TourMaG.com, le média spécialiste du tourisme francophone

logo Futuroscopie  




FUTUROSCOPIE - Restauration : "On est loin des pertes catastrophiques, annoncées ici et là !" selon Bernard Boutboul

l'interview de Bernard Boutboul. Président de Gira


A quelques heures de la réouverture des restaurants et de leurs terrasses, les Français sont fébriles. Mais pas autant que les restaurateurs qui s’affairent à repeindre, installer un nouveau mobilier, parfois un nouveau décor, réapprovisionner leurs cuisines, surveiller les travaux des nouvelles terrasses en bois qui jaillissent le long des trottoirs afin d’accueillir enfin leurs clients sevrés depuis sept mois ( du jamais vu !) de séjours rapides ou prolongés, dans ces havres de détente témoins de l’art de vivre à la française. Mais, après tant de mois de fermeture, les restaurants ont-ils profité de la crise pandémique pour se réinventer comme on l’entend souvent dire, ou au contraire sont-ils restés les mêmes ? Tandis que les médias ont accordé une énorme place aux changements d’habitudes des consommateurs et aux nouvelles tendances de la restauration, voyons ce qu’il en est exactement avec le spécialiste du sujet : Bernard Boutboul, président de Gira, un cabinet entièrement dédié au secteur de la restauration. Et vous le lirez, celui-ci n’est pas vraiment d’accord avec la rumeur ambiante…


Rédigé par le Lundi 17 Mai 2021

"La restauration a perdu 30 à 35% de son chiffre d’affaires, ce qui représente 35 milliards. C’est beaucoup, bien évidemment, mais c’est beaucoup moins que prévu et beaucoup moins qu’on l’a dit..."/crédit DepositPhoto
"La restauration a perdu 30 à 35% de son chiffre d’affaires, ce qui représente 35 milliards. C’est beaucoup, bien évidemment, mais c’est beaucoup moins que prévu et beaucoup moins qu’on l’a dit..."/crédit DepositPhoto
Futuroscopie : Premier point, pouvez-vous dresser un bilan de l’année écoulée sur le plan économique ?

Bernard Boutbou
l : "En 2020, la restauration a perdu 30 à 35% de son chiffre d’affaires, ce qui représente 35 milliards. C’est beaucoup, bien évidemment, mais c’est beaucoup moins que prévu et beaucoup moins qu’on l’a dit.
Pourquoi ? Pour la bonne et simple raison que la restauration en France aujourd’hui est constituée à 60% par des établissements de restauration rapide.

Or, ces établissements depuis 7 ou 8 ans progressent et n’ont pas été très affectés par la pandémie, le confinement, le télétravail etc. Ils n’ont perdu que la clientèle qui entrait dans leurs établissements qui est marginale et ont continué de fonctionner selon leurs habitudes sur de la livraison à emporter.

Les restaurants traditionnels pour leur part se sont mis au click & collect et surprise, sur les 5 mois de 2020 concernés par la fermeture, ils ont fait mieux que sur les mêmes 5 mois en 2019 ! Vous voyez, on est donc loin des pertes catastrophiques annoncées ici et là ! Et, en 2021, on devrait tourner autour des mêmes pertes : soit un tiers. "

Futuroscopie : Mais, qu’en est-il du boom de la livraison et des fameuses « Dark kitchen » tant présentées comme les grands gagnantes de la pandémie ? S’agit-il de boom médiatique seulement ?

Bernard Boutboul
: "Absolument. Il fallait bien trouver des sujets un peu spectaculaires pour occuper les médias, on a donc beaucoup évoqué les « dark kitchen », ces restaurants qui ne sont en fait que des cuisines confectionnant des repas à emporter. Le terme est séduisant et intriguant. Il a plu.

Mais, si l’on se penche sur les chiffres, je vais vous surprendre. Les Français tout d’abord ne sont pas de grands consommateurs de livraisons à domicile. En moyenne, un Français se fait livrer un repas par mois à domicile alors que les Européens s’en font livrer un par semaine. Surtout les anglo-saxons et les Européens du nord.

Pendant le confinement, ils ont été certes plus nombreux à avoir recours au click & collect et à la livraison mais en 2019, faites attention aux chiffres : la livraison représentait 2.5 milliards de C.A sur 100 milliards, donc très peu, et en 2020, elle n’a représenté que 3.5 milliards. C’est plus mais cela reste peu. Et, je vous garantis que dès que les restaurants rouvriront on retombera dans les chiffres de 2019 !"

