C'est un sacré pavé dans la mare que vient de lancer le SETO (syndicat des tour-opérateurs), à l'occasion de son FORUM qui se tient jusqu'au 12 décembre 2019 à Porto au Portugal.
Si l'on en croit la démonstration juridique faite par Sahra Hagani, Avocat chez Fidal Paris, le système de facturation et les délais de règlement entre agences et tour-opérateurs sont totalement hors des clous.
De quoi faire bouger les distributeurs totalement opposés à modifier le système actuel des flux financiers ?
Cela reste à voir, mais l'intervention a suscité de larges réactions. Et comme l'a résumé Gilbert Cisneros, patron d'Exotismes, "si j'ai bien compris nous sommes assis sur un baril de TNT ?".
Lire : La case de l’Oncle Dom : Flux financiers... distributeurs, "vous êtes dans l’illégalité!"
Si l'on en croit la démonstration juridique faite par Sahra Hagani, Avocat chez Fidal Paris, le système de facturation et les délais de règlement entre agences et tour-opérateurs sont totalement hors des clous.
De quoi faire bouger les distributeurs totalement opposés à modifier le système actuel des flux financiers ?
Cela reste à voir, mais l'intervention a suscité de larges réactions. Et comme l'a résumé Gilbert Cisneros, patron d'Exotismes, "si j'ai bien compris nous sommes assis sur un baril de TNT ?".
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En effet, la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) a fait du contrôle des délais de paiement l'une de ses priorités. Et de grandes entreprises ont été épinglées : SFR et EDF se sont vues infliger des amendes de respectivement de 3,7 M€ et 1,8 M€.
Depuis le début 2019, 964 entreprises ont fait l'objet de contrôles et 130 décisions de sanction ont été notifiées représentant un montant de 8,3 M€.
Des sanctions qui peuvent coûter cher : jusqu'à 75 000 € pour une personne physique, et 2 M€ pour une personne morale avec publication de la sanction sur le site de la DGCCRF et sur un support habilité à recevoir les annonces légales.
Ce montant peut monter à 4 M€ en cas de récidive.
Pour René-Marc Chikli, président du SETO, agences et tour-opérateurs doivent trouver des solutions entre professionnels. "Il faut se rendre intelligent ensemble et trouver des relations équilibrées dans la trésorerie en se mettant autour de la table, avant que ce soit quelqu'un d'autre qui gère le problème. La vérité est entre les deux..."
Et après la chute de Thomas Cook, il se pourrait bien que le gouvernement renforce ses contrôles du côté du tourisme...
D'ailleurs, il a déjà commencé à s'y intéresser confirme Nicolas Delord, ex-président de Thomas Cook France : "nous avons eu un contrôle fiscal il y a un an et demi et le Fisc avait pointé du doigt la pratique de facturation des commissions en disant qu'elle était totalement inappropriée par rapport à la nature des contrats.
En théorie, le distributeur devrait facturer sa commission au moment de la réservation.
Au passage, le fisc nous a aussi précisé que nous devions de la TVA sur la recette liée à la commission. Mais je le confirme, l'administration était encore sur le sujet jusqu'au 23 septembre".
Pour y voir plus clair sur ce sujet, voici les principaux points présentés par Sahra Hagani, Avocat chez Fidal Paris.
Depuis le début 2019, 964 entreprises ont fait l'objet de contrôles et 130 décisions de sanction ont été notifiées représentant un montant de 8,3 M€.
Des sanctions qui peuvent coûter cher : jusqu'à 75 000 € pour une personne physique, et 2 M€ pour une personne morale avec publication de la sanction sur le site de la DGCCRF et sur un support habilité à recevoir les annonces légales.
Ce montant peut monter à 4 M€ en cas de récidive.
Pour René-Marc Chikli, président du SETO, agences et tour-opérateurs doivent trouver des solutions entre professionnels. "Il faut se rendre intelligent ensemble et trouver des relations équilibrées dans la trésorerie en se mettant autour de la table, avant que ce soit quelqu'un d'autre qui gère le problème. La vérité est entre les deux..."
Et après la chute de Thomas Cook, il se pourrait bien que le gouvernement renforce ses contrôles du côté du tourisme...
