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Laurent Abitbol veut devenir un Grand d’Espagne 🔑

Convention des EDV Méditerranée


A l'occasion de la convention des Entreprises du Voyage Méditerranée qui s'est tenue à Aix-en-Provence ce week-end, Christine Crispin Présidente, a invité Laurent Abitbol, Président du Groupe Marietton Développement afin qu'il revienne sur sa "success story". Incontournable dans le secteur du voyage, voici tout ce que vous ne savez pas encore sur ce dirigeant atypique et sur les projets à venir pour son groupe...


Rédigé par le Lundi 2 Septembre 2024

Laurent Abitbol est revenu sur son parcours professionnel à l'occasion de la convention des EDV Méditerranée - Photo CE
Laurent Abitbol est revenu sur son parcours professionnel à l'occasion de la convention des EDV Méditerranée - Photo CE
Marietton Développement c'est 480 agences intégrées : 254 Havas Voyages, 163 Selectour 17 Auchan, 8 Carrefour, 2 Club Med, 30 plateaux d'affaires et plusieurs tour-opérateurs : Voyamar, Austral Lagons, Héliades, Solea... mais aussi un réceptif Akilanga.

Aux manettes, Laurent Abitbol a fait de l'entreprise familiale un groupe qui pèse aujourd'hui 1,6 Mds d'euros de volume d'affaires, pour un EBITDA à 58 M€ (chiffres 2023) et 1300 collaborateurs.

Mais qui connaît vraiment le parcours de cet homme qui ne laisse personne indifférent ? Christine Crispin présidente des EDV Med a tenu à l'inviter à l'occasion de sa convention à Aix-en-Provence, pour qu'il se livre et se raconte.

Voici quelques morceaux choisis !


Laurent Abitbol CRS, puis il passe le concours de commissaire !

Diplômé de l'EFAP (école de communication), Laurent Abitbol ne rejoint pas tout de suite l'entreprise familiale.

Il débute sa carrière en tant que CRS dans le cadre de son service militaire. Il passe ensuite le concours de commissaire qu'il réussit ! Mais c'est vers le tourisme et le voyage qu'il fera ses premiers pas dans le monde du travail.

"J'ai vu les salaires... et je me dis : 'ce n'est pas possible'. Je choisis donc de rentrer dans la boîte familiale" se souvient-il.

"Je voyais mon père et mon oncle, ils allaient dans des cocktails, il y avait des soirées. Nous partions en vacances, je me rappelle, j'avais 13 ans, 14 ans, je partais en première classe, parce qu'à l'époque le patron d'Air France en région, c'était... le préfet. Les responsables régionaux des compagnies avaient du pouvoir.

A 13 ans, j'ai fait Paris - Dakar - Lyon en Concorde, j'ai fait de beaux voyages, vraiment c'était bien".

Il commence avec 1000 Frs par mois dans l'entreprise familiale

Laurent Abitbol rejoint donc Voyamar et habite au-dessus de l'agence pour pouvoir "travailler 24h/24". Pour ce premier job, pas question de favoriser l'aîné de la famille.

"J'ai touché le TUC (Travaux d'utilité collective) de Laurent Fabius environ 1000 francs par mois et au bout de deux ans j'ai eu le SMIC. J'avais 20 ans. Je n'ai gagné de l'argent que bien plus tard".

A l'époque Voyamar, spécialiste d'Israël, employait une seule personne "qui est toujours dans l'entreprise". Avec l'arrivée de Laurent Abitbol, le catalogue de destinations va évoluer.

"J'ai réussi à avoir des contrats, pas grâce à des tableaux excel, mais grâce à mes relations. A l'époque, j'étais ami avec le patron régional de Lufthansa qui voulait booster l'Amérique car il avait de mauvais chiffres. Il m'a proposé d'en vendre sur toute la France avec des tarifs à 1300 Frs sur New York et 1800 Frs sur la Californie. J'en ai vendu 35 000. J'ai vendu toutes les classes à part la première classe."

Un avion aux couleurs de Voyamar

François-Xavier Izenic et Laurent Abitbol - Photo CE
François-Xavier Izenic et Laurent Abitbol - Photo CE
Un succès qui remonte jusqu'au PDG de Lufthansa : "Nous avons travaillé sans compter nos heures, nous avions les mains rouges, car les billets à l'époque étaient rouges. Et j'ai trouvé un moyen de gagner de l'argent avec Chronopost : je les achetais 7 Frs, je les vendais 15 Frs".

Dans son bureau coincé sous l'escalier, il confirmait, confirmait et reconfirmait les billets "sans savoir s'il y avait de la place. Nous avons travaillé comme un épicier".

