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Michel Durrieu (CRT Nouvelle-Aquitaine) : "Ce serait une erreur de croire que tout va continuer comme avant"

l'interview de Michel Durrieu, directeur général du CRT de Nouvelle-Aquitaine


Pour Michel Durrieu, directeur général du Comité Régional du Tourisme (CRT) de Nouvelle-Aquitaine la crise liée à l'épidémie de coronavirus va entraîner un changement de cap. Offres plus durables, produits plus respectueux de l'environnement, les opérateurs vont devoir accélérer sur ces sujets. Sans un véritable "plan Marshall", l'industrie aura du mal à passer le cap de cette transformation. Interview.


Rédigé par le Dimanche 19 Avril 2020

TourMaG.com - Avez-vous d'ores et déjà estimé l'impact de la crise liée à l'épidémie de coronavirus pour la Nouvelle-Aquitaine ?

Michel Durrieu :
Le tourisme international est bloqué. Cet été nous ne pourrons pas compter sur les clientèles étrangères. Selon les estimations des compagnies aériennes, la capacité aérienne ne devrait pas excéder plus de 50% de leur capacité de trafic d'ici la fin de l'année.

Les frontières ne seront pas ouvertes en globalité et celles qui ouvriront mettront en place des contraintes sanitaires importantes.

La reprise très lente pour les voyageurs internationaux débutera timidement à la fin de l'année.

TourMaG.com - Quelles seront les conséquences de l'absence de cette clientèle étrangères ? Les Français viendront-ils plus nombreux ?

Michel Durrieu :
La Nouvelle-Aquitaine est la première destination en France pour les touristes français. Sur 32 millions de touristes, 28 millions sont des visiteurs français et 4 millions des visiteurs étrangers.

L'absence cette année de ces touristes internationaux aura un impact sur une partie des acteurs touristiques, notamment le secteur marchand. L'impact sera important sur les recettes touristiques avec plusieurs milliards en moins.

En terme de fréquentation, nous nous attendons à une perte de 4 millions de visiteurs correspondant aux voyageurs étrangers mais également à une dégradation sur la fréquentation française.

TourMaG.com - Vous ne comptez pas sur la clientèle française cette année ? Elle aura sans doute envie d'évasion après deux mois de confinement ?

Michel Durrieu :
Les Français voudront s'évader et se rendre dans leur famille. Toutefois, nous estimons qu'il y aura aussi un ralentissement sur la clientèle française.

15 à 20% du budget des Français est dédié aux vacances et aux loisirs. Avec 9 millions de Français en chômage partiel et des salaires amputés de 16%, la partie loisirs et vacances risque d'être affectée.

Autre effet : la non validation des congés par les entreprises.

Quid des transports également ? Il y aura un problème d'acheminement, même si 78% des touristes se déplacent avec leur véhicule pour les vacances. Il faudra respecter les consignes de distanciation dans les transports, les capacités seront réduites sur les rails et dans les airs, les avions ne retrouveront pas leur pleine capacité.

Après deux ou trois mois de confinement, certains Français ne voudront pas se rendre dans des lieux qui concentrent beaucoup de monde.

Enfin de nombreuses questions restent en suspens : quels sont les opérateurs qui vont ouvrir, pourrons-nous accéder aux plages et si oui comment... ?

TourMaG.com - Malgré cette incertitude, les opérateurs se tiennent-ils prêts pour une réouverture ?

Michel Durrieu :
Les grandes structures, les Grottes de Lascaux ou la Cité du Vin... se préparent à aménager une offre et des parcours en vue d'obtenir les autorisations sanitaires qui seront mises en place par l'Etat.

L'objectif est d'éviter les files d'attente et les visites regroupées. Tout un travail est effectué sur la mise en place de cadencement, de procédure de désinfection des audio guides, ou d'un système de vente en ligne de billets avec une plage horaire.

Mais il faudra voir si le cadre imposé ne sera pas plus important.

