Transat a été vendu en octobre 2016, mais j’ai été mis dans la confidentialité dès septembre 2015, en tête-à-tête avec Jean-Marc Eustache. Dire que Jean-Marc Eustache m’a trahi, c’est totalement faux. C’est une personne que je garde vraiment dans mon cœur - Photo : Bravo Club
TourMaG.com - Patrice Caradec, qui êtes-vous ?
Patrice Caradec : Je suis un homme en pleine forme, qui a fêté ses 57 ans cette année. Très honnêtement, je pense que je ne les porte pas si mal.
Et si je suis ainsi, c’est parce que je suis un homme très équilibré, tant personnellement que professionnellement. Je suis très bien entouré.
Quand j’ai rencontré celle qui est devenue ma femme, j’avais 23 ans, comme elle. Nous étions passionnés de clubs et nous nous sommes connus, en tant que G.O. au Club Med. Nous y avons fait un court chemin, surtout elle, puisqu’elle a poursuivi ses études.
Elle est Allemande, elle a donc appris le français notamment. Et pendant qu’elle poursuivait ses études, moi, j’ai poursuivi le Club Med et je suis finalement revenu à Paris.
Nous nous sommes connus en 1985, nous nous sommes mariés en 1993, nous avons eu nos filles en 1994 et 1996. Et nous avons célébré nos 25 ans de mariage en juillet dernier.
Elle et moi, nous avons réussi un bel équilibre, entre personnel et professionnel : les choses se mélangent sans se mélanger, car mes plus proches amis sont des gens de la profession, de notre industrie. Et on ne parle que très peu de boulot quand nous sommes ensemble !
Patrice Caradec : Je suis un homme en pleine forme, qui a fêté ses 57 ans cette année. Très honnêtement, je pense que je ne les porte pas si mal.
Et si je suis ainsi, c’est parce que je suis un homme très équilibré, tant personnellement que professionnellement. Je suis très bien entouré.
Quand j’ai rencontré celle qui est devenue ma femme, j’avais 23 ans, comme elle. Nous étions passionnés de clubs et nous nous sommes connus, en tant que G.O. au Club Med. Nous y avons fait un court chemin, surtout elle, puisqu’elle a poursuivi ses études.
Elle est Allemande, elle a donc appris le français notamment. Et pendant qu’elle poursuivait ses études, moi, j’ai poursuivi le Club Med et je suis finalement revenu à Paris.
Nous nous sommes connus en 1985, nous nous sommes mariés en 1993, nous avons eu nos filles en 1994 et 1996. Et nous avons célébré nos 25 ans de mariage en juillet dernier.
Elle et moi, nous avons réussi un bel équilibre, entre personnel et professionnel : les choses se mélangent sans se mélanger, car mes plus proches amis sont des gens de la profession, de notre industrie. Et on ne parle que très peu de boulot quand nous sommes ensemble !
"A l’école, j’avais un condisciple qui se nomme François-Henri Pinault..."
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Je ne dis pas que nous ne parlons jamais boulot quand on est ensemble, mais nous avons énormément d’autres sujets à aborder et à partager.
Entre autres, les couples respectifs qui s’apprécient et avec qui nous organisons souvent des week-ends, des vacances, des moments d’équilibre et de complicité qui sont formidables.
Donc, pour répondre à votre question, je suis un homme extrêmement apaisé. Je n’ai jamais été un révolté, qui a des convictions, qui est exigeant dans tout ce qu'il fait. J’aime bien réussir quand j’entreprends mais j’accepte les échecs. J’en ai eu !
Je croise les doigts pour ne plus en avoir…
Mais j’ai eu cette chance d’être bien entouré, ce qui m’a aidé à franchir les obstacles. Ma vie, mon parcours sont faits de belles rencontres, à titre personnel comme professionnel, qui m’ont accompagné et que je fais en sorte de maintenir.
Mon meilleur ami, je l’ai connu en arrivant à Paris à l’âge de 19 ans. C’est toujours mon meilleur ami.
TourMaG.com - Vous veniez d’où ?
P.C. : Comme mon nom ne l’indique pas, je viens de Bretagne (rires). Je revendique ma Bretonie. Notre famille est issue du Finistère Nord, ce n’est pas une famille de marins, mais de terriens.
Nous sommes originaires de Landerneau, comme un certain Edouard Leclerc. Ma mère est née là-bas, mon père tout à côté et ils sont arrivés à Rennes pour travailler, comme le faisaient tous les Bretons, dans les usines Citroën.
Je suis né à Rennes et 90% de ma famille vit en Bretagne, tant mes frères que mes cousins et cousines germains. Ils doivent être une soixantaine, car nous sommes une grande famille bretonne : mon père avait sept frères et sœurs et ma mère tout autant !
Les cousinades chez nous sont maintenant trop rares, mais quand elles ont lieu, ça réunit beaucoup de monde.
Je suis donc un Breton qui a passé son bac à Rennes avec un an d’avance, à l’école Saint-François de Rennes. J’avais un condisciple qui se prénomme François-Henri Pinault.
Nous n’étions pas très complices et à chaque fois, nous étions dans des équipes différentes lorsque nous faisions du sport. Lui comme moi, nous avons été de grands sportifs et nous avons passé notre bac la même année, dans le même lycée.
Entre autres, les couples respectifs qui s’apprécient et avec qui nous organisons souvent des week-ends, des vacances, des moments d’équilibre et de complicité qui sont formidables.
Donc, pour répondre à votre question, je suis un homme extrêmement apaisé. Je n’ai jamais été un révolté, qui a des convictions, qui est exigeant dans tout ce qu'il fait. J’aime bien réussir quand j’entreprends mais j’accepte les échecs. J’en ai eu !
Je croise les doigts pour ne plus en avoir…
Mais j’ai eu cette chance d’être bien entouré, ce qui m’a aidé à franchir les obstacles. Ma vie, mon parcours sont faits de belles rencontres, à titre personnel comme professionnel, qui m’ont accompagné et que je fais en sorte de maintenir.
Mon meilleur ami, je l’ai connu en arrivant à Paris à l’âge de 19 ans. C’est toujours mon meilleur ami.
TourMaG.com - Vous veniez d’où ?
P.C. : Comme mon nom ne l’indique pas, je viens de Bretagne (rires). Je revendique ma Bretonie. Notre famille est issue du Finistère Nord, ce n’est pas une famille de marins, mais de terriens.
Nous sommes originaires de Landerneau, comme un certain Edouard Leclerc. Ma mère est née là-bas, mon père tout à côté et ils sont arrivés à Rennes pour travailler, comme le faisaient tous les Bretons, dans les usines Citroën.
Je suis né à Rennes et 90% de ma famille vit en Bretagne, tant mes frères que mes cousins et cousines germains. Ils doivent être une soixantaine, car nous sommes une grande famille bretonne : mon père avait sept frères et sœurs et ma mère tout autant !
Les cousinades chez nous sont maintenant trop rares, mais quand elles ont lieu, ça réunit beaucoup de monde.
