Maroc : trois générations de vacanciers
Avec plus de 3,3 millions de voyageurs et plus de 760 000 véhicules à l’été 2019, l’opération « Passage du détroit » ou « Marhaba » (« bienvenue » en arabe) organisée par le gouvernement marocain a constitué « l’un des flux de personnes les plus importants entre continents » sur une période aussi brève.
Répétée après les fermetures de frontières liées au Covid, le Marhaba connait toujours le même succès et confirme le dynamisme des flux touristiques vers le Maroc.
Mais, le cas du Maroc représente un cas d’autant plus pertinent qu’il a été étudié de près par l’Office national du tourisme marocain qui avait confié au cabinet Détente une vaste étude sur le sujet en 2012.
Selon cette étude toujours valable, les Marocains établis à l’étranger joliment appelés les MRE (Marocains du monde) seraient environ 5 millions dont 1,5 million sont établis en France. Mais surtout, la communauté marocaine de l’étranger constitue, chaque année, plus de 40 % du total des 10 millions de touristes venus de l’étranger au Maroc. Soit environ 4 millions de personnes.
Plus précisément : 70% de ces vacanciers vont au moins une fois chaque année, mais généralement plusieurs fois par an, effectuer des séjours longs d’un mois voire plus, durant l’été. Avec une motivation principale pour 57% d’entre eux : visiter leur famille. Autre indication : 20 à 25% d’entre eux disposent d’une résidence secondaire au Maroc.
Mais, de plus en plus souvent, ils utilisent des hébergements marchands.
Derrière quelques points communs et un fort sentiment d’appartenance nationale, le Maroc incarne cependant parfaitement le cas d’une immigration constituée par trois générations, lesquelles observent des modes de retour différents.
Répétée après les fermetures de frontières liées au Covid, le Marhaba connait toujours le même succès et confirme le dynamisme des flux touristiques vers le Maroc.
Mais, le cas du Maroc représente un cas d’autant plus pertinent qu’il a été étudié de près par l’Office national du tourisme marocain qui avait confié au cabinet Détente une vaste étude sur le sujet en 2012.
Selon cette étude toujours valable, les Marocains établis à l’étranger joliment appelés les MRE (Marocains du monde) seraient environ 5 millions dont 1,5 million sont établis en France. Mais surtout, la communauté marocaine de l’étranger constitue, chaque année, plus de 40 % du total des 10 millions de touristes venus de l’étranger au Maroc. Soit environ 4 millions de personnes.
Plus précisément : 70% de ces vacanciers vont au moins une fois chaque année, mais généralement plusieurs fois par an, effectuer des séjours longs d’un mois voire plus, durant l’été. Avec une motivation principale pour 57% d’entre eux : visiter leur famille. Autre indication : 20 à 25% d’entre eux disposent d’une résidence secondaire au Maroc.
Mais, de plus en plus souvent, ils utilisent des hébergements marchands.
Derrière quelques points communs et un fort sentiment d’appartenance nationale, le Maroc incarne cependant parfaitement le cas d’une immigration constituée par trois générations, lesquelles observent des modes de retour différents.
Première génération : Immigrés de la première heure, peu éduqués et ayant maintenu des liens forts avec leur famille demeurée sur place, ces MRE sont des clientèles relativement captives qui partagent souvent leur temps entre leur descendance installée dans le pays d’accueil et « anciens » de la famille ou amis demeurés au pays.
Surtout s’ils sont à la retraite. Souvent cette génération n’a eu de cesse d’acheter un appartement ou de le faire construire. Pour eux, la voiture demeure un moyen de transport privilégié, éventuellement lié au bateau. Mais l’avion devient très attractif en particulier avec les liaisons low-cost. Se déplaçant peu sur place, ces vacanciers restent «au pays» de 3 semaines à un mois.
Deuxième génération : elle a vécu et fait ses études en France mais est retournée en vacances au Maroc un peu « contrainte et forcée » avec ses parents. Elle maintient moins ce lien avec son pays d’origine, souhaitant plutôt s’intégrer à son pays d’accueil. Ses comportements vacanciers sont donc plus proches des Français en France ou des Allemands en Allemagne...
Troisième génération : enfin, pour cette dernière catégorie, la motivation déterminante est touristique. Les jeunes surtout veulent passer de vraies vacances, pour se reposer et s’amuser avec une faible composante de « visite à la famille » chez qui ils ne logent que rarement, afin de conserver leur liberté.
Ce sont donc de bons clients des hébergements marchands, notamment les hôtels de luxe (s’ils en ont les moyens). Et leurs comportements sont largement identiques à ceux des touristes occidentaux. D’autant que certains ne parlent plus l’arabe. Leur moyen de transport privilégié est l’avion.
