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Gaz à effet de serre : le tourisme doit (vite) agir ou mourir ?

Le tourisme a représenté au minimum 11% des émissions de la... France


Après un premier bilan des émissions de gaz à effet de serre réalisé en 2018, l'ADEME a remis ça, cette fois-ci pour 2022. Et malgré une diminution de sa pollution globale, (due à la crise sanitaire), le secteur du tourisme est un gros contributeur à l'impact climatique de notre pays. Au minimum, 11% des émissions proviennent du tourisme, pour seulement 3,6% du PIB de la France. Sans remise en cause, l'industrie fonce dans un mur à pleine vitesse...


Rédigé par le Lundi 30 Septembre 2024

Le tourisme a représenté au minimum 11% des émissions de la... France - Depositphotos @satit_srihin
Le tourisme a représenté au minimum 11% des émissions de la... France - Depositphotos @satit_srihin
Les professionnels ne peuvent pas se cacher, comme a pu le faire Emmanuel Macron.

En janvier 2023, le président de la République avait déclaré : "qui aurait pu prédire la vague d'inflation ainsi déclenchée ? Ou la crise climatique aux effets spectaculaires cet été dans notre pays ?"

Les scientifiques français s'insurgeaient face à ce questionnement soudain d'un élu qui avait fait de la cause environnementale et de sa dernière campagne présidentielle le combat du siècle.

Si le président semble découvrir la catastrophe, les acteurs sont plus sensibilisés au sujet, grâce notamment à la presse ou encore les études de différents cabinets, dont l'ADEME.

Après un dernier Bilan des émissions de gaz à effet de serre (BEGES) du Tourisme réalisé en 2018, l'agence de l'Environnement a remis le couvert en 2022.

Une année marquée par "un quasi-retour à la normale du secteur."

Le tourisme est menacé par le changement climatique, tout en étant un secteur clé pour l'économie nationale. Il génère des pressions environnementales importantes.

L'enjeu de la mise à jour est de voir l'évolution, tout en offrant la photographie la plus complète des émissions directement et indirectement générées,]i" a introduit Camille Diamant, la consultante des politiques publiques de la SCET (Services Conseil Expertises et Territoires), en charge de l'étude.

Et malheureusement les nouvelles ne sont pas super réjouissantes, bien qu'il y ait des motifs de satisfaction et d'espoir.

Le tourisme pèse au minimum 11% des émissions carbone de la France !

L'étude a été réalisée par Carbone4 et la SCET (Services Conseil Expertises et Territoires), à partir de données difficilement accessibles (voir capture écran en bas de l'article).

Sans plus attendre et ne pas vous faire languir, le bilan est colossal.

Le tourisme est à l'origine de 97 millions de tonnes de CO² dont 70% pour le seul transport. L'aviation représente à elle seule de 30% de ce chiffre Un taux important en raison des trainées de compensation qui doublent la pollution de ce mode de voyage.

Ce montant global représente l'empreinte carbone de 10 millions de Français sur une année ou 37 millions d'aller-retour Paris New York.

Pour comparer le poids du secteur sur l'ensemble de la pollution générée par notre pays, l'ADEME s'est cantonnée à l'inventaire national excluant de fait les émissions du transport international, dont l'aérien et les achats non produits sur le territoire français.

L'hébergement arrive en deuxième position, avec 8%.

"Le secteur émet 46 millions de tonnes de Co², juste sur le périmètre national, donc 11% des émissions de la France, même avec ce périmètre réduit, le tourisme a un impact loin d'être négligeable.

A noter que les émissions globales ont baissé de l'ordre de 16% par rapport à 2018, à méthodologie équivalente, une baisse qui s'explique par une évolution des modes de transports des touristes,
" poursuit la consultante.

Nous parlons d'une économie qui pesait (seulement) 3,6 % du PIB, selon l'INSEE, cette même année. La contribution environnementale est largement déficitaire comparativement à ses implications économiques.

