Allemagne : un week-end so chic à Baden-Baden

Blottie non loin de la frontière française, dans le Land allemand de Bade-Wurtemberg, à la lisière nord-ouest de la Forêt Noire, Baden-Baden (57 000 habitants) est une station thermale chic dont le succès ne s'est jamais démenti depuis sa création il y a 2 000 ans.

Bien mieux, au XIXe siècle, une bonne partie des têtes couronnées (la Reine Victoria, Sissi, l'impératrice d'Autriche, l'empereur allemand Guillaume II, le Français Napoléon III) et de l'intelligentsia européenne (Brahms, Liszt, Tourgueniev mais aussi Dostoïevski qui y a perdu toute sa fortune et Tolstoï qui y a fait des dettes) venaient s'y retrouver, y "prendre les eaux" et jouer au casino.

Les curistes d'aujourd'hui sont à peine moins aristocratiques.

Quoiqu'il en soit, cette ville qui fait sa promotion avec un slogan prometteur - "The good-good life" -, a su conserver un charme fou et une atmosphère distinguée, un peu hors du temps, tout en modernisant ses installations.

A l'heure où l'hiver rapplique en Europe, c'est une destination de choix pour se faire du bien pendant un long week-end. On y accède facilement en voiture (Baden-Baden est à trois-quarts d'heure de Strasbourg) comme en train (TGV jusqu'à Karlsruhe, puis l'équivalent d'un TER).

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Pour réussir tout à fait son séjour, on choisira un bel hôtel, par exemple Maison Messmer.

Ce cinq étoiles de 152 chambres (dont 11 suites) plonge ses racines dans l'Histoire. A la fin du XIXe siècle, c'est là que descendait l'empereur d'Allemagne Guillaume II et son épouse Augusta-Viktoria.

Après quelques péripéties, de gros travaux et un bel agrandissement, Maison Messmer accueille de nouveau des visiteurs, hiver comme été. On réservera de préférence une chambre avec vue sur Baden-Baden.

On pourra ainsi admirer à satiété un fabuleux panorama sur cette ville lovée au creux d'un cirque de collines boisées et traversée par la rivière Oos.

A l'horizon, à gauche, la silhouette du premier château (XIe-XIIe) du Margrave (chef militaire) de Bade jaillit des pins et des chênes du mont Battert. Plus bas, mais à droite cette fois-ci, le second palais du Margrave, de style Renaissance, est posté sur la "colline florentine". Juste devant s'élance le clocher de l'église catholique.

En effet, Baden-Baden a longtemps été exclusivement catholique, avant de passer sous l'autorité d'une famille de la noblesse luthérienne, puis de se partager entre ces deux confessions - en témoignent, tout en bas, les deux flèches de l'église protestante.

Au pied de la "colline florentine" s'enroule le lacis de ruelles pavées et pentues du cœur historique, passé au second plan lorsque la ville a pris une nouvelle ampleur, jusqu'à devenir entre 1840 et 1870, la "capitale d'été" de l'Europe.

Cette vue splendide n'est évidemment pas le seul agrément de Maison Messmer.

L'établissement se distingue aussi par l'élégance contemporaine de ses chambres, la plupart avec balcon, la qualité de sa literie, la profusion de son buffet au petit-déjeuner, la présence d'un restaurant (entre autres de spécialités locales), et d'un remarquable Spa (six cabines de massage) complété par salle de fitness, salle de yoga, piscine et saunas. S'y ajoute l'exceptionnelle salle de réception historique.

L'entrée au Spa (mais pas les massages, bien sûr) est incluse dans le tarif des chambres qui, elles, s'affichent à partir de 250€ jusqu'à 3 700€ pour le fabuleux penthouse (240 m2, trois chambres, trois salles de bains) du dernier étage, à l'époustouflante terrasse panoramique de 160 m2 !

Les clients peuvent laisser leur voiture dans le parking souterrain (son prix n'est pas inclus dans celui des chambres), ce qui est un atout car, pour l'essentiel, Baden-Baden se laisse découvrir à pied.

De surcroît, la situation de Maison Messmer, légèrement en retrait de l’agitation mais à proximité du casino, en fait un compagnon de voyage idéal.

Bien que le confort de Maison Messmer invite à s'y attarder, on a intérêt à partir sans tarder à la découverte de Baden-Baden.

Jusqu'en 1931, la ville se nommait tout simplement Baden. Toutefois, lorsque les Romains l'ont fondée en 80 après Jésus-Christ, elle s'est d'abord appelée Aquae Aurelia. Et pour cause : ils avaient construit des thermes pour mettre à profit ses sources thermales chaudes (68 degrés).

Aujourd’hui, on y vient toujours pour ses eaux, réputées êtres les plus chaudes et les plus riches en minéraux du Bade-Wurtemberg. Refroidies, elles sont utilisées pour traiter les troubles cardio-vasculaires, ceux du métabolisme et les maladies de l'appareil locomoteur. Elles font merveille aussi pour décontracter les muscles.

L'établissement thermal le plus pittoresque, c'est Friedrichsbad, construit au-dessus des vestiges romains. A son ouverture, en 1877, il était réputé être le plus moderne d'Europe. Et l'un des plus beaux du monde. Il a tout de suite eu un succès fou.

De style néo-renaissance, doté d'une coupole au-dessus du bassin central, Friedrichsbad conserve encore ses cuivres, ses stucs, ses fresques et ses majoliques. On y pratique toujours le massage à la brosse et au savon. Et jusqu'à une période récente, on s'y baignait toujours nu, hommes et femmes mélangés. Désormais, le maillot de bain est imposé deux jours par semaine.

Le vêtement de bain est, en revanche, de rigueur tout le temps aux thermes de Caracalla, construits en 1985. L'imposante coupole et l'abondance de marbre confèrent une élégance indéniable à ce second établissement thermal. Et ses 5 000 m2 donnent l'assurance de trouver tout ce qu'il faut pour se faire du bien.

Plans d'eau variés et de températures différentes (de 18 à 38 degrés), piscine intérieure, jets d'eau pour masser le dos et les épaules, douches en cascade pour la nuque, bassins extérieurs en marbre, bains à remous, bain de vapeur aromatique relaxant, salle d'inhalation d'eau saline, saunas, solarium, chaises longues pour se relaxer après le bain et bien sûr restaurant... Moins typique que le précédent peut-être, mais tout aussi requinquant !

L'accès est très abordable : 19€ pour deux heures, 23€ pour trois heures aux thermes de Caracalla, 35€ au Friedrichsbad.

Evidemment, la facture gonfle si l'on s'offre massages, gommages corporels, enveloppements, traitements de beauté, bains de luxe à deux ou si l'on réserve un des Spas privatifs du Friedrichsbad.

Si Baden-Baden perpétue dans le luxe et la tranquillité sa vocation balnéaire, sa vie "mondaine" reste bien vivante, faite d'un savant mélange de culture et de jeux, servi par une belle architecture.

D'ailleurs, pour apprécier au mieux la ville, autant commencer par s'y promener longuement, le nez en l'air. Ce n'est pas pour rien que Baden-Baden a été inscrite en 2019 au patrimoine mondial de l’Unesco, comme dix autres "Grandes villes thermales d’Europe".

Entre Lichtentaler Allee et Friedrichsbad, se trouvent six merveilles "Belle Epoque" classées, notamment une maison construite par Johann Ludwig Weinbrenner, l’un des architectes les plus importants de Baden-Baden, des villas flamboyantes, des maisons de ville luxueuses et même le bâtiment qui abritait autrefois l’un des plus prestigieux hôtels de luxe, le Deutscher Hof.

D'ailleurs, en cheminant dans Baden-Baden en compagnie de l'intarissable guide francophone Marion Krieg, c'est tout un pan de l'histoire de la gentry européenne qui vous est dévoilé.

Cette histoire démarre à la fin du XVIIIe, lorsque des nobles français, fuyant la Révolution de 1789, s'y réfugient. Puis, Stéphanie de Beauharnais, fille adoptive de Napoléon 1er, Grande-Duchesse de Bade par mariage, en fait son lieu de villégiature.

Ensuite, de 1855 à 1914, Baden-Baden devient capitale officieuse de la Russie car le tsar, sa famille et d'autres aristocrates russes y viennent souvent.

Les Anglais, au premier rang desquels la reine Victoria et sa sœur, fréquenteront également Baden-Baden. C'est à eux que l'on doit club de tennis et golf, les premiers d'Allemagne. Quant aux Américains, ils ne seront pas en reste. En témoigne le style bostonien des villas de la Maria-Viktoria Strasse.

Dès la construction de la Trinkhalle (elle se trouve non loin de Maison Messmer), en 1838, toute la bonne société s'est pressée sous cette galerie de 90 mètres, ponctuée de colonnes et décorée par des fresques murales racontant des légendes de la Forêt-Noire. Et, de fait, les choses n'ont guère changé.

Cette Trinkhalle flirte avec le Kurhaus qui rythme les soirées de Baden-Baden depuis 1824 avec sa salle de concerts et de réceptions, son bar, ses deux restaurants et son superbe casino.

Il est d'inspiration baroque avec ses plafonds à caisson, ses peintures, ses dorures, ses lustres massifs en cristal de Bohème, son mobilier Boulle, ses moquettes rouges, son atmosphère feutrée, ses tables de jeux et ses croupiers...

Les jeux d'argent étant interdits dans l'empire tsariste, les Russes venaient jadis à Baden-Baden pour y jouer. Paradoxe de l'histoire, c'est un homme d'affaires français, Jacques Bènazet qui fuyant semblable interdiction promulguée en France par le roi Louis-Philippe, a développé ce casino, à partir der 1838. Son fils, Edouard, achèvera de lui donner un lustre exceptionnel.

Aujourd'hui encore, on y joue à la roulette, au blackjack, au poker. On y vient aussi pour des lectures, des soirées dansantes, pour le bal de la Saint-Sylvestre, pour des défilés de mode, des spectacles de cabaret, etc.

Et, tout simplement, pour dîner dans la pénombre joliment éclairée du restaurant The Grill, comme nous l'avons fait, nous régalant d'un tartare de saumon-purée d'avocat au wasabi, accompagné d'un verre de blanc un peu sec de Bade.

Il faut évidemment réserver à l'avance, s'habiller avec quelque élégance et présenter une pièce d'identité valide, sans quoi l'entrée vous est refusée. Mais, on peut préférer dîner ailleurs, Baden-Baden ne manquant pas de bonnes tables : celle de Maison Messmer, ou chez Leo's à l'ambiance chaleureuse (Luisenstraße 8-10) ou encore chez Rizzi, carrément sur Lichtentaler Allee.

Tout comme le casino, le théâtre et l'opéra de Baden-Baden peuvent se découvrir lors de passionnantes visites guidées. Bien entendu, c'est encore mieux d'y aller au spectacle !

Gérant du casino et grand mécène, Édouard Bènazet a contribué à la construction sur la Goetheplatz, de l'un des plus beaux théâtres d'Allemagne dans le style de l'Opéra de Paris. Récemment rénové, il accueille 500 personnes et dispose d'une troupe permanente de 18 acteurs au répertoire varié.

L'opéra de Baden-Baden, le Festspielhaus, cultive, lui, les superlatifs : avec ses 2 500 places, il est le plus grand d'Allemagne et le deuxième plus grand d'Europe. Agrandi en annexant l'ancienne gare, il accueille plusieurs festivals de musique et une programmation allant du classique au jazz, de l'opéra au ballet. Avec, souvent, des stars internationales.

Et puis, il y a les musées. Par exemple, le musée (privé) Burda. Installé depuis vingt ans dans un bâtiment moderne de quatre étages, tout blanc et très fonctionnel, il était réputé pour ses importantes collections modernes. Las, depuis la mort du fondateur, elles ne semblent plus là. A la place, actuellement, une rétrospective avant-gardiste du plasticien japonais Yoshitomo Nara.

Quant au musée Pierre-Karl Fabergé, blotti dans la belle Sophienstraße, il présente un éventail complet du travail du célèbre bijoutier des tsars, avec plus de 700 pièces exposées, depuis les célèbres œufs de Pâques impériaux, jusqu'à des objets du quotidien. Mais, il souffre un peu d'une accumulation d'objets pas toujours bien mis en valeur.

Baden-Baden ne se résume cependant pas à ce qui fait le charme d'une ville d'eau.

Si l'immense coulée verte longue de trois kilomètres de la Lichtentaler Allee, classée par l'Unesco, est propice à la marche, il suffit aussi de parcourir quelques kilomètres hors de la ville pour s'offrir de belles balades en Forêt-Noire.

Si l'on n'est pas motorisé, on grimpera, sur la Leopoldplatz, dans le bus 204 ou le 205 en direction de Merkurwald.

Là, des sentiers courent à travers bois. Et un funiculaire - le plus long d'Allemagne - vous propulse en cinq minutes jusqu'en haut du Mont Merkur (7€ l'aller-retour).

De cette colline qui culmine à 668 mètres, par beau temps, la vue est spectaculaire sur Baden-Baden, sur la vallée du Rhin, sur la Forêt-Noire et même, au loin, sur Strasbourg ! Pas étonnant que ce soit un lieu d'escapade prisé, presque en toutes saisons !

Si ce bon bol d'air pur en haut du Mont Merkur fait du bien, il ne faut pas manquer, avant de rentrer chez soi, les jolies boutiques de Sophienstraße et de Lichtentaler Straße. Ni le marché de Noël, ouvert jusqu'au 6 janvier.

De Maison Messmer, il n'y a qu’une rue à traverser pour s'imprégner de ses effluves de vin chaud, déguster des saucisses ou des reibekuchen (galettes de pommes de terre) tout en écoutant des chants de Noël.

Comme ce "Christkindlmarkt" cultive les traditions, on y trouve aussi des spécialités locales (jambon, fromage, saucisses, gâteaux) ainsi que des produits artisanaux de la Forêt-Noire. Par exemple les solides chaussons fourrés en paille de blé tressée, renforcés par une semelle de caoutchouc recyclé, vendus par Leif Karpe.