Les fraudeurs usurpent une identité et falsifient ensuite des papiers pour pouvoir réserver et embarquer - DR Fotolia
TourMaG.com – Comment les fraudeurs opèrent-ils concrètement ?
Jean-Claude Journeau : "En ce qui me concerne, j'ai été contacté par un soit-disant agent immobilier qui voulait ouvrir un compte client dans mon agence de voyages.
Je lui ai demandé une pièce d'identité, 1 RIB, le bilan de sa société et un Kbis. Nous avons ensuite vérifié les informations sur Infogreffes et dans l'annuaire des sociétés française.
Tout concordait. Par conséquent, nous lui avons demandé un bon de commande signé, une photocopie recto verso de sa carte bancaire (CB) ainsi qu'une autorisation de débit.
Suite à quoi, il nous a commandé un billet d'avion. Notre terminal de paiement par CB a autorisé la transaction. Donc nous lui avons délivré le billet.
Ensuite, ce même individu a passé de nombreuses commandes dans notre agence. Nous nous sommes quand même rapprochés de notre banquier qui nous a dit qu'il n'y avait aucun souci du moment que le terminal CB nous avait délivré le ticket de paiement.
Sauf qu'environ un mois plus tard, je me suis rendu compte que les paiements avaient été rejetés. Nous avons contacté le client qui nous a renvoyé un nouveau numéro de CB.
Mais, par la suite, de nombreux autres paiements ont été refusés.
J'ai alors envoyé une facture à l'adresse de l'agence immobilière qu'il nous avait indiquée. Mais l'agent en question nous a signalé qu'il n'avait jamais passé commande chez nous.
Alors, j'ai de suite été porté plainte pour fraude à la CB et usurpation d'identité. Au total, j'ai subi un préjudice de plus de 100 000 euros.
Avec les conséquences déjà décrites dans l'article précédent.
Après coup, j'ai appris que l'agent immobilier dont l'identité a été utilisée a reçu des factures impayées pour de nombreux abonnements téléphoniques et même pour une maison !
D'autres agents se sont faits avoir car ils n'avaient pas pris assez de précaution. Ils ont accepté un paiement à distance sans vraiment vérifier l'identité de l'acheteur."
TM.com – Mais comment font les fraudeurs pour embarquer ensuite ?
J-C.J : "Ils nous fournissent des documents d'identité qui, en fait, ont été falsifiés sur Photoshop.
Pour le faire, ils ont juste besoin d'un nom qui existe. Ensuite, ils peuvent créer tous les papiers dont ils ont besoin. Si le numéro du document présenté à l'aéroport correspond à celui donné par l'agence à la compagnie, personne ne se rend compte de rien.
J'ai alerté la Brigade anti criminalité (BAC) et nous avons, ensemble, essayé de les prendre en flagrant délit. Mais, soit, nous n'étions pas en mesure de voir que le document était faux et donc de remettre en question la bonne foi du voyageur, soit celui-ci ne s'est jamais présenté à l'embarquement.
Les services de la BAC en ont déduit qu'il était possible que nous ayons été repérés par des guetteurs."
Jean-Claude Journeau : "En ce qui me concerne, j'ai été contacté par un soit-disant agent immobilier qui voulait ouvrir un compte client dans mon agence de voyages.
Je lui ai demandé une pièce d'identité, 1 RIB, le bilan de sa société et un Kbis. Nous avons ensuite vérifié les informations sur Infogreffes et dans l'annuaire des sociétés française.
Tout concordait. Par conséquent, nous lui avons demandé un bon de commande signé, une photocopie recto verso de sa carte bancaire (CB) ainsi qu'une autorisation de débit.
Suite à quoi, il nous a commandé un billet d'avion. Notre terminal de paiement par CB a autorisé la transaction. Donc nous lui avons délivré le billet.
Ensuite, ce même individu a passé de nombreuses commandes dans notre agence. Nous nous sommes quand même rapprochés de notre banquier qui nous a dit qu'il n'y avait aucun souci du moment que le terminal CB nous avait délivré le ticket de paiement.
Sauf qu'environ un mois plus tard, je me suis rendu compte que les paiements avaient été rejetés. Nous avons contacté le client qui nous a renvoyé un nouveau numéro de CB.
Mais, par la suite, de nombreux autres paiements ont été refusés.
J'ai alors envoyé une facture à l'adresse de l'agence immobilière qu'il nous avait indiquée. Mais l'agent en question nous a signalé qu'il n'avait jamais passé commande chez nous.
Alors, j'ai de suite été porté plainte pour fraude à la CB et usurpation d'identité. Au total, j'ai subi un préjudice de plus de 100 000 euros.
