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Aéroport Marseille Provence : "Imposer un siège vide par rangée aux compagnies n'a pas de sens"

Conférence de l'état-major de l'Aéroport Marseille Provence


Le coronavirus a plongé l'ensemble du secteur aérien dans l'incertitude la plus totale. L'Aéroport de Marseille Provence tenait ce jeudi 23 avril 2020, une conférence de presse avec tout l'état-major de la structure aéroportuaire. Si la baisse d'activité est dramatique, l'aéroport marseillais a dévoilé son opération survie mais aussi sa vision d'une reprise qui s'annonce incertaine et longue.


Rédigé par le Jeudi 23 Avril 2020

L'état major de l'Aéroport Marseille Provence a tenu ce jeudi 23 avril 2020 une conférence de presse - DR
L'état major de l'Aéroport Marseille Provence a tenu ce jeudi 23 avril 2020 une conférence de presse - DR
Le coronavirus ne fait pas de distinction de classe, d'origine et de localisation. Tout le monde est touché avec des conséquences plus ou moins importantes, à Paris comme à Marseille.

Alors que pour la première fois de son histoire, l'aéroport d'Orly a fermé ses portes, plus au Sud, un autre mastodonte du transport aérien voyait son trafic fondre comme une boule de glace sur le Vieux-Port.

"En seulement trois semaines, 99% du trafic passagers a disparu," déplore Philippe Bernand, le président du directoire de l'Aéroport Marseille Provence (AMP).

Si en mars la chute a été très "brutale", avec une baisse de 54,6%, en avril la situation est devenue dramatique.

"Nous sommes passés de 20 à 30 000 passagers chaque jour à 300. Nous accueillons seulement 5 vols, dont un vers Paris-CDG et 4 vers la Corse," témoigne Julien Boullay, directeur commercial et marketing d'AMP

En clouant au sol les avions de l'ensemble des compagnies présentes sur le tarmac provençal, le coronavirus a entraîné avec lui le chiffre d'affaires.

"La quasi-totalité de nos revenus provient des passagers. N'ayant plus de recettes, nous consommons près de 7 millions de trésorerie chaque mois," explique le patron de l'aéroport Marseille Provence.

Alors que les revenus se font rares, voire même inexistants ces derniers temps, les dépenses fixes sont nombreuses malgré l'opération survie lancée par le directoire. L'aéroport plonge dans une recherche de trésorerie devenue quasiment vitale.

"L'économie de la France, ce n'est pas que Paris"

"En tant que société anonyme, donc entreprise privée, nous ne touchons aucune subvention publique.

Pour faire face à cette situation sans précédent, nous avons mis en place un plan d'économie de 15 millions d'euros et souscrit 25 millions d'emprunts en mars,
" analyse Patrice Escorihuela, le directeur administratif et financier d'AMP.

Aujourd'hui 75% des salariés sont à l'arrêt, les dépenses ont été revues pour minimiser les sorties d'argent et la structure envisage d'avoir recours au Prêt Garanti par l'Etat.

D'autant que la crise devrait avoir des répercussions sur encore de nombreux mois, voire même des années.

Les aéroports devront faire face à des compagnies qui ne seront pas en mesure de payer les différentes taxes.

"Celles qui seront encore en mesure de voler n'auront pas reconstitué suffisamment leur trésorerie pour payer ce qu'elles nous doivent." Et cela ne devrait pas être seulement le cas en mai 2020, mais aussi lors des prochains mois.

Ce n'est pas la seule inquiétude de l'état-major marseillais... L'autre vient de plus haut, du côté de Paris.

En effet, les opérations régaliennes de sûreté de l'Etat ont été déléguées aux aéroports français. Si les coûts ont été réduits, cela représente une sortie d'argent importante de l'ordre de 25% du chiffre d'affaires.

Pour compenser ce travail, une taxe est habituellement versée par chaque passager accueilli, sauf que sans voyageur, l'aéroport ne touche plus aucun versement par l'Etat.

Et justement ce dernier, via le gouvernement, va devoir répondre aux attentes grandissantes d'AMP.

"Nous avons un besoin considérable d'aide sur les aspects fiscaux, car nous finançons à perte ces missions, ce n'est pas tenable," s'exaspère le directeur administratif et financier.

Ce n'est pas seulement un report qui décalerait dans le temps le problème en hypothéquant l'éventuelle reprise, mais une couverture de ces coûts qui est réclamée.

Un aéroport n'est pas seulement un lieu de transit de passagers, il engendre des milliers d'emplois et fait tourner tout un écosystème.

Et pour illustrer l'importance de sa structure, le président du directoire rappelle que l'aéroport génère chaque année un milliard de retombées pour l'économie locale.

"L'économie de la France ce n'est pas que Paris, il n'y a pas qu'ADP. Les aéroports régionaux sont vitaux", martèle Philippe Bernand.

Alors que le gouvernement est sollicité par l'ensemble des secteurs, il ne devra pas oublier l'aérien, surtout dans un démarrage qui s'annonce lent et grandement incertain.