Je suis donc un Breton qui a passé son bac à Rennes avec un an d’avance, à l’école Saint-François de Rennes. J’avais un condisciple qui se prénomme François-Henri Pinault.
Nous n’étions pas très complices et à chaque fois, nous étions dans des équipes différentes lorsque nous faisions du sport. Lui comme moi, nous avons été de grands sportifs et nous avons passé notre bac la même année, dans le même lycée.
"A 17 ans, après mon bac, je fais le tour de l’Europe en train"
TourMaG.com - Qui a le mieux réussi entre vous deux ?
P.C. : (rires) C’est lui ! Je suis très satisfait de ma carrière, mais très clairement, je suis épaté par la sienne. Je n’ai jamais été un ami de Pinault, je pense même qu’il ne se souvient pas de moi, tandis que moi, je ne peux que me rappeler de lui.
TourMaG.com - Donc, Breton, vous décidez de monter à la capitale ?
P.C. : Passé mon bac en Bretagne, j’ai tenté, comme tout le monde, la Fac…
J’ai peut-être manqué de maturité, je ne savais pas trop ce que je voulais faire. Je n’avais jamais voyagé et comme tous les Bretons, nous passions de Rennes au Finistère Nord, et c’est tout.
A 17 ans, après mon bac, avec mon frère et deux autres copains, nous avons décidé de faire le tour de l’Europe en train.
C’était la grande époque des « billets inter-rail », dans les années 79-80. En un mois et demi, j’ai « fait » une dizaine de pays et ça nous a donné envie de « découvrir le monde ». On baragouinait en anglais…
TourMaG.com - C'est une expression bretonne, baragouiner ?
P.C. : Tout à fait. Bara en breton, c’est le pain et Gouin c’est le vin.
Quand les Bretons sont arrivés à Paris, ils ne parlaient que la langue bretonne. Donc, ils réclamaient "Bara, gouin" … Et du coup, les Parisiens ne comprenaient rien, leur disant « mais qu’est-ce que tu baragouines, toi ? »
P.C. : (rires) C’est lui ! Je suis très satisfait de ma carrière, mais très clairement, je suis épaté par la sienne. Je n’ai jamais été un ami de Pinault, je pense même qu’il ne se souvient pas de moi, tandis que moi, je ne peux que me rappeler de lui.
TourMaG.com - Donc, Breton, vous décidez de monter à la capitale ?
P.C. : Passé mon bac en Bretagne, j’ai tenté, comme tout le monde, la Fac…
J’ai peut-être manqué de maturité, je ne savais pas trop ce que je voulais faire. Je n’avais jamais voyagé et comme tous les Bretons, nous passions de Rennes au Finistère Nord, et c’est tout.
A 17 ans, après mon bac, avec mon frère et deux autres copains, nous avons décidé de faire le tour de l’Europe en train.
C’était la grande époque des « billets inter-rail », dans les années 79-80. En un mois et demi, j’ai « fait » une dizaine de pays et ça nous a donné envie de « découvrir le monde ». On baragouinait en anglais…
TourMaG.com - C'est une expression bretonne, baragouiner ?
P.C. : Tout à fait. Bara en breton, c’est le pain et Gouin c’est le vin.
Quand les Bretons sont arrivés à Paris, ils ne parlaient que la langue bretonne. Donc, ils réclamaient "Bara, gouin" … Et du coup, les Parisiens ne comprenaient rien, leur disant « mais qu’est-ce que tu baragouines, toi ? »
Je suis devenu un "fou" de Paris...
TourMaG.com - Et donc, vous êtes revenu…
P.C. : Oui, j’ai même tenté une année de fac, en sciences économiques, mon frère une fac de psycho. On s’est, l’un et l’autre, très vite arrêtés.
Lui pour faire du sport, la passion que nous avons en commun. Il est prof d’EPS depuis 35 ans maintenant, un excellent prof, pédagogue, coach. Pas seulement le prof qui tient le sac de ballons en disant à ses élèves « aujourd’hui, c’est basket, démerdez-vous ».
Moi, j’avais le choix de suivre mon frère (le CREPS était à Dinard) … J’avais aussi envie de « faire cuisine », il y avait une très bonne école à Dinard.
Mais le voyage était toujours dans un coin de ma tête. A l’époque, il fallait un BTS et il n’y avait que trois écoles en France, publiques : à Paris, Bordeaux et Nice. J’ai postulé dans les trois, je n’ai pas été admis.
Il y avait aussi quelques écoles privées, qui coûtaient un peu d’argent et mes parents m’ont soutenu : j’ai fait un « prêt étudiant », j’ai trouvé une piaule et je suis arrivé à Paris. C’était en 1981. Mais je retournais en Bretagne tous les week-ends… durant quelques temps, puis j’ai espacé mes retours et finalement j’ai fait ma vie à Paris.
J’ai passé mon BTS Tourisme au bout de deux ans, alors que les écoles visaient un taux de réussite de 50%. Maintenant, ils veulent du 100%, ils doivent être meilleurs.
Pour la petite histoire, mon école se trouvait Boulevard Saint Germain, j’avais une chambre rue des Canettes et je suis devenu un « fou » de Paris.
Je n’avais pas beaucoup de moyens, mais j’étais "démerdard". Et pour profiter de Paris en tant qu’étudiant, j’ai fait plein de boulots.
J’avais un copain qui travaillait à l’Hôpital Cochin et qui m’avait trouvé un job de « cobaye ». Mine de rien, c’était payé 300 francs, ça doublait mon budget. D’accord, ça aurait pu mal tourner, mais c’était sans risques.
A cette époque aussi, j’ai rencontré Guy Zekri… Comme quoi, cette école a été fréquentée par quelques personnes du tourisme qui ont fait carrière. En revanche, mon meilleur ami, qui a aussi été reçu, n’a jamais travaillé dans le tourisme.
P.C. : Oui, j’ai même tenté une année de fac, en sciences économiques, mon frère une fac de psycho. On s’est, l’un et l’autre, très vite arrêtés.
Lui pour faire du sport, la passion que nous avons en commun. Il est prof d’EPS depuis 35 ans maintenant, un excellent prof, pédagogue, coach. Pas seulement le prof qui tient le sac de ballons en disant à ses élèves « aujourd’hui, c’est basket, démerdez-vous ».
Moi, j’avais le choix de suivre mon frère (le CREPS était à Dinard) … J’avais aussi envie de « faire cuisine », il y avait une très bonne école à Dinard.
Mais le voyage était toujours dans un coin de ma tête. A l’époque, il fallait un BTS et il n’y avait que trois écoles en France, publiques : à Paris, Bordeaux et Nice. J’ai postulé dans les trois, je n’ai pas été admis.
Il y avait aussi quelques écoles privées, qui coûtaient un peu d’argent et mes parents m’ont soutenu : j’ai fait un « prêt étudiant », j’ai trouvé une piaule et je suis arrivé à Paris. C’était en 1981. Mais je retournais en Bretagne tous les week-ends… durant quelques temps, puis j’ai espacé mes retours et finalement j’ai fait ma vie à Paris.
