux navigants tous les défauts des compagnies en difficulté.

Les directions y ont également leur part en n’ayant pas anticipé les évolutions du transport aérien pourtant largement prévisibles.

Mais enfin lorsqu’elles se réveillent, elles prennent dans l’ensemble les bonnes décisions, lesquelles vont toutes dans le même sens : obtenir de leurs salariés, au premier rang desquels les pilotes, qu’ils travaillent plus pour une rémunération modérée.

Cette stratégie certes un peu basique est la seule possible, mais elle entraîne inévitablement des suppressions de postes, condition indispensable à la diminution des charges. Et bien entendu, les salariés ne sont pas d’accord.

Il convient d'agir

On pourrait tenter de régler ces différents inéluctables par le dialogue social, mais il faut bien reconnaître que dans les pays latins, tout au moins, celui-ci est pour le moins défaillant.

En fait les dirigeants se réunissent entre eux et décident de la marche à suivre.

Et puis, vient le moment où il faut bien en parler aux intéressés et ces derniers reçoivent les décisions des directions comme des diktats.

N’ayant pas été associés aux réflexions, ils refusent tout simplement les conclusions, surtout s’ils sont impactés.

Seulement, peut-on faire autrement ?


Peut-on imaginer des réunions entre des catégories de personnel représentées par des syndicats qui ont des intérêts divergents et arriver à des conclusions unanimes et raisonnables ? Il ne faut pas se tromper de décisionnaires.

Les dirigeants doivent fixer la politique de la compagnie et la mettre en opération.

Les salariés, quels qu’ils soient doivent exécuter le métier pour lequel ils sont payés : les pilotes pour piloter, les hôtesses et stewards pour prendre soin des passagers à bord, les agents de handling pour assister les avions, les agents de réservation pour réserver et les commerciaux pour chercher les clients.

Si toutes les catégories de personnel veulent se mêler du travail des autres, le commandement et la bonne marche de la compagnie est tout simplement impossible.

Bien entendu il est hautement souhaitable qu’avant de prendre les décisions majeures, les directions consultent les représentants des salariés tout comme il est nécessaire d’expliquer pourquoi et sur quels critères la stratégie est fixée.

Mais une fois celle-ci arrêtée, les discussions ne sont plus possibles. Il convient d’agir, même si cela doit entraîner des sacrifices.

La défense de leurs intérêts met en péril l'entreprise

Tout n’est pas parfait dans la relation sociale des compagnies aériennes, mais tous les dirigeants que je connais sont peu enclins à discuter avec leurs pilotes tant ces derniers ont pour seul principe, non pas l’intérêt de la compagnie qui les paie, mais leurs seuls avantages catégoriels.

Cela est d’ailleurs curieux car les pilotes sont des gens parfaitement éduqués et responsables tant qu’il s’agit de leurs appareils.

Ils ont en charge de mener à bon port leurs centaines de passagers dans des machines qui coûtent plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de millions de dollars.

Personne ne conteste leurs capacités à exercer leur métier, et c’est bien ainsi. Et dans leur métier, ils sont en permanence amenés à anticiper en pilotant des avions qui volent à 900 km/h.

Pourquoi donc ne sont-ils pas capables de se comporter de la même manière dès lors qu’ils sortent de leurs appareils ?

Pourquoi ne voient-ils pas, ou s’ils le voient n’acceptent-ils pas les nécessaires évolutions de leurs conditions d’emploi ? Après tout, leur métier a sensiblement évolué au cours des années.

Il a peu de choses en commun entre le pilotage d’un Boeing 707 de première génération et au Airbus 380. Si la responsabilité est la même, voire même supérieure, l’assistance au pilotage dont ils bénéficient maintenant n’est pas comparable à ce qu’ont eu leurs prédécesseurs.

Pourquoi ne voient-ils pas que la seule défense de leurs intérêts catégoriels met en danger l’entreprise même qui les fait vivre ?

Certes il y aura toujours besoin de pilotes, et de plus en plus.

Mais les conditions d’emploi de ceux qui arrivent maintenant sur le marché ne seront plus aussi favorables que celles de leurs aînés.

Les exemples abondent de compagnies liquidées parce que les conflits sociaux les ont mis à plat. Ce n’est l’intérêt de personne et d’abord pas celui des pilotes.

Il vaut mieux consentir des efforts pour maintenir la prospérité des compagnies, plutôt que de les voir disparaître et alors de tout perdre.

Air France, Lufthansa : les intérêts catégoriels des pilotes mettent en péril les compagnies
Jean-Louis Baroux, est l'ancien président d'APG (Air Promotion Group) et le créateur du CAF (Cannes Airlines Forum) devenu le World Air Forum.

Grand spécialiste de l'aérien, il a signé aux éditions L'Archipel ''Compagnies Aériennes : la faillite du modèle'', un ouvrage que tous les professionnels du tourisme devraient avoir lu.

Les droits d'auteur de l'ouvrage seront reversés à une association caritative. On peut l'acquérir à cette adresse : www.editionsarchipel.com.

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Commentaires

1.Posté par Frank Bedot le 20/10/2014 10:23 (depuis mobile) | Alerter
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Quel manque d objectivité et de faits dans cet article! Lufthansa gagne 800m €, va dépasser largement le milliard cette année, délocalise à tour de bras les emplois du sol. Les pilotes ont fait une offre pour rendre neutre la retraite anticipée.

2.Posté par eMac le 20/10/2014 12:51 | Alerter
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Dire que les rapports entre les compagnies et leurs pilotes sont tendus est un euphémisme. Cependant, l'article me semble biaisé. En effet, le conflit d'Air France ne portait pas sur une revendication salariale ou un quelconque avantage mais uniquement sur ce que l'on peut appeler une délocalisation pure et dure. On peut comprendre la position de la compagnie car le premier poste budgétaire n'est pas le carburant mais les charges sociales. Aussi quand le premier ministre dit ne pas comprendre les raison du conflit, je m'étonne. Pour ce qui est de chacun sont travail, oui, mille fois oui mais malheureusement ce n'est pas le cas. Ainsi les synthèses d'activité 2006, 07, 08 ... ne faisait état que de la "montée en gamme du LC", la menace les Cies du golfe. Le LCC avaient des cibles différentes et cette clientèle était marginale, bref ce n'était pas un souci. L'esprit était : mieux vaut gagner 1 fois 10€ que 10 fois 1€. Aujourd'hui, à force de "monter en gamme", AF doit être au firmament de l'excellence. Pour le LCC on a vu le résultat. A l'évidence ceux qui étaient en charge de la conduite des affaires ont gravement failli. Il aurait été souhaitable que le management fasse son travail, tout comme chacun des employés fait le sien. La question que chaque éphémère PDG élude et cache sous le tapis est celui de la réelle cause de la dérive des coût. La réponse fut donnée il y a peu part la CEO de Easyjet lors d'un interview au Figaro et illustrée dans le Echos. Mais cette vue des choses est tabou et il est plus vendeur de stigmatiser les pilotes : question de paix sociale. Pour illustrer si besoin était la nécessité d'avoir des dirigeants digne de ce nom, je voudrais rappeler l'amende "cargo" ... Une industrie a besoin de capitaines d'industrie par de politiques en mal de pantouflage. AF découvre maintenant avec le rapport Guerin les attentes et aspirations des ses clients. Faire les embarquements pendant une semaine dans un escale AF de province permet d'avoir rapidement une vue de la situation; trop loin de Paris, trop facile, pas assez prestigieux. Ce que le rapport décrit, tous les PN (T et C) le savent depuis longtemps.
Alors oui, que chacun fasse son travail, et bien.

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