Un plan de relance plutôt optimiste, noyé dans l'incertitude généralisée

A la veille de l'annonce du plan de déconfinement de la France, nul n'est dans la confidence du pouvoir, pas même le directoire de l'Aéroport Marseille Provence.

En 2020, l'incertitude est la seule certitude. Il convient de se montrer "agile" et ne pas prendre les vérités d'un jour pour des vérités absolues.

Si la direction de l'aéroport travaille sur différents scénarios, en fonction d'une reprise brutale, lente ou s'étalant sur plusieurs années, "chaque nouvelle révision des prévisions que nous faisons dégrade la précédente. Dans pareille situation, il faut être humble" souffle Julien Boullay, le directeur commercial d'AMP.

Malgré cette navigation à vue, sans cesse contredite par l'évolution de la crise sanitaire, l'hypothèse dévoilée lors de la conférence de presse se veut "plutôt optimiste", malgré des incertitudes et des inconnues nombreuses.

"Nous serions satisfaits si nous réalisions un trafic de 5,6 millions de passagers, soit une baisse de 46% sur un an."

Dans ce scénario, les vols reprendraient progressivement à partir de mi-mai, principalement domestiques, mais rien n'est garanti.

D'autant que pour le moment, si Norwegian a annoncé avoir liquidé quelques filiales, rien ne filtre sur la déconfiture dans les rangs des compagnies.

"Ces prévisions ne prennent pas en compte les faillites, nous ne savons pas quelles compagnies vont disparaître."

D'ores et déjà, Air Canada a suspendu jusqu'à la fin de l'année sa liaison entre les deux pays, et SunExpress a décalé le lancement de sa ligne vers Antalya en Turquie.

La seule certitude : "l'été sera catastrophique pour l'ensemble des transporteurs. Ils ne pourront pas faire leur marge de l'année et cela aura des répercussions sur l'hiver 2020", déplore Julien Boullay.

Ce n'est pas tout, car les possibles dispositions sanitaires pourraient obliger les compagnies à mettre en place la politique du siège vide à chaque rangée, une aberration pour le président du directoire.

"Ça n'a pas de sens, alors que dans le même temps les transports en commun ne peuvent pas l'assurer. Il faut une réponse homogène au niveau français et européen pour l'ensemble des transports."

Le coronavirus aura des conséquences durables sur l'aérien

Alors que les chiffres ou les paroles ne démontrent pas un optimisme débordant, Julien Boullay veut aussi voir une reprise à Marseille moins difficile qu'ailleurs.

Avec un trafic tourné à 40% vers la France, mais aussi des vols internationaux presque majoritairement dans l'espace Schengen, les fermetures persistantes des frontières seraient moins problématiques.

"Nous avons un important trafic affinitaire et je pense qu'une fois qu'il sera possible de se déplacer, les familles auront besoin de se retrouver."

En attendant que cette prophétie se réalise, il sera nécessaire de montrer patte blanche pour faire revenir les voyageurs dans des lieux fréquentés par des dizaines de milliers de personnes.

"Cela passera par un choc de confiance en faisant notre nécessaire pour respecter les mesures sanitaires," témoigne Denis Corsetti, le responsable opérationnel d'AMP.

Pour ce faire l'aéroport travaille avec ses homologues asiatiques pour mettre en place les mesures les plus précises et développées afin de combattre le virus.

Le paiement sans contact sera généralisé, des points d'information installés, la distanciation sociale deviendra la nouvelle norme, tout comme la dématérialisation des démarches nécessaires au transport aérien.

Toutefois la reprise sera conditionnée par l'obtention des masques, le besoin est estimé à 150 000 pour l'année 2020, aussi bien pour les salariés que pour les passagers.

Le port du masque obligatoire est revendiqué par les responsables provençaux.

Cette crise, aussi brutale soit-elle, n'en reste pas moins indispensable à un moment où la planète témoigne de son désarroi.

"Nous vivons un moment nécessaire de construction des conditions raisonnables de ce phénomène de mondialisation", rappelle Philippe Bernand.

Une réinvention de nos modes de pensée et de consommation est indispensable. Il faut toutefois espérer que les conséquences ne seront pas trop dramatiques, car face au coronavirus, nul n'est éternel, pas même les compagnies aériennes ou les aéroports.

"Si nous suivons le scénario présenté, nous pouvons tenir sur notre trésorerie jusqu'en septembre 2020.

Après, nous aurons besoin de 25 à 30 millions d'euros,
" confie Patrice Escorihuela, le directeur administratif et financier d'AMP.

La course contre la montre est lancée.

Romain Pommier Publié par Romain Pommier Journaliste - TourMaG.com
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Commentaires

1.Posté par serge13 le 23/04/2020 16:26 | Alerter
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Mais quelle tristesse. Si Marseille ne s'en sort pas, que vont devenir les aéroports régionaux? Je pense à Toulon, à Nîmes, Montpellier, Avignon… Il va y avoir de la concentration c'est plus que certain.

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