Et nul besoin de partir à l’autre bout de la planète pour profiter de ces bienfaits ! Ils sont parfaitement accessibles dans des espaces de proximité, dans une nature parfois qualifiée « d’ordinaire ».
C’est le cas des forêts, recherchées et plébiscitées par un grand nombre d’usagers, tant en France qu’à l’étranger. Ces espaces offrent, en effet, la possibilité de se détendre, de pratiquer du sport, de se ressourcer, seul, en famille ou avec des amis.
Comment avons-nous réagi aux restrictions qui nous ont été imposées ces 12 derniers mois ? Avons-nous modifié nos comportements ? Avons-nous développé de nouvelles aspirations ou, au contraire, distendu encore un peu plus nos liens au monde naturel ?
Une enquête grandeur nature dans le Sud-Ouest
Pour tenter de répondre à ces questions, une enquête sur la fréquentation des espaces naturels dans les départements de la Gironde, Landes, des Pyrénées-Atlantiques, de la Dordogne et du Lot-et-Garonne a été déployée fin 2020.
Mobilisant des outils et méthodes issus des sciences humaines et sociales, deux échantillons représentatifs de la population aquitaine – sur les critères d’âge, de genre, de catégories socioprofessionnelles et de type de commune de résidence – de 500 individus chacun, ont été interrogés.
Les données collectées à cette occasion ont été comparées aux résultats issus de deux éditions antérieures, respectivement en 2006 et 2012, grâce à la répétition des protocoles. Cette vision longue, assez inédite, permet de retracer les tendances et les variations conjoncturelles de l’évolution de la demande.
Quatre grands enseignements se dégagent.
Campagne, forêt, littoral…
L’étude révèle tout d’abord que la sortie en forêt est demeurée extrêmement populaire en 2020, malgré les contraintes et les restrictions, dans le Sud-Ouest de la France : 7 habitants sur 10 ont déclaré y passer du temps, proportion remarquablement stable depuis près de 15 ans.
Cela en fait le deuxième espace naturel le plus fréquenté, juste derrière la campagne (78 % de la population), mais devant le littoral (50 %). Plus d’un tiers des sondés ont pu se rendre en forêt durant le premier confinement, autrement dit celui qui a été le plus strict, et plus de 40 % durant le second.
Plusieurs caractères de fréquentation sont remarquablement stables par rapport aux années précédentes : les activités pratiquées (la promenade pour 95 % des usagers, la cueillette 68 %, l’observation des plantes et des animaux 67 %), ce qui plaît (le calme 96 %, les animaux 72 %) ou, au contraire, ce que l’on ne veut pas y voir (des ordures 87 %, des activités motorisées 68 %, du « monde » à 50 %).
S’évader à proximité
À l’inverse, d’autres comportements semblent avoir été ajustés.
En particulier, les usagers ont déclaré y aller beaucoup plus souvent seuls (52 %), soit un taux deux fois plus élevé que ce que l’on constatait dans les enquêtes antérieures. De tels chiffres pourraient laisser penser que les gestes barrières et autres consignes de « distanciation sociale » ont bien été respectés.
Plus que d’habitude, la fréquentation s’est faite sur des espaces très proches, que les usagers connaissaient déjà (situés à moins de 10 minutes de leur domicile, soit deux fois moins loin qu’en 2012), y compris durant la phase du déconfinement, alors que les contraintes de déplacement étaient progressivement levées.
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D’autant que la forêt, en France, est traditionnellement associée à des représentations sociales patrimoniales et au temps long.
Au profit du plus grand nombre
Par conséquent, il n’y a rien d’étonnant à ce que la forêt apparaisse comme un espace refuge, relativement sûr vis-à-vis de l’épidémie.
En matière de risque de contamination, on s’y sent en effet moins exposé que sur son lieu de travail (point de vue défendu par 83 % des répondants), dans les rues piétonnes (96 %) ou les parcs et espaces verts en ville (93 %) ; mais aussi moins exposé qu’à l’océan tout proche (70 %), lequel offre pourtant d’immenses étendues naturelles de plages sableuses.
Seule la montagne est placée à un niveau comparable (risque jugé « identique » dans 65 % des cas). L’image de « réserve à biodiversité », dont jouit la forêt, n’y est sans doute pas étrangère. L’enquête révèle que l’on cherche le contact avec la nature (76 %), le besoin de ressourcement (70 %), le bien-être, psychologique (72 %) et physique (59 %).
Enfin, en dépit des inégalités sociospatiales qui perdurent, il semble que ces espaces aient profité au plus grand nombre.
Bien que certaines caractéristiques socio-économiques (revenus, catégories socioprofessionnelles, âge) soient statistiquement discriminantes, leur influence apparaît moins forte que pour d’autres destinations, notamment le littoral ou la montagne.
De même, les habitants des communes rurales, de moins de 2000 habitants, en particulier ceux qui habitent une maison individuelle, y sont allés plus que les autres.
Une activité essentielle en temps de pandémie
S’adaptant aux restrictions et limitations de déplacement, les habitants du Sud-Ouest de la France ont donc continué à passer du temps en forêt, en 2020. Sachant que les milieux forestiers couvrent plus de 15 millions d’hectares sur l’ensemble du territoire national, dont un tiers en propriété publique, il y a fort à parier que ce fût le cas dans d’autres régions françaises.
Longtemps considérée comme un placement financier de long terme, la forêt acquiert aujourd’hui le rôle de « valeur refuge », sur un plan sanitaire et social aussi.
Relativement accessible, le plus souvent gratuitement, on disposerait peut-être là d’un nouvel outil d’accompagnement des populations dans la gestion de l’épidémie de la Covid-19. À ajouter à la liste des activités « essentielles » ?
Jeoffrey Dehez, Chargé de recherche en économie des loisirs et environnement, Inrae et Sandrine Lyser, Ingénieure d’études en statistique, Inrae
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.