FUTUROSCOPIE - Villages : de la tradition à l’utopie, une offre intemporelle 🔑

Sur un strict plan touristique, le village compte parmi les entités les plus pérennes.

Mis au goût du jour par ces génies que furent Gérard Blitz, Gilbert Trigano, et autres protagonistes du tourisme social, il a su très vite trouver son public et le conquérir.

Plages, bains de mer et de soleil, farniente, fête, rencontres, loisirs sportifs, hébergement en huttes ou en cabanes… Tous les ingrédients étaient réunis après-guerre, pour enrôler des milliers de « gentils membres » dans des entités plus ou moins nouvelles que l’on eut le bon goût de ranger dans le champ sémantique de la collectivité territoriale : le « village » et dans un espace temporel rompant avec le quotidien : les « vacances ».

Fort de ces termes, auréolé de représentations massivement véhiculées par la publicité naissante, le village de vacances à la française est vite devenu un modèle et le modèle d’un nouveau lieu et d’un nouvel art de vivre ses vacances où, qui plus est, les barrières sociales sautaient et où la convivialité l’emportait.

Et cela, sans pour autant renoncer aux diktats d’une époque qui croyait dans l’éducation populaire et distillait volontiers conférences, débats, rencontres quotidiennes au sein de ces lieux magiques que le monde entier s’est empressé de recopier.

Tout en remplaçant cependant le terme de « village » par celui de « club » plus anglo-saxon et plus conforme à la terminologie un brin élitiste que les Britanniques ont voulu imposer au tourisme…

Source d’inspiration permanent pour les acteurs du tourisme (le groupe Pierre et Vacances n’a-t-il pas exemple baptisé « Villages nature » son dernier fleuron proche de Paris), le village est également une source d’inspiration pour le secteur du commerce et de la promotion immobilière, parfois à vocation touristique.

Combien de galeries commerciales dans le monde, construites de toutes pièces par des promoteurs en quête d’originalité, ont pris le visage de cette urbanité simple et fonctionnelle composée d’une place, une église, un marché, un lavoir, quelques maisons, ruelles, cafés et quelques commerces ?

Le groupe Disney a même entièrement créé la ville de « Célébration » sur ce modèle.

D’ailleurs, nombreux sont les parcs de loisirs à avoir adopté le concept en le transposant au Moyen-Age comme au Puy du Fou ou à l’époque romaine, ou encore préhistorique, dans un quelconque pays vrai ou faux comme celui du Père Noël en Laponie.

Répliques parfois miniaturisées du vrai village, ces fake villages remportent résolument un vrai succès dû à leur adéquation avec un imaginaire quasiment universel et une adaptation aux jeunes publics.

Mais, par les pandémies qui courent, et à l’heure où la mondialisation a perdu de son aura, les vrais villages ont aussi bonne presse.

En France, ils sont 18 000 de moins de 500 habitants et quelque 14 000 comptant plus de 500 habitants et moins de 3 500 !

Au pays des 36 000 communes, on n’est pas avare de ces petits hameaux souvent isolés et pauvres mais aux atouts patrimoniaux de si grande qualité qu’ils ont été classés dans des réseaux.

Comme celui des « Plus beaux villages de France » ou « Les plus beaux détours de France » et autres « Petites cités de caractère ».

Autant de lieux réunis dans l’association « France. Patrimoine. Territoires d’exception » présidée par Martin Malvy.

LIRE A CE SUJET : Martin Malvy : « Le patrimoine doit servir au développement de l'économie touristique... »

Mais, pourquoi le village traditionnel a-t-il du succès ? Les réponses sont multiples.

D’une part, le village tel que nous en avons en Europe, est profondément ancré dans son histoire et sa géographie.

Lieu d’habitation d’une population essentiellement paysanne jusqu’au siècle dernier, il incarne, surtout quand il est situé à la campagne et en moyenne montagne, le passé, ses traditions et ses valeurs : bienveillance, convivialité, solidité des liens familiaux, travail de la terre, vie et nourriture saine vécue au rythme des saisons, décor naturel préservé…

Autant d’ingrédients recherchés par les urbains d’aujourd’hui qui, surtout depuis la pandémie, fantasment volontiers sur un retour vers une nature et un passé idéalisé.

Loin du bruit, loin des foules, loin de la grande ville qui perd des points au profit des villes moyennes et de petites communes, nos villages bénéficient en somme de la tentation nostalgique, celle du « c’était mieux avant » pour retrouver des habitants, une vie et des couleurs.

Ils profitent aussi (comme déjà dit) de la vocation protectrice que semble avoir la campagne. Et ils profitent de la vogue du télétravail. Le tout dans un contexte économiquement favorable.

Bien que l’on ne mesure pas encore précisément le nombre de départs vers la campagne, le phénomène confirmé par les agents immobiliers des territoires ruraux, indique indéniablement une tendance à la hausse.

Quelques sondages précisent aussi d’ailleurs que plus de 50% des Franciliens par exemple se disent prêts à partir vivre au vert…

Mais, tous les villages ne sont pas égaux. La Meuse n’est pas le Lubéron. Les Hauts-de-France ne sont pas le pays de Fayence. Même le Piémont n’est pas la Toscane…

Situés dans des territoires hospitaliers, au climat ensoleillé, bien desservis, proches de villes moyennes offrant les services publics indispensables et un réseau internet de qualité, certains villages sont d’autant plus attractifs qu’ils ont un patrimoine touristique à valoriser et à offrir.

Ce qui leur permet par la même occasion de fournir quelques emplois.

En revanche, quand ni le climat, ni les services, ni le patrimoine ne sont au rendez-vous, le village peut être synonyme de galère et perdre rapidement tous ses atouts. Ce qui pourrait entraîner rapidement un mouvement de retour à la ville. E

ffet boomerang, soit ! Mais, le futur du tourisme aime le passé, les traditions et plus que tout notre histoire.

Une constante qui donne à penser que le village et sa mythologie ont de très beaux jours devant eux, à condition de le faire savoir et de se doter d’équipements adaptés, sans pour autant risquer de subir les tourments du sur-tourisme.

Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

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