La question qui se pose est de savoir : veut-on aujourd'hui inscrire sur l'agenda politique le temps de vacances ? Et pas uniquement le voyage, dans le sens où il faut partir pour partir. Mais plutôt de considérer les activités de tourisme et de loisirs accessibles à proximité et qui peuvent être riches pour créer du lien social et pour produire du dépaysement - DR : DepositPhotos, ongap_
TourMaG.com - Dans votre dernière étude, vous évoquez l'idée de "politique globale du temps libre", qui devrait être mise en place, d'autant plus après la crise que nous traversons actuellement. Vous pointez du doigt certains faits, certains manques, donnez des pistes de réflexion, livrez des observations. Mais vous démarrez en analysant le contexte et la particularité de cette crise. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet ?
Bertrand Réau : Il y a de nombreuses choses importantes à rappeler sur cette crise, notamment le fait qu'elle affecte tous les groupes sociaux, hormis quelques personnes qui ont réussi à voyager durant le confinement, en jouant sur les règles implicites ou peu explicitées.
Mais hormis ces exceptions, globalement tout le monde a été affecté dans ses mobilités.
C'est une chose inédite, car généralement une crise financière touche en premier ceux qui ont le moins de moyens et ne remet pas à plat les conditions de mobilité. Une crise liée au terrorisme, quant à elle, est souvent circonscrite à un lieu plus ou moins grand et avec un effet ponctuel.
Avec cette crise-là, on voit se multiplier dans les médias des cartes du monde interactives, tels des manuels qui montrent les différents degrés en matière de risques sanitaires et de contraintes dans les différents pays.
Ces nouveaux guides correspondent à une sorte de "re-priorisation" dans l'ordre du choix du voyage : quand vous avez un créneau entre deux confinements, on ne vous propose plus des destinations de rêve à foison, mais des destinations qui sont moins contraignantes en termes de déplacements. Il y a une inversion des priorités.
Bertrand Réau : Il y a de nombreuses choses importantes à rappeler sur cette crise, notamment le fait qu'elle affecte tous les groupes sociaux, hormis quelques personnes qui ont réussi à voyager durant le confinement, en jouant sur les règles implicites ou peu explicitées.
Mais hormis ces exceptions, globalement tout le monde a été affecté dans ses mobilités.
C'est une chose inédite, car généralement une crise financière touche en premier ceux qui ont le moins de moyens et ne remet pas à plat les conditions de mobilité. Une crise liée au terrorisme, quant à elle, est souvent circonscrite à un lieu plus ou moins grand et avec un effet ponctuel.
Avec cette crise-là, on voit se multiplier dans les médias des cartes du monde interactives, tels des manuels qui montrent les différents degrés en matière de risques sanitaires et de contraintes dans les différents pays.
Ces nouveaux guides correspondent à une sorte de "re-priorisation" dans l'ordre du choix du voyage : quand vous avez un créneau entre deux confinements, on ne vous propose plus des destinations de rêve à foison, mais des destinations qui sont moins contraignantes en termes de déplacements. Il y a une inversion des priorités.
Nouveau régime sanitaire : comment les touristes vont-ils s'approprier ces normes ?
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TourMaG.com - Le voyage va-t-il devenir encore plus "contraignant" ?
Bertrand Réau : Il est encore aujourd'hui difficile d'y voir clair en ce qui concerne les voyages à l'étranger, notamment long-courriers.
Les tests-PCR rajoutent une contrainte, tout comme lorsque la compagnie aérienne Qantas annonce qu'elle exigera de ses passagers la vaccination obligatoire pour voyager...
Au-delà de la crise ponctuelle, nous observons l'instauration d'un nouveau régime sanitaire. La question importante étant de savoir comment les touristes vont-ils s'approprier ces nouvelles normes ?
Il y a toujours eu des obstacles : à chaque vague terroriste, il y a eu un renforcement des contrôles de sécurité. Mais ici, on touche au domaine du sanitaire, de la santé. D'autant plus que la maladie, cette fois-ci, est à côté de chez nous, elle n'est plus dans l'imaginaire, dans des pays lointains.