J’ai passé mon BTS Tourisme au bout de deux ans, alors que les écoles visaient un taux de réussite de 50%. Maintenant, ils veulent du 100%, ils doivent être meilleurs.
Pour la petite histoire, mon école se trouvait Boulevard Saint Germain, j’avais une chambre rue des Canettes et je suis devenu un « fou » de Paris.
Je n’avais pas beaucoup de moyens, mais j’étais "démerdard". Et pour profiter de Paris en tant qu’étudiant, j’ai fait plein de boulots.
J’avais un copain qui travaillait à l’Hôpital Cochin et qui m’avait trouvé un job de « cobaye ». Mine de rien, c’était payé 300 francs, ça doublait mon budget. D’accord, ça aurait pu mal tourner, mais c’était sans risques.
A cette époque aussi, j’ai rencontré Guy Zekri… Comme quoi, cette école a été fréquentée par quelques personnes du tourisme qui ont fait carrière. En revanche, mon meilleur ami, qui a aussi été reçu, n’a jamais travaillé dans le tourisme.
Passionné de club... et 19 ans de Transat !
TourMaG.com - Finalement, si je comprends bien, votre famille, c’est un ensemble entre tourisme et vie personnelle ?
P.C. : Nous avons fêté, mon épouse et moi, nos 50 ans, il y a quelques années. Nous étions 80 personnes : 20 de ma famille « directe », les 60 autres étaient des amis.
Et, sur ces 60, 40 étaient nos amis de la profession !
J’ai toujours impliqué Tina, mon épouse, auprès de nos amis, y compris dans les congrès.
J’ai toujours pensé que, en étant toujours parti, mon couple allait voler en éclat si je partais tout seul à ces manifestations.
Sans jamais avoir travaillé dans la profession, mon épouse n’est pas étrangère à tout ce qui s’y passe. Pour moi, c’est très important, même si nous avons chacun notre carrière professionnelle. Je connais son milieu professionnel et elle connait le mien.
TourMaG.com - Vous avez mentionné que, lorsque vous avez rencontré votre épouse, vous étiez « déjà » passionné de clubs. Déjà ?
P.C. : Oui. En fait, nous y allions pour travailler, mais nous aimions cette « ambiance club ».
Lorsque je suis arrivé au Club Med, quelques années après la sortie des « Bronzés », je me rappelle avoir vu le premier film quelques semaines avant de partir au club.
J’étais au service des excursions, accompagnateur. J’étais moins sur scène, mais ma femme participait beaucoup plus. Elle vendait même des colliers bar ! Elle adorait cette ambiance festive, conviviale et très vite nous avons baigné dedans.
En 1985, le Club c’était haut de gamme. L’Egypte, par exemple, se vendait à 1 000 francs par jour ! On vendait de l’Egypte, 10 jours, Le Caire, Abou Simbel, le Club à Louxor, pour 12 000 francs, soit aujourd’hui l’équivalent de 2 000€. Maintenant, ça vaut 700€.
A l’époque voyager, ce n’était pas encore franchement démocratisé.
Par exemple, j’ai accompagné des patrons du CAC 40, ce qui m’a donné par la suite une certaine assurance, en me disant que ces patrons, je connais l’envers de leur décor : en vacances, ils se laissent mener, embarquer, tout juste s’ils ne paniquent pas, ne sachant pas combien laisser de pourboire.
P.C. : Nous avons fêté, mon épouse et moi, nos 50 ans, il y a quelques années. Nous étions 80 personnes : 20 de ma famille « directe », les 60 autres étaient des amis.
Et, sur ces 60, 40 étaient nos amis de la profession !
J’ai toujours impliqué Tina, mon épouse, auprès de nos amis, y compris dans les congrès.
J’ai toujours pensé que, en étant toujours parti, mon couple allait voler en éclat si je partais tout seul à ces manifestations.
Sans jamais avoir travaillé dans la profession, mon épouse n’est pas étrangère à tout ce qui s’y passe. Pour moi, c’est très important, même si nous avons chacun notre carrière professionnelle. Je connais son milieu professionnel et elle connait le mien.
TourMaG.com - Vous avez mentionné que, lorsque vous avez rencontré votre épouse, vous étiez « déjà » passionné de clubs. Déjà ?
P.C. : Oui. En fait, nous y allions pour travailler, mais nous aimions cette « ambiance club ».
Lorsque je suis arrivé au Club Med, quelques années après la sortie des « Bronzés », je me rappelle avoir vu le premier film quelques semaines avant de partir au club.
J’étais au service des excursions, accompagnateur. J’étais moins sur scène, mais ma femme participait beaucoup plus. Elle vendait même des colliers bar ! Elle adorait cette ambiance festive, conviviale et très vite nous avons baigné dedans.
En 1985, le Club c’était haut de gamme. L’Egypte, par exemple, se vendait à 1 000 francs par jour ! On vendait de l’Egypte, 10 jours, Le Caire, Abou Simbel, le Club à Louxor, pour 12 000 francs, soit aujourd’hui l’équivalent de 2 000€. Maintenant, ça vaut 700€.
A l’époque voyager, ce n’était pas encore franchement démocratisé.
Par exemple, j’ai accompagné des patrons du CAC 40, ce qui m’a donné par la suite une certaine assurance, en me disant que ces patrons, je connais l’envers de leur décor : en vacances, ils se laissent mener, embarquer, tout juste s’ils ne paniquent pas, ne sachant pas combien laisser de pourboire.
"Le Club Med m’a beaucoup aidé"
Je crois que cela m’a complètement désinhibé par rapport à ce que pouvait représenter un patron.
Après avoir quitté le Club, j’ai postulé chez Hertz France en tant que commercial. Je me suis présenté à l’entretien, en chemise à fleurs, pieds nus dans mes godasses. J’avais du bagout et j’ai été embauché… à condition d’être habillé en costume-cravate.
Mais j’étais arrivé très à l’aise. Le club m’a beaucoup aidé. Et quand je dis que nous étions « fans » de clubs, c’était parce que nous en avions tiré la quintessence : savoir s’amuser, rencontrer des gens, se faire de nouveaux amis, pratiquer le sport…
De plus, en ayant des enfants, la formule Club est l’endroit idéal où aller : ce sont les vacances pour tout le monde. Nos enfants se faisaient des amis, parfois on ne les voyait pas de la semaine.
TourMaG.com - Mais, à cette époque, c’était une formule réservée à l’élite ?
P.C. : Pour le Club Med, oui. Après, sont nés d’autres clubs : Aquarius par exemple, Kappa Club de l’époque.
Après Hertz et un passage chez Pierre & Vacances, j’ai été contacté et engagé par un TO qui s’appelait le Groupe Chorus, présidé par Gaël de la Porte du Theil, qui avait été aussi un des patrons de Pierre & Vacances. Et nous avions ces Kappa Club, avec Jean-Marie Chevret, une figure…
Chorus a par la suite fusionné avec Jet tours (Sotair) et mon patron est devenu d’abord Jean-Robert Reznik, puis René-Marc Chikli.
S’il y a un fil conducteur dans ma carrière, ce sont bien les clubs, même si, lorsque je suis arrivé chez Transat en 1997, c’était plutôt des circuits.
