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Force majeure, circonstances exceptionnelles : quid des relations B2C et B2B à l'heure du coronavirus ?

Tout savoir sur vos contrats et conditions de vente en temps de crise


Emmanuelle Llop, avocat associée du cabinet Equinoxe Avocats est revenue dans le cadre d'un Atelier IFTM programmé ce mardi 6 avril sur les contrats et conditions de vente en temps de crise. Relations B2C et B2B étaient notamment au centre de cette visio-conférence. Voici ce qu'il fallait retenir.


Rédigé par le Mardi 6 Avril 2021

Relation Client - Agence / Relation B2C

Emmanuelle Llop : "La pandémie a ouvert une nouvelle page pour les CEI" - Depositphotos.com AerialMike
Emmanuelle Llop : "La pandémie a ouvert une nouvelle page pour les CEI" - Depositphotos.com AerialMike
C'est le code du tourisme qui encadre la relation entre le client et l'agence rappelle Emmanuelle Llop, avocat à la cour (Equinoxe Avocats) en préambule de l'atelier IFTM dédié aux contrats et conditions de vente en temps de crise.

  • Focus sur les Circonstances Exceptionnelles et inévitables
Article L 211-14 du code du tourisme.

Les circonstances exceptionnelles et inévitables (CEI) remplacent la notion de force majeure dans le code du tourisme depuis la transposition de la directive européenne des voyages à forfait de 2015.

Emmanuelle Llop insiste "il faut vraiment se familiariser avec les CEI qui ont pour caractéristiques d'être insurmontables, imprévisibles et inévitables."

La pandémie a mis en lumière ces fameuses CEI qui ont empêché dans de nombreux cas la bonne exécution du contrat. "La pandémie a ouvert une nouvelle page pour les CEI" indique encore Emmanuelle Llop.

En cas de CEI, le contrat peut être résolu (annulé) soit par le voyageur soit par le professionnel.

Le cas côté client :
Le client peut annuler son contrat lorsque les CEI affectent le transport vers la destination ou impactent le voyage à destination. Exemple : les frontières du pays de destination sont fermées, l'hôtel à destination ou les musées sont fermés...

Dans ce cas, le code tourisme prévoit que le client puisse annuler et obtenir le remboursement sans frais sous 14 jours de son voyage.

  • Doit-on rembourser les assurances multirisques ou annulation ?
Les assurances multirisques ou annulation sont considérées comme "consommées" dès qu'elles sont vendues. "Mis à part quelques assureurs qui ont accepté de reporter des contrats d'assurances sur des voyages reportés, la règle c'est que ces assurances ne sont pas remboursables. C'est le cas aussi par exemple des frais de visas" explique Emmanuelle Llop.

  • Faut-il également rembourser les frais de gestion ou de dossier ?
"A cette question je n'ai pas de réponse juridique ni administrative" indique Emmanuelle Llop. "Je ne peux pas vous encourager à garder les frais de dossier alors que les textes précisent qu'aucun frais d'annulation de doivent être retenus".

  • Le professionnel peut-il rajouter des clauses pour se prémunir d'éventuelles demandes de remboursement ?
"Rajouter des clauses qui tendent à ne pas rembourser les clients vous attireront sans doute des ennuis" prévient Emmanuelle Llop. "Vous ne pouvez pas sortir du code du tourisme sur la responsabilité ou les circonstances exceptionnelles et inévitables, il n'y a pas de marge de manœuvre".

  • Quid du remboursement des prestations non consommées ?
L'article L211-17 du code du tourisme impose de restituer ce qui n'a pas été consommé. "Si une partie du séjour a été amputée en raison de CEI, le professionnel doit en théorie rembourser le client au prorata de ce qui n'a pas été consommé" indique Emmanuelle Llop.

Le cas côté professionnels :
L'article L211-14 donne également la possibilité aux professionnels de résoudre (annuler) le contrat et de rembourser sans frais le client sous 14 jours. "Dans ce cas il faut que les professionnels puissent prouver aux clients que des CEI l'empêchent de délivrer ses prestations. Dans ce cas il n'y a pas de notions liées au pays de destination" souligne Emmanuelle Llop.

