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FUTUROSCOPIE - Pollutions lumineuses : un combat urgent et légitime

Décryptage de Josette Sicsic, Futuroscopie


Après que Nancy et Strasbourg aient signé une charte visant à lutter contre la pollution lumineuse, la région Occitanie a décidé de s’attaquer elle aussi aux nuisances lumineuses, notamment celles provenant des éclairages publics. Une première matérialisée par la publication d’une cartographie de la pollution réalisée en partenariat avec les bureaux d’études DarkSkyLab et La Telescop.
Initiative remarquable, confirmant les dangers que représente un phénomène affectant toutes les espèces y compris les humains dont les rythmes biologiques souffrent d’une trop forte luminosité nocturne, cette initiative devrait faire des émules et le tourisme pourrait en profiter.


Rédigé par le Lundi 6 Septembre 2021

L’homme n’est pas la seule victime de la lumière, les plantes et les animaux le sont tout autant. Bien que la recherche soit encore loin d’avoir exploré le sujet en totalité, il semblerait que les mammifères marins et les oiseaux migrateurs comptent parmi les premières victimes de ces agressions lumineuses.  - Image par Pezibear de Pixabay
L’homme n’est pas la seule victime de la lumière, les plantes et les animaux le sont tout autant. Bien que la recherche soit encore loin d’avoir exploré le sujet en totalité, il semblerait que les mammifères marins et les oiseaux migrateurs comptent parmi les premières victimes de ces agressions lumineuses. - Image par Pezibear de Pixabay
Depuis des photographies prises par satellites, la Haute-Garonne est le département occitan le plus exposé aux nuisances lumineuses.

Mais, toutes sortes d’autres photographies prises à quelque 800 kilomètres au-dessus de la terre par des équipes de chercheurs ont établi des cartes présentant sans équivoque possible le degré de luminosité de l’ensemble du monde.

Avec des taches rouges indiquant les territoires les plus exposés de la planète, dont Singapour ou Times Square à New York ou encore Hong-Kong...

Ce qui signifie, dans un premier temps, que les populations de ces villes ne peuvent pas voir plus de 12 étoiles dans le ciel, même quand celui-ci est dégagé.

Une nuisance dont, à la limite, on pourrait s’accommoder. Mais, ce qui est mis en cause, ce n’est pas seulement la capacité de l’éclairage à dénaturer le spectacle du ciel, ce sont ses nuisances sur la santé de la planète et de l’humanité !

Certes, le sujet n’est pas nouveau. Voilà plus d’un quart de siècle que scientifiques et associations tirent la sonnette d’alarme. Avec un succès relatif et des réactions contraires à celles recherchées. Ainsi, on croit économiser de l’énergie en utilisant des LEDs.



L’intention est louable. Sauf que l’utilisation de LEDs incite à augmenter l’éclairage, donc ses nuisances sur le vivant. Et cela, d’autant que la lumière blanche émise est beaucoup plus riche en émissions aux basses longueurs d’ondes : violettes, bleues, vertes, qui se diffusent plus dans l’atmosphère. Quand on sait qu’en 2014, en France, 37 millions de lampes à Leds auraient été mises sur le marché, soit 87 % de plus que l’année précédente, on mesure l’ampleur du malentendu !

Malentendu issu de l’éclairage collectif urbain, mais aussi de l’éclairage domestique et de celui particulièrement nocif, que déploient les centres commerciaux et autres établissements nocturnes. A titre d’exemple, notons qu’aux USA, la Vallée de la mort, par exemple, est contaminée par l’éclairage des casinos et du Strip de Las Vegas alors qu’elle se situe à des centaines de kilomètres de là !

Le rythme circadien des hommes et de l’ensemble du vivant en danger

Mais, quelles sont les menaces sanitaires réelles ? Selon les épidémiologistes, il est clair que l’électricité n’existant que depuis le 19ème siècle et n’étant pas également diffusée sur toute la surface du globe, nous n’avons pas toujours le recul suffisant pour pouvoir être totalement affirmatifs sur les conséquences. Néanmoins, les scientifiques détiennent quelques vérités indiscutables.

En particulier, celles concernant l’impact de la lumière artificielle sur le rythme circadien, lequel constitue l’horloge biologique interne à partir de laquelle sont coordonnées l’activité, la température du corps, la fabrication d’hormones, déterminant les périodes de veille et de sommeil.

Etalée sur un cycle de 24 heures environ ou à peine plus, la rupture du rythme circadien se traduit par des réactions désastreuses pour l’organisme : obésité, insomnies, diabète, désordres de l’humeur et autres cancers.

Mais, l’homme n’est pas la seule victime de la lumière, les plantes et les animaux le sont tout autant. Bien que la recherche soit encore loin d’avoir exploré le sujet en totalité, il semblerait que les mammifères marins et les oiseaux migrateurs comptent parmi les premières victimes de ces agressions lumineuses. Les papillons de nuit et tout autres insectes également ainsi que les chauves-souris et oiseaux de nuit…

« Darkness tourism » tour d’horizon

En tout cas, alors que l’on estime que 80% de l’humanité ne voit plus le spectacle des étoiles, la bonne nouvelle réside dans le fait que les humains se retournent tout naturellement vers les espaces ayant réussi à se tenir à l’abri du fléau. Les touristes également.