Puis une première "rupture", fait monter d'un cran l'entreprise familiale. Nous sommes en 2001, et le 11 septembre les tours jumelles tombent à New York.

Antoine Ferretti, patron d'Air Méditerranée à l'époque, contacte Laurent Abitbol : "Il y a un coup à faire, il faut 1 million de dollars.

Nous pouvons avoir un avion, un 737-500 sur lequel il y aura le logo de Voyamar. Il sera à nous pour 4 ans. Au lieu de le payer 500.000 dollars par mois, nous allons le payer 80.000 dollars par mois... Nous sommes le 12 septembre, le lendemain des attaques du 11 septembre, et nous avons 24h pour décider"
raconte le président de Marietton.

L'entrée de SIPAREX, le hasard au détour d'une table d'une brasserie

Laurent Abitbol en parle à son père et à son oncle, qui se demandent bien comment obtenir ces 1 million de dollars : "Les bureaux du siège de nos banquiers étaient dans les tours à New York... Nous avons du trouver une autre banque. Et nous avons réussi à débloquer le million en 48H. Et 3 semaines après l'appareil est arrivé sur la piste avec le logo Voyamar".

Le voyagiste ouvre des lignes au départ de Lyon : Lyon-Tunis, Lyon-Djerba, Lyon-Marrakech et Lyon-Marseille-Dakar, avec des tarifs défiant toute concurrence.

"Nous avons fait cela pendant 2 ou 3 ans, après le marché de l'aérien a vu ses prix baisser, nous n'étions plus aussi compétitifs". Et c'est ainsi que Voyamar se développe.

"Mon rêve quand j'étais plus jeune c'était de manger à la table de Carole Pellicer (ex-Plein Vent). Lors des congrès" se remémore-t-il, "il y avait les VIP d'un côté et les inconnus sur des tables au fond. D'année en année, j'ai gratté une table. Et quand j'ai été référencé chez AFAT, c'était énorme !"

Autre tournant pour Marietton, l'entrée d'un fonds d'investissement dans le groupe.

C'est le hasard qui met sur la route de l'insatiable dirigeant : SIPAREX. Nous sommes en 2007, et Laurent Abitbol se rend à la brasserie du Grand Café des Négociants avec des collègues à Lyon quand un Monsieur qui a entendu les conversations, assis à la table à côté l'aborde : "Je travaille pour SIPAREX et je suis intéressé par le voyage."

"Pour avancer il faut acheter des entreprises"

Si le père et l'oncle sont un temps réticents, Laurent Abitbol trouve les mots pour les convaincre. De cette première opération financière, le président de Marietton en tirera quelques leçons. "Ils avaient mis très peu de cash et avaient endetté la boîte, mais finalement ça se passe bien. Trois plus tard, ils réussissent à multiplier par 5 leur mise."

C'est à ce moment-là que Rothschild entre au capital, mais cette fois c'est Laurent Abitbol qui dicte les règles. Pour ce faire, il se fait accompagner d'un agent spécialiste dans les opérations financières. "C'est mon agent et il est encore à mes côtés". En 2018, nouveau LBO, SIPAREX et Edmond de Rothschild Investment Partner sortent du capital pour laisser la place à Certarès.

Avec l'arrivée des fonds, vient une série de rachats : "On ne peut pas grandir uniquement de manière organique. Disons que la croissance est limitée. Pour avancer, il faut acheter des entreprises".

C'est ainsi que le Groupe Marietton a réalisé 29 acquisitions au total depuis 2001 et la 30e aura lieu au mois de septembre. "Notre particularité c'est que nous achetons cash. Tout l'argent est resté dans l'entreprise. Il y a deux sociétés que je n'ai pas achetées car les WC de la boîte n'étaient pas propres, cela m'a découragé.

80% de mes décisions peuvent paraître irrationnelles... Et quand j'achète une boîte, le patron doit reverser 30% de ce qu'il a gagné dans la holding.
"

Aérosun, Ailleurs AVP, MNV, Envol Voyages, Austral Lagons, Héliades, Akilanga, Bleu Voyages et bien sûr Havas Voyages sont ses plus gros faits d'armes.

Rachat d'Havas Voyages : une décision qui s'est jouée sur la cuisse et l'aile du poulet !

Christine Crispin présidente des EDV Méditerranée et Laurent Abitbol - Photo CE
Christine Crispin présidente des EDV Méditerranée et Laurent Abitbol - Photo CE
"J'ai signé le 30 décembre 2016 à 23h40 à Lyon le rachat d'Havas Voyages" se rappelle le Président du Groupe. "Pour cette acquisition, nous avons emprunté". Une exception.

