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Voucher ou remboursement ? "Les compagnies n'ont aucun droit de modifier cette situation..."

L'interview de David Sprecher, avocat spécialiste de l'aérien


Certaines compagnies aériennes mettent la situation actuelle comme une situation supra extraordinaire de nature à les exonérer du remboursement cash. Or, elles n'ont absolument aucun droit de modifier cette situation comme le rappelle la Cour de Justice Européenne. Les transporteurs se doivent de respecter à la lettre les dispositions du Règlement, rappelle Me David Sprecher.


Rédigé par le Dimanche 19 Avril 2020

Les transporteurs se doivent de respecter à la lettre les dispositions du Règlement, rappelle Me David Sprecher - DR : DepositPhotos
Les transporteurs se doivent de respecter à la lettre les dispositions du Règlement, rappelle Me David Sprecher - DR : DepositPhotos
TourMaG.com - Malgré les injonctions de la Commission européenne, les compagnies aériennes refusent toujours les remboursements. Qu’en pensez-vous ?

David Sprecher : "
Tant la Commissaire en charge des Transports et de la Mobilité, Adina-Ioana Valean que celui en charge de la Consommation, Didier Reynders, n'ont eu de cesse de rappeler que chaque compagnie est dans l'obligation absolue de respecter les dispositions du Règlement (CE) 261/2004 et en particulier ses articles 5 et 8.

Ces articles donnent le choix au passager et uniquement à ce dernier à choisir entre un réacheminement, un avoir ou un remboursement cash sous 7 jours.

Les compagnies n'ont absolument aucun droit de modifier cette situation.

Certains acteurs tentent aujourd'hui de décrire la situation actuelle comme étant une situation supra extraordinaire de nature à les exonérer du remboursement cash.

Il est bon de rappeler l'Arrêt de la Cour de Justice Européenne dans l'affaire C-12/11 McDonagh c/ Ryanair Ltd dans laquelle la Cour elle-même indiquait qu'il n'existait pas une telle catégorie et que dès lors les compagnies aériennes se devaient de respecter à la lettre les dispositions du Règlement.

Il est bon de rappeler aussi que cette doctrine a été reprise tout récemment aux Etats-Unis, en Inde et en Israël, pays dans lequel deux actions majeures sont en cours : une de l'association des agences de voyages qui a déjà réussi à bloquer temporairement le BSP local et une class action en cours contre certaines compagnies aériennes qui ne respectent pas la législation.

Il y a, à mon avis, urgence à réclamer l'application stricte du Règlement car certaines compagnies pourraient malheureusement ne pas survivre au Covid-19..."

Des class actions en cours contre le BSP

TourMaG.com - On ne peut ignorer la situation économique des transporteurs qui sont aujourd’hui, pour la plupart, à l’arrêt. Comment obliger les transporteurs à rembourser ?

David Sprecher
: "En ce qui concerne l'Europe, il y a différentes manières de procéder : mise en demeure adressée au transporteur aérien ; intervention du NEB local (autorité d'exécution du Règlement Européen 261/2004 et en France il s'agit de la DGAC), voire le tribunal."

TourMaG.com - Le secrétaire d’Etat français aux Transports est allé plaidé la cause des compagnies et notamment d’Air France à Bruxelles. Avez-vous vent du résultat de ce lobbying et qu’en pensez-vous ?

David Sprecher
: "A cette heure-ci, les seules déclarations de la Commissaire en charge plaident d'une part pour le respect des dispositions du Règlement et de toutes les manières, tout changement de ces dispositions prendra du temps. Beaucoup de temps.

Rappelons par exemple que le processus de révision du Règlement 261/2004 a débuté il y a plusieurs années et qu'il n'est pas terminé."

Pour être efficace, une garantie devrait couvrir tous les types de vols

TourMaG.com - 150 députés ont signé, à l’initiative du Cediv, une demande de création d’une garantie permettant aux passagers d’être garantis en cas de défaillance. Quels sont vos commentaires ?

David Sprecher
: "C'est une initiative qui sur le fond est tout à fait louable.

Il faut voir quelle serait la portée d'une telle garantie. En effet, pour être efficace, elle devrait couvrir tous les vols, de quelque nature qu'ils soient (legacy, low cost, charter) et surtout quel que soit le pavillon du transporteur.

De plus, cette garantie devrait couvrir tant les compagnies membres de IATA que celles qui ne le sont pas. C'est un chantier gigantesque qui à mon avis, dépasse le seul cadre européen mais qui serait une avancée majeure en droit de la consommation aérien."

TourMaG.com - Il y a urgence pour mettre en place cette garantie, compte tenu des risques qui pèsent sur l’activité des compagnies aériennes, non ?

David Sprecher
: "Bien sûr. Encore une fois, si cette initiative réussit, cela sera une nouvelle ère qui s'ouvrira aux passagers et aux professionnels du voyage."

David Sprecher Mini-Bio

Me David Sprecher est avocat spécialisé dans le droit du tourisme et de l’aviation civile et par ailleurs avocat du CEDIV et membre de l’International Forum of Travel and Tourism Lawyers et du World Airport Lawyers Association.

Il est Senior Lecturer en droit du tourisme et de l’aviation civile au sein d’universités et écoles supérieures de commerce et également référent en régulation aérienne pour institutions et Parlement.

Les informations contenues dans cet article ne peuvent en aucun cas servir de conseils juridiques et tout lecteur doit recourir aux services d’un avocat avant d’engager toute action. Les textes de loi sont disponibles aux professionnels du tourisme sur simple demande à
david.sprecher@sprecher-legal.eu

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Commentaires

1.Posté par BUKHARI Françoise le 20/04/2020 15:00 | Alerter
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Permettez-moi de vous dire que la lettre ouverte à l'IATA n'a pas été adressée à la bonne personne mais elle aurait dû être envoyée à toutes les compagnies aériennes qui font la "sourde" oreille en ce moment ... Nous préférons soutenir l'Association IATA plutôt que certaines compagnies qui dictent leur loi et qui retiennent nos acomptes contre notre volonté de rembourser immédiatement des clients qui ne souhaitent pas forcément reporter leur voyage. Il faudrait simplement que les TO et les agences fassent remonter à l'IATA la liste des compagnies qui bloquent les acomptes ou les billets des vols annulés (ou qui vont s'annuler inévitablement) et l'IATA pourrait alors faire pression sur ces compagnies en les menaçant de les rayer tout simplement de l'IATA si elles ne s'exécutent pas ! Ce n'est pas de la délation mais il faut que les TO et les agences fassent remonter ces listes à l'IATA qui pourra de son côté aborder le sujet avec les compagnies concernées.

D'autre part, l'ordonnance du 25 mars 2020 est mi-figue, mi-raisin, elle protège avant tout le consommateur (ce qui est très bien) mais celle-ci a été rédigée par des bureaucrates qui ne sont pas des chefs d'entreprise. Et d'ailleurs, nous constatons que la plupart des TO contournent les termes de cette ordonnance en prenant des réserves du type " le prix pourra être revu à la hausse ... (tiens donc !) ou à la baisse (mon œil !)" ... ou du type " le prix sera ajusté en fonction des tarifs en vigueur aux nouvelles dates ..."

En tant que chef d'entreprise, nous devons pérenniser nos outils de travail et même si nous avons intérêt à conserver nos clients, nous ne souhaitons pas non plus être obligés de négocier à mort avec les prestataires aériens ou terrestres pour obtenir les mêmes conditions de prix. Nous n'avons jamais fonctionné avec cette politique qui consiste à "étrangler" les prestataires, nous avons toujours contribué à les faire vivre décemment pour conserver cette valeur dont tout le monde a besoin. A priori les bureaucrates cités plus haut n'ont jamais entendu parler du terme "inflation" et de la notion de "l'offre et de la demande" ... Nous craignons que beaucoup de prestataires (compagnies et réceptifs) ne puissent pas garantir les mêmes tarifs. Beaucoup de faillites (ce que nous ne souhaitons absolument pas) risquent de se produire d'ici le départ tant en ce qui concerne les compagnies, que les hôtels ou les autres prestataires et la demande risque d'être plus forte que l'offre l'année prochaine ... Ce qui pourrait avoir un impact sur les prix. L'inflation n'est pas aussi un vain mot et elle est galopante sur la terre entière !
Nos charges continuent de tomber et le chiffre d'affaires a été réduit à néant sur plusieurs mois. Même si le gouvernement aide un peu, cela ne compense pas tout. Dans la plupart des cas, il faut donc que les clients fassent preuve d'un peu de "solidarité" avec les agences et de "reconnaissance" pour tout le travail que cette ordonnance occasionne sans s'en référer systématiquement aux médiateurs du tourisme dont les dossiers risquent de s'accumuler !

Concernant les assurances annulation, nous comprenons qu'elles ne soient pas remboursables mais E.Macron a demandé aux assureurs de faire des efforts et de mettre la main à la poche. Or, nous n'avons encore rien vu de concret à ce sujet jusqu'à présent. Selon la politique de l'ordonnance, les assureurs devraient revoir leur position en acceptant le report dans le temps de l'assurance annulation. Dans la plupart des cas, cette assurance a été payée et dans la mesure où très peu de sinistres avant départ ont été déclarés (d'autant plus que les compagnies excluent les annulations pour cause d'épidémies), elle devrait être reconduite de manière systématique selon la nouvelle date de départ. Les assureurs devraient être solidaires des TO et des agences de voyages et jouer le jeu !

Quant à un Xième fond de garantie, nous n'en voyons pas vraiment l'utilité, celui-ci ne pourra que contribuer à alourdir nos charges !

Très cordialement et à l'écoute de tout le monde !


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