Et puis le temps d'harmonisation, de régulation, de concertation entre les différents pays complique énormément la circulation des voyageurs qui n'ont pas la visibilité de ces nouvelles contraintes, qui en plus, changent très souvent.
On le voit avec l'arrivée des tests antigéniques dans les aéroports. Auront-ils vocation à remplacer les tests PCR ? Ou bien avec les feuilles de résultats de ces tests qui ne sont parfois pas traduites dans la langue demandée dans le pays d'arrivée... Il y a encore beaucoup de choses pour décourager la mobilité...
Et cela crée encore davantage une sélection entre les voyageurs.
TourMaG.com - Pensez-vous que cette tendance pourrait s'inscrire durablement ?
Bertrand Réau : Il faut espérer qu'il y ait une clarification des normes et une lisibilité avec une relative stabilisation.
Mais cette stabilisation, avec les voyages à l'étranger notamment, dépend de la coordination entre les pays, de leur intérêt à ouvrir les frontières en fonction de leur propre situation sanitaire, mais aussi de leur propre politique en matière de vaccination, de protection, etc.
Et puis là-dedans, quelle place le tourisme occupe-t-il ? Certains pays ont moins d'"enjeux" touristiques que d'autres.
Bertrand Réau : Il est encore aujourd'hui difficile d'y voir clair en ce qui concerne les voyages à l'étranger, notamment long-courriers.
Les tests-PCR rajoutent une contrainte, tout comme lorsque la compagnie aérienne Qantas annonce qu'elle exigera de ses passagers la vaccination obligatoire pour voyager...
Au-delà de la crise ponctuelle, nous observons l'instauration d'un nouveau régime sanitaire. La question importante étant de savoir comment les touristes vont-ils s'approprier ces nouvelles normes ?
Il y a toujours eu des obstacles : à chaque vague terroriste, il y a eu un renforcement des contrôles de sécurité. Mais ici, on touche au domaine du sanitaire, de la santé. D'autant plus que la maladie, cette fois-ci, est à côté de chez nous, elle n'est plus dans l'imaginaire, dans des pays lointains.
Et puis le temps d'harmonisation, de régulation, de concertation entre les différents pays complique énormément la circulation des voyageurs qui n'ont pas la visibilité de ces nouvelles contraintes, qui en plus, changent très souvent.
On le voit avec l'arrivée des tests antigéniques dans les aéroports. Auront-ils vocation à remplacer les tests PCR ? Ou bien avec les feuilles de résultats de ces tests qui ne sont parfois pas traduites dans la langue demandée dans le pays d'arrivée... Il y a encore beaucoup de choses pour décourager la mobilité...
Et cela crée encore davantage une sélection entre les voyageurs.
TourMaG.com - Pensez-vous que cette tendance pourrait s'inscrire durablement ?
Bertrand Réau : Il faut espérer qu'il y ait une clarification des normes et une lisibilité avec une relative stabilisation.
Mais cette stabilisation, avec les voyages à l'étranger notamment, dépend de la coordination entre les pays, de leur intérêt à ouvrir les frontières en fonction de leur propre situation sanitaire, mais aussi de leur propre politique en matière de vaccination, de protection, etc.
Et puis là-dedans, quelle place le tourisme occupe-t-il ? Certains pays ont moins d'"enjeux" touristiques que d'autres.
Que devient la "démocratisation du voyage" ?
TourMaG.com - Abordons désormais le concept de "politique globale du temps libre". Quelle est l'idée générale ?
Bertrand Réau : Elle est de dire que nous avons besoin d'articuler différentes dimensions.
Avant la crise sanitaire, l'un des problèmes récurrents du tourisme était lié à la surfréquentation des lieux touristiques. Des mesures avaient déjà été anticipées, comme la fermeture de la plage de Maya Bay en Thaïlande, ou bien Venise qui avait pris des mesures face aux croisiéristes. Barcelone s'apprêtait à en prendre aussi, etc. Et on peut penser que ces mouvements-là vont s'accentuer pour les hauts lieux touristiques.
Mais la question qui se pose également est de savoir comment nous devons faire pour que, durant et après la crise sanitaire, le patrimoine commun de l'humanité ne soit pas encore plus réservé à une minorité, en raison de nouvelles barrières de déplacements et de coûts.