En effet, alors que l’astronomie est devenue une activité touristique relativement répandue dans certaines régions de France et du globe réputées pour la luminosité de leur ciel, les Nord Américains ont été plus loin.

Ainsi, le Plateau du Colorado qui s’étire sur 200 000 km2 sur l’Utah, le Nouveau Mexique, l’Arizona et le Colorado, ne se contentent plus de protéger ses extraordinaires paysages rocheux et les vestiges de la civilisation Pueblo.

Alors que la pollution lumineuse se répand à travers le pays, le parc – ou plutôt les parcs qui le composent et sont réunis dans la « Colorado Plateau Dark Sky Cooperative » - a réussi à se faire connaître au niveau international parmi les sites où les nuits sont les plus noires.

Les nuits noires comme produits touristiques

Dès 2007, la Dark-Sky Association avait aussi couronné le parc Natural Bridges National Monument dans le sud-est de l’Utah de ses trophées annuels. L’an dernier, cette même association qui fait aujourd’hui autorité, a récompensé un autre parc du Nouveau Mexique à la fois pour la qualité de son obscurité mais aussi pour la qualité de ses actions visant à réduire la lumière, donc la pollution, ainsi que pour son programme d’éducation. Une récompense attribuée à 14 sites dans le monde seulement.

Quant à l’organisme qui décerne les récompenses, il fournit aussi des aides techniques afin de créer un modèle de protection de l’obscurité et dispose d’une logistique capable d’engager des actions de promotions touristiques, dont des festivals et autres événements mettant en valeur la fabuleuse expérience que représente la nuit noire.

Dans beaucoup de parcs nationaux, les programmes d’observation d’un ciel étoilé attirent ainsi de plus en plus de visiteurs cherchant à la fois grands espaces, silence et nuits étoilées. En somme, une sorte de retour quasi spirituel à un monde d’avant le monde, un monde non domestiqué dont l’humanité gardera éternellement la nostalgie. D’autant qu’elle l’a expérimenté en partie pendant les confinements. Grâce à cette activité, Bryce Canyon National Park, par exemple, a attiré à lui tout seul, en 2014, 50 000 séjours contribuant pour un montant de 2 millions de dollars à l’économie locale.

Notons aussi que Flagstaff, en Arizona, est la première « International Dark Sky City », grâce à sa réglementation et ses installations en faveur de la préservation de l’obscurité tandis que plusieurs autres bourgades s’activent sur des programmes d’initiation à l’astronomie.

Astroturismo en Amérique latine

Enfin, nul n’ignore plus que le désert chilien d’Atacama joue la carte d’un tourisme de grand luxe sous l’une des plus belles voûtes célestes du monde. Dans ce territoire magique, plusieurs observatoires ouverts au public, dont ALMA, le plus grand projet astronomique de la planète, proposent des visites de leurs installations et des observations du ciel, tandis que des resorts positionnés sur le bien-être combiné à l’astronomie attirent un tourisme très élitiste.

Mais, pas seulement. De nombreux amateurs d’astronomie en temps normal viennent aussi pratiquer un « astro tourisme » tel qu’il s’en développe aussi en Argentine, au Mexique, au Pérou, avec succès. Ce n’est pas vraiment le même concept mais ce n’en est pas loin.

Les réserves de ciel étoilé se développent

Enfin, dans l’Hexagone, depuis 20 ans, une association consacrée à la défense de la vie nocturne s’est constituée. C’est l’ANPCEN ou l’Association Nationale pour la Protection du Ciel, de la vie et de l’environnement Nocturne.

Très engagée, cette association mène un travail de fond, d’information du grand public, des collectivités locales et des professionnels. Parmi ses actions symboliques, elle a organisé en 2015 : un « Jour de la Nuit » ainsi qu’un concours des villes et villages étoilés qui étaient 722 en 2020 contre 39 en 2009. A consulter de toute urgence : http://www.anpcen.fr/.

Par ailleurs, notons le développement dans plusieurs villes, des collectifs de sportifs qui se sont notamment formés pour des opérations lights off qui consistent à éteindre soi-même les lumières des vitrines des commerces en effectuant des acrobaties dignes du parkour.

Le tout pour préserver monde végétal et animal. Tandis que, et surtout, après le Pic du Midi et le Parc des Cévennes, c’est au tour du Parc du Mercantour d’avoir reçu le label RICE ( Réserve internationale de Ciel étoilé) pour une partie de son territoire en décembre 2019. De plus en plus prisé, ce label consacre une démarche que d’autres parcs souhaitent suivre comme le PNR des Landes de Gascogne ( voir :
www.darksky.org).

Josette Sicsic
Josette Sicsic
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

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