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Désintermédiation : quand tout le monde veut vendre tout le monde...

Analyse rédigée par Claude Péloquin - Réseau de veille en tourisme de la Chaire de tourisme Transat de l’ESG UQAM


Après avoir fait la pluie et le beau temps au début des années 2000, les agences en ligne ne cessent de perdre du terrain au profit des fournisseurs qui s’imposent grâce aux ventes directes sur Internet. De leur côté, les «tour-opérateurs» (T-O) traditionnels débarquent sur le champ de bataille des agences en ligne. Ils ouvrent leur jeu et misent sur le Web en déployant une offre diversifiée qui s’adresse directement au consommateur. Mais ce n’est pas tout: certains transporteurs profitent de leur important achalandage et commencent à ressembler étrangement à des voyagistes. La désintermédiation est bien amorcée !


Rédigé par Claude Peloquin le Mercredi 16 Avril 2008

Désintermédiation : quand tout le monde veut vendre tout le monde...
Dans un article précédent, on a vu que le paysage de la distribution continue de se transformer rapidement: le segment de l’agrément devient de plus en plus concentré.

(Lire aussi: Regard sur les grands changements du tour-operating mondial.)

Cette fois-ci, nous nous attardons à un autre phénomène d’importance au sein de la distribution: la désintermédiation.

Selon un sondage réalisé auprès de 25 000 Britanniques, lorsqu’il s’agit de choisir un transporteur pour leurs vacances d’agrément, les gens accordent encore plus d’importance au prix aujourd’hui qu’il y a 4 ans (tableau 1).

Chez la clientèle d’agrément, la demande de voyages à rabais ne s’essouffle pas. Dans le cas d’un voyage par avion, près du quart (24%) des gens déterminent la date de leur départ en fonction de la disponibilité de tarifs à rabais.
Le règne des low costs

Au Canada, l’incursion du modèle low cost a connu des résultats mitigés. À part le succès de la compagnie WestJet, les autres initiatives telles que Jetsgo, Zip, Canjet, Tango et Canada 3000 ont toutes rencontré d’importantes difficultés.

En Europe par contre, le modèle low cost utilisé par de nombreux transporteurs aériens continue de performer. C’est le segment qui affiche la plus forte croissance dans le tourisme de masse: le nombre de vols low cost a doublé de 2004 à 2007 pour atteindre 4500 vols quotidiens. Ryanair transporte désormais plus de passagers en Europe que British Airways.

Transporteurs ou grossistes ?

Et ce n’est pas fini puisqu’on anticipe une croissance de 86% du marché de 2007 à 2012, pour desservir un volume annuel de 185 millions de passagers.

Actuellement, la part de marché des transporteurs low cost en Europe, pour ce qui est du nombre de déplacements, est de 16%. Ryanair, easyJet et Air Berlin contrôlent les deux tiers de ce marché en termes de nombre de passagers.

Au cours des dernières années, la concurrence livrée par les transporteurs low cost s’est transportée sur un nouveau territoire, celui des forfaits de vacances. Le traditionnel 7/14 jours n’est plus un inconditionnel. Des produits plus flexibles comme le city break deviennent très tendance.

C’est parce qu’ils répondaient à ce besoin que les transporteurs low cost ont grugé une part significative de la clientèle du transport nolisé des T-O, non seulement au volet des vols mais aussi des forfaits avec transport et hébergement. Ils ont notamment réalisé des gains significatifs en Europe sur le créneau «plage» court-courrier des T-O.

Grâce à leur capacité améliorée pour la réservation d’hôtels, les low costs parviennent à concurrencer sérieusement les grandes agences en ligne présentes en Europe (Expedia et Lastminute), lesquelles n’ont pas accès à l’inventaire des joueurs importants tels que Ryanair et easyJet.

Cette incursion des low costs dans le dynamic packaging, qui permet aux voyageurs de concevoir leur propre forfait, a fait très mal aux grands T-O qui misent principalement sur le volume, avec de faibles marges.

Les TO réagissent

Les grands T-O ont pris au sérieux la menace de la vente directe sur Internet. Au cours des dernières années, ils ont investi massivement pour rattraper le temps perdu. (Lire aussi: Les voyagistes en direct, le mouvement s’accélère.) En 2006, les ventes en ligne de TUI ont totalisé 2,2 milliards d’euros.

Pour répondre au besoin de flexibilité du consommateur, particulièrement sur le plan des forfaits court-courrier, les T-O ont commencé à permettre l’assemblage des vacances en ligne avec des blocs séparés pour les vols et l’hébergement.

Le dynamic packaging gagnera en popularité en raison de cette volonté des consommateurs d’acheter les composantes individuellement et de jouir d’un maximum de flexibilité.

En Europe, les forfaits modulés, constitués par la clientèle, comptaient pour 6 % du marché d’agrément en 2000. On estime qu’ils atteindront 30 % en 2010.

easyJet symbolise ce que devient la désintermédiation

Désintermédiation : quand tout le monde veut vendre tout le monde...
En 2007, easyJet a transporté plus de 32 millions de passagers. Afin de maximiser sa rentabilité, l’entreprise tire une importante partie de ses revenus de sources complémentaires aux ventes de sièges.

En 2006, les revenus dérivés (voitures de location, assurances, excès de bagages, frais de modification, etc.) d’easyJet ont augmenté de 34%. Quant aux recettes provenant des revenus des partenaires, elles se sont accrues de façon spectaculaire (+83%).

C’est pour capitaliser sur la vente d’autres produits touristiques que la compagnie a lancé à l’été 2007 sa nouvelle filiale easyJetHolidays. Celle-ci symbolise ce que peuvent devenir les low costs: des T-O qui permettent aux internautes de bâtir leurs voyages à la carte.

easyJetHolidays est un portail de réservation pour le marché britannique où les voyageurs ont accès à 75 destinations et à 10 000 hôtels en Europe. Pour easyJet, cette action constitue une nouvelle phase de développement en diversifiant la marque vers une formule hybride entre le T-O en ligne et le supermarché du voyage.

Le positionnement marketing fait ressortir certains avantages par rapport aux agences en ligne ou aux T-O, soit: pas de commission et aucune durée de séjour imposée.

Plus près de nous, WestJet semble aller dans la même direction avec son portail grand public WestJet Vacations inauguré à l’été 2006. De 2007 à 2008, ses revenus devraient passer de 50 M$ à plus de 120 M$.

Plusieurs transporteurs comme Air Canada proposent une offre élargie d’hébergement. Marriott vend des forfaits complets, y compris les billets d’avion (image). Bref, l’industrie touristique n’a jamais été aussi décloisonnée !

Quand les métamoteurs se mettent de la partie

Pourquoi ajouter les métamoteurs dans l’équation ? Peu connus du grand public jusqu’à récemment, ces outils gagnent rapidement en notoriété. Selon PhoCusWright, 57% des e-touristes canadiens les utilisent.

Une majorité de voyageurs optent pour des comparateurs de prix, mais préfèrent conclure la transaction directement sur le site du fournisseur. C’est précisément ce que les métamoteurs permettent de faire, contrairement aux sites des agences en ligne.

Kayak et SideStep sont les deux principaux leaders (graphique 1). En décembre dernier, ces deux entreprises ont fusionné, ce qui ne pourra qu’accélérer leur influence sur la distribution en ligne des produits touristiques.

C’est dans ce contexte que ces intermédiaires deviendront de plus en plus pertinents pour les «tour-opérateurs» qui chercheront à attirer les internautes directement sur leur site.

Vers une redéfinition des rôles

Désintermédiation : quand tout le monde veut vendre tout le monde...
Considérant que le volet transport constitue souvent la première étape de la planification d’un voyage, le rôle que joueront les compagnies aériennes comme portail de réservation revêt une importance stratégique en termes de distribution.

D’une part les T-O vendront de plus en plus directement aux consommateurs en ligne. D’autre part les agences en ligne continueront de développer leurs forfaits.

Quant aux chaînes hôtelières et aux compagnies aériennes, elles s’aventureront de plus en plus loin dans la vente d’autres composantes touristiques. Avec tous ces chassés-croisés, le média ou l’intermédiaire de la transaction deviendra de plus en plus difficile à discerner pour le consommateur.

En syndication avec Veille Canada - http://veilletourisme.ca/

Réseau de veille en tourisme de la Chaire de tourisme Transat de l’ESG UQAM

Sources:
- Badrinathan, Ram et Michael Cannizzaro. «The Breakdown of the Tour Operator Business Model: Fixed Menu or Buffet?», PhoCusWright, mars 2007.
- Gunnion, Stephen. «Budget Airlines Reach for the Skies», The Financial Times, 28 novembre 2007.
- Lainé, Linda. «Faut-il craindre les TO en ligne?», L’Écho touristique, no 2836, 7-13 décembre 2007.
- Market Business Development. «The UK Tour Operators Market Development», 2007.
- Merten, Ralph. «Multi-Channel Distribution: Focus on Tour Operators», PhoCusWright, octobre 2007.
- Mintel International Group. «European Leisure Travel Industry», septembre 2007.
- Mintel International Group. «No-frills/Low-cost Airlines», juin 2007.
- Quinby, Douglas. «Canadian Online Travel Overview», PhoCusWright, juin 2007.
- Saks, Greg. «Analysis of Kayak.com and SideStep.com Merger», Compete, 27 décembre 2007.

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Commentaires

1.Posté par Gilles Gompertz le 17/04/2008 12:34 | Alerter
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Les faits et les chiffres sont têtus : il faut être aussi entreprenant que les compagnies Low Cost pour rester dans le marché.

Cette partie n'est pas perdue d'avance. Un "petit" TO comme ITALOWCOST, affrète des appareils et prend des sièges à l'année (sur une low cost), s'engage sur des chambres à l'année dans des hôtels 4 * à Venise et à Rome, attend 98,5% de remplissage, et fait des bénéfices.

Incroyable ? NON !!!!

2.Posté par Nicolas le 18/04/2008 14:20 | Alerter
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Très intructif et veille canada est toujours aussi pertinent dans les sujets proposés. Félicitations à Tourmag pour sa coopération avec eux.
Mais revenons au sujet. On assiste plus à un changement d'acteurs que réellement à un changement de modèle puisque les Low Costs (auparavant New Entrants) se transforment en TO en Ligne en basant leur modèle sur la demande des consommateurs de pouvoir utiliser des "one stop shops", et ne pas avoir à faire leur shopping sur 4 à 5 sites différents pour boucler leur séjour. Limite que rencontrait d'ailleurs les fournisseurs jusqu'à l'avénement du package dynamique.

Malgré tout, on s'apercoit que Ryanair ou Easyjet utilisent souvent des opérateurs extérieurs (ou affiliés) pour gérer la réservation de prestations ou services tiers, ce qui revient pratiquement à utiliser une agence en ligne non? (comm etc)
Difficile dans ce cas de parler réellement de désintermédiation mis à part pour les compagnies low cost elles-mêmes.
A voir si les autres types de fournisseurs auront la capacité de transformer leurs sites en on-stop shop à leur tour.

Bonne continuation


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