Les acteurs touristiques ont eu dû mal à intégrer que le confinement serait long et que le dé-confinement le sera tout autant. Toutes les mesures qui seront demandées pour assurer la sécurité des consommateurs auront un coût alors même que la saison touristique sera amputée.

Se pose la question de la rentabilité. Certains opérateurs ont estimé qu'une ouverture deviendra compliquée au-delà du 1er juillet.

"La communication à l'international n'a aucun sens"

TourMaG.com - Prévoyez-vous une campagne de promotion pour relancer la machine ?

Michel Durrieu :
Nous n'avons nullement besoin d'une campagne de communication. Nous sommes dans une situation où les voyageurs étrangers ne peuvent pas venir en France. La communication à l'international n'a aucun sens. Il faudra commencer à y penser en octobre, mais pas avant.

Quant à cibler la clientèle française, je ne suis vraiment pas persuadé qu'il soit nécessaire d'expliquer au Français où ils doivent aller. Se lancer dans une bataille de communication entre régions françaises, je trouverais cela un peu indécent.

Le seul message à faire passer et qui doit être adressé par le gouvernement lui-même est le suivant : "toutes les conditions sont réunies pour que vous puissiez partir en vacances".

Lorsque les conditions sanitaires le permettront il faudra trouver une formule simple et efficace pour faire comprendre aux Français qu'ils pourront à nouveau voyager en France cet été.

J'espère que nous trouverons un message à l'image du "Restez chez vous" pour faire comprendre que les Français pourront à nouveau voyager.

TourMaG.com - D'après vous Atout France doit-il financer une partie de cette communication qui s'adresse aux Français, alors que la mission du GIE est de s'occuper de la promotion de la France à l'étranger...

Michel Durrieu :
Non ! Il faut qu'Atout France garde ses moyens pour la promotion du pays à l'international. Les campagnes de relance vont être compliquées et longues.

Dans un premier temps il faudra qu'Atout France ce concentre sur les marchés européens avant de s'attaquer au long-courrier.

Dès l'automne il faudra se pencher sur des actions à mettre en place pour préparer 2021. Le risque c'est qu'après une année blanche, 2021 ne redécolle pas comme nous le souhaiterions.

TourMaG.com - Vous n'êtes pas favorable à une campagne de communication mais il faut bien s'adresser aux visiteurs... Comment garder le lien ?

Michel Durrieu :
C'est ce que nous faisons. Nous avons lancé avant même le confinement l'opération « Solidarité Tourisme ». L'objectif est de montrer que le tourisme est solidaire du message "Restez chez vous". Dans le même temps les opérateurs eux-mêmes ont mis en place des opérations de soutien.

CroisiEurope a mis un bateau à la disposition des soignants, l'Agence d’attractivité et de Développement Touristiques Béarn Pays Basque a lancé le Repos des Héros, un hôtel Ibis budget de Poitiers s’est transformé en centre d’hébergement pour les malades sans abris...

"Solidarité Tourisme" une campagne sur 5 mois

Cette campagne va se dérouler en 5 phases sur les 5 prochains mois avec une visibilité nationale et internationale et une valorisation estimé à plus de 1,5 millions d’euros.

Cette action a pour objectif de soutenir les acteurs du tourisme et les destinations tout en s’inscrivant, en cette période de crise sanitaire et économique, dans une vague de solidarité. Après avoir rappelé l’importance de « Restez chez nous ». Nous allons soutenir dans un premier temps nos campings, nos hôtels, nos gîtes et maisons d’hôtes, et dans un second temps les sites touristiques et l’ensemble des acteurs.

Nous allons d’abord demander de ne pas annuler, ensuite de réserver et enfin visiter et « consommer ». Nous allons jouer sur « l’attachement » des touristes à notre région et à nos destinations. Pour rappel, 20% des touristes qui partent en vacances en Nouvelle-Aquitaine résident dans notre région et « près de 50% des français qui partent en vacances iront toujours au même endroit et se baigneront toujours sur la même plage ».

