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Corsica Ferries refuse d’être le «bouc émissaire de la crise»

interview de Pierre Mattei, directeur général


Pierre Mattei, directeur général de Corsica Ferries, revient sur la grève de la SNCM et ses conséquences. Il estime ne pas avoir "profité" de ce mouvement social dans la mesure où il a considérablement dégradé l’image de la Corse. Corsica serait prête (même s'il n'y croit guère) à faire face à un retrait de la SNCM des liaisons Nice-Corse.


Rédigé par le Mardi 5 Octobre 2004

Pierre Mattei, DG de Corsica Ferries
Pierre Mattei, DG de Corsica Ferries
TourMaG.com - La Sncm a perdu des milliers de passagers pendant la dernière grève du STC. Ont-ils profité à Corsica Ferries et dans quelle mesure ?

Pierre Mattei : "Nous ne « profitons » pas des grèves à la SNCM. Nous faisons face, à chaque fois, à une situation difficile en démontrant que notre savoir-faire et notre capacité peuvent absorber de tels surplus de passagers.

Nous estimons que ce sont entre 80 et 90% du trafic passagers de la compagnie publique qui ont été transportés par nos navire durant cette dernière période de conflit.

Cependant l'énorme retentissement de cette grève auprès du public a, à nouveau, considérablement dégradé l’image de la Corse et cela Corsica Ferries n’en profite pas, bien au contraire..."

T.M.com - On a dit que vous aviez tiré parti de la grève de la Sncm pour pratiquer des tarifs qui n'avaient plus rien de "concurrentiels", à savoir le plein tarif de la saison ?

P.M. :"Cela est faux. Il faut juste comprendre que nos tarifs sont variables comme ceux de tous nos concurrents maritimes ou aériens. Comme tout le monde le sait ou devrait le savoir, les meilleurs tarifs sont obtenus en achetant à l’avance et en aller et retour, ce qui n’était évidemment pas le cas des clients SNCM à rapatrier...

Je profite de cette contre-vérité pour dénoncer d'autres dénigrements faciles dont nous sommes souvent l'objet comme le prétendu "dumping social ". Nos marins travaillant sur les lignes en concurrence avec la SNCM bénéficient du code du travail français avec des conventions collectives françaises.

Nous employons une très faible proportion de marins non communautaires, uniquement sur 3 navires à l'international où la SNCM n'est pas présente, et ceux-ci bénéficient d’accords syndicaux avec les 3 grandes centrales syndicales italiennes ...

Enfin, l'entreprise paye ses impôts à Bastia et il est tout à fait vrai qu’une partie de nos actionnaires, la famille bastiaise Lota, habite à Genève depuis de nombreuses années. Quel est le problème ? Corsica Ferries refuse d’être le bouc émissaire de la crise chez nos concurrents, avec des arguments aussi pauvres.

S’ils n'ont pas été capables de se réformer en s'adaptant à une situation que tous connaissaient à l’avance, qu’ils se regardent dans un miroir marseillais et non en cherchant les causes à Bastia."

T.M.com - Que feriez-vous si la Sncm abandonnait les liaisons Nice-Corse ?

P.M. : "Nous avons 12 navires et plusieurs de ceux-ci ont une conception alliant la rapidité à une grande capacité, permettant notamment de multiplier les rotations.
Cela nous permet d’augmenter notre offre comme nous l'avons fait cette année avec 700.000 places supplémentaires. Donc, nous pourrions faire face à un retrait de notre concurrent à Nice. Celui-ci m’apparaît cependant être une hypothèse peu probable."

T.M.com - Le monopole n'est pas du point de vue concurrentiel ce qu'il y a de mieux... vous en savez quelque chose. Ne risquez-vous pas d'y basculer à votre tour ?

P.M. : "Que veut dire monopole sur une seule ligne ? La desserte de la Corse se fait aujourd'hui sur toute la côte, de Livourne jusqu'à Marseille. Les clients ont le choix et c'est ce qu'il faut préserver. Personne ne s'inquiète du dangereux monopole de la SNCM à Marseille, de Corsica Ferries à Savone ou de la Moby Lines à Gènes !

