Léa : Big Data, Big Cata ?

Cette semaine, je vais avoir 38 ans. Je ne suis certes plus la vingtenaire frivole et fraîche que j’étais quand j’ai commencé à chroniquer chez TourMaG.com mais je ne pense pas encore être prête pour la casse.

Et pourtant, je me surprends régulièrement à me dire « c’était mieux avant » (voire à le dire tout haut, ce qui ne me rassure pas sur mon état psychique.) J’ai bien compris que où que nous allions, quoi que nous faisions, nous étions sans arrêt espionnés, traqués, fliqués. La première fois que je m’en suis rendue compte, c’était chez Monoprix. Je te raconte un peu ma life mais je prends un exemple concret : au plus fort de l’été, je me douche 3 fois par jour.

Une première fois le matin comme tout le monde (well… comme tout le monde devrait le faire), une deuxième fois en rentrant de l’agence pour être fraîche toute la soirée, et une troisième fois juste avant de me coucher parce que je suis une princesse et qu’une princesse sent la rose ou le jasmin quand elle se glisse dans ses draps frais.

Du coup, pour ne pas agresser ma peau délicate, l’été, j’achète du savon pour bébé. Chez Monoprix. Et bien figure-toi que sur les tickets de caisse de Monoprix, j’ai des bons de réduction pour les couches et les petits pots !

Tout ça parce que quelqu’un chez Monoprix s’est dit « cette fille de 27 ans (oui, c’était il y longtemps) titulaire de la carte Smiles numéro tant, achète des produits de soin pour bébé chez nous, mais pas de couches ni de petits pots, on va essayer de la faire venir chez nous pour ces produits-là en lui donnant des coupons ».

Et ben je vais te dire Monsieur Monoprix, tu te mets le doigt dans l’oeil (et encore, je suis polie).

Tant que c’était juste chez Monoprix, ça m’amusait… « Mais pourquoi diable ai-je 50% de réduction sur la burrata cette semaine ? » (parce que j’ai acheté de l’huile d’olive haut de gamme pour mes tomates mozza alors si j’ai les moyens d’acheter cette huile d’olive, je peux bien me payer de la burrata). Ce petit sport cérébral me maintenait en forme !

Et puis il y a eu le cross-selling. Tu vas sur le site web de la SNCF pour acheter un Paris/Montpellier pour aller en week-end chez ta soeur, et une fois ton billet acheté, la SNCF te propose une chambre d’hôtel et une location de voiture. Raté la SNCF ! Je vais chez ma soeur… mon beauf’ vient me chercher à la gare et je dors dans la chambre de ma nièce. Je n’ai pas besoin de tes produits additionnels…

Et Google ? Tu organises l’EVJF (enterrement de vie de jeune fille ndlr) de ta copine et tu échanges plein de mails avec ta bande de filles délurées et prêtes à faire la fête avec en objet des mails « EVJF » ? Gmail te pousse de la pub pour des robes de mariée dans la colonne de droite.

Comme le secteur du tourisme a toujours été à la pointe de la nouvelle technologie, on n’est pas en reste : je fais une simulation de résa sur un site de ferries pour connaitre le prix d’une traversée (juste pour faire un devis client), je reçois le lendemain un mail « Léa, vous n’avez pas confirmé votre panier » (forcement, mon client réfléchit…) et une semaine après « pour votre voyage en Grèce, nous vous offrons un code promo de 10 € ».

Ca tombe bien, mon client vient signer son devis à l’agence tout à l’heure ! (Mais tu sais, centrale de réservations de ferry… je l’aurais achetée même sans ta réduction, cette traversée).

Je crois que les pires, c’est Voyage Privé. J’ai un client qui vient sans arrêt à l’agence avec des prints de Voyage Privé pour me challenger.

J’arrive toujours à lui trouver mieux et pas plus cher. Il me dit : « je regarde sur Voyage Privé parce qu’ils ont souvent de beaux hôtels mais je préfère parler à une fille sympa et efficace comme vous, plutôt qu’à mon ordi ». Bref, une fois, il y avait une vraie belle offre sur Mykonos sur VP. J’ai dit à mon client : « j’ai pas mieux. Je ne gagne pas grand-chose en vous vendant du Voyage Privé, mais je vais vous le réserver ».

Franchement, je n’ai rien gagné du tout mais je n’ai pas perdu la face… Et bien figurez-vous que depuis 3 ans, Voyage Privé m’envoie des mails qui commencent par « Antoine, vous souvenez-vous de Mykonos ? ».

Peut-être que lui s’en souvient, mais pas moi… Ça me gêne quand même un poil que Facebook reconnaisse mes amis, sache où je suis et affiche en haut de mon fil d’actu : « il va pleuvoir aujourd’hui à Paris », ça me gênait beaucoup que Monoprix me propose des réductions sur les lames de rasoir juste après avoir été plaquée par Nico (parce que je n’avais plus aucune raison d’acheter des lames de rasoir…)

Mais le cerveau humain et le CRM un peu moisi de Big Boss ne sont-ils pas plus indiscrets ?

Combien de fois la petite agent de voyages blonde que je suis n’a-t-elle pas dit à un client les phrases suivantes :

- « je vous réserve un hublot, comme d’habitude ? » (parce que j’ai de la mémoire)
- « en volant sur Qatar Airways, vous allez gagner des avios » (parce que j’ai bien mis en Amadeus les codes FQTV en profil et que je sais que Monsieur Machin a une carte British Airways)
- « je ne vous propose pas de vol Vueling, vous m’avez dit l’an dernier que vous ne voleriez plus jamais avec eux » (finalement, il n’est pas si moisi que ça, le CRM de Big-Boss)
- « je vous prends l’assurance, hein ? Que vous n’ayez pas à payer 50% de frais d’annulation comme quand vous aviez dû annuler votre voyage au Vietnam ».

J’ai toujours dit que « small is beautiful ». Contrairement au Big-Data des GAFAM (Goole, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, ndlr) , le small data de Big-Boss Voyage ne fait pas peur.

Et pourtant… je te promets qu’entre notre CRM un peu artisanal et la mémoire des filles de l’agence, il est terriblement efficace !

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Le Mag est le fruit du travail conjoint de TourMaGSTUDIO, de la rédaction et des autres unités du groupe qui ont travaillé fort pour vous présenter cette 3e édition.