Que devient la "démocratisation du voyage" ?
Car nous avons tendance à dénoncer le tourisme de masse en oubliant de dire qu'il implique déjà de fortes inégalités et que les catégories sociales supérieures partent beaucoup plus que les autres.
Il y a évidemment de nombreux appels à réinventer le voyage. Mais on a vu avec la France cette année - lorsqu'on a demandé à Atout France de réorienter sa politique pour vendre la France aux Français - que si on ne prend pas en compte les 40% de Français non partants, et bien le secteur du tourisme ne s'y retrouve pas. Car les clientèles françaises ne compensent pas les clientèles internationales.
Alors pourquoi ne pas réfléchir à un soutien de la demande ?
Il faut bien sûr continuer à travailler sur l'offre, en produisant des offres durables, écologiquement responsables, des innovations pour gérer les flux de touristes... Mais quid de la demande ? Comment soutient-on les partants, mais aussi les non-partants ?
Pour mettre cela en œuvre, il faut articuler la gestion des calendriers, la répartition des flux territoriaux sur les lieux touristiques, mais aussi sur leur environnement. Ces travaux sont déjà en œuvre, par exemple à Paris, il existe des pistes pour élargir avec le Grand Paris et amener les touristes vers Saint-Denis.
Une politique globale du temps libre, c'est l'ensemble de ces différents éléments à articuler.
Bertrand Réau : Elle est de dire que nous avons besoin d'articuler différentes dimensions.
Avant la crise sanitaire, l'un des problèmes récurrents du tourisme était lié à la surfréquentation des lieux touristiques. Des mesures avaient déjà été anticipées, comme la fermeture de la plage de Maya Bay en Thaïlande, ou bien Venise qui avait pris des mesures face aux croisiéristes. Barcelone s'apprêtait à en prendre aussi, etc. Et on peut penser que ces mouvements-là vont s'accentuer pour les hauts lieux touristiques.
Mais la question qui se pose également est de savoir comment nous devons faire pour que, durant et après la crise sanitaire, le patrimoine commun de l'humanité ne soit pas encore plus réservé à une minorité, en raison de nouvelles barrières de déplacements et de coûts.
Que devient la "démocratisation du voyage" ?
Car nous avons tendance à dénoncer le tourisme de masse en oubliant de dire qu'il implique déjà de fortes inégalités et que les catégories sociales supérieures partent beaucoup plus que les autres.
Il y a évidemment de nombreux appels à réinventer le voyage. Mais on a vu avec la France cette année - lorsqu'on a demandé à Atout France de réorienter sa politique pour vendre la France aux Français - que si on ne prend pas en compte les 40% de Français non partants, et bien le secteur du tourisme ne s'y retrouve pas. Car les clientèles françaises ne compensent pas les clientèles internationales.
Alors pourquoi ne pas réfléchir à un soutien de la demande ?
Il faut bien sûr continuer à travailler sur l'offre, en produisant des offres durables, écologiquement responsables, des innovations pour gérer les flux de touristes... Mais quid de la demande ? Comment soutient-on les partants, mais aussi les non-partants ?
Pour mettre cela en œuvre, il faut articuler la gestion des calendriers, la répartition des flux territoriaux sur les lieux touristiques, mais aussi sur leur environnement. Ces travaux sont déjà en œuvre, par exemple à Paris, il existe des pistes pour élargir avec le Grand Paris et amener les touristes vers Saint-Denis.
Une politique globale du temps libre, c'est l'ensemble de ces différents éléments à articuler.
"Couper" le temps de vacances des temps libres du quotidien est une erreur
TourMaG.com - Quelle est sa fonction exacte ?
Bertrand Réau : Elle vise à considérer que ce temps libre prolongé, notamment des congés et des vacances, est un temps de production de liens sociaux, d'apprentissage, de socialisation et pas seulement un temps vacant laissé aux inégalités des uns et des autres et au libre cours, sans avoir le moindre enjeu politique.
Le temps libre est un enjeu social et, dans l'agenda politique, on le voit souvent comme un enjeu économique et politique, lorsqu'il s'agit des emplois du secteur, mais assez peu comme un enjeu social lorsqu'il s'agit des touristes et des pratiquants.