Ces clients se déplacent plus, découvrent le pays et sont potentiellement loueurs de voiture au cours d’un séjour d’une semaine à 10 jours. La troisième génération est donc plus ambiguë, son intégration est plus complète et le Maroc pour ces jeunes devient peu à peu une destination de vacances possible parmi d’autres, répondant cependant aussi à une curiosité sur ses origines.
Surtout s’ils sont à la retraite. Souvent cette génération n’a eu de cesse d’acheter un appartement ou de le faire construire. Pour eux, la voiture demeure un moyen de transport privilégié, éventuellement lié au bateau. Mais l’avion devient très attractif en particulier avec les liaisons low-cost. Se déplaçant peu sur place, ces vacanciers restent «au pays» de 3 semaines à un mois.
Deuxième génération : elle a vécu et fait ses études en France mais est retournée en vacances au Maroc un peu « contrainte et forcée » avec ses parents. Elle maintient moins ce lien avec son pays d’origine, souhaitant plutôt s’intégrer à son pays d’accueil. Ses comportements vacanciers sont donc plus proches des Français en France ou des Allemands en Allemagne...
Troisième génération : enfin, pour cette dernière catégorie, la motivation déterminante est touristique. Les jeunes surtout veulent passer de vraies vacances, pour se reposer et s’amuser avec une faible composante de « visite à la famille » chez qui ils ne logent que rarement, afin de conserver leur liberté.
Ce sont donc de bons clients des hébergements marchands, notamment les hôtels de luxe (s’ils en ont les moyens). Et leurs comportements sont largement identiques à ceux des touristes occidentaux. D’autant que certains ne parlent plus l’arabe. Leur moyen de transport privilégié est l’avion.
Ces clients se déplacent plus, découvrent le pays et sont potentiellement loueurs de voiture au cours d’un séjour d’une semaine à 10 jours. La troisième génération est donc plus ambiguë, son intégration est plus complète et le Maroc pour ces jeunes devient peu à peu une destination de vacances possible parmi d’autres, répondant cependant aussi à une curiosité sur ses origines.
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Afrique, le cas du Congo : diversité, identité et affinité
Le continent africain bénéficie pour sa part tous les ans de flux internationaux importants : on considère ainsi que 6% des Français allant à l’étranger vont en Afrique. Français certes, mais souvent d’origine africaine.
Ainsi, une étude universitaire estime que sur les 88 000 Congolais résidant en France, près d’un tiers retrouvaient la terre de leurs aïeux. Un chiffre en nette augmentation par rapport à une enquête plus ancienne. Dans cette nouvelle enquête qualitative, on distingue cependant que la diaspora effectuant un retour « touristique » au pays n’est pas homogène non plus.
Quatre catégories se distinguent :
- les rituels (42%), ceux qui retournent selon une fréquence régulière et soutenue : ils logent en famille mais de plus en plus à l’hôtel.
- les primo (32%) dont c’est le premier voyage depuis leur installation en Europe : ils logent en famille.
- les conquérants (25%), qui retournent une à plusieurs fois dans l’année et sont généralement détenteurs d’un patrimoine. Selon l’âge, ils privilégient l’hôtel.
- les occasionnels (0,2%) qui ne retournent que très rarement au pays et observent des pratiques hybrides.
Par ailleurs, sur le plan aérien, cette étude a permis d’évaluer le pactole partagé principalement par quatre compagnies aériennes dont Air France et Transavia.
Quant à la contribution directe, avec un budget des vacances moyen de 1.350 USD par personne, elle est d’autant plus élevée que les Africains construisent dans leur pays d’origine leur logement et parfois celui de leur famille…
Ainsi, une étude universitaire estime que sur les 88 000 Congolais résidant en France, près d’un tiers retrouvaient la terre de leurs aïeux. Un chiffre en nette augmentation par rapport à une enquête plus ancienne. Dans cette nouvelle enquête qualitative, on distingue cependant que la diaspora effectuant un retour « touristique » au pays n’est pas homogène non plus.
Quatre catégories se distinguent :
- les rituels (42%), ceux qui retournent selon une fréquence régulière et soutenue : ils logent en famille mais de plus en plus à l’hôtel.
- les primo (32%) dont c’est le premier voyage depuis leur installation en Europe : ils logent en famille.
- les conquérants (25%), qui retournent une à plusieurs fois dans l’année et sont généralement détenteurs d’un patrimoine. Selon l’âge, ils privilégient l’hôtel.
- les occasionnels (0,2%) qui ne retournent que très rarement au pays et observent des pratiques hybrides.
Par ailleurs, sur le plan aérien, cette étude a permis d’évaluer le pactole partagé principalement par quatre compagnies aériennes dont Air France et Transavia.