Avec les conséquences déjà décrites dans l'article précédent.
Après coup, j'ai appris que l'agent immobilier dont l'identité a été utilisée a reçu des factures impayées pour de nombreux abonnements téléphoniques et même pour une maison !
D'autres agents se sont faits avoir car ils n'avaient pas pris assez de précaution. Ils ont accepté un paiement à distance sans vraiment vérifier l'identité de l'acheteur."
TM.com – Mais comment font les fraudeurs pour embarquer ensuite ?
J-C.J : "Ils nous fournissent des documents d'identité qui, en fait, ont été falsifiés sur Photoshop.
Pour le faire, ils ont juste besoin d'un nom qui existe. Ensuite, ils peuvent créer tous les papiers dont ils ont besoin. Si le numéro du document présenté à l'aéroport correspond à celui donné par l'agence à la compagnie, personne ne se rend compte de rien.
J'ai alerté la Brigade anti criminalité (BAC) et nous avons, ensemble, essayé de les prendre en flagrant délit. Mais, soit, nous n'étions pas en mesure de voir que le document était faux et donc de remettre en question la bonne foi du voyageur, soit celui-ci ne s'est jamais présenté à l'embarquement.
Les services de la BAC en ont déduit qu'il était possible que nous ayons été repérés par des guetteurs."
Les autorités compatissent... mais ne font rien
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TM.com – Combien d'agents vous ont contacté pour vous signaler de telles fraudes ?
J-C.J : "Selon le Journal Officiel, l'association a été créée en novembre 2011. Depuis cette date, une cinquantaine d'agents de voyages victimes du même type d'arnaque se sont manifestés."
TM.com – En février 2012, vous expliquiez que vous souhaitiez profiter de la campagne électorale des Présidentielles pour alerter les candidats. Quels ont été les résultats de cette démarche ?
J-C.J : "Rien n'a bougé. Même du côté du Syndicat National des Agents de Voyages (SNAV).
En fait, toutes les personnes à qui je m'adresse semblent me comprendre, voire même compatir, mais, finalement, elles ne font rien....
En ce qui concerne l'arnaque dont j'ai personnellement été victime, j'ai quand même réussi à obtenir le numéro de téléphone et l'adresse de l'employeur du fraudeur. Je les ai donnés à la gendarmerie.
Mais, quelques jours plus tard, j'ai reçu un courrier m'expliquant que le Parquet avait décidé de classer l'enquête."
TM.com – Quelles actions menez-vous avec votre association ?
J-C.J : "Pour l'instant, je m'occupe de regrouper les plaintes de confrères victimes de ces fraudes. J'essaie de constituer un dossier le plus important possible pour, par la suite, être en mesure de déposer une plainte collective.
J'ai également été en contact récemment avec le responsable de la Brigade des fraudes aux moyens de paiements (BFMP) par le biais du collectif.
Malheureusement, il n'a pas pu m'aider. Il m'a expliqué que ses équipes recherchaient plutôt les fabricants de fausses cartes bancaires.
J'ai entendu, dernièrement, une phrase du chef du gouvernement dans laquelle il faisait part de son intention de lutter contre les abus de la finance et des banques.
Ce que je veux leur faire comprendre, c'est qu'il faut également qu'ils s'intéressent à la sécurité des transactions.
J'ai déjà eu des contacts avec le gouvernement sur ces sujets. Mais, le problème, c'est que depuis toutes les équipes ont changé. Je dois tout reprendre à zéro."
J-C.J : "Selon le Journal Officiel, l'association a été créée en novembre 2011. Depuis cette date, une cinquantaine d'agents de voyages victimes du même type d'arnaque se sont manifestés."
TM.com – En février 2012, vous expliquiez que vous souhaitiez profiter de la campagne électorale des Présidentielles pour alerter les candidats. Quels ont été les résultats de cette démarche ?
J-C.J : "Rien n'a bougé. Même du côté du Syndicat National des Agents de Voyages (SNAV).
En fait, toutes les personnes à qui je m'adresse semblent me comprendre, voire même compatir, mais, finalement, elles ne font rien....
En ce qui concerne l'arnaque dont j'ai personnellement été victime, j'ai quand même réussi à obtenir le numéro de téléphone et l'adresse de l'employeur du fraudeur. Je les ai donnés à la gendarmerie.
Mais, quelques jours plus tard, j'ai reçu un courrier m'expliquant que le Parquet avait décidé de classer l'enquête."
TM.com – Quelles actions menez-vous avec votre association ?
