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René-Marc Chikli : "Dans 50 ans, le SETO sera toujours indépendant"

Le SETO fête ses 50 ans d'histoire en 2023


L'édition 2023 du traditionnel forum du SETO, les 9 et 10 mai à Deauville, a été l'occasion de célébrer les 50 ans de cette organisation, au départ pensée comme un "club d'échanges entre voyagistes", réunis sous la bannière du Cercle d'Etudes des Opérateurs de Tourisme (CEOT). Devenu association, puis syndicat, le SETO affirme chaque année davantage ses ambitions quant à la défense des intérêts de ses membres. Le mieux placé pour en parler n'est autre que son président depuis 27 ans, René-Marc Chikli, qui a traversé avec ses acolytes, maintes crises. Interview.


Rédigé par le Jeudi 11 Mai 2023

Quelque 140 participants se sont réunis à Deauville, pour le Forum 2023 du SETO - DR : A.B.
Quelque 140 participants se sont réunis à Deauville, pour le Forum 2023 du SETO - DR : A.B.
TourMaG - Le SETO a publié, à l'occasion de son Forum 2023, un ouvrage qui revient sur ses 50 ans d'histoire. Au fil des pages, et de façon chronologique, est résumée la vie du syndicat, son évolution et ses combats. Pouvez-vous nous conter en quelques mots cette évolution ?

René-Marc Chikli : Le SETO (Syndicat des Entreprises du Tour Operating, ndlr) a connu trois grandes époques.

La première démarre lors de sa création en 1973 avec une volonté de créer un club entre tour-opérateurs - uniquement des grands opérateurs - pour échanger de l'information, généralement liée aux systèmes informatiques (Alpha 3 ou autres) et à l'utilisation des GDS. Ce club ne prenait pas de position sur les destinations.

En revanche, sur les chiffres partagés entre les différents membres, on assistait plutôt à une sorte de "poker menteur", c'est-à-dire que si l'on additionnait les chiffres fournis par tous les tour-opérateurs, on obtenait 2 à 3 fois plus que les chiffres du marché réel...

Néanmoins, ce club leur permettait de se rencontrer, même si ce n'était pas de façon régulière. Car déjà, à cette époque-là, les voyagistes commençaient à s'inquiéter des positions de Bruxelles.

En 1996, quand je suis arrivé à la présidence, nous avons regardé ce que faisaient nos voisins belges de l'APTO (Association of Belgian Travel Organisers, ndlr), et nous avons trouvé que leur modèle associatif leur permettait d'aller plus en avant dans la communication et de se fédérer un peu mieux.

A cette époque, le CETO était déjà devenu une association, et percevait des cotisations plus importantes, calculées sur le chiffre d'affaires de ses membres. Des moyens qui nous permettaient de communiquer et de prendre position à la fois sur les destinations et sur les grands items de la profession : dollar, prix du carburant, etc.

Nous en tenions compte pour le calcul des prix. Ceci dit, cela n'a pas duré longtemps : nous nous sommes fait épingler car nous n'avions pas le droit de nous entendre sur le dollar...

Malgré cela, l'action la plus importante du CETO, c'était les décisions que nous prenions sur les destinations en cas de conflits de toutes sortes : climatiques, guerres, etc.

Et le plus compliqué durant cette 2e période était d'empêcher, dès lors que le SETO avait pris position, qu'un membre du SETO concurrent d'un autre ne fasse le contraire de cette décision. Par exemple, nous avons, à un moment donné, décidé d'augmenter les prix pour payer le carburant et certains opérateurs ont décrété qu'ils n'augmentaient pas le prix, ce qui n'était pas très solidaire...

Finalement, le plus gros travail, c'était de rendre solidaire la profession. Concurrents oui, mais solidaires.


TourMaG - Le SETO a-t-il toujours représenté la majorité des tour-opérateurs français ?

René-Marc Chikli :
A partir des années 90, nous avons toujours représenté les trois quarts du métier.

Cette 2e période a duré de 1996 jusqu'en 2013. A ce moment-là, une majorité des membres - même si cela a déplu à certains - souhaitaient se transformer en syndicat.

Nous voulions défendre le métier du tour-operating avant tout, participer aux négociations sociales en étant reconnu comme un syndicat et si besoin, être capables d'apporter un soutien juridique à nos membres en cas de conflit.

Nous avons essayé de faire naitre ce syndicat en harmonie avec le SNAV de l'époque (aujourd'hui Les Entreprises du Voyage - EDV, ndlr), ce qui n'a pas toujours été facile. Le SNAV ne comprenait pas pourquoi certains de ses membres voulaient également se syndiquer au SETO. Nous avons dû clarifier cette situation.