Au départ Montefiore Investissement est sur les rangs, ce sera finalement Marietton Développement qui remportera la mise. "Quand j'ai une décision à prendre, je vais chez Bocuse, seul. Je suis un fan de poulet. Je me suis dit, si j'ai une cuisse, j'achète, si j'ai une aile, je ne l'achète pas. J'ai eu la cuisse."

Ce dernier a rendu hommage à Michel Dinh, directeur général de Havas Voyages à l'époque : "il a été très bon" résume t-il.

Pendant un an et demi, il reste en retrait, rongeant son frein. Havas Voyages doit encore se défaire des liens de sa maison mère l'américain CWT. Puis il prend les choses en main et fait la chasse aux coûts.

"Le loyer des bureaux s'élevait à 1,4 M€ par an ! Mon frère Arnaud qui est venu notamment pour piloter le réseau de franchisés s'est rendu compte qu'on donnait plus aux franchisés que ce que nous gagnions. Nous avons redressé secteur par secteur, nous avons aussi procédé à des licenciements. Tout s'est fait très vite en 2 ou 3 mois".

Le vendredi est dédié aux paiements des factures

"J'ai horreur des dettes." ajoute t-il. "Ce que je regarde c'est la trésorerie, je ne vois que ça. Tous les matins à 9h10 j'ai les chiffres qui tombent. Quand nous faisons une acquisition, l'objectif est de l'amortir en 3 ans. Pour Bleu Voyages cela a été même plus rapide, je l'ai amorti en quelques mois." ajoute t-il.

Aujourd'hui 80% de son temps est consacré à Selectour où il occupe le poste de Président du directoire. "J'ai un staff en qui je peux avoir confiance, certains sont à mes côtés depuis des années. J'ai confiance mais cela n'exclut pas le contrôle, je suis très exigent et j'aime aussi les gens qui travaillent avec moi."

Une exigence qu'il applique constamment dans la gestion du groupe. Le vendredi, il se consacre à Marietton Développement et aux paiements des factures.

Cela pourrait en étonner plus d'un et pourtant. Il raconte : "Le vendredi, je suis à Lyon, et je fais les règlements. Je dois avoir un don, car je sens quand il y a une erreur.

L'électricité, le chauffage... Quand cela reste allumé toute la nuit dans les agences... Quand on a près de 500 agences, c'est la base, il faut être bon sur les détails, je ne veux pas de gaspillage !"

"Il manque encore 70 points de ventes pour compléter le maillage"

Reste un épisode douloureux : la pandémie de covid. Si les affaires sont à l'arrêt, Laurent Abitbol est aussi touché plus personnellement : son père décède du covid et il est à son tour gravement malade.

Il a été l'un des protagonistes de la mise en place de l'ordonnance sur les avoir-covid. "Nicolas Sarkozy (ancien président de la République) qui est à mon board, a joué un rôle déterminant" rappelle t-il.

Avec la pandémie, Laurent Abitbol réorganise son groupe : "c'est l'une des décisions les plus difficiles que j'ai dû prendre, mon comex était contre. Nous avons mis en place un plan de departs volontaires qui a vu le départ de 300 collaborateurs".

En ordre de marche, le dirigeant annonce vouloir continuer ses acquisitions : un tour-opérateur donc en septembre, mais aussi des agences : "il nous manque 70 points de vente pour compléter notre maillage."

"L'Espagne sera notre priorité"

Laurent Abitbol qui devrait boucler un nouveau LBO d'ici la fin 2024, début 2025 nourrit de nouvelles ambitions : "Nous sommes intéressés par l'Espagne, c'est un grand pays du tourisme. Agences, techno... nous sommes en train de regarder.

L'Espagne sera notre priorité. Pour une entreprise, ce pays est l'eldorado. Le marché est énorme et de nombreuses sociétés ont leur siège en Espagne, nous sommes à l'affût des opportunités"
nous confie t-il en marge de son intervention.

Seule ombre au tableau : son succès fait des envieux selon lui "Il y a parfois de la jalousie mal placée, parfois à la limite de la méchanceté"...

Ou s'arrêtera donc l'irrésistible ascension de ce patron atypique ? Nul ne le sait. Il reconnaît lui même que "son seul problème, c'est sa succession. Mais j'ai 58 ans et j'aime ce que je fais" ! On le voit mal raccrocher les crampons à court terme.

Une chose est sûre, qu'on aime ou n'aime pas le style "Abitbol", le patron de Marietton qui ne laisse personne indifférent est une personnalité incontournable du secteur... et cela, que ça plaise ou non !

Céline Eymery Publié par Céline Eymery Rédactrice en Chef - TourMaG.com
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