A cette campagne seront associés des personnalités du sport et de la culture originaires de la région ou ayant un attachement particulier avec l’une de nos destinations (résidence secondaire, lieu de pratique de leur sport, ou tout simplement lieu de vacances).

Cette campagne sera fortement relayée sur l’ensemble des supports digitaux du CRT Nouvelle-Aquitaine (site internet, réseaux sociaux...) et dans nos actions programmées et sera soutenue par des médias nationaux (Webedia, EasyVoyages, Alociné, Radio et Presse) et régionaux (Sud-Ouest, France Bleu).

Tourisme durable : "Il faudra un Plan Marshall pour aider les opérateurs dans cette transformation"

TourMaG.com - Cette crise n'est pas comme les crises précédentes. Y aura-t-il un avant et un après coronavirus ?

Michel Durrieu :
Ce serait une erreur de croire que tout va continuer comme avant. Après le confinement, il y aura une période de transition puis de transformation.

Les attentes des consommateurs vont évoluer. Le tourisme durable, le développement territorial sont des sujets qui ont déjà émergé mais qui vont devenir centraux.

Nous allons réaliser sur ces sujets en moins de 5 ans ce que nous nous apprêtions à faire en 10 ou 15 ans. Les voyageurs vont vouloir se rendre dans des lieux plus respectueux de l'environnement, utiliser des transports plus propres. Les signaux étaient présents mais ils vont devenir beaucoup plus forts.

Les consommateurs vont sans doute voyager moins loin et chercher des expériences plus individuelles. Les petites structures devraient être davantage plébiscitées.

La montagne et la campagne vont prendre davantage de place dans le paysage touristique. Mais il faudra des investissements colossaux pour que tout le secteur s'adapte à ces nouvelles attentes plus "vertes", plus durables et responsables.

Regardez dans le transport : Airbus et toute la chaîne de sous-traitants vont devoir accélérer sur les nouveaux modes de propulsion des avions. La technologie existe, mais il faudra des moyens colossaux pour la mettre en oeuvre à l'échelle industrielle. Il faut repenser l'ensemble de la production.

Dans le cadre du Schéma Régional de Développement du tourisme et des Loisirs en Nouvelle-Aquitaine nous avions la volonté de devenir la première destination durable de France. Cette démarche s'inscrivait dans le temps. Mais cette ambition va devenir une priorité, il va falloir passer à la vitesse supérieure.

Il faudra un Plan Marshall pour aider les opérateurs dans cette transformation. Il faut que le tourisme durable soit économiquement soutenable, avec un business model cohérent.

"Ce sera peut-être la première fois que nos autorités vont prendre conscience de la place prépondérante du tourisme dans notre économie."

TourMaG.com - La tendance que vous décrivez ne va t-elle pas aller de pair avec une hausse des prix ?

Michel Durrieu :
Un tourisme plus respectueux de l'économie, du social, de l'environnement touchent à des paramètres qui pourraient effectivement faire augmenter les tarifs.

C'est en effet en regroupant les voyageurs que les prix baissent. Si les hébergements sont moins grands, les capacités de transport moins importantes le risque est grand de voir évoluer les prix à la hausse. La donne pourrait changer si 2 ou 3 millions de personnes ne peuvent plus partir en vacances.

Il faudra aussi repenser la politique et le financement du tourisme social, les enjeux vont être importants.

TourMaG.com - Cette crise pourrait-elle changer la vision que les politiques ont du secteur ?

Michel Durrieu :
La France et les décideurs vont se rendre compte du poids réel du tourisme en France. De nombreux emplois indirects dépendent de notre industrie, mais ces emplois ne sont pas toujours visibles. Ils sont sous-estimés.

La restauration, le commerce sont des pans de l'économie totalement imbriqués à notre secteur. Imaginez les Champs-Elysées avec 30% de touristes en moins. Mais il y aussi la boulangerie qui emploie davantage de salariés en haute saison... Les exemples sont nombreux.