Quant à la contribution directe, avec un budget des vacances moyen de 1.350 USD par personne, elle est d’autant plus élevée que les Africains construisent dans leur pays d’origine leur logement et parfois celui de leur famille…
Un marché mosaïque et singulier
… Les autres diasporas installées en France en provenance d’Afrique pourraient être aussi étudiées.
Evaluées par l’Insee à 133 000 pour le Sénégal, 96 000 pour le Mali : 98 000 pour le Cameroun, elles ont cependant des comportements et pratiques comparables.
Et puis, il y a aussi les Tunisiens dont les pratiques se rapprochent de celles des Marocains d’autant que la Tunisie est très bien équipée sur le plan touristique et offre des séjours luxueux.
Les Algériens quant à eux, évalués à 2.6 millions en France, ne bénéficient pas des mêmes installations touristiques que les autres pays du Maghreb. Ils privilégient donc leur famille quand ils se rendent en Algérie ou la maison qu’ils construisent.
Mais, certains s’essaient tout de même à des cures thermales et des séjours balnéaires.
« Le lien entre retour au pays et vacances au bled a changé au cours des décennies. Le retour rêvé jusqu’au début des années 1980 laisse la place à un retour de plus en plus mythique, pour finalement se transformer en une succession d’allers-retours, à l’occasion des vacances des descendants d’immigrés ou des séjours plus longs des parents retraités ». Sources Le Monde diplomatique. Août 2022
In fine, selon l’auteur de l’étude sur le Maroc, il conviendrait de déployer à l’intention de ces communautés une communication originale. « On doit entretenir le feu sacré, l’idée mythique d’un pays à forte tradition, à la beauté envoûtante... C’est donc bien d’une communication au second degré qu’il s’agit, visant à créer une atmosphère de mythe à découvrir ».
Cette communication est très symbolique, orientée vers tous mais dans laquelle les exilés peuvent se retrouver, car ils sont les agents, les acteurs du mythe et le perpétuent voire en sont les zélateurs. Ensuite, en comprenant les besoins de chaque strate qui les compose, on pourrait leur proposer les produits touristiques qui leur sont nécessaires : hébergements, transports... Bref, on pourrait avoir un marketing adapté, comme le font l’Irlande ou l’Australie…
Avec une difficulté de taille : c’est que les migrations ne se tarissent jamais. Elles se multiplient et n’en finissent pas de tisser de nouvelles diasporas, plus ou moins importantes et durables qu’il s’agit constamment de réévaluer à la lumière de l’évolution de la géopolitique et de la démographie.
Evaluées par l’Insee à 133 000 pour le Sénégal, 96 000 pour le Mali : 98 000 pour le Cameroun, elles ont cependant des comportements et pratiques comparables.
Et puis, il y a aussi les Tunisiens dont les pratiques se rapprochent de celles des Marocains d’autant que la Tunisie est très bien équipée sur le plan touristique et offre des séjours luxueux.
Les Algériens quant à eux, évalués à 2.6 millions en France, ne bénéficient pas des mêmes installations touristiques que les autres pays du Maghreb. Ils privilégient donc leur famille quand ils se rendent en Algérie ou la maison qu’ils construisent.
Mais, certains s’essaient tout de même à des cures thermales et des séjours balnéaires.
« Le lien entre retour au pays et vacances au bled a changé au cours des décennies. Le retour rêvé jusqu’au début des années 1980 laisse la place à un retour de plus en plus mythique, pour finalement se transformer en une succession d’allers-retours, à l’occasion des vacances des descendants d’immigrés ou des séjours plus longs des parents retraités ». Sources Le Monde diplomatique. Août 2022
In fine, selon l’auteur de l’étude sur le Maroc, il conviendrait de déployer à l’intention de ces communautés une communication originale. « On doit entretenir le feu sacré, l’idée mythique d’un pays à forte tradition, à la beauté envoûtante... C’est donc bien d’une communication au second degré qu’il s’agit, visant à créer une atmosphère de mythe à découvrir ».
Cette communication est très symbolique, orientée vers tous mais dans laquelle les exilés peuvent se retrouver, car ils sont les agents, les acteurs du mythe et le perpétuent voire en sont les zélateurs. Ensuite, en comprenant les besoins de chaque strate qui les compose, on pourrait leur proposer les produits touristiques qui leur sont nécessaires : hébergements, transports... Bref, on pourrait avoir un marketing adapté, comme le font l’Irlande ou l’Australie…
Avec une difficulté de taille : c’est que les migrations ne se tarissent jamais. Elles se multiplient et n’en finissent pas de tisser de nouvelles diasporas, plus ou moins importantes et durables qu’il s’agit constamment de réévaluer à la lumière de l’évolution de la géopolitique et de la démographie.
Josette Sicsic - DR
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.
Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.
Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com
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