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Cannes : l’ILTM voit la vie en rose et parfois... en vert

Cette 22e édition est "la plus grande jamais organisée" avec 2 100 exposants représentant 330 marques


Alors que s'ouvre, ce lundi 4 décembre, le salon du tourisme de luxe ILTM à Cannes, tous les clignotants semblent au vert : l'envie de voyages de la clientèle à fort pouvoir d'achat ne faiblit pas et les ouvertures (ou réouvertures) d'hôtels de luxe continuent à se multiplier, en France comme à l'étranger.


Rédigé par le Lundi 4 Décembre 2023

Lors de l'édition 2022, le ton était donné dès l'ouverture : "le client est roi" (PB)
Lors de l'édition 2022, le ton était donné dès l'ouverture : "le client est roi" (PB)
Alors que s'ouvre, ce lundi 4 décembre au Palais des Festivals à Cannes, l'ILTM (International Luxury Travel Market)]b, le monde du tourisme de luxe voit la vie en rose.

Il ne faut donc pas s'étonner que cette 22e édition qui s'achèvera le 7 décembre soit, selon ses organisateurs, "la plus grande jamais organisée" sur la célèbre Croisette, avec plus de 2 100 acheteurs de 83 pays et 2 100 exposants représentant 330 marques. Et aussi plus de 82 000 rendez-vous officiels préprogrammés entre participants.

Si, en Europe, à l'heure de la reprise post-Covid, l'économie est souvent restée à la peine tandis que l'inflation reprenait de la vigueur, la pandémie a dopé l'appétit de voyages des ménages les plus aisés.

Les perspectives d'avenir sont donc réjouissantes, du moins si l'on en croit une étude publiée à la veille de l'été dernier -la première du genre à l'échelle européenne- et réalisée par le cabinet Bain and Company pour l'European Cultural and creative industries alliance (ECCIA), qui regroupe cinq organisations réunissant plus de 600 marques de luxe, à savoir Altagamma (Italie), Circulo Fortuny (Espagne), le Comité Colbert (France), Meisterkreiss (Allemagne) et Walpole (Royaume-Uni).

Selon cette étude, le tourisme de luxe représente un marché estimé entre 130 et 170 milliards d'€ par an, en Europe. La France, l'Italie, l'Espagne et le Royaume-Uni sont en tête avec plus de 20 milliards d'€ chacun.

L'Allemagne capte, elle, entre 5 et 10 milliards d'€, soit autant que la Suisse. Bien mieux, le marché européen pourrait tripler d'ici dix ans pour dégager 520 milliards d'€ de revenus directs à l'horizon 2030-2035.

Cette étude le confirme : parce qu'elle a un pouvoir d'achat élevé, la clientèle "de luxe" a des dépenses quotidiennes huit fois plus élevées que celles des touristes moyens.

Et comme cette clientèle à ses exigences, en matière de services notamment, un hôtel de luxe emploie près de deux fois plus de personnel qu'un hébergement de même taille positionné sur des segments moins élevés.

De ce fait, alors que les hôtels haut de gamme représentent seulement 2% du total des structures d'hébergement, les touristes «de luxe» génèrent près de 22% des recettes touristiques européennes globales, représentent 22% des dépenses d'hébergement et jusqu'à 33% des dépenses de culture, de divertissement et de shopping. Champagne !

Tourisme de luxe : Nouvelles générations...

Pendant leurs vacances, les Français restent attachés à la découverte du patrimoine. Ici, le monastère royal de Brou à Bourg-en-Bresse, dans l'Ain (PB)
Pendant leurs vacances, les Français restent attachés à la découverte du patrimoine. Ici, le monastère royal de Brou à Bourg-en-Bresse, dans l'Ain (PB)
Ce qui devrait aussi doper le monde du tourisme de luxe, c'est la part croissante -dans le monde du travail comme dans celui du tourisme- des jeunes générations, celles que les démographes et les sociologues appellent les "Millénials".

Encore appelés "génération Y" ou "digital natives", les "Millennials" sont ces jeunes, âgés entre 25 et 35 ans, qui, selon les sociologues, sont plus individualistes et plus connectés que les générations précédentes.

Ces "Millenials" voyagent également davantage. Quand l’ensemble de la population qui voyage réalise une moyenne de près de 3 séjours touristiques (longs ou courts) par an, les Millennials en font, en moyenne, plus de 5. Bien mieux, depuis le Covid, selon une étude de l'institut britannique de sondages YouGov réalisée en novembre 2023, les voyages sont devenus « plus importants pour eux ».