D'ailleurs, il a déjà commencé à s'y intéresser confirme Nicolas Delord, ex-président de Thomas Cook France : "nous avons eu un contrôle fiscal il y a un an et demi et le Fisc avait pointé du doigt la pratique de facturation des commissions en disant qu'elle était totalement inappropriée par rapport à la nature des contrats.
En théorie, le distributeur devrait facturer sa commission au moment de la réservation.
Au passage, le fisc nous a aussi précisé que nous devions de la TVA sur la recette liée à la commission. Mais je le confirme, l'administration était encore sur le sujet jusqu'au 23 septembre".
Pour y voir plus clair sur ce sujet, voici les principaux points présentés par Sahra Hagani, Avocat chez Fidal Paris.
Que dit la loi en matière de délais de paiement ?
La loi (Code du commerce) précise que le délai convenu entre les parties, que ce soit par contrat ou pas, pour régler les sommes dues ne peut pas excéder 60 jours nets (délais légaux maximum) à compter de l'émission de la facture ou à titre dérogatoire : 45 jours fin de mois à la date d'émission de la facture.
"Concernant ce dernier cadre dérogatoire, il doit être signalé dans le contrat. Cela ne doit pas créer un déséquilibre entre les parties.
En cas de contrôle, l'administration va vérifier quelles sont les parties en présence, par exemple vérifier si je suis face à un distributeur qui a beaucoup de puissance par rapport au fournisseur, et vice versa," explique l'avocat.
"Concernant ce dernier cadre dérogatoire, il doit être signalé dans le contrat. Cela ne doit pas créer un déséquilibre entre les parties.
En cas de contrôle, l'administration va vérifier quelles sont les parties en présence, par exemple vérifier si je suis face à un distributeur qui a beaucoup de puissance par rapport au fournisseur, et vice versa," explique l'avocat.
Quels sont les usages actuels en matière de délais de paiement dans le tourisme ?
Usages en matière d'émission de la facture
Il y a plusieurs usages : certains facturent à la réservation mais cela reste plus minoritaire, alors que d'autres facturent à 45, 40 ou 30 jours avant départ en fonction des contraintes opérationnelles ou de l'historique avec les distributeurs.
D'autres facturent le lendemain de la réservation.
Usages en matière de délais de règlement de la facture
Les grands réseaux de distribution règlent après le départ, ensuite en fonction des différents partenariats cela peut varier : paiement le 20, le 30 ou le 15 du mois à M+1.
Il y a plusieurs usages : certains facturent à la réservation mais cela reste plus minoritaire, alors que d'autres facturent à 45, 40 ou 30 jours avant départ en fonction des contraintes opérationnelles ou de l'historique avec les distributeurs.
D'autres facturent le lendemain de la réservation.
Usages en matière de délais de règlement de la facture
Les grands réseaux de distribution règlent après le départ, ensuite en fonction des différents partenariats cela peut varier : paiement le 20, le 30 ou le 15 du mois à M+1.
Quelles sont les règles en matière de date d'émission de la facture ?
Le paiement et l'émission de la facture sont encadrés par un texte de loi.
La date d'émission de la facture du vendeur doit intervenir dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de services.
La date d'émission de la facture du vendeur doit intervenir dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de services.
Les professionnels du tourisme dans leurs relations B2B respectent-ils la loi ?
"Si nous reprenons les usages décrits ci-dessus : les délais sont en moyenne à 90 jours de l'émission de la facture : clairement les textes ne sont pas respectés," constate Sahra Hagani.
Exemple : le TO émet une facture à 45 jours en moyenne avant la date de départ. La DGCCRF va prendre cette date et va faire son calcul. Si le paiement intervient à M+1 après le départ au 20 du mois... cela fait un délai qui tourne autour des 90 jours.
"Les usages n'ont pas force de loi, face à une réglementation d'ordre public. Le texte est là, et si la DGCCRF vient à s'intéresser aux relations B2B, elle calculera les délais de paiement et elle estimera qu'ils ne sont pas respectés", précise Sahra Hagani.
Peut-on décaler la date d'émission de la facture pour être dans les clous ?
"Les montages pour contourner les délais de paiement peuvent être aussi sanctionnés de la même manière, sur le fondement de la réglementation en matière d'infractions aux délais de paiement, et vont être également sanctionnés sous un autre prisme, celