Flash-back 2012 : en raison de l’ouragan Sandy, le marathon de New York est annulé

C’est souvent la course d’une vie. Celle que l’on dispute après des mois d’entrainement et de préparation. Celle aussi qui oblige parfois à d’importants sacrifices financiers.

Ce dimanche 4 novembre 2012 devait être une fête. Plus de 45 000 coureurs dont environ 2 000 Français devaient s’élancer dans les rues de New York pour boucler la distance mythique des 42,195 km à l’occasion cette 43e édition.

Mais en début de semaine le passage de l’ouragan Sandy fait d’énormes dégâts, y compris à New York qui se retrouve noyée sous les flots.

Michael Bloomberg, alors maire de Big Apple, décide pourtant de maintenir l’évènement avant, finalement, de l’annuler l’avant-veille de sa tenue. Il est vrai que la municipalité a beaucoup mieux à faire que de gérer le marathon. Si certains comprennent, d’autres se montrent plus circonspects.

D’autant que la décision d’annuler la course a été prise très tardivement, de nombreux coureurs étant déjà sur place.

En moyenne ce sont 20 000 participants étrangers qui s’alignent chaque année sur le marathon de New York. Dans les meilleurs années, on recense jusqu’à 8 000 Français.

Dans l’Hexagone, une demi-douzaine d'agences de voyages sont en contact avec l'organisateur de la course pour obtenir les précieux dossiers de participation. Thomas Cook et Contrastes Voyages constituent les principales.

Thomas Cook - qui fera faillite en septembre 2019 - avait par exemple 1 850 marathoniens et pas loin d'un millier d'accompagnants sur cette opération.

L’annulation du marathon de New York sème le désarroi parmi les compétiteurs déjà présents sur le sol américain même si, compte tenu des circonstances exceptionnelles (14 victimes de l'ouragan dans le New Jersey, 1,5 million de personnes privées d'électricité), cette annulation peut sembler tout à fait compréhensible.

Alors que quelque 600 marathoniens déçus décident de se retourner contre leur agence de voyages en France, Thomas Cook ouvre rapidement une cellule de crise. Le tour-opérateur affirme « prendre les dispositions nécessaires pour permettre le retour des clients conformément à leur réservation ».

Concernant les plaintes déposées, Richard Vainopoulos, président de TourCom, est convaincu qu’elles n’aboutiront pas. « Les participants sont partis en toute connaissance de cause, en sachant que l'ouragan Sandy faisait des dégâts.

Ce sont eux qui ont pris le risque de partir quand même, sachant que l'annulation de la course était possible », déclare-t-il à l’époque.

Il poursuit : « la décision d'annuler a été prise vendredi soir (Ndlr : deux jours avant la course). Tout ce qu'on peut faire c'est rembourser la participation au marathon. La loi actuelle protège les clients mais elle protège aussi les agences. Avant 1990, les agences n'auraient pas eu d'arguments pour se défendre. Ce n'est plus le cas ».

Se pose alors la question de savoir si le marathon peut être considéré comme une prestation touristique ?

Pour Maître Emmanuelle Llop du cabinet Equinoxe Avocats, la réponse est non. « J'aurai tendance à détacher la participation au marathon de New York de la responsabilité de plein de droit des agences.

C'est une interprétation qui doit être corroborée par les conditions générales de ventes. Il faut en fait bien spécifier la différence entre le forfait touristique et les prestations supplémentaires », nous avise-t-elle.

En février de l’année suivante, l’association New York Road Runners (NYRR), l’organisateur du marathon de New York, propose aux coureurs qui n'ont pas pu participer à cette course trois options de compensation : le remboursement du dossard, une place prioritaire pour l'un des trois prochains marathons ou encore un dossard pour le prochain semi-marathon.

Les clients des agences de voyages doivent alors faire part de leur choix à leur agence qui transmettra directement à l'organisateur.

Dix mois après les faits, une première décision de justice est rendue à Mende, en Lozère.

Elle condamne l’agence Sport Incentives et son assureur Allianz, à rembourser une trentaine de ses clients, essentiellement au titre d’un défaut d’information de la part de l’agence avant le départ. Au printemps 2014, nouvelle décision.

Différente de la précédente. Contrastes Voyages remporte la bataille face à 4 de ses clients.

Le juge du tribunal d’instance de Nice les a en effet déboutés au titre de la force majeure. Comme quoi les jugements peuvent se suivre et ne pas se ressembler.

Par la suite, plusieurs autres jugements ont été rendus, à Paris, Nice, Montpellier, Blois, Lorient ou encore au Mans. Si certains donnent raison aux clients, d’autres tranchent en faveur des agences de voyages.

C’est même d’ailleurs cette dernière tendance qui se dessine. Un an après avoir été condamnée, l’agence Sport Incentives gagne son procès en appel.

« Le coût du dossard n'est pas un élément du prix du forfait touristique et, bien que la motivation intime du client soit le marathon, la course n'est pas la cause du voyage, elle n'est pas un élément essentiel du contrat. L'agence de voyages n'a fait que vendre la possibilité de participer au marathon à ses clients » explique alors Emmanuelle Llop.

Après Contraste Voyages et Sport Incentives, le tribunal d’instance de Vanves en avril 2015 déboute les 11 clients de l'agence Planet Tours.

Le tribunal considère en effet le marathon comme une prestation incluse dans le forfait touristique des clients, en application de l'article L211-2 du Code du Tourisme, car cette épreuve ainsi que « la participation aux manifestations associées constituait bien le motif essentiel du séjour à New York et que l’ensemble doit donc être considéré comme faisant partie d'un forfait touristique ».

Plus de quatre ans après l'annulation du marathon de New York 2012, c’est cette fois l'agence Ouest Voyages qui gagne en appel contre un groupe de clients qui demandait des dommages et intérêts.

La Cour d’appel de Paris considère que l'annulation du marathon décidée par le maire de New York constitue le fait d'un tiers étranger à la fourniture des prestations, présentant un caractère imprévisible et insurmontable qui exonère la responsabilité de l'agence de voyages.

En conséquence, l'agence de voyages n'a manqué à aucune de ses obligations au titre des informations fournies aux voyageurs et des dispositions du Code du tourisme, et notamment qu'il n'y avait avant le départ, aucun élément rendant impossible l'organisation du marathon.

Au final, après les nombreux procès et multiples recours intentés par les coureurs déçus vis-à-vis de leurs agences de voyages, la justice a fini par trancher en faveur de ces dernières. À défaut d’avoir eu lieu sur la route, c’est ici la fin d’un long marathon judiciaire.

L’erreur finalement, c’est qu’en 2012 la municipalité de New York ait annoncé le maintien de l’épreuve avant de l’annuler moins de 48h avant sa tenue. Un délai bien trop court pour que les participants déjà sur place puissent s’organiser.

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