"Certains sont livreurs, d'autres travaillent à l'usine ou d'autres dans le commerce du grand frère ou de la grande soeur. J'ai aussi des animateurs qui bossent la terre et dans les champs" Selon Nacer Bouguerra - Crédit photo : Depositphotos @mihtiander
TourMaG.com - Vous avec pas mal bourlingué dans le secteur des villages vacances avec plus de 25 ans d'expérience. Dernièrement vous avez partagé sur un réseau social un message, envoyé par un animateur tunisien. Avez-vous des retours des anciens employés de villages-vacances que vous avez côtoyés ?
Nacer Bouguerra : Oui. Tous les jours je reçois ces messages de personnes qui se retrouvent dans des situations compliquées.
Certains sont des expatriés partis vivre sur place et d'autres, des animateurs locaux. Les premiers sont dans des galères incroyables, car ils ne sont pas citoyens du pays et parfois celui-ci n'aide pas les habitants. Sans compter qu'ils ne peuvent pas rentrer en France.
J'ai le cas d'un responsable qui se retrouve coincé en République dominicaine. Il n'a quasiment pas de boulot, car très peu d'animations à cause de la pandémie, depuis une année et ne peut pas revenir ici. Là bas, beaucoup d'employés des clubs francophones sont Haïtiens, ils se retrouvent sur place avec aucun revenu ni travail.
Puis après vous avez tous les animateurs tunisiens, marocains, égyptiens, les haïtiens, etc. Toutes ces personnes qui travaillaient une saison pour faire vivre une famille entière au pays et qui se retrouvent sans rien.
Ils appellent au secours. Cette année ils n'auront pas bossé cet hiver, puis la saison estivale s'annonce aussi réduite. Prenez Djerba, sur les 140 ou 150 hôtels présents, vous en avez une poignée d'ouverts. C'est toute une économie à l'arrêt.
Il faut être bienveillant avec eux, car ils l'ont été avec nos clients.
Nacer Bouguerra : Oui. Tous les jours je reçois ces messages de personnes qui se retrouvent dans des situations compliquées.
Certains sont des expatriés partis vivre sur place et d'autres, des animateurs locaux. Les premiers sont dans des galères incroyables, car ils ne sont pas citoyens du pays et parfois celui-ci n'aide pas les habitants. Sans compter qu'ils ne peuvent pas rentrer en France.
J'ai le cas d'un responsable qui se retrouve coincé en République dominicaine. Il n'a quasiment pas de boulot, car très peu d'animations à cause de la pandémie, depuis une année et ne peut pas revenir ici. Là bas, beaucoup d'employés des clubs francophones sont Haïtiens, ils se retrouvent sur place avec aucun revenu ni travail.
Puis après vous avez tous les animateurs tunisiens, marocains, égyptiens, les haïtiens, etc. Toutes ces personnes qui travaillaient une saison pour faire vivre une famille entière au pays et qui se retrouvent sans rien.
Ils appellent au secours. Cette année ils n'auront pas bossé cet hiver, puis la saison estivale s'annonce aussi réduite. Prenez Djerba, sur les 140 ou 150 hôtels présents, vous en avez une poignée d'ouverts. C'est toute une économie à l'arrêt.
Il faut être bienveillant avec eux, car ils l'ont été avec nos clients.
"Nous parlons de personnes qui ont fait la richesse des tour-opérateurs, mais qui sont laissées pour compte"
TourMaG.com - De quoi vivent les animateurs avec lesquels vous êtes en contact ?
Nacer Bouguerra : Dorénavant, ils sont en partie retournés dans leur famille, ils ont des petits boulots.
Certains sont livreurs, d'autres travaillent à l'usine ou d'autres dans le commerce du grand frère ou de la grande sœur. J'ai aussi des animateurs qui bossent la terre et dans les champs.
Ils ne sont pas déçus des entreprises françaises, ils sont dans l'attente de la reprise. Ils veulent revoir des charters, des clubs et des voyageurs. En attendant, ils sont entourés de misère.
Nous avons de la chance d'être en France, avec un gouvernement qui nous aide, je peux vous le dire. Il faut une pensée pour eux, ils sont en opération survie, c'est désolant.
Je connais des agents de voyages et des professionnels du tourisme qui ont envoyé des mandats pour aider certains animateurs, ça ne suffit pas, car nous parlons là d'un problème systémique.
TourMaG.com - La situation est alarmante...
Nacer Bouguerra : Pas seulement à l'étranger, en France vous avez aussi des personnes en détresse.