Mais c’est aussi un produit que je connaissais grâce à Club Med. Et puis, 19 ans passé chez Transat…
Après avoir quitté le Club, j’ai postulé chez Hertz France en tant que commercial. Je me suis présenté à l’entretien, en chemise à fleurs, pieds nus dans mes godasses. J’avais du bagout et j’ai été embauché… à condition d’être habillé en costume-cravate.
Mais j’étais arrivé très à l’aise. Le club m’a beaucoup aidé. Et quand je dis que nous étions « fans » de clubs, c’était parce que nous en avions tiré la quintessence : savoir s’amuser, rencontrer des gens, se faire de nouveaux amis, pratiquer le sport…
De plus, en ayant des enfants, la formule Club est l’endroit idéal où aller : ce sont les vacances pour tout le monde. Nos enfants se faisaient des amis, parfois on ne les voyait pas de la semaine.
TourMaG.com - Mais, à cette époque, c’était une formule réservée à l’élite ?
P.C. : Pour le Club Med, oui. Après, sont nés d’autres clubs : Aquarius par exemple, Kappa Club de l’époque.
Après Hertz et un passage chez Pierre & Vacances, j’ai été contacté et engagé par un TO qui s’appelait le Groupe Chorus, présidé par Gaël de la Porte du Theil, qui avait été aussi un des patrons de Pierre & Vacances. Et nous avions ces Kappa Club, avec Jean-Marie Chevret, une figure…
Chorus a par la suite fusionné avec Jet tours (Sotair) et mon patron est devenu d’abord Jean-Robert Reznik, puis René-Marc Chikli.
S’il y a un fil conducteur dans ma carrière, ce sont bien les clubs, même si, lorsque je suis arrivé chez Transat en 1997, c’était plutôt des circuits.
Mais c’est aussi un produit que je connaissais grâce à Club Med. Et puis, 19 ans passé chez Transat…
"Non, je n'ai pas le sentiment d'avoir été trahi !"
TourMaG.com - Justement, quand on a passé presque 20 ans dans une boite, qu'on est arrivé à sa présidence et que l’on vous dit « c’est vendu », n’a-t-on pas une impression d’avoir été trahi ?
P.C. : Très franchement, la réponse est non. Transat a été vendu en octobre 2016, mais j’ai été mis dans la confidentialité dès septembre 2015, en tête-à-tête avec Jean-Marc Eustache (président du groupe Transat, ndDG).
Dire que Jean-Marc Eustache m’a trahi, c’est totalement faux. C’est une personne que je garde vraiment dans mon cœur.
Il m’avait annoncé que cette vente ne pouvait pas se faire sans moi et mon équipe, mais que la décision était prise.
TourMaG.com - Ça doit quand même faire un choc ?
P.C. : Ma première réaction a été de me demander si je pouvais racheter ! Il m’a dit tout de suite non, mais indirectement, il me suggérait de trouver des fonds.
Comme je connaissais le prix de vente, je savais que je ne pouvais pas racheter seul. Et pour finir, le montant auquel s’est fait la vente… je ne pouvais pas suivre.
Transat a été bien vendu. Et, pour tout vous dire, alors que la vente était décidée en septembre 2015, la nouvelle n’a été médiatisée qu’en janvier 2016 !
Ça a été une année très importante dans ma carrière. Très dure physiquement, avec une quantité de travail phénoménale. Il a fallu sortir les résultats de 2016, qui étaient bons, motiver une équipe un peu « démotivée » et… vendre la boite.
Il a fallu gérer la relation avec l’actionnaire vendeur, les repreneurs potentiels, la Banque Rothschild qui étaient au milieu de tout ça. Une année passionnante qui restera une année importante dans ma carrière. Mais je ne me suis pas senti trahi…
P.C. : Très franchement, la réponse est non. Transat a été vendu en octobre 2016, mais j’ai été mis dans la confidentialité dès septembre 2015, en tête-à-tête avec Jean-Marc Eustache (président du groupe Transat, ndDG).
Dire que Jean-Marc Eustache m’a trahi, c’est totalement faux. C’est une personne que je garde vraiment dans mon cœur.
Il m’avait annoncé que cette vente ne pouvait pas se faire sans moi et mon équipe, mais que la décision était prise.
TourMaG.com - Ça doit quand même faire un choc ?
P.C. : Ma première réaction a été de me demander si je pouvais racheter ! Il m’a dit tout de suite non, mais indirectement, il me suggérait de trouver des fonds.
Comme je connaissais le prix de vente, je savais que je ne pouvais pas racheter seul. Et pour finir, le montant auquel s’est fait la vente… je ne pouvais pas suivre.
Transat a été bien vendu. Et, pour tout vous dire, alors que la vente était décidée en septembre 2015, la nouvelle n’a été médiatisée qu’en janvier 2016 !
Ça a été une année très importante dans ma carrière. Très dure physiquement, avec une quantité de travail phénoménale. Il a fallu sortir les résultats de 2016, qui étaient bons, motiver une équipe un peu « démotivée » et… vendre la boite.
Il a fallu gérer la relation avec l’actionnaire vendeur, les repreneurs potentiels, la Banque Rothschild qui étaient au milieu de tout ça. Une année passionnante qui restera une année importante dans ma carrière. Mais je ne me suis pas senti trahi…
"Mon départ de TUI, c’était surement un mal pour un bien"
TourMaG.com - Après le rachat de Transat par TUI, vous vous attendiez à être révoqué tout de suite ?
P.C. : Oui. D’abord parce que, avant la vente, il a fallu passer le filtre de la Commission Européenne sur la concurrence et que nous n’avions pas de relations. Mais il était bien évident qu’au final, l’avenir ne s’écrirait pas ensemble. Et puis, avais-je réellement envie de cet avenir ?
Je pense que nous avons fait un super travail chez Transat, j’étais dans ma 55e année. S’il y avait une dernière page à tourner, un dernier projet à mener, c’était peut-être le moment ?
J’avais déjà vécu ça en 1993, lors du rachat de Chorus par la Sotair. C’était le numéro 2 qui rachetait le numéro 4. J’y suis resté trois ans, après cette fusion qui a été une catastrophe, où 1+1 ça fait 1,2 (certains on même dit 0,85), j’ai failli y perdre mon âme.
Il fallait que je parte… sans rien avoir derrière.
Jean-Pierre Mas me l’a dit à l’époque : « il était temps que tu partes, tu allais perdre ton ADN ».
Et, pour en revenir à la vente de Transat, quand j’ai vu que c’était un « gros » qui nous rachetait (TUI), je me suis dit que ça n’allait pas le faire et que c’était sûrement un mal pour un bien.
TourMaG.com - En regardant quelques années après, il n’y a pas de regrets en voyant disparaître les marques de Transat, Look…
P.C. : Ce n’était pas ma vision des choses… Mais ce n’est pas moi qui aie acheté. En même temps, ce ne sont pas les premières marques qui disparaissent dans cette industrie.