Aujourd'hui, l'Etat intervient massivement dans le soutien des professionnels, des innovations, mais quid de la demande et des non-partants ?
On peut citer quelques initiatives, comme les chèques vacances qui ont été redéveloppés dans certaines régions ; au Québec, il avait été envisagé de faire des crédits d'impôts pour faire partir les personnes dans leur région, etc.
Mais la question qui se pose est de savoir : veut-on aujourd'hui inscrire sur l'agenda politique le temps de vacances ? Et pas uniquement le voyage, dans le sens où il faut partir pour partir. Mais plutôt de considérer les activités de tourisme et de loisirs accessibles à proximité et qui peuvent être riches pour créer du lien social et pour produire du dépaysement.
TourMaG.com - Cette idée de gestion du temps libre a été évoquée il y a quelques semaines dans nos colonnes par Guillaume Linton, le PDG d'Asia. Il réfléchissait à la redéfinition du rôle de l'agent de voyages, qui pourrait devenir "l'interlocuteur principal d'un client dans la gestion globale de son temps de loisirs"...
Bertrand Réau : Vouloir "couper" le temps de vacances des modes de vie et des temps libres du quotidien est une erreur.
Prenez par exemple le temps libre des enfants : ils ont l'école et le temps hors-scolaire, qui fait débat et figure sur l'agenda politique. On va nous dire qu'il faut proposer des activités aux enfants, de la garderie, etc.
Mais par contre, dès qu'ils sont en vacances, on a l'impression que cela n'existe plus. C'est assez contradictoire...
On ne pose pas les vacances comme un enjeu social où l'on apprend aussi des choses, où l'on se sociabilise, où l'on peut transmettre de bonnes valeurs.
Bertrand Réau : Elle vise à considérer que ce temps libre prolongé, notamment des congés et des vacances, est un temps de production de liens sociaux, d'apprentissage, de socialisation et pas seulement un temps vacant laissé aux inégalités des uns et des autres et au libre cours, sans avoir le moindre enjeu politique.
Le temps libre est un enjeu social et, dans l'agenda politique, on le voit souvent comme un enjeu économique et politique, lorsqu'il s'agit des emplois du secteur, mais assez peu comme un enjeu social lorsqu'il s'agit des touristes et des pratiquants.
Aujourd'hui, l'Etat intervient massivement dans le soutien des professionnels, des innovations, mais quid de la demande et des non-partants ?
On peut citer quelques initiatives, comme les chèques vacances qui ont été redéveloppés dans certaines régions ; au Québec, il avait été envisagé de faire des crédits d'impôts pour faire partir les personnes dans leur région, etc.
Mais la question qui se pose est de savoir : veut-on aujourd'hui inscrire sur l'agenda politique le temps de vacances ? Et pas uniquement le voyage, dans le sens où il faut partir pour partir. Mais plutôt de considérer les activités de tourisme et de loisirs accessibles à proximité et qui peuvent être riches pour créer du lien social et pour produire du dépaysement.
TourMaG.com - Cette idée de gestion du temps libre a été évoquée il y a quelques semaines dans nos colonnes par Guillaume Linton, le PDG d'Asia. Il réfléchissait à la redéfinition du rôle de l'agent de voyages, qui pourrait devenir "l'interlocuteur principal d'un client dans la gestion globale de son temps de loisirs"...
Bertrand Réau : Vouloir "couper" le temps de vacances des modes de vie et des temps libres du quotidien est une erreur.
Prenez par exemple le temps libre des enfants : ils ont l'école et le temps hors-scolaire, qui fait débat et figure sur l'agenda politique. On va nous dire qu'il faut proposer des activités aux enfants, de la garderie, etc.
Mais par contre, dès qu'ils sont en vacances, on a l'impression que cela n'existe plus. C'est assez contradictoire...
On ne pose pas les vacances comme un enjeu social où l'on apprend aussi des choses, où l'on se sociabilise, où l'on peut transmettre de bonnes valeurs.
Revoir la gestion des flux
TourMaG.com - Et comment faire avancer ce débat ?
Bertrand Réau : Il y a des articulations à penser, qui se font avec les professionnels du tourisme.