Des jeunes qui n'ont pas assez cumulé de mois sous contrat, pour avoir droit au chômage. Ils se retrouvent au RSA ou sont retournés chez leurs parents. Nous parlons là d'employés et de personnes qui ont fait la richesse des tour-opérateurs, mais qui sont aujourd'hui laissées pour compte.
Vous avez beaucoup de Français qui travaillent en Grèce et en Espagne et qui se retrouvent sans rien. Je reçois des histoires à pleurer, tous les jours. Travailler est aujourd'hui devenu vital pour eux.
Il y a des histoires tragiques : un gamin au Maroc est parti faire la plonge dans un hôpital pour 250 euros par mois.
Après je ne suis pas là pour attaquer la profession et les TO français bien au contraire, car je sais qu'ils ont été en grande majorité exemplaire durant cette crise. Je ne remercierais jamais Axel Mazerolles pour son humanité. Alors que FTI avait gelé toutes les opérations dans le monde, il leur a tendu la main.
Il en a fait revenir aux frais de la boite chez eux, il a payé des loyers et aussi versé des salaires durant quelques mois. Les tour-opérateurs ont été humains. Des exemples comme ça, j'en ai dans d'autres entreprises du secteur.
Nacer Bouguerra : Dorénavant, ils sont en partie retournés dans leur famille, ils ont des petits boulots.
Certains sont livreurs, d'autres travaillent à l'usine ou d'autres dans le commerce du grand frère ou de la grande sœur. J'ai aussi des animateurs qui bossent la terre et dans les champs.
Ils ne sont pas déçus des entreprises françaises, ils sont dans l'attente de la reprise. Ils veulent revoir des charters, des clubs et des voyageurs. En attendant, ils sont entourés de misère.
Nous avons de la chance d'être en France, avec un gouvernement qui nous aide, je peux vous le dire. Il faut une pensée pour eux, ils sont en opération survie, c'est désolant.
Je connais des agents de voyages et des professionnels du tourisme qui ont envoyé des mandats pour aider certains animateurs, ça ne suffit pas, car nous parlons là d'un problème systémique.
TourMaG.com - La situation est alarmante...
Nacer Bouguerra : Pas seulement à l'étranger, en France vous avez aussi des personnes en détresse.
Des jeunes qui n'ont pas assez cumulé de mois sous contrat, pour avoir droit au chômage. Ils se retrouvent au RSA ou sont retournés chez leurs parents. Nous parlons là d'employés et de personnes qui ont fait la richesse des tour-opérateurs, mais qui sont aujourd'hui laissées pour compte.
Vous avez beaucoup de Français qui travaillent en Grèce et en Espagne et qui se retrouvent sans rien. Je reçois des histoires à pleurer, tous les jours. Travailler est aujourd'hui devenu vital pour eux.
Il y a des histoires tragiques : un gamin au Maroc est parti faire la plonge dans un hôpital pour 250 euros par mois.
Après je ne suis pas là pour attaquer la profession et les TO français bien au contraire, car je sais qu'ils ont été en grande majorité exemplaire durant cette crise. Je ne remercierais jamais Axel Mazerolles pour son humanité. Alors que FTI avait gelé toutes les opérations dans le monde, il leur a tendu la main.
Il en a fait revenir aux frais de la boite chez eux, il a payé des loyers et aussi versé des salaires durant quelques mois. Les tour-opérateurs ont été humains. Des exemples comme ça, j'en ai dans d'autres entreprises du secteur.
"En Tunisie ou en Thaïlande ce n'est pas demain que les populations seront vaccinées, alors comment ferons-nous ?"
"Nous ne devons pas oublier que les destinations où nous envoyons nos clients, ce sont bien souvent des pays en difficultés. En France, nous avons les vaccins et nous y aurons tous l'accès, mais les pays où nous opérons, ce ne sera pas le cas," selon Nacer Bouguerra - Crédit photo : Linkedin
TourMaG.com - Sauf qu'aujourd'hui ça ne suffit pas...
Nacer Bouguerra : Non, il faut parler d'eux, mettre sur la table la réalité de la situation.
Nous devons leur renvoyer la balle, car sans eux, les villages-vacances et les tour-opérateurs ne sont rien. Nous devons les aider. Et encore je vous parle là des animateurs, mais à destination, il y a aussi les guides, les services de transferts, etc.
Nous parlons là de personnes qui se retrouvent sans aucune aide financière. Ce n'est pas avec les 20 euros accordés par le gouvernement tunisien qu'ils vont vivre.