TourMaG.com - Certes, mais est-ce que l’âme de ces marques ne disparaît pas aussi ?
P.C. : L’âme de Transat n’existe plus, c’est vrai. Mais aussi Look, c’est vrai.
D’ailleurs, quand nous avions fait Transat et repris Look, nous avions gardé les « bleus » et les « rouges ». Ça faisait un peu baby-foot ! Et nous avions réussi à garder l’agilité d’un Look Voyages et la placidité d’un Vacances Transat, qui avait fait son petit bonhomme de chemin, passant de 60 millions d’euros à 240 en dix ans.
P.C. : Oui. D’abord parce que, avant la vente, il a fallu passer le filtre de la Commission Européenne sur la concurrence et que nous n’avions pas de relations. Mais il était bien évident qu’au final, l’avenir ne s’écrirait pas ensemble. Et puis, avais-je réellement envie de cet avenir ?
Je pense que nous avons fait un super travail chez Transat, j’étais dans ma 55e année. S’il y avait une dernière page à tourner, un dernier projet à mener, c’était peut-être le moment ?
J’avais déjà vécu ça en 1993, lors du rachat de Chorus par la Sotair. C’était le numéro 2 qui rachetait le numéro 4. J’y suis resté trois ans, après cette fusion qui a été une catastrophe, où 1+1 ça fait 1,2 (certains on même dit 0,85), j’ai failli y perdre mon âme.
Il fallait que je parte… sans rien avoir derrière.
Jean-Pierre Mas me l’a dit à l’époque : « il était temps que tu partes, tu allais perdre ton ADN ».
Et, pour en revenir à la vente de Transat, quand j’ai vu que c’était un « gros » qui nous rachetait (TUI), je me suis dit que ça n’allait pas le faire et que c’était sûrement un mal pour un bien.
TourMaG.com - En regardant quelques années après, il n’y a pas de regrets en voyant disparaître les marques de Transat, Look…
P.C. : Ce n’était pas ma vision des choses… Mais ce n’est pas moi qui aie acheté. En même temps, ce ne sont pas les premières marques qui disparaissent dans cette industrie.
TourMaG.com - Certes, mais est-ce que l’âme de ces marques ne disparaît pas aussi ?
P.C. : L’âme de Transat n’existe plus, c’est vrai. Mais aussi Look, c’est vrai.
D’ailleurs, quand nous avions fait Transat et repris Look, nous avions gardé les « bleus » et les « rouges ». Ça faisait un peu baby-foot ! Et nous avions réussi à garder l’agilité d’un Look Voyages et la placidité d’un Vacances Transat, qui avait fait son petit bonhomme de chemin, passant de 60 millions d’euros à 240 en dix ans.
"Fusion TUI-Transat ? J'aurais fait différemment !"
C’était deux boites différentes, mais qui avaient un bon… fond !
C’est sûr que j’aurais préféré être racheté par un industriel qui n’a pas pignon sur rue et qui aurait demandé à l’équipe en place de piloter une nouvelle vision, un nouveau business plan. Il est évident qu’il y avait encore beaucoup de choses à faire avec Transat.
TourMaG.com - A la place de Jean-Marc Eustache, vous auriez vendu ?
P.C. : (hésitation) Oui. Les dernières années de Transat, nous avons beaucoup travaillé sur les synergies qui pouvaient exister entre la France et le Canada.
Mais finalement, chaque fois que nous avons essayé de travailler ensemble, c’était toujours au détriment de l’un ou de l’autre. Mais ça ne faisait jamais grandir les deux.
Par exemple, on faisait voler les avions d’Air Transat sur le Canada, c’est d’ailleurs toujours le cas aujourd’hui, Lydia Morineaux faisant très bien le job actuellement, mais l’hiver, les Canadiens voulaient placer les avions sur le sol français par l’intermédiaire du « chapeau » de XL Airways, alors que nous n’avions pas besoin de tout ce stock !
A l’échelle un peu de ce qui se passe avec TUI aujourd’hui !
Du coup, Eustache a quand même compris qu’il valait mieux valoriser Transat France et la vendre : il en a tiré quelque 65 M€, soit 100 millions de dollars canadiens !
Ce qui lui permettait de mettre en place, pour Transat une autre stratégie qui était celle du développement hôtelier. C’est logique, d’autant que pour son marché, la filiale française ne lui apportait rien.
TourMaG.com - Si TUI vous avait confié la présidence de l’ensemble des filiales françaises du Groupe...
P.C. : Soyons clair, et je n’ai pas la langue dans ma poche, j'avais fait comprendre, lors d’un dîner, quelques semaines avant la vente, quelle était ma vision des choses. Comment j’avais vécu la fusion ratée Jet Tours/Chorus. Il ne fallait surtout pas faire du « monomarque » … Voilà ! Mais j’ai vite compris que ce n’était pas du tout la vision de TUI.
TourMaG.com - Est-ce pour vous une fusion ratée ?
P.C. : Je ne suis pas dans le moteur de TUI. J’aurais fait différemment. Mais j’ai un devoir de réserve…
C’est sûr que j’aurais préféré être racheté par un industriel qui n’a pas pignon sur rue et qui aurait demandé à l’équipe en place de piloter une nouvelle vision, un nouveau business plan. Il est évident qu’il y avait encore beaucoup de choses à faire avec Transat.
TourMaG.com - A la place de Jean-Marc Eustache, vous auriez vendu ?
P.C. : (hésitation) Oui. Les dernières années de Transat, nous avons beaucoup travaillé sur les synergies qui pouvaient exister entre la France et le Canada.
Mais finalement, chaque fois que nous avons essayé de travailler ensemble, c’était toujours au détriment de l’un ou de l’autre. Mais ça ne faisait jamais grandir les deux.
Par exemple, on faisait voler les avions d’Air Transat sur le Canada, c’est d’ailleurs toujours le cas aujourd’hui, Lydia Morineaux faisant très bien le job actuellement, mais l’hiver, les Canadiens voulaient placer les avions sur le sol français par l’intermédiaire du « chapeau » de XL Airways, alors que nous n’avions pas besoin de tout ce stock !
A l’échelle un peu de ce qui se passe avec TUI aujourd’hui !
Du coup, Eustache a quand même compris qu’il valait mieux valoriser Transat France et la vendre : il en a tiré quelque 65 M€, soit 100 millions de dollars canadiens !
Ce qui lui permettait de mettre en place, pour Transat une autre stratégie qui était celle du développement hôtelier. C’est logique, d’autant que pour son marché, la filiale française ne lui apportait rien.
TourMaG.com - Si TUI vous avait confié la présidence de l’ensemble des filiales françaises du Groupe...
P.C. : Soyons clair, et je n’ai pas la langue dans ma poche, j'avais fait comprendre, lors d’un dîner, quelques semaines avant la vente, quelle était ma vision des choses. Comment j’avais vécu la fusion ratée Jet Tours/Chorus. Il ne fallait surtout pas faire du « monomarque » … Voilà ! Mais j’ai vite compris que ce n’était pas du tout la vision de TUI.
TourMaG.com - Est-ce pour vous une fusion ratée ?