Ce sera peut-être la première fois que nos autorités vont prendre conscience de la place prépondérante du tourisme dans notre économie.

Le tourisme en Nouvelle-Aquitaine représente 9% du PIB (Produit Intérieur Brut ndlr) de la région et génère plus de 18 milliards d'euros de recettes. En terme d'emplois, le secteur pèse 1,5% du PIB de la région.

Selon nos estimations, 10% des emplois liés au tourisme (environ 140 000 emplois directs dans la région) seront dégradés.

Le tourisme est le premier secteur économique de la région devant l'agriculture et l'aéronautique.

TourMaG.com - Pensez-vous que le tourisme et le voyage existeront toujours ?

Michel Durrieu :
L'humanité a toujours voyagé et cela va continuer. Les hommes se sont toujours déplacés, mais ils ont toujours changé la manière dont ils voyagent.

Nous allons trouver de nouveaux usages. Si nous regardons l'Histoire, le tourisme d'affaires, pour le commerce existe depuis la nuit des temps.

Et encore aujourd'hui c'est ce secteur qui dicte les ouvertures de lignes aériennes. Ce sont les passagers à haute contribution qui font vivre les compagnies aériennes.

Le voyage d'affaires va être durablement impacté. C'est d'ailleurs un secteur qui souvent anticipe les crises, et stoppe ses activités avant le loisir. C'est aussi ce secteur qui redémarre avec un temps d'avance.

Le voyage d'affaires est un très bon indicateur de l'état du marché.

Terra Aventura se poursuit pendant le confinement !

Terra Aventura kezako ?

Depuis 9 ans maintenant, la région en lien avec les 12 départements de Nouvelle-Aquitaine propose une grande chasse au Trésor pour faire découvrir les richesses patrimoniales de la région.

Plus de 400 parcours ludiques sont proposés à l'aide d'un GPS ou d'une application mobile. Enigmes à résoudre, indices à relever, trésors à chercher... D’étape en étape, ces parcours de quelques kilomètres permettent de découvrir les villes et villages, le patrimoine historique, les sites naturels, les savoir-faire de Nouvelle-Aquitaine, tout en s’amusant.

Et le concept fonctionne puisque, Terra Aventura réunit une large communauté : de plus de 20 000 personnes inscrites pour un total d'1,5 million de joueurs.

"Parmi eux nous avons les fous du jeu, cela représente 28% des joueurs et nous avons 8 personnes qui ont réalisé l'ensemble des parcours. Chaque année nous renouvelons les itinéraires, en 2019 nous en avons lancé 100 nouveaux" explique Michel Durrieu.

Terra Aventura est accessible en 5 langues : français, anglais, espagnol, néerlandais et allemand

Fort de cet engouement un guide du Routard dédié à Terra Aventura a été édité en novembre 2019. "Dès le premier mois il est entré dans le top des guides du Routard les plus vendus en France. Au bout de deux mois il a été réédité, c'est la première fois qu'une guide est réédité aussi tôt." ajoute le directeur général du CRT Nouvelle-Aquitaine.

Et pendant le confinement, Terra Aventura se poursuit... en ligne.

Depuis le vendredi 10 Avril le site internet #SolidaritéTourisme a intégré un espace jeux / Terra Aventura, avec plus de 40 000 visites en 3 jours : https://www.nouvelle-aquitaine-tourisme.com/fr/campagne/solidarite-tourisme#terra

Au programme : jeux, géoquizz et escape game ! Pour maintenir le lien, toutes les semaines de nouveaux parcours et escape game sont proposés.

Et déjà le CRT anticipe le prochain retour au dé-confinement : des parcours sur Paris en lien avec la Nouvelle- Aquitaine seront proposés dès la fin du confinement.

De quoi garder le lien avec ses visiteurs et faire la promotion de la destination de manière ludique et originale !

Céline Eymery Publié par Céline Eymery Rédactrice en Chef - TourMaG.com
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