En 2022, bas les masque de la crise sanitaire. Les frontières redeviennent perméables.

Le tourisme est alors plus local et les clientèles de proximité remplacent les long-courriers. Le train et la voiture se substituent (en partie)à l'avion, induisant une meilleure note environnementale qui sera sans doute contredite lors du prochain BEGES.

Tourisme : L'aérien pèse 6% des arrivées en France pour 44% des émissions

Cette clientèle s'est accompagnée d'une autre bonne nouvelle.

"Ce qui est intéressant : cette contribution économique est resté la même, malgré des touristes plus proches. La réduction des émissions est compatible avec le maintien du rôle de l'activité," selon Eugénie Prego Cauchet, consultante pour Carbone 4.

L'activité a été principalement soutenue par les touristes non résidents, selon l'étude.

Après cette parenthèse positive, décortiquons les statistiques.

L'aérien pèse en France 6% des arrivées pour 44% des émissions des transports, alors que la voiture représente 79% des arrivées pour 53% des émissions.

Les voyageurs non résidents, donc étrangers, sont à l'origine de 65% des émissions. Les émissions ont baissé de 30%, contre seulement une baisse des arrivées de 3%.

Les touristes européens représentaient 87% des visiteurs en France en 2022, contre 79%, quatre ans plus tôt.

Comme l'a si bien dit, Jean Pinard dans sa dernière humeur sur TourMaG.com, il n'y a pas deux mondes du tourisme. L'IFTM (secteur privé) et Rendez-vous en France (institutionnel) sont tous deux, des évènements carbonés.

Que ce soit dans un sens ou dans l'autre, les acteurs polluent.

Et alors que les touristes non-européens représentent seulement 5% des nuitées pour 20% des émissions, ils émettent 280kg/nuitée, contre 45 pour les Français et 84 pour les Européens.

De quoi faire réfléchir les offices de tourisme, au moment de commander des campagnes publicitaires à l'autre bout du monde.

"Le tourisme va devoir baisser ses émissions de 35 à 50% d'ici 2030"

La 3e bonne nouvelle au compteur, il faut les relever, la consommation énergétique de l'hôtellerie et restauration poursuit sa décrue à hauteur de - 9%, entre 2018 et 202.

Une chute qui s'explique en partie par la flambée du prix de l'électricité.

Vous l'aurez compris : le tourisme n'est pas sorti de l'ornière. Il va devoir faire plus et plus vite, très vite (trop vite ?), pour rentrer dans les clous.

D'autant que le secteur n'est pas englobé dans la stratégie nationale bas carbone.

"Il devra baisser ses émissions de 35 à 50% d'ici 2030" affirme Aude Andrup, la coordinatrice nationale Tourisme de l'ADEME.

Pour les intervenants de ce nouveau bilan, il est indispensable d'adopter un éventail de mesures publiques transformatives et à tous les échelons.

Les deux leviers les plus efficaces seront donc d'agir sur la provenance des touristes et le mode de transport. Le passage à la voiture électrique sera un des leviers à actionner, mais pas le seul.

Il sera indispensable de mieux travailler le maillage et la mise en tourisme des transports en commun.

Spoiler alerte : l'avion vert n'est pas pour demain et n'arrivera sans doute jamais.

"La question de la décarbonation de l'aérien n'est pas simple. Cela dit, une chose me paraît sûre : les solutions techniques que prônent avionneurs et compagnies aériennes, ne sont pas à l'échelle des nécessités temporelles.

Il reste donc des mesures de taxation et de quota,
" nous confie Remy Knafou, géographe et professeur émérite à l'Université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne.

Pour décarboner notre industrie, le réseau Action Climat a élaboré et évalué 9 actions, dont la principale d'entre elles n'est autre que de créer la "taxe grands voyageurs".