TourMaG - Vous évoquiez les négociations sociales. On l'a vu durant la pandémie, vous étiez également autour de la table des négociations...

René-Marc Chikli
: La pandémie était un cas particulier, durant lequel il y a eu une action extrêmement visible des EDV, alors que le SETO a joué dans la partie invisible, mais avec une grande efficacité, grâce à l'action de Jean-François Rial, l'un de ses vice-présidents, comme évoqué dans le livre des 50 ans du SETO.

"Infatigable négociateur au carnet d'adresses bien rempli, le plus médiatique des adhérents du SETO, Jean-François Rial, se démènera comme jamais pour que la profession bénéficie du plus fort soutien possible (PGE, chômage partiel, exonération, prise en charge des couts fixes", peut-on lire dans l'ouvrage "SETO : 50 ans d'histoires".

TourMaG - La pandémie de Covid-19 est-elle selon vous l'événement le plus marquant des 50 années d'existence du SETO ?

René-Marc Chikli :
C'est au moins aussi marquant que le 11 septembre 2001, parce qu'en septembre 2001, le "no fly zone" n'a peut-être duré qu'un mois mais ses conséquences, cela fait 20 ans que nous les subissons : franchissement de frontières, succession d'attentats, contrôle dans les aéroports, etc. Les attentats du 11 septembre en soi ont été moins "importants", mais pas sur la durée.

TourMaG - Quels seront les prochains combats du SETO ?

René-Marc Chikli :
Nous allons être pleinement mobilisés sur la révision de la directive européenne des voyages à forfait, en harmonie avec l'APST et les EDV, sur les deux prochaines années.

En particulier, sur la question des acomptes clients, qui sont la conséquence en partie de la faillite de Thomas Cook.

Sur la responsabilité de plein droit, en revanche, nous ne croyons plus au combat, c'est foutu...

En parallèle, nous suivons le projet de création d'une caisse de garantie pour les compagnies aériennes. En effet, c'est insupportable de constater que l'on renforce la législation du consommateur pour les voyages à forfait, mais que rien n'est fait en ce qui concerne l'aérien. C'est disproportionné et c'est un combat qui va durer des années.

Néanmoins, aujourd'hui, le consommateur - et c'est nouveau ! - devient un allié lorsqu'il dit qu'il ne souhaite pas acheter un billet d'avion si c'est pour ne pas être remboursé en cas d'annulation.

De notre côté, au SETO, nous menons un autre combat avec le fonds de dotation SETOSPHERE, afin de donner les moyens à nos adhérents de calculer et de justifier leur empreinte carbone.

TourMaG - Doit-on voir dans ce projet le premier jalon des combats du SETO pour les 50 prochaines années ?

René-Marc Chikli :
La SETOSPHERE est à l'image de la Méditation Tourisme et Voyage (MTV) qui avait commencé tout petit, avec quelques personnes alors qu'aujourd'hui, le volume des cotisations de la médiation dépasse celui du SETO.

Pour la SETOSPHERE, ce sera la même chose, ça sera le grand projet d'avenir du SETO.

En parallèle, je dirais que la plus grande des adhésions des membres du SETO, c'est l'adhésion au métier.

Les gens viennent au SETO pour défendre leur métier parce que c'est le seul endroit où ils sont reconnus en tant que tour-opérateur, peu importe s'ils sont distributeurs à coté. C'est le seul endroit. Et c'est pour cela qu'ils adhèrent au syndicat et ils continueront à venir, malgré les nombreuses tentatives de mettre le SETO au sein des EDV.

Dans 50 ans, le SETO sera indépendant. Il est au sein d'une profession certes, mais dans cette profession, les voyagistes voudront toujours défendre leur métier, car l'environnement d'un tour-opérateur n'est pas le même que celui d'un distributeur, les engagements financiers ne sont pas les mêmes.

TourMaG - Internet, désintermédiation, pandémie... Régulièrement, on prédit la fin du tour-operating. Comment voyez-vous l'évolution du métier ?

René-Marc Chikli :
Si nous avions écouté les observateurs, nous n'aurions jamais pu faire la transition numérique, nous étions morts. Aujourd'hui, nous avons tous les acteurs du numérique qui adhèrent au SETO.

Si nous avions écouté les observateurs, nous serions morts pendant le Covid. Aujourd'hui, nous ne sommes pas morts.

Si nous avions écouté les observateurs, nous étions incapables de gérer la transition écologique. Aujourd'hui, nous avons créé SETOSPHERE.

Notre vrai combat, c'est de résister et de ne pas écouter les observateurs. Voilà une bonne philosophie pour les prochaines années !

Anaïs Borios Publié par Anaïs Borios Journaliste - TourMaG.com
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