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Air France : l'impossible réforme d'une compagnie aux abois...

La chronique de Jean-Louis Baroux, expert aérien


Il faut s’attendre à un mois d’octobre 2015 particulièrement chaud socialement parlant à Air France/KLM. Le plan de restructuration absolument nécessaire ne passera pas chez les syndicats et d’abord auprès de ceux du personnel au sol. En conséquence, ces derniers vont engager, le 05 octobre, un mouvement de grève dont on ne sait pas quand il va s’arrêter...


Rédigé par Jean-Louis BAROUX le Mardi 22 Septembre 2015

Au fond la compagnie a travaillé pour le bien-être de ses salariés au lieu de s’occuper de ses clients, qui sont allés voir ailleurs - Photo AF Virginie Valdois
Au fond la compagnie a travaillé pour le bien-être de ses salariés au lieu de s’occuper de ses clients, qui sont allés voir ailleurs - Photo AF Virginie Valdois
Les chiffres sont implacables.

Depuis le dernier exercice profitable 2007/2008, les pertes se sont accumulées chez Air France-KLM, à raison de 2,95 millions d’euros par jour.

E t ce pendant 7004 jours, c’est-à-dire jusqu’au 30 juin 2015, date des derniers comptes publiés.

Comment se sortir de cette spirale infernale ? Comment retrouver la voie du profit ?

Certes, au premier semestre de cette année, le groupe a dégagé un profit d’exploitation, mais celui-ci a été mangé par les coûts financiers.

Les actifs ont presque tous été vendus : la dernière cession importante, 2,2% d’Amadeus, a amené un profit de 218 M€ et 327 M€ de trésorerie. Mais qu'en reste-t-il maintenant ?

Servair est sur le départ pour une valorisation de 400 M€. La maison mère veut en vendre 49%.

Seulement, tous les actifs qui restent à vendre pèsent peu en face de la dette financière de 9.415 M€ dont 4.377 M€ de leasing d’avions.

Comment en est-on arrivé là ? L’explication est certainement complexe et ne peut être résumée en quelques lignes.

Il y a tout à la fois le poids de l’histoire, l’absence de stratégie claire de la part de l’Etat qui, rappelons-le, a été propriétaire de la compagnie jusqu’en 2002 et qui possède encore 17,5% du capital.

Le refus aussi de voir arriver sur le marché de nouveaux et redoutables concurrents aussi bien sur le court que sur le long courrier, la volonté de vouloir rester une compagnie globale présente sur tous les marchés et 100 pays, sans en avoir les moyens.

Last but not least, l’impossibilité d’amener les syndicats à une réelle coopération avec la direction et enfin le sentiment que rien ne peut arriver à ce fleuron de l’économie française.

Au fond la compagnie a travaillé pour le bien-être de ses salariés au lieu de s’occuper de ses clients, qui sont allés voir ailleurs.

La recette unitaire se dégrade inexorablement...

Et maintenant, que faut-il faire ?

Certes, il serait bien outrecuidant de vouloir apporter des recettes sans avoir une vision interne de la situation, mais vu de l’extérieur, quelques pistes paraissent pourtant évidentes.

Au vu des comptes et des analyses présentées par la compagnie lors de la publication des bilans, une évidence saute aux yeux : ce ne sont pas les clients qui manquent, c’est la recette unitaire qui se dégrade inexorablement.

Comment perdre de l’argent avec un remplissage supérieur à 80%, voire proche de 90% : 89,3% en juillet dernier ?

Comment ne pas chercher l’explication dans les deux piliers sur lesquels s’appuie la stratégie de la compagnie : un hub puissant et un yield management de fer.

L’un et l’autre, sont en train de tuer la compagnie. Pour alimenter l’énorme pompe de Charles de Gaulle, il faut attirer des passagers et la seule façon est de créer un système tarifaire très compétitif par rapport à la concurrence, sauf que cela ne couvre pas les charges.

Rajoutons que le fait d’avoir dépouillé les responsables de marché du droit d’adapter leur offre tarifaire les a conduit à une démotivation certaine et à une dégradation de leur position. Or, ce sont eux qui amènent la recette.

Se concentrer sur des niches profitables

Pour se sortir de ce guêpier, il faut tout remettre à plat et d’abord la stratégie. Pourquoi vouloir rester un acteur global si on n’en a pas les moyens ? Pourquoi ne pas se concentrer sur des niches profitables ?

La structure des coûts de la compagnie ne peut être couverte par la clientèle à basse contribution.

Il convient donc soit de faire baisser drastiquement les charges, et c’est quasiment mission impossible, soit de se donner les moyens de conquérir les passagers à haute contribution.

Mais pour cela, il faut revoir l’approche clientèle. A quoi cela sert-il de disposer de dizaines de tarifs sur un même vol ? Pourquoi ne pas aller chercher à la fourchette, dans la poche des concurrents, les clients des classes avant ?

Encore faut-il leur faire une offre tarifaire raisonnable et non pas penser qu’ils peuvent payer n’importe quel prix sous prétexte qu’ils sont censés être riches.

Le SNPL réclame à sa direction une ambition. Et pour une fois je dirais qu’il a raison...

Mais si la compagnie ne peut plus jouer un rôle mondial, pourquoi ne devient-elle pas, même avec une taille sérieusement réduite, la meilleure compagnie du monde ?