P.C. : Je ne suis pas dans le moteur de TUI. J’aurais fait différemment. Mais j’ai un devoir de réserve…
"Je me suis dit qu’il fallait écrire une nouvelle histoire"
TourMaG.com - En repartant pour une nouvelle aventure avec l’installation d’Alpitour en France, ce qui n’est pas facile, comment vous sentez-vous ?
P.C. : Je n’aurais pas fait autre chose. J’ai eu des propositions, de la part de gros mastodontes de notre industrie, mais c’était repartir comme j’étais. Je n’avais pas envie.
Je n’ai pas eu à hésiter longtemps. Faute de pouvoir garder le bébé que nous avions fait grandir en équipe, je me suis dit que je préférais faire naître un autre bébé, partir de zéro plutôt que de récupérer des boites qui ont trop de choses à changer et qui sont très difficiles à transformer.
C’est très compliqué de transformer une boite. C’est Sébastien Bazin (président d’Accor, ndDG) qui disait qu’en arrivant dans une start-up, il suffit « d’écrire les process », alors qu’en arrivant dans une grosse société on arrive avec un sac lourd, plein de cailloux qu’il faut porter sans pouvoir le vider.
Donc je me suis dit qu’il fallait écrire une nouvelle histoire. Bien sûr, il faut être bien accompagné, ça ne se fait pas tout seul.
L’occasion s’est présentée avec un acteur industriel qui était sur les rangs pour le rachat de Transat. Il ne l’a pas racheté. Et faute d’arriver sur le marché français par ce biais, il a trouvé l’occasion pertinente en me voyant « révoqué ».
J’ai été remercié le 31 octobre, il m’a appelé le 1er novembre, le jour des morts. J’ai pris un peu de temps pour profiter d’un repos bien mérité et en avril 2017, on créait Alpitour France… à partir de rien !
Je n’aurais pas fait autre chose, mais je ne m’attendais pas à ce que ce soit si difficile, parce que, même si j’avais préparé mon départ de Transat, en faire le deuil ça ne se fait pas comme ça. Pas seulement le deuil d’une belle boite, c’est aussi faire le deuil de choses qui sont huilées…
P.C. : Je n’aurais pas fait autre chose. J’ai eu des propositions, de la part de gros mastodontes de notre industrie, mais c’était repartir comme j’étais. Je n’avais pas envie.
Je n’ai pas eu à hésiter longtemps. Faute de pouvoir garder le bébé que nous avions fait grandir en équipe, je me suis dit que je préférais faire naître un autre bébé, partir de zéro plutôt que de récupérer des boites qui ont trop de choses à changer et qui sont très difficiles à transformer.
C’est très compliqué de transformer une boite. C’est Sébastien Bazin (président d’Accor, ndDG) qui disait qu’en arrivant dans une start-up, il suffit « d’écrire les process », alors qu’en arrivant dans une grosse société on arrive avec un sac lourd, plein de cailloux qu’il faut porter sans pouvoir le vider.
Donc je me suis dit qu’il fallait écrire une nouvelle histoire. Bien sûr, il faut être bien accompagné, ça ne se fait pas tout seul.
L’occasion s’est présentée avec un acteur industriel qui était sur les rangs pour le rachat de Transat. Il ne l’a pas racheté. Et faute d’arriver sur le marché français par ce biais, il a trouvé l’occasion pertinente en me voyant « révoqué ».
J’ai été remercié le 31 octobre, il m’a appelé le 1er novembre, le jour des morts. J’ai pris un peu de temps pour profiter d’un repos bien mérité et en avril 2017, on créait Alpitour France… à partir de rien !
Je n’aurais pas fait autre chose, mais je ne m’attendais pas à ce que ce soit si difficile, parce que, même si j’avais préparé mon départ de Transat, en faire le deuil ça ne se fait pas comme ça. Pas seulement le deuil d’une belle boite, c’est aussi faire le deuil de choses qui sont huilées…
"Réussir une carrière, c'est un subtil cocktail..."
J’ai découvert, en créant Alpitour France, des obstacles et des lenteurs, des soucis dont je n’avais jamais eu connaissance en étant à la tête d’une grosse boite.
Parce que j’avais des gens qui s’en occupaient. Nous sommes une toute petite structure, je m’aperçois de toutes ces contraintes, juridiques, légales, etc. En fait, je découvre l'entrepreneuriat.
TourMaG.com - Un président qui met les mains dans la terre ?
P.C. : Je n’ai jamais été un président très « président ». Je suis très exigeant, très complice avec mes équipes, mais cela n’empêche pas l’exigence. Je peux être très dur, je sais prendre des décisions difficiles, mais quand il y a du respect, de l’écoute, de l’explication, ça passe.
Le jour où j’ai quitté Transat, le 2 novembre, j’ai dit au revoir à tout le monde (je connaissais les trois quarts des salariés par leur prénom) et le soir de mon départ, en quittant mon bureau, il y avait 250 personnes dans la rue. J’en ai encore de l’émotion !
Mais je n’ai pas craqué. Pour cela, une bonne technique, il faut fixer un regard : ce jour-là, j’ai croisé le regard de la patronne du comité d’entreprise… qui pleurait ! La personne avec qui je m’étais battu depuis des années. Je me suis dit que je partais la tête haute.
Réussir une carrière, c’est sans doute un subtil cocktail : avoir un peu de talent, faire de belles rencontres, être loyal, pas de casseroles à traîner… Avec une part de chance, mais il faut souvent la provoquer.
TourMaG.com - Vous aviez l’objectif de devenir un jour président ?
P.C. : Non, pas forcément.
TourMaG.com - Vous avez toujours été un excellent commercial. Vous pourriez vendre n’importe quoi ?
P.C. : Non, pas du tout. J’ai au contraire une grande sensibilité « produit ». Je connais mes produits, je sais en tirer la quintessence, je sais les transformer, les marqueter.
Je trouve que notre profession manque un peu de ça. Aujourd’hui, la techno a pris le pas sur le produit. Il y a quelques années, être un bon tour-opérateur nécessitait d’avoir de bons produits. Aujourd’hui, c’est avoir de la techno ! Et le produit devient presque secondaire.
Parce que j’avais des gens qui s’en occupaient. Nous sommes une toute petite structure, je m’aperçois de toutes ces contraintes, juridiques, légales, etc. En fait, je découvre l'entrepreneuriat.
TourMaG.com - Un président qui met les mains dans la terre ?
P.C. : Je n’ai jamais été un président très « président ». Je suis très exigeant, très complice avec mes équipes, mais cela n’empêche pas l’exigence. Je peux être très dur, je sais prendre des décisions difficiles, mais quand il y a du respect, de l’écoute, de l’explication, ça passe.
Le jour où j’ai quitté Transat, le 2 novembre, j’ai dit au revoir à tout le monde (je connaissais les trois quarts des salariés par leur prénom) et le soir de mon départ, en quittant mon bureau, il y avait 250 personnes dans la rue. J’en ai encore de l’émotion !