Tourisme :"Il faut faire prendre aux entreprises leurs responsabilités"

L'association rappelle que les niches fiscales du secteur aérien coûtent environ 9 milliards d’euros par an à la France.

Une proposition qui ne fait pas totalement l'unanimité.

"Je ne suis pas favorable à cette idée. Je trouverais plus juste de taxer les compagnies et cesser de les subventionner, ainsi que d'instaurer une taxe sur le kérosène.

Faire toujours reposer la solution sur le colibri n'est pas efficace. Il faut faire prendre leurs responsabilités aux entreprises. Qu'elles cessent de mettre en avant le chantage à l' emploi et à la compétitivité au détriment de la préservation des ressources,
" souffle Sophie Lacour.

Nous devons changer nos imaginaires, arrêter aussi de faire peser le poids de la culpabilité sur les citoyens, ce qui permet de limiter les contraintes et les réels changements sociétaux conduisant donc le business des entreprises à évoluer.

Nous sommes tous responsables et nous avons notre part à faire, mais là n'est pas le sujet.

Aujourd'hui assez peu de Français peuvent se passer du pétrole, en dehors des quelques centaines de milliers de personnes dans les très grandes villes, donc dire que : c'est aux citoyens de faire des choix.... Cela revient à déresponsabiliser les entreprises.

En d'autres termes, "le sempiternel "les gens n'ont qu'à pas acheter" est totalement faux. C'est nier l'impact de la publicité sur les esprits et le formatage des désirs par la publicité, les films et les séries" poursuit la directrice générale d'Advanced Tourism.

De son côté Rémy Knafou n'est pas favorable à l'instauration des quotas dans l'aérien, en raison du grand nombre de publics qui fréquentent les aéroports.

Il faudrait alors les qualifier et les quantifier, ce qui entrainerait à un travail fastidieux et sans doute pas très démocratique, puisque la liberté de circulation est protégée par la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.

Aérien : "Dans tous les cas, il y a ou il y aura une taxation"

"Par contre faire payer l'aérien à un coût non avantageux par rapport au terrestre (taxation du kérosène) me semble une nécessité à laquelle on finira par arriver.

Cette mesure peut être cumulée avec la taxation des billets. Je note que d'ores et déjà, Heathrow taxe 100€ de plus un vol long courrier que aéroport de Paris.

Dans tous les cas, il y a ou aura une taxation, non pas tant pour taxer, mais pour rétablir de l'équité entre les modes de transport et contribuer à la nécessaire décarbonation,
" estime le géographe du tourisme.

Selon lui, les autres propositions du réseau Action Climat vont se heurter à différentes problématiques. Ainsi, l'interdiction des jets privés ne pourra pas se faire seule, tout comme la taxe kérosène et le développement du train ne peuvent se faire qu'avec une volonté politique forte.

Les idées sont inégales pour le chercheur, mais elles ont le mérite de susciter le débat et remettre le sujet sur le tapis, alors même que les premiers signaux envoyés par le nouveau gouvernement ne vont pas vraiment en faveur d'un verdissement de notre pays.

"Nous devons reconnaitre que certains de nos clients prennent l'avion comme s'ils prenaient le bus. Et même si c'est notre métier, nous allons devoir réduire.

Ce sujet est compliqué à aborder.

Vous avez des pays qui sont dépendants du tourisme, nous sommes aussi responsables vis-à-vis d'eux. L'interdiction des Miles et systèmes de fidélité des compagnies aériennes est selon moi une bonne idée.

Nous devrions prendre l'avion si nous avons envie d'aller quelque part, découvrir une culture et un pays, pas pour juste changer d'air ou par nécessité d'utiliser ses points de fidélité,
" considère Myriam Tord, agent de voyages pour Versailles Voyages.

Une chose est de plus en plus certaine, dans quelques décennies (ou années) d'une façon ou d'une autre, le tourisme tel que nous l'avons connu ne sera plus.

Le tourisme est (presque) mort, vive le tourisme ?


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