Les mômes du Sénégal ou Haïti ne travaillent pas pour eux, mais pour toute une famille. Derrière, beaucoup de personnes vivent grâce à ces revenus. Les tour-opérateurs ont fait ce qu'ils ont pu, mais maintenant ils sont abandonnés.
J'aimerais que nous les aidions à tenir, même si je n'ai pas la solution. Il faut de l'entraide et les aider. J'essaye de faire ce que je peux en mettant les uns et les autres en contact, au gré des ouvertures, mais ce n'est pas suffisant.
Imaginez un peu en octobre, les animateurs ont été contactés pour partir dans les clubs en novembre, puis il y a eu le confinement et fermeture des frontières. Puis cela a été encore le cas en janvier.
Ils passent de la lumière au noir complet, en l'espace de quelques jours.
TourMaG.com - Vous êtes inquiet pour l'avenir des villages-vacances et des clubs ?
Nacer Bouguerra : Non, je me demande surtout à quoi ressemblera l'industrie demain.
Il ne sera plus possible d'accueillir 40 enfants dans un mini-club. J'ai du temps, j'en profite pour réfléchir sur l'avenir des clubs, les concepts de demain autour du numérique.
Toutes les activités en commun ne seront plus possibles, ni tolérées, comme par le passé. Nous allons devoir redéfinir le concept club, surtout les moments de partage et d'animations.
De plus, il ne faut pas oublier que seuls les pays riches ont reçu les vaccins, dans certains cas, la population ne sera pas vaccinée. A Saint-Domingue ou en Tunisie, en Haïti ou en Thaïlande ce n'est pas demain que les populations seront vaccinées, alors comment ferons-nous ?
Si demain, les animateurs tunisiens ou marocains reviennent dans les clubs, comment faire pour les vacciner ? Les tour-opérateurs devront-ils prendre en charge les vaccinations ? Et quid de la responsabilité, s'il y a des contaminations après une activité ?
L'âme du village vacances va perdurer, mais tout ce qui est partage et moments en commun, tout cela doit être repensé. Sans une très bonne couverture de la population mondiale au niveau de la vaccination, je pense que les deux ou trois ans à venir seront très compliqués.
Tant que ce ne sera pas le cas, nous allons devons tout repenser autour de la covid-19. Le club d'hier que nous proposions, nous allons devoir le repenser, c'est obligatoire.
Nacer Bouguerra : Non, il faut parler d'eux, mettre sur la table la réalité de la situation.
Nous devons leur renvoyer la balle, car sans eux, les villages-vacances et les tour-opérateurs ne sont rien. Nous devons les aider. Et encore je vous parle là des animateurs, mais à destination, il y a aussi les guides, les services de transferts, etc.
Nous parlons là de personnes qui se retrouvent sans aucune aide financière. Ce n'est pas avec les 20 euros accordés par le gouvernement tunisien qu'ils vont vivre.
Les mômes du Sénégal ou Haïti ne travaillent pas pour eux, mais pour toute une famille. Derrière, beaucoup de personnes vivent grâce à ces revenus. Les tour-opérateurs ont fait ce qu'ils ont pu, mais maintenant ils sont abandonnés.
J'aimerais que nous les aidions à tenir, même si je n'ai pas la solution. Il faut de l'entraide et les aider. J'essaye de faire ce que je peux en mettant les uns et les autres en contact, au gré des ouvertures, mais ce n'est pas suffisant.
Imaginez un peu en octobre, les animateurs ont été contactés pour partir dans les clubs en novembre, puis il y a eu le confinement et fermeture des frontières. Puis cela a été encore le cas en janvier.
Ils passent de la lumière au noir complet, en l'espace de quelques jours.
TourMaG.com - Vous êtes inquiet pour l'avenir des villages-vacances et des clubs ?
Nacer Bouguerra : Non, je me demande surtout à quoi ressemblera l'industrie demain.
Il ne sera plus possible d'accueillir 40 enfants dans un mini-club. J'ai du temps, j'en profite pour réfléchir sur l'avenir des clubs, les concepts de demain autour du numérique.
Toutes les activités en commun ne seront plus possibles, ni tolérées, comme par le passé. Nous allons devoir redéfinir le concept club, surtout les moments de partage et d'animations.
De plus, il ne faut pas oublier que seuls les pays riches ont reçu les vaccins, dans certains cas, la population ne sera pas vaccinée. A Saint-Domingue ou en Tunisie, en Haïti ou en Thaïlande ce n'est pas demain que les populations seront vaccinées, alors comment ferons-nous ?