J-C.J : "Pour l'instant, je m'occupe de regrouper les plaintes de confrères victimes de ces fraudes. J'essaie de constituer un dossier le plus important possible pour, par la suite, être en mesure de déposer une plainte collective.
J'ai également été en contact récemment avec le responsable de la Brigade des fraudes aux moyens de paiements (BFMP) par le biais du collectif.
Malheureusement, il n'a pas pu m'aider. Il m'a expliqué que ses équipes recherchaient plutôt les fabricants de fausses cartes bancaires.
J'ai entendu, dernièrement, une phrase du chef du gouvernement dans laquelle il faisait part de son intention de lutter contre les abus de la finance et des banques.
Ce que je veux leur faire comprendre, c'est qu'il faut également qu'ils s'intéressent à la sécurité des transactions.
J'ai déjà eu des contacts avec le gouvernement sur ces sujets. Mais, le problème, c'est que depuis toutes les équipes ont changé. Je dois tout reprendre à zéro."
TM.com – Quels conseils donneriez-vous à un agent de voyages pour lui éviter de tomber dans les pièges des fraudeurs ?
J-C.J : "Pour moi, la première chose à faire est de demander l'identité de la personne ou le Kbis, un RIB et un bilan pour un compte au nom d'une entreprise et vérifier ces informations.
En cas de doute sur une CB, il faut également contacter son banquier pour vérifier le paiement.
Le problème c'est que celui-ci répond en général : "si vous avez le ticket de paiement de votre terminal CB, c'est bon." Sauf que ma propre expérience montre que cela n'est pas forcément le cas.
Donc, mon principal conseil serait qu'en cas de doute, il vaut mieux refuser d'effectuer la vente à distance.
J'invite également tous les professionnels arnaqués à me contacter. Plus nous serons nombreux à nous faire connaître, plus nous serons crédibles et plus nous serons en mesure de peser sur les autorités pour les inciter à améliorer la sécurité des transactions."
TM.com – Pour aider les agents qui nous lisent, auriez-vous une liste des noms le plus souvent utilisés par les fraudeurs ?
J-C.J : "Avant de répondre à cette question, je veux préciser que ce qui peut alerter l'agent, c'est surtout la destination demandée.
En général, le premier billet concerne un vol Paris-Londres ou Paris-Rome pour ne pas éveiller les soupçons. Mais, directement après, il vont commander un vol vers Abidjan, Istanbul ou Madagascar...
Pour les noms, qui reviennent le plus souvent, nous en avons identifiés un certain nombre : M. Lecoutre, M. Le Goff, M. Lepoutre Bertrand, M. Pique Fred, M. Payet Jean Alfred, M. White James, M. Durocher Gérard, M. Delaflore Jérôme, M. Cole Jones et M. Karamardian Nicolas."
J-C.J : "Pour moi, la première chose à faire est de demander l'identité de la personne ou le Kbis, un RIB et un bilan pour un compte au nom d'une entreprise et vérifier ces informations.
En cas de doute sur une CB, il faut également contacter son banquier pour vérifier le paiement.
Le problème c'est que celui-ci répond en général : "si vous avez le ticket de paiement de votre terminal CB, c'est bon." Sauf que ma propre expérience montre que cela n'est pas forcément le cas.
Donc, mon principal conseil serait qu'en cas de doute, il vaut mieux refuser d'effectuer la vente à distance.
J'invite également tous les professionnels arnaqués à me contacter. Plus nous serons nombreux à nous faire connaître, plus nous serons crédibles et plus nous serons en mesure de peser sur les autorités pour les inciter à améliorer la sécurité des transactions."
TM.com – Pour aider les agents qui nous lisent, auriez-vous une liste des noms le plus souvent utilisés par les fraudeurs ?
J-C.J : "Avant de répondre à cette question, je veux préciser que ce qui peut alerter l'agent, c'est surtout la destination demandée.
En général, le premier billet concerne un vol Paris-Londres ou Paris-Rome pour ne pas éveiller les soupçons. Mais, directement après, il vont commander un vol vers Abidjan, Istanbul ou Madagascar...
Pour les noms, qui reviennent le plus souvent, nous en avons identifiés un certain nombre : M. Lecoutre, M. Le Goff, M. Lepoutre Bertrand, M. Pique Fred, M. Payet Jean Alfred, M. White James, M. Durocher Gérard, M. Delaflore Jérôme, M. Cole Jones et M. Karamardian Nicolas."
Pour contacter Jean-Claude Journeau dans le cadre de son collectif de défense des agents de voyages victimes de fraudes à la carte bancaire, vous pouvez envoyer un mail à ave-cb@orange.fr ou appeler au 06 76 05 15 93.