Si, actuellement, selon Bain & Company, les "Millennials" représentent seulement 2 % des parts du marché des produits de luxe, ils participeront, d’ici à 2025, à 85 % de la croissance de ce secteur. Leur influence jouera dans des proportions au moins équivalentes sur le marché du tourisme de luxe. En effet, les "Millenials" recherchent des séjours à la fois plus longs et plus luxueux, selon l'étude YouGov.

Autre évolution significative : Les "Millénials" qui boosteront le tourisme de luxe en Europe, ne seront cependant pas forcément d'origine européenne.

Y contribueront tout autant, sinon plus, les "Millénials" -de plus en plus nombreux- originaires des Émirats arabes, de l'Inde et de la zone Asie-Pacifique.

Cela étant, toujours selon l'étude YouGov de novembre 2023, tous n'ont pas les même attentes. Si le luxe bling-bling ne déplaît pas aux Moyen-Orientaux, les "Millennials" américains à hauts revenus sont fans de croisières tandis que les Français demeurent attachés aux paysages et au patrimoine.

En plus de l'envie de prendre son temps, les Français plébiscitent l’immersion dans la nature (25%) et les découvertes locales (24%) type marchés et festivals gastronomiques (72%), visites guidées (63%), circuits touristiques en randonnées (49%) et dégustations de vin (34%).

La "quête de sens" s'invite en vacances

Ici, l'espace central du Six Senses Vana, dans les contreforts de l'Himalaya. C'est là que se déroulent les rituels d'accueil et les cérémonies de Puja (Photo Six Senses)
Ici, l'espace central du Six Senses Vana, dans les contreforts de l'Himalaya. C'est là que se déroulent les rituels d'accueil et les cérémonies de Puja (Photo Six Senses)
Si jusqu'ici les voyageurs à haut pouvoir d'achat privilégiaient la qualité des services et leur exclusivité, les "Millenials" viennent conforter une vision un peu différente du luxe. Ils cherchent, avant tout, à vivre des expériences authentiques, improvisées (enfin, ayant l'air de l'être !), et même des rencontres avec les "populations locales".

Ils apprécient ce qui a l'air naturel et convivial : l'expérience doit avoir l'air unique en son genre, qu'elle ait lieu dans un cabane luxueuse au coeur de la jungle, dans la cuisine d'un grand chef à l'occasion d'une master class, dans un hôtel de charme en province ou dans un hôtel urbain d'une grande ville.

Le confort doit cependant rester au rendez-vous, même lorsque les "aventures" prennent des tours inhabituels, et sauf exception (mais il y en a), le tourisme de luxe doit désormais être 2.0, autrement dit connecté.

Il n'est donc pas surprenant que les grandes chaînes internationales aient multiplié cette année -et prévoient de continuer à le faire dans les années à venir- les ouvertures d'hôtel de luxe.

Y compris d'établissements à la personnalité très typée, avec, pour les uns, l'accent mis sur l'art, pour d'autres sur le bien-être comme la marque Six Senses de IHG (Intercontinental Hotel Group). Ou comme l'Anantara Iko Mauritus Resort & Villas, du groupe thaïlandais Minor.

LIRE AUSSI : Six Senses se renforce dans le bien-être

"Le bien-être, ce n'est pas une mode, c'est une vraie tendance de fond. Les nouvelles générations ont un mode de vie beaucoup plus sain : elles sont beaucoup plus actives et font davantage attention à ce qu'elles mangent", souligne d'ailleurs Pascal Bertrand, le directeur général de ce cinq étoiles de l'Océan indien qui vient de mettre en place des "forfaits bien-être".

La "quête de sens" s'invite en voyages

Selon le directeur général de l'Anantara Iko Mauritus, "Le bien-être est une des clés de l'avenir" (Photo Anantara)
Selon le directeur général de l'Anantara Iko Mauritus, "Le bien-être est une des clés de l'avenir" (Photo Anantara)
Le directeur général de l'Anantara Iko Mauritus Resort & Villas a une autre marotte : c'est l'environnement. Il est bien loin d'être le seul.

Bien des groupes hôteliers, y compris les plus importants à l'échelle internationale, mettent désormais en avant leurs engagements en matière de tourisme durable.

Il y a bien sûr un part d'arguments marketing bien calculés dans ces nouvelles orientations, mais pas seulement. Selon l'étude réalisée par le cabinet Bain and Company évoquée plus haut, le tourisme durable et le tourisme lié à la nature seront des éléments importants pour booster le tourisme.