Cette idée de monopole n'a aucun sens. Il n'y a pas plus de 2 heures de route entre 2 de ces ports, parfois 35 mn, comme entre Toulon et Marseille ! Comme tous ces ports sont en concurrence, personne ne peut s'y comporter en monopoliste. Il n'y a donc aucun danger de monopole..."

T.M.com - Que pensez-vous de l'idée du STC qui consiste à vouloir créer une entreprise "régionale" de transport maritime spécifique à la Corse ?

P.M. : "A notre sens, ce qui compte, ce sont les Obligations de service public et non les compagnies qui assurent le service public. C’est à travers les OSP que la Corse définit sa politique de transport maritime avec les tarifs, les capacité à mettre en œuvre, les fréquences, en particulier sur les ports secondaires.

Le choix de créer une compagnie régionale est indifférent de cette question. Le vrai raisonnement est de se concentrer prioritairement sur les objectifs et très secondairement sur les moyens, donc sur les attentes des passagers et non sur celles des compagnies, c’est ce qu’attend la Corse."

T.M.com - Que feriez-vous si la Sncm redemandait une recapitalisation de la part de l'Etat, son principal actionnaire ?

P.M. : "Selon le principe européen dit du « one time last time » elle n’en a plus le droit. Nous avons déjà contesté la première recapitalisation avec des arguments qui s’avèrent de plus en plus exacts au vu de l’actualité récente. Nous contesterions l'attribution de nouveaux fonds publics s’il s’avérait que nous avions des doutes sur leur légitimité, et notamment de nouvelles entraves aux règles de concurrence."

T.M.com - Si la Sncm était privatisée, seriez-vous candidat à une participation capitalistique ?

P.M. : "Là aussi c’est une hypothèse peu probable dans l’immédiat. Nous ne pouvons être indifférents à cette question, mais notre vocation première est de nous développer par croissance interne sur le marché corse."

T.M.com - Les liaisons avec la Corse ont fortement baissé cet été. On évoque notamment les tarifs, l'accueil et la concurrence d'autres destinations. Comment cela se passe-t-il pour Corsica Ferries, et comment voyez-vous l'avenir touristique de l'Ile ?

P.M. : "Nous serons en progression cette année de 5 à 6 % sur la destination Corse malgré la forte baisse du trafic global. Cela est dû à une forte reprise en terme de parts de marché pour Corsica Ferries sur l’été y compris avant la grève.

Nous sommes évidemment très concernés à la fois par l'image et les performances touristiques de l'Ile, car nous sommes l'opérateur qui amène le plus de touristes en Corse.

Nous avons fait des propositions à l’Agence du tourisme de la Corse pour faire évoluer le plan marketing et pour renforcer la communication en particulier à l’étranger.
Corsica Ferries est plus que jamais prête à participer activement à la relance du marché touristique vers la Corse."

T.M.com - Quelle est aujourd'hui la part de marché de votre entreprise dans les agences de voyages et que donne la vente en ligne, qu'elle soit B2B ou B2C ?

P.M. : "Les agences représentent environ 30% en France, 70% en Italie. La vente en ligne est, bien sûr, un facteur de croissance très fort, en particulier en B2B grâce à la performance de la réservation et des fonctionnalités du site www.corsicaferries.biz qui a été développé par nos équipes internes de la direction des systèmes d’information basée au siège de la compagnie, à Bastia."

T.M.com - Quels sont les principaux ratios en termes de trafic, de chiffre d'affaires et de résultats, et comment sont-ils répartis par desserte ?

P.M. : "Notre trafic a été de 2.4 millions de passagers en 2003 dont 1.7 million sur la Corse et ce sont les lignes Corse/Continent français qui augmentent le plus.

Notre chiffre d'affaires se monte à prés de 150 M€ avec un résultat à l’équilibre malgré des coûts de carburant qui pèsent fortement sur les comptes cette année.
Enfin, pour ceux qui se plaisent à colporter de fausses rumeurs, j'ajoute que nos comptes sont publics et vérifiables par tous au Tribunal de commerce de Bastia...

Propos recueillis par Jean da LUZ - redaction@tourmag.com

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