Mais je n’ai pas craqué. Pour cela, une bonne technique, il faut fixer un regard : ce jour-là, j’ai croisé le regard de la patronne du comité d’entreprise… qui pleurait ! La personne avec qui je m’étais battu depuis des années. Je me suis dit que je partais la tête haute.
Réussir une carrière, c’est sans doute un subtil cocktail : avoir un peu de talent, faire de belles rencontres, être loyal, pas de casseroles à traîner… Avec une part de chance, mais il faut souvent la provoquer.
TourMaG.com - Vous aviez l’objectif de devenir un jour président ?
P.C. : Non, pas forcément.
TourMaG.com - Vous avez toujours été un excellent commercial. Vous pourriez vendre n’importe quoi ?
P.C. : Non, pas du tout. J’ai au contraire une grande sensibilité « produit ». Je connais mes produits, je sais en tirer la quintessence, je sais les transformer, les marqueter.
Je trouve que notre profession manque un peu de ça. Aujourd’hui, la techno a pris le pas sur le produit. Il y a quelques années, être un bon tour-opérateur nécessitait d’avoir de bons produits. Aujourd’hui, c’est avoir de la techno ! Et le produit devient presque secondaire.
En Italie, ils travaillent encore à l'ancienne !
Chez Alpitour, chez Bravo Club, j’estime que nous sommes partis du produit. Les Italiens sont avant tout « produit », ils ne sont pas techno, ils sont à l’ancienne, c’est la France d’il y a quinze ans.
Et je pense que nous, nous les aidons considérablement, nous dépoussiérons la vieille dame. Mais sur leur marché, ils sont très bons… et ils vendent très cher !
J’adorerais qu’en France nous soyons leader du marché et que l’on vende cher. Ce n’est hélas, pas le cas !
En Italie, ils ont éliminé l’idée d’avoir des comparateurs par exemple… Ils n’en veulent pas. Ils estiment que les agences de voyages iront sur leur site BtoB, faut surtout pas comparer notre produit à un autre.
En France, Bravo Club est né avec du produit. Et nous sommes en train de développer une techno. Ma souffrance, c’est ça actuellement : je n’ai pas une techno suffisamment agile, suffisamment efficace.
J’ai beaucoup de retard par rapport à mes confrères… qui disposent d’une super technologie mais qui font quelques phrases sur leurs produits. Je ne dis pas qu’ils n’ont pas de produits, mais leur succès est avant tout technologique.
En revanche, Alpitour me donne la chance et le temps d’avoir du produit et de faire mettre en place la technologie.
TourMaG.com - Justement, comment différencie-t-on un Bravo Club d’un Marmara, d’un Look ou un autre ?
P.C. : Surtout pas par le prix ! Parce que ça, le consommateur sait le faire tout seul. Il faut apporter une idée "différenciante". La nôtre, c’est avant tout un produit à taille humaine, sur des emplacements N°1.
Des Clubs, il y en a partout. Mais dans les nôtres, le client ne tombera pas dans une usine, sur lequel on va prendre 30 ou 40 chambres au milieu des 800 chambres de l’hôtel et dire que c’est un « Club » !
Et je pense que nous, nous les aidons considérablement, nous dépoussiérons la vieille dame. Mais sur leur marché, ils sont très bons… et ils vendent très cher !
J’adorerais qu’en France nous soyons leader du marché et que l’on vende cher. Ce n’est hélas, pas le cas !
En Italie, ils ont éliminé l’idée d’avoir des comparateurs par exemple… Ils n’en veulent pas. Ils estiment que les agences de voyages iront sur leur site BtoB, faut surtout pas comparer notre produit à un autre.
En France, Bravo Club est né avec du produit. Et nous sommes en train de développer une techno. Ma souffrance, c’est ça actuellement : je n’ai pas une techno suffisamment agile, suffisamment efficace.
J’ai beaucoup de retard par rapport à mes confrères… qui disposent d’une super technologie mais qui font quelques phrases sur leurs produits. Je ne dis pas qu’ils n’ont pas de produits, mais leur succès est avant tout technologique.
En revanche, Alpitour me donne la chance et le temps d’avoir du produit et de faire mettre en place la technologie.
TourMaG.com - Justement, comment différencie-t-on un Bravo Club d’un Marmara, d’un Look ou un autre ?
P.C. : Surtout pas par le prix ! Parce que ça, le consommateur sait le faire tout seul. Il faut apporter une idée "différenciante". La nôtre, c’est avant tout un produit à taille humaine, sur des emplacements N°1.
Des Clubs, il y en a partout. Mais dans les nôtres, le client ne tombera pas dans une usine, sur lequel on va prendre 30 ou 40 chambres au milieu des 800 chambres de l’hôtel et dire que c’est un « Club » !
Le label Qualité pour les Clubs ? Un atout pour les agents de voyages
Nous prenons des produits à taille humaine que l’on maîtrise. Parce que c’est la seule façon de se différencier sur le marché français et aussi parce que nous avons la chance d’être commercialisés sur le marché français et le marché italien.
Et à deux, on est plus fort que tout seul. Club Med, par exemple, est commercialisé sur une vingtaine de marchés différents.
La faiblesse des tour-opérateurs français qui font du Club, c’est de ne commercialiser que sur leur marché. Moi, quand je suis à Nosy Bé ou à Zanzibar, je ne vais pas pipeauter : je ne fais pas plus de trente chambres sur le marché français. Mais nos clients arrivent dans un lieu qui est maîtrisé, un vrai Bravo Club.
Ce n’est pas un hôtel Tartemuche auquel on a mis deux drapeaux, une petite table que l’on appelle « box animation » et qui passe de la musique !
Une façon de se différencier, c’est d’avoir une ligne de conduite, une colonne vertébrale qui soit facile à exprimer lorsque l’on est agent de voyages. Nous, nous sommes à taille humaine.
On a mis en place un label Club Qualité et on respecte la charte de ce label. Pour nous, être un Club c’est, a minima, respecter cette charte. Et je suis désolé, je vois bien que peu de nos confrères sont emballés à l’idée de venir pour passer entre les Fourches Caudines de ce label, qui risque d’être difficile à obtenir. Parce que la charte est drastique !
Après, c’est vrai, il faut le faire savoir et ce n’est pas facile : nous manquons, dans cette profession, de moyens pour faire connaitre ce label. Mais les nouvelles technologies contribuent à banaliser le produit.
TourMaG.com - Pourtant, un grand patron de réseau, Michel Dinh de Havas, ne trouve pas d’intérêt à ce label ?
P.C. : Oui, je ne trouve pas ses arguments très percutants. Il dit que cela ne sert à rien parce que les distributeurs n’ont pratiquement pas de litiges avec ce type de produit. Ça reste à prouver, mais les vrais agents de voyages savent quels clubs vendre. C'est sans doute pour cette raison qu’il n’ont pas ou très peu de litiges.
Ce label est conçu pour les agents de voyages, afin de les aider à convaincre leur client sur la qualité du produit. Et justifier aussi les écarts de prix !
Notre label s’adresse à des « clubards », des gens qui vont dans nos établissements pour se dépenser, faire du sport avec d’autres…
Et à deux, on est plus fort que tout seul. Club Med, par exemple, est commercialisé sur une vingtaine de marchés différents.