Après tout la France a de sérieux atouts à faire jouer face aux transporteurs du Golfe qui trustent les trophées. Voilà une ambition raisonnable et susceptible de mobiliser les énergies.

Air France : l'impossible réforme d'une compagnie aux abois...
Jean-Louis Baroux, est l'ancien président d'APG (Air Promotion Group) et le créateur du CAF (Cannes Airlines Forum) devenu le World Air Forum.

Grand spécialiste de l'aérien, il a signé aux éditions L'Archipel ''Compagnies Aériennes : la faillite du modèle'', un ouvrage que tous les professionnels du tourisme devraient avoir lu.

Les droits d'auteur de l'ouvrage seront reversés à une association caritative. On peut l'acquérir à cette adresse : www.editionsarchipel.com.

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Commentaires

1.Posté par madi le 23/09/2015 09:10 | Alerter
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Air France à Tuer le transport Aérien en France par lobbying et en empêchant les autres compagnies de se développer , Air Inter , Uta , Corsair, Star , Air Liberté et j'en passe ! ils sont arrogant et imbue deux mêmes , alors je vais pas pleurer ...

2.Posté par syl29 le 23/09/2015 12:15 | Alerter
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Encore un article sur Air France ?! Le titre change mais le contenu reste invariablement le même!! Ca tourne à la psychose avec cette compagnie. Il n'y a pas de sujets plus intéressants à aborder ?

3.Posté par Commentateur le 23/09/2015 12:28 | Alerter
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Bonjour
Cet article repose sur un postulat de base : la recette unitaire d'Air France est moins bonne que celle de ces concurrents.
Or, ce n'est pas le cas. Donc les préconisations avancées ici ne tiennent pas la route.
Merci de vous renseigner avant d'écrire.

4.Posté par Pascal le 23/09/2015 12:36 | Alerter
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Bon je ne vais pas faire du "Baroux bashing" , ça lasse et la mauvaise herbe repousse toujours...
Une précision cependant le leasing n'est pas une dette, c'est un coût comme les salaires
Comme quoi, pilote ou économiste, il faut choisir.....

5.Posté par nathoune le 23/09/2015 12:42 | Alerter
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on ne pleure pas sur les grands qui ne s'attaquent qu'aux petits en lançant des boomerangs...

6.Posté par Ju83 le 23/09/2015 17:39 | Alerter
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Au moins un ancien pilote ça non ?

Pour info, la recette unitaire d'Air France est (de loin) la meilleure en Europe. Evoquer le yield et le hub comme problèmes, sans dire un seul mot des pilotes, c'est costaud !!

7.Posté par Pierre le 23/09/2015 22:40 | Alerter
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A quand un référendum du personnel sol
Pour obliger ces messieurs pilotes de bien vouloir faire aussi des efforts et ne pas projeter la compagnie a terre

8.Posté par bullfighter le 24/09/2015 14:16 | Alerter
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Les salariés d'AIr France ne semblent pas avoir pris conscience de la gravité de la situation et continuent de défendre des avantages aquis quand tout allait bien alors que ce sont leurs emplois qui sont en danger. Le statut quo n'est pas possible. Chaque jour qui passe sans agir permet aux cies du groupe IAG dont Vueling, à Ryannair, easyjet , à Lufthansa et aux cies du Golfe de gagner des parts de marché qui ne reviendront pas. Réduire la flotte et les destinations , se concentrer sur les lignes qui marchent et les renforcer, rendre le personnel réellement orienté client : voila ce qu'il faut faire. Mais qui aura le courage de dire et surtout de le faire ?

9.Posté par Guigui34 le 26/09/2015 09:03 | Alerter
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Bonjour à tous. Étant moi même naviguant à AF don un nanti inconscient de sa perte à venir apparemment,je m'octroie un droit de réponse.Je travaille comme steward depuis 16 ans maintenant et les choses ont bien évolué depuis.Le nombre de personnels à bord comme au sol a sévèrement chuté en regard de la densification des cabines.Et ce,malgré une montée en gamme du produit dans toutes les classes.Exemple en economy LC:retour de la 2e prestation chaude,passage de glaces,apéro et digestif proposés,pléthore de repas spéciaux et j'en passe.D'un autre côté:gel des salaires,augmentation des prix billets compagnie (entre 70 et 125€ pour A/R france si disponible),augmentation charge de travail,mesures d'économies nous impactant directement (uniforme,repas à bord et en escale...).Donc quand je lis qu'AF a privilégié ses employés au détriment de ses clients je m'emporté quelque peu.Je ne suis pas cégétiste jusqu'au boutiste,j'aime ma compagnie qui a besoin d'un bon dégraissage dans ses bureaux avant tout,service en charge de la musique d'ambiance de quelques dizaines de personnes,service média aussi bidon que tentaculaire et j'en passe.
On se gargarise à coup de boards et autre benchmarks pour se réconforter en cherchant les possibles économies dans les effectifs au contact direct de la clientèle.
Enfin,pourquoi cet article n'évoque pas la lourdeur des charges sociales,la taxe chirac que nous sommes les seuls à payer et aussi les centaines de millions d'euros annuels que nous payons à ADP juste pour "toucher le terrain"?Tout comme la majorité de mes collègues je suis prêt à faire encore des efforts et travailler plus pour la pérennité de notre entreprise mais nous aimerions que toutes les pistes soient envisagées.
Salutations et bon vol à tous.

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