Si demain, les animateurs tunisiens ou marocains reviennent dans les clubs, comment faire pour les vacciner ? Les tour-opérateurs devront-ils prendre en charge les vaccinations ? Et quid de la responsabilité, s'il y a des contaminations après une activité ?
L'âme du village vacances va perdurer, mais tout ce qui est partage et moments en commun, tout cela doit être repensé. Sans une très bonne couverture de la population mondiale au niveau de la vaccination, je pense que les deux ou trois ans à venir seront très compliqués.
Tant que ce ne sera pas le cas, nous allons devons tout repenser autour de la covid-19. Le club d'hier que nous proposions, nous allons devoir le repenser, c'est obligatoire.
"Le club est dans la culture française, mais la queue leu leu est terminée"
TourMaG.com - La réouverture des frontières risque donc d'entrainer quelques déconvenues, car les infrastructures ne seront pas comme nous les avons laissées, après parfois deux années sans client...
Nacer Bouguerra : Oui, c'est une certitude.
Vous avez des TO et des propriétaires qui ne pourront pas faire de lourds investissements, après la crise que nous avons vécue. Nous ferons avec ce qu'il y a de disponible, en attendant des jours meilleurs.
Toutes les entreprises du secteur sont en mode survie.
Je suis en contact avec plein de personnes de l'industrie, je peux vous dire qu'il y a une détresse importante. Malgré des aides, vous avez des agents de voyages qui sont à bout, après une année sans activité.
Je ne vois pas une réelle reprise avant septembre ou octobre 2021. Nous ne devons pas oublier que les destinations où nous envoyons nos clients, ce sont bien souvent des pays en difficultés.
En France, nous avons les vaccins et nous y aurons tous l'accès, mais les pays où nous opérons, ce ne sera pas le cas.
TourMaG.com - Comment imaginez-vous les clubs et les villages-vacances de demain ?
Nacer Bouguerra : Il n'y aura plus de grands volumes, les populations vont faire attention.
Les buffets ne reviendront peut-être plus. Je pense que les clubs gigantesques sont terminés. Les voyageurs vont vouloir des établissements plus intimistes, tout en ayant le partage et la convivialité.
Il faut réfléchir maintenant, à ce que sera le club de demain. Je ne dis pas que les villages vacances vont disparaître, ils vont rester le produit phare dans les agences de voyages, mais nous devons nous adapter.
Le club est dans la culture française, mais la queue leu leu est terminée. Tout comme le travail a évolué avec la visio, les animations vont changer. C'est une chance et une opportunité, nous devons profiter de cette période pour révolutionner l'existant.
Dans la brochure de demain, la page sanitaire sera, je pense très importante...
Nacer Bouguerra : Oui, c'est une certitude.
Vous avez des TO et des propriétaires qui ne pourront pas faire de lourds investissements, après la crise que nous avons vécue. Nous ferons avec ce qu'il y a de disponible, en attendant des jours meilleurs.
Toutes les entreprises du secteur sont en mode survie.
Je suis en contact avec plein de personnes de l'industrie, je peux vous dire qu'il y a une détresse importante. Malgré des aides, vous avez des agents de voyages qui sont à bout, après une année sans activité.
Je ne vois pas une réelle reprise avant septembre ou octobre 2021. Nous ne devons pas oublier que les destinations où nous envoyons nos clients, ce sont bien souvent des pays en difficultés.
En France, nous avons les vaccins et nous y aurons tous l'accès, mais les pays où nous opérons, ce ne sera pas le cas.
TourMaG.com - Comment imaginez-vous les clubs et les villages-vacances de demain ?
Nacer Bouguerra : Il n'y aura plus de grands volumes, les populations vont faire attention.
Les buffets ne reviendront peut-être plus. Je pense que les clubs gigantesques sont terminés. Les voyageurs vont vouloir des établissements plus intimistes, tout en ayant le partage et la convivialité.
Il faut réfléchir maintenant, à ce que sera le club de demain. Je ne dis pas que les villages vacances vont disparaître, ils vont rester le produit phare dans les agences de voyages, mais nous devons nous adapter.
Le club est dans la culture française, mais la queue leu leu est terminée. Tout comme le travail a évolué avec la visio, les animations vont changer. C'est une chance et une opportunité, nous devons profiter de cette période pour révolutionner l'existant.
Dans la brochure de demain, la page sanitaire sera, je pense très importante...