Prenez l'exemple du Château de Chambord, il n'a pas attendu la crise Covid pour revoir la gestion des flux, diversifier les circuits et proposer des activités dédiées aux jeunes, avec des guides spécifiques.
Si des initiatives comme celle-là sont encouragées, cela permet d'étaler les flux dans le temps et dans l'espace sans "privatiser" les hauts lieux du patrimoine. Mais cela nécessite une articulation et là-dessus, le politique a un rôle à jouer à tous les échelons : Etat, régions, villes, etc.
C'est aussi une piste pour le secteur professionnel du tourisme, de pouvoir s'inscrire dans des schémas de réflexion politique du temps libre et des soutiens à ces formes d'intégration des activités de tourisme et de loisirs, non pas coupées les unes des autres, mais s'articulant les unes avec les autres.
TourMaG.com - Jusqu'à présent, la politique touristique était plutôt tournée vers l'international...
Bertrand Réau : Il me semble, en effet. D'ailleurs, le tourisme dépend du Ministère des Affaires Etrangères.
Mais depuis le mois de mai, les objectifs d'Atout France ont été subitement changés pour demander au GIE de vendre la destination France aux Français, ce que l'on avait pu penser être un "revirement" très ponctuel dû à un été particulier.
Aujourd'hui, on peut se demander dans quelle mesure cette situation va-t-elle perdurer ? On peut aussi se demander dans quelle mesure le secteur va-t-il avoir besoin de travailler de manière pérenne beaucoup plus en direction des clientèles françaises ? Cela va être un enjeu.
Autre point intéressant : en juillet, souvenez-vous, il y a eu un grand débat à propos de la création d'un ministère du tourisme, au moment où avait lieu le remaniement ministériel. Un appel de sénateurs avait été lancé mais le sujet n'avait pas spécialement fait consensus... Et nous sommes restés dans le même type de structure.
Les comités interministériels, de par la transversalité du tourisme, interrogent aussi sur comment poser la problématique au niveau du temps libre ? La question de la gestion du temps libre est de savoir comment on la définit, quel périmètre on lui donne et quel soutien on lui apporte ?
TourMaG.com - Y'a-t-il d'autres leviers selon vous à actionner ?
Bertrand Réau : Oui, je pense aux fonds de soutien, et notamment les plans d'investissement en cours, comme le Fonds Avenir Soutien Tourisme (FAST) et le Fonds France Investissement Tourisme 2 (FIT 2) mis en place par BPI France, qui visent à relancer le secteur et pas uniquement à compenser les pertes.
Les montants, les conditions, les axes développés sont un des éléments qui permettent de soutenir telle ou telle pratique plutôt que telle autre.
Bertrand Réau : Il y a des articulations à penser, qui se font avec les professionnels du tourisme.
Prenez l'exemple du Château de Chambord, il n'a pas attendu la crise Covid pour revoir la gestion des flux, diversifier les circuits et proposer des activités dédiées aux jeunes, avec des guides spécifiques.
Si des initiatives comme celle-là sont encouragées, cela permet d'étaler les flux dans le temps et dans l'espace sans "privatiser" les hauts lieux du patrimoine. Mais cela nécessite une articulation et là-dessus, le politique a un rôle à jouer à tous les échelons : Etat, régions, villes, etc.
C'est aussi une piste pour le secteur professionnel du tourisme, de pouvoir s'inscrire dans des schémas de réflexion politique du temps libre et des soutiens à ces formes d'intégration des activités de tourisme et de loisirs, non pas coupées les unes des autres, mais s'articulant les unes avec les autres.
TourMaG.com - Jusqu'à présent, la politique touristique était plutôt tournée vers l'international...
Bertrand Réau : Il me semble, en effet. D'ailleurs, le tourisme dépend du Ministère des Affaires Etrangères.
Mais depuis le mois de mai, les objectifs d'Atout France ont été subitement changés pour demander au GIE de vendre la destination France aux Français, ce que l'on avait pu penser être un "revirement" très ponctuel dû à un été particulier.
Aujourd'hui, on peut se demander dans quelle mesure cette situation va-t-elle perdurer ? On peut aussi se demander dans quelle mesure le secteur va-t-il avoir besoin de travailler de manière pérenne beaucoup plus en direction des clientèles françaises ? Cela va être un enjeu.