Rappel des outils contractuels et du cadre fixé par le code du tourisme :

Le premier temps de la relation client concerne l'offre pré-contractuelle (devis ou proposition de programme) : le professionnel va faire une proposition de voyage. Le code du tourisme lui impose de respecter plusieurs clauses obligatoires (Article R211-4) L'agence doit ainsi communiquer au voyageur une série d'informations : la destination, les dates de séjours, l'itinéraire lorsqu'il s'agit d'un circuit...

Cette proposition doit être accompagnée d'un formulaire standard d'information.

Le deuxième temps concerne le contrat : le professionnel doit également respecter une série de clauses que l'on peut retrouver dans l'Article R211-6.

A noter : depuis 2018, il n'est plus obligatoire de faire signer le contrat en double exemplaire.

Rappel de l'ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020

L'Ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 a autorisé entre le 1er mars et le 15 septembre 2020 les professionnels à conserver les fonds d'un voyage annulé en raison de CEI et à émettre un avoir pour réaliser un nouveau contrat ou rembourser le client 18 mois après la nouvelle proposition de voyage.

Rappel des grandes étapes :

1 - Annulation du voyage.

2 - A partir de l'annulation, le professionnel avait 30 jours pour faire le choix entre remboursement ou émission d'un avoir.

3 - A partir de la date d'annulation, le professionnel avait 90 jours pour faire une nouvelle proposition de voyage.

4 - A compter de cette nouvelle proposition, le professionnel a 18 mois pour déboucher sur un nouveau contrat ou rembourser le voyage à l'issue de la période.

L'Ordonnance s'applique dans la relation entre le professionnel détaillant et le client consommateur. Elle ne s'applique pas dans la relation B2B à savoir entre un tour-opérateur et l'agence de voyages.

Relation Agences - Fournisseur (TO, réceptifs...) / Relation B2B

La relation B2B n'entre pas dans le cadre du code du tourisme. Elle est règlementée par le droit commun (code civil). La relation entre l'agence et son fournisseur (un TO par exemple) peut être liée par un contrat mais ce n'est pas obligatoire.

Dans la relation B2B, on ne parle plus de CEI mais de force majeure.

  • En cas de force majeure, que se passe-t-il lorsque le contrat est annulé dans le cadre d'une relation B2B ?

Articles 1218 (Force majeure) et 1229 (Résolution) du code civil.

La force majeure annule les contrats et oblige le fournisseur à la restitution des fonds. "Lorsque le contrat est annulé par le client dans le cadre des CEI, il est également annulé par l'agence. Le fournisseur doit ainsi rembourser l'agence sauf arrangement afin de sanctuariser les fonds" explique Emmanuelle Llop.

"Il est tout à fait possible pour le fournisseur de proposer un avoir dit comptable que l'agence peut accepter, mais qui n'a rien à voir avec l'ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020. Je sais que certains fournisseurs résistent face aux demandes de remboursement, je prône le dialogue et la discussion".

  • Comment demander au TO le remboursement des prestations non utilisées ou non consommées ?
Dans le cadre d'un contrat établi avec un tour-opérateur ou un fournisseur "il est possible d'écrire que votre TO doit vous permettre de respecter vos obligations dictées par le code du tourisme" détaille Emmanuelle Llop.

Sans contrat, les prestations annulées à cause de la force majeure impliquent le remboursement des prestations non fournies selon les articles 1218 et 1229 (voir ci-dessus).

  • Comment imposer le remboursement aux réceptifs étrangers qui n'ont pas les mêmes règles dans leur pays ?
"Il est vrai que certains réceptifs n'ont pas joué le jeu. Ils ne connaissement pas le code civil français, ni la force majeure. Je sais que nombreux sont ceux dont les réceptifs ont proposé des reports à leurs propres conditions, ou un remboursement avec des frais. Cette situation exceptionnelle doit vous conduire à contractualiser vos relations avec les fournisseurs à destination." insiste Emmanuelle Llop

"Par exemple, il est possible d'établir un contrat avec le cas particulier de la force majeure que l'on peut transposer : à savoir demander en cas de force majeure, le remboursement sans frais des prestations. En revanche je ne pousse pas à des actions en justice à l'autre bout de la planète."


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