Futuroscopie : Alors les Français ont-ils cuisiné des petits plats comme on tant dit et écrit ?

Bernard Boutboul
: Eh bien, sur ce point encore, désolé de contredire les clichés véhiculés par les médias : non, les Français qui cuisinent sont très peu. Ils ont surtout mangé des pâtes et du riz, et quelques plats refuges, comme l’indiquent les responsables de la grande distribution.

Les fins cuisiniers, les aventuriers culinaires sont plus rares qu’on le dit, même si effectivement on doit reconnaitre un engouement pour les fourneaux. En fait, les Français ont envie de bien manger, mais de bien manger façon restaurant.

Cet article exceptionnellement en libre accès, devrait vous donner envie d’en lire d’autres de la même veine, en accès payant, dans FUTUROSCOPIE. Sauf si vous êtes déjà abonné du MemberShipClub by TourMaG.com.

Bernard Boutboul, Président de Gira /crédit dr
Bernard Boutboul, Président de Gira /crédit dr
Futuroscopie : Vous m’étonnez ! Qu’en est-il des nouvelles pratiques alimentaires très axées sur la santé, donc sur le bio, le frais, le circuit court… ?

Bernard Boutboul
: "Je m’explique. Le Français a une double vie alimentaire. A la maison, effectivement, ceux qui ont les moyens de manger autre chose que des spaghettis soignent leur assiette et mange du bio si possible, du frais, pas d’emballages inutiles, et moins de viande.

Mais, le même Français toujours aussi paradoxal, quand il va au restaurant veut se faire plaisir. Il se délecte donc d’une nourriture grasse, salée, sucrée qui n’a rien de très diététique. Certes, une partie d’entre eux veut du frais et du circuit court, c’est vrai.

Mais, les « flexitariens », ceux qui passent d’une nourriture à l’autre, sont 42%. Ce qui me fait dire que, dès que les restaurants rouvriront, une grande partie de nos concitoyens reprendront d’autant plus ces habitudes alimentaires qu’ils ont envie de sortir, faire la fête, renouer avec la convivialité dont ils ont été privés si longtemps !"

Futuroscopie : Donc, vous n’avez pas d’inquiétude sur les mois à venir ?

Bernard Boutboul :
"Non. Aucune. Si le temps le permet, les terrasses seront pleines et les médias réserveront encore un tel écho à ces réouvertures que tout le monde aura envie de reprendre le chemin de son restaurant favori et des bars et cafés bien entendu. Et la livraison retombera à des niveaux d’avant crise. J’en suis persuadé."

Futuroscopie : Si je vous ai bien compris, la restauration demain sera comme le tourisme demain, elle ne changera pas vraiment ?

Bernard Boutboul
: "Absolument. Quelques mois ne suffisent pas à transformer des habitudes de consommation du tout au tout. A la marge, une fraction de la population restera peut-être sensible aux joies du click & collect mais, elle devrait vite les délaisser.

Comme, elle devrait délaisser, ce qui en revanche n’est pas une excellente nouvelle, les gestes sanitaires. Je crains en effet que dès les premiers signes de recul de la pandémie, certains oublient les masques, les gestes barrières et surtout le lavage de mains…"

Futuroscopie : Beaucoup de bruit pour rien, donc ?

Bernard Boutboul
: "Oui, en quelque sorte. D’autant que je vous le rappelle, la pratique régulière du restaurant reste le fait de 1 repas sur 6 chez les Français, et que celle des restaurants gastronomiques représente 2 % des 11 milliards de repas pris hors domiciles..."

Suivre : Bernard Boutboul :
https://www.giraconseil.fr
Prochaine parution de l’étude annuelle sur la restauration : fin mai 2021

Rédigé par Josette Sicsic. FUTUROSCOPIE


Lu 4195 fois

Notez

Nouveau commentaire :

Tous les commentaires discourtois, injurieux ou diffamatoires seront aussitôt supprimés par le modérateur.
Signaler un abus

Dans la même rubrique :
< >












































TourMaG.com
  • Instagram
  • Twitter
  • Facebook
  • YouTube
  • LinkedIn
  • GooglePlay
  • appstore
  • Google News
  • Bing Actus
  • Actus sur WhatsApp
 
Site certifié ACPM, le tiers de confiance - la valeur des médias