Autre point intéressant : en juillet, souvenez-vous, il y a eu un grand débat à propos de la création d'un ministère du tourisme, au moment où avait lieu le remaniement ministériel. Un appel de sénateurs avait été lancé mais le sujet n'avait pas spécialement fait consensus... Et nous sommes restés dans le même type de structure.
Les comités interministériels, de par la transversalité du tourisme, interrogent aussi sur comment poser la problématique au niveau du temps libre ? La question de la gestion du temps libre est de savoir comment on la définit, quel périmètre on lui donne et quel soutien on lui apporte ?
TourMaG.com - Y'a-t-il d'autres leviers selon vous à actionner ?
Bertrand Réau : Oui, je pense aux fonds de soutien, et notamment les plans d'investissement en cours, comme le Fonds Avenir Soutien Tourisme (FAST) et le Fonds France Investissement Tourisme 2 (FIT 2) mis en place par BPI France, qui visent à relancer le secteur et pas uniquement à compenser les pertes.
Les montants, les conditions, les axes développés sont un des éléments qui permettent de soutenir telle ou telle pratique plutôt que telle autre.
Comprendre pourquoi les voyageurs voyagent
TourMaG.com - Dans votre étude, vous évoquez également le volet de la formation...
Bertrand Réau : Oui je pose plusieurs questions : à quel moment doit-on "reformer" les acteurs du tourisme de demain ?
Quel soutien leur donne-t-on pour qu'en cohérence avec les plans d'investissement et la mise en place d'articulations pour l'offre et la demande, nous formions en conséquence les professionnels de demain ?
Car aujourd'hui, il n'est pas évident de voir quelle place est accordée à la formation dans les plans d'investissement. Des propositions ont été faites, mais tout ceci est en attente...
Actuellement nous sommes davantage dans la gestion de la crise, dans sa matérialité logistique, que dans la préparation du coup d'après, en tous cas, pour le volet formation.
TourMaG.com - Vous estimez que l'on ne se penche pas encore assez sur le monde du tourisme d'après-crise ?
Bertrand Réau : On en parle, mais pas par rapport au levier de la formation. On voit d'autres leviers, comme celui de l'innovation - et les start-up - qui sont très bien soutenus.
Mais on devrait aussi se demander comment encourager les bonnes pratiques des touristes ? Comment on considère le tourisme comme un espace de socialisation ? Comment on travaille à soutenir la demande en terme de réflexions, et non pas qu'en termes financiers ? Et comment travailler avec les professionnels sur la formation ?
TourMaG.com - Tout ceci est aussi lié, comme vous le soulignez dans l'étude, à un manque d'outils d'étude et d'analyse...
Bertrand Réau : Oui, car pour l'instant les pratiques touristiques sont essentiellement analysées sous un angle économique et consommatoire, sans se demander finalement le sens de ces consommations.
De même, on étudie les mobilités, souvent en terme de nationalités et non pas de groupes sociaux, de pratiques ou d'autres variables, comme le sexe, l'âge, la région etc. Il existe des observations, parfois territorialisées, sur ces questions-là, mais nous n'avons pas d'observations nationales cohérentes qui visent à comprendre vraiment le sens des pratiques. Ceci est un manque cruel.
Pour vous dire, en France, la dernière enquête qui a été menée au niveau national par l'INSEE sur les pratiques des Français date de 2009 (Enquête permanente sur conditions de vie des ménages- volet vacances).
Les autres enquêtes nationales qu'il peut y avoir, notamment sur le suivi de la demande touristique restent centrées sur des questions économiques et de mobilité.
Il va donc falloir prendre en compte d'autres aspects si l'on veut s'inscrire dans cette politique de gestion du temps libre.
Et notamment si l'on veut travailler sur un changement des pratiques. Cela ne peut pas se faire que par le prisme économique, sinon comment expliquer que des personnes adhèrent à des valeurs de tourisme responsable mais ne les mettent pas en œuvre ?
TourMaG.com - Il faut donc comprendre pourquoi les voyageurs voyagent ?