"La soutenabilité des voyages est en train de devenir la norme", a, de son côté, observé Ronny Maier vice-président Europe de l'Ouest et Moyen-Orient du groupe Mariott, lors d'une récente conférence de presse à Paris. Comment pourrait-il ignorer que, selon l'étude "Future Travel trends" que vient de publier Marriott Bonvoy, l'éco-responsabilité passe du statut de bienfait à celui de nécessité et que cela ne fera que s'accentuer.

Il n'est donc pas surprenant que les hébergements de luxe dits « respectueux de l'environnement» aient le vent en poupe.


Malheureusement, ceux qui mettent en avant avec insistance leurs engagements, petits ou grands, dans ce domaine, font parfois mine d'oublier que pour venir se reposer chez eux et y vivre des "expériences exclusives", leurs clients continueront le plus souvent à prendre l'avion. Voire, pour ceux qui ont le pouvoir d'achat le plus élevé, à louer un jet, un hélicopère ou un yacht privé.

Des choix pas forcément compatibles avec la nécessité -et la volonté- de décarboner les vacances. Mais, comment résoudre cette contradiction ?

Des investissements, par milliards

L'oaL'oasis d'Al-Ula est appelée à devenir une vitrine touristique majeure de l'Arabie saoudite (Photo DR)
L'oaL'oasis d'Al-Ula est appelée à devenir une vitrine touristique majeure de l'Arabie saoudite (Photo DR)
Rien ne semble donc devoir freiner le succès présent et à venir du tourisme de luxe. Pour commencer, dans la "vieille" Europe, dont le lifestyle reste une valeur sûre.

Prenons le cas de l'Italie. Ainsi, à la veille de l'ILTM de Cannes où ce pays sera de nouveau présent en force, son Office de tourisme, l'ENIT, a rendu publique une étude réalisée, en octobre 2023, par l'ISNART (L'Institut Italien de recherche sur le tourisme) pour Unioncamere (l'organisme qui regroupe les chambres italiennes de commerce, d'industrie, d'artisanat et d'agriculture).

Selon cette étude, plus de 20 % des touristes étrangers ont choisi les destinations italiennes parce qu'ils étaient attirés par "l'art de vivre à l'italienne" et qu'ils associaient à ce pays une image "d'exclusivité".

LIRE AUSSI : L’Arabie saoudite, futur eldorado du tourisme

Et si le tourisme de luxe italien est en "pleine expansion", c'est toujours selon cette étude, parce que les vacanciers à fort pouvoir d'achat sont "moins touchés par les incertitudes géopolotiques et macro-économiques que les autres voyageurs".

Les pays européens ne sont pas les seuls à l'avoir compris. Depuis -déjà- de longues années, les pays du Moyen-orient les plus avisés ont saisi que le tourisme (de luxe, s'entend) constituerait un complément voire, après-demain, une alternative aux revenus pétroliers. Abu Dhabi, Dubaï, le Qatar, Ras el Khaïmah, Oman se sont positionnés depuis longtemps déjà sur ce créneau, sans lésiner sur les moyens.

A preuve, l'un des événements marquants du début de l'année touristique 2923 restera l'ouverture fastueuse et follement bling-bling de l'Atlantis The Royal. Avec ses 795 chambres et suites réparties sur 43 étages, ce complexe hôtelier ultra-luxe mais se veut "le meilleur (...) de Dubaï" (et peut-être même du monde) !

Pour l'Arabie Saoudite, l'aventure est plus récente. Ses projets n'en sont pas moins carrément pharaoniques. Aux hôtels de luxe dans l'oasis de Al-Ula, aux méga-projets au bord de la Mer rouge, à la ville futuriste de Neom, grande comme la Belgique, qui doit naître in extenso dans le nord-ouest du Royaume, s'ajoutent désormais des projets de transformation de plusieurs palais historiques de Riyad et Jeddah en boutiques-hôtels ultra-luxueux afin de "faire revivre le riche patrimoine national avec l'authentique culture du Royaume". Ceci se fera sous la houlette de Boutique Group, une entreprise hôtelière entièrement détenue par le Fonds d'Investissement Public (PIF).

Dans le royaume wahabite, les projets d'investissements se calculent plus que jamais en milliers de milliards. Mais, sur quelque continent que ce soit, le marché du tourisme de luxe n'a pas fini de faire tourner la tête des investisseurs.

PAULA BOYER Publié par Paula Boyer Responsable rubrique LuxuryTravelMaG - TourMaG.com
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