La faiblesse des tour-opérateurs français qui font du Club, c’est de ne commercialiser que sur leur marché. Moi, quand je suis à Nosy Bé ou à Zanzibar, je ne vais pas pipeauter : je ne fais pas plus de trente chambres sur le marché français. Mais nos clients arrivent dans un lieu qui est maîtrisé, un vrai Bravo Club.
Ce n’est pas un hôtel Tartemuche auquel on a mis deux drapeaux, une petite table que l’on appelle « box animation » et qui passe de la musique !
Une façon de se différencier, c’est d’avoir une ligne de conduite, une colonne vertébrale qui soit facile à exprimer lorsque l’on est agent de voyages. Nous, nous sommes à taille humaine.
On a mis en place un label Club Qualité et on respecte la charte de ce label. Pour nous, être un Club c’est, a minima, respecter cette charte. Et je suis désolé, je vois bien que peu de nos confrères sont emballés à l’idée de venir pour passer entre les Fourches Caudines de ce label, qui risque d’être difficile à obtenir. Parce que la charte est drastique !
Après, c’est vrai, il faut le faire savoir et ce n’est pas facile : nous manquons, dans cette profession, de moyens pour faire connaitre ce label. Mais les nouvelles technologies contribuent à banaliser le produit.
TourMaG.com - Pourtant, un grand patron de réseau, Michel Dinh de Havas, ne trouve pas d’intérêt à ce label ?
P.C. : Oui, je ne trouve pas ses arguments très percutants. Il dit que cela ne sert à rien parce que les distributeurs n’ont pratiquement pas de litiges avec ce type de produit. Ça reste à prouver, mais les vrais agents de voyages savent quels clubs vendre. C'est sans doute pour cette raison qu’il n’ont pas ou très peu de litiges.
Ce label est conçu pour les agents de voyages, afin de les aider à convaincre leur client sur la qualité du produit. Et justifier aussi les écarts de prix !
Notre label s’adresse à des « clubards », des gens qui vont dans nos établissements pour se dépenser, faire du sport avec d’autres…
"Il y en a beaucoup qui reçoivent, mais ne donnent jamais rien"
TourMaG.com - Famille professionnelle et en même temps très concurrentielle. Comment on arrive à concilier tout ça ?
P.C. : Souvent on se file des coups. On se pique du personnel, on se pique parfois des clubs. Mais il n’y a pas d’acrimonie.
Si on se pique du personnel, c’est que le personnel n’était pas heureux là où il était. Si on se pique des clubs, c’est que le produit était mal ficelé chez l’autre !
Il m’est arrivé de signer des clubs parce que l’hôtelier était mécontent du contrat qu’il avait avec un concurrent. Certains de mes confrères, amis, signent des contrats hôteliers pour un an. Moi, j’ai plutôt la philosophie de signer sur un minimum de trois ans… et j’ai la prétention de dire que j’ai piqué plus de produits que l’on m’en a piqué.
Mais, vous savez, l’amitié c’est aussi savoir mettre son ego de côté, savoir recevoir des leçons, même de quelqu’un qui est votre concurrent. Parce que, avant d’être un concurrent, c’est un ami !
Bien sûr, toute la profession n’est pas faite que d’amis, loin de là. Mais il y a une bande, qui sait se dire les choses même lorsque nous sommes en concurrence. On ne va pas se dire tous les secrets de la vie, surtout lorsqu’il y a des négociations particulièrement délicates… Quoique, ça ne nous empêche pas d’en parler.
Mais comme je vous disais au début, quand nous nous rencontrons, on essaye de pas trop parler boulot, on parle d’autre chose. On parle de foot, on parle d’écolos, on parle politique… on parle d’Air France !
J’ai connu des gens, dans cette profession, je ne les nommerai pas, qui ont coulé leur boite, qui ont quitté l’industrie, parce qu’ils étaient isolés. Ils ne partageaient pas leurs échecs, ils ne partageaient même pas leurs réflexions.
Ces gens-là ont fini par couler tout seuls, à la surprise de certains. Personnellement, ça ne m’a pas surpris. Je crois que, dans ce métier, il faut savoir donner et recevoir. Il y en a qui reçoivent beaucoup mais qui ne donnent jamais.
Je pense que cette profession ne peut grandir que si les acteurs se disent des choses… vraies.
TourMaG.com - Si vous pouviez refaire les choses… ?
P.C. : Bien sûr que j’aurais changé des choses… Mais c’est tellement facile de le dire après. Mais au moins, je n’ai rien fait qui m’a condamné, ce n’est déjà pas si mal !
P.C. : Souvent on se file des coups. On se pique du personnel, on se pique parfois des clubs. Mais il n’y a pas d’acrimonie.
Si on se pique du personnel, c’est que le personnel n’était pas heureux là où il était. Si on se pique des clubs, c’est que le produit était mal ficelé chez l’autre !
Il m’est arrivé de signer des clubs parce que l’hôtelier était mécontent du contrat qu’il avait avec un concurrent. Certains de mes confrères, amis, signent des contrats hôteliers pour un an. Moi, j’ai plutôt la philosophie de signer sur un minimum de trois ans… et j’ai la prétention de dire que j’ai piqué plus de produits que l’on m’en a piqué.
Mais, vous savez, l’amitié c’est aussi savoir mettre son ego de côté, savoir recevoir des leçons, même de quelqu’un qui est votre concurrent. Parce que, avant d’être un concurrent, c’est un ami !
Bien sûr, toute la profession n’est pas faite que d’amis, loin de là. Mais il y a une bande, qui sait se dire les choses même lorsque nous sommes en concurrence. On ne va pas se dire tous les secrets de la vie, surtout lorsqu’il y a des négociations particulièrement délicates… Quoique, ça ne nous empêche pas d’en parler.
Mais comme je vous disais au début, quand nous nous rencontrons, on essaye de pas trop parler boulot, on parle d’autre chose. On parle de foot, on parle d’écolos, on parle politique… on parle d’Air France !
J’ai connu des gens, dans cette profession, je ne les nommerai pas, qui ont coulé leur boite, qui ont quitté l’industrie, parce qu’ils étaient isolés. Ils ne partageaient pas leurs échecs, ils ne partageaient même pas leurs réflexions.
Ces gens-là ont fini par couler tout seuls, à la surprise de certains. Personnellement, ça ne m’a pas surpris. Je crois que, dans ce métier, il faut savoir donner et recevoir. Il y en a qui reçoivent beaucoup mais qui ne donnent jamais.
Je pense que cette profession ne peut grandir que si les acteurs se disent des choses… vraies.
TourMaG.com - Si vous pouviez refaire les choses… ?
P.C. : Bien sûr que j’aurais changé des choses… Mais c’est tellement facile de le dire après. Mais au moins, je n’ai rien fait qui m’a condamné, ce n’est déjà pas si mal !
Retrouvez toutes les interviews "Je ne vous ai rien dit..." par Dominique Gobert en cliquant sur ce lien.