Bertrand Réau : Il est certain que l'offre a un impact très important sur la demande : si vous ne proposez rien d'écologiquement soutenable ou de touristiquement durable, le voyageur devra vraiment avoir une volonté de fer pour faire autrement.
Mais ce n'est pas uniquement parce qu'on lui propose de voyager comme cela qu'il le fait, c'est l'interaction des deux.
On ne peut pas se passer de comprendre le sens donné des pratiques et il n'est pas évident à déduire, simplement avec des chiffres, en disant : "ceci est du bon tourisme, cela du mauvais tourisme".
Tant qu'on ne comprendra pas le sens donné aux pratiques, on aura du mal à réfléchir à des formules qui vont toucher de larges populations.
Bertrand Réau : Oui je pose plusieurs questions : à quel moment doit-on "reformer" les acteurs du tourisme de demain ?
Quel soutien leur donne-t-on pour qu'en cohérence avec les plans d'investissement et la mise en place d'articulations pour l'offre et la demande, nous formions en conséquence les professionnels de demain ?
Car aujourd'hui, il n'est pas évident de voir quelle place est accordée à la formation dans les plans d'investissement. Des propositions ont été faites, mais tout ceci est en attente...
Actuellement nous sommes davantage dans la gestion de la crise, dans sa matérialité logistique, que dans la préparation du coup d'après, en tous cas, pour le volet formation.
TourMaG.com - Vous estimez que l'on ne se penche pas encore assez sur le monde du tourisme d'après-crise ?
Bertrand Réau : On en parle, mais pas par rapport au levier de la formation. On voit d'autres leviers, comme celui de l'innovation - et les start-up - qui sont très bien soutenus.
Mais on devrait aussi se demander comment encourager les bonnes pratiques des touristes ? Comment on considère le tourisme comme un espace de socialisation ? Comment on travaille à soutenir la demande en terme de réflexions, et non pas qu'en termes financiers ? Et comment travailler avec les professionnels sur la formation ?
TourMaG.com - Tout ceci est aussi lié, comme vous le soulignez dans l'étude, à un manque d'outils d'étude et d'analyse...
Bertrand Réau : Oui, car pour l'instant les pratiques touristiques sont essentiellement analysées sous un angle économique et consommatoire, sans se demander finalement le sens de ces consommations.
De même, on étudie les mobilités, souvent en terme de nationalités et non pas de groupes sociaux, de pratiques ou d'autres variables, comme le sexe, l'âge, la région etc. Il existe des observations, parfois territorialisées, sur ces questions-là, mais nous n'avons pas d'observations nationales cohérentes qui visent à comprendre vraiment le sens des pratiques. Ceci est un manque cruel.
Pour vous dire, en France, la dernière enquête qui a été menée au niveau national par l'INSEE sur les pratiques des Français date de 2009 (Enquête permanente sur conditions de vie des ménages- volet vacances).
Les autres enquêtes nationales qu'il peut y avoir, notamment sur le suivi de la demande touristique restent centrées sur des questions économiques et de mobilité.
Il va donc falloir prendre en compte d'autres aspects si l'on veut s'inscrire dans cette politique de gestion du temps libre.
Et notamment si l'on veut travailler sur un changement des pratiques. Cela ne peut pas se faire que par le prisme économique, sinon comment expliquer que des personnes adhèrent à des valeurs de tourisme responsable mais ne les mettent pas en œuvre ?
TourMaG.com - Il faut donc comprendre pourquoi les voyageurs voyagent ?
Bertrand Réau : Il est certain que l'offre a un impact très important sur la demande : si vous ne proposez rien d'écologiquement soutenable ou de touristiquement durable, le voyageur devra vraiment avoir une volonté de fer pour faire autrement.
Mais ce n'est pas uniquement parce qu'on lui propose de voyager comme cela qu'il le fait, c'est l'interaction des deux.
On ne peut pas se passer de comprendre le sens donné des pratiques et il n'est pas évident à déduire, simplement avec des chiffres, en disant : "ceci est du bon tourisme, cela du mauvais tourisme".
Tant qu'on ne comprendra pas le sens donné aux pratiques, on aura du mal à réfléchir à des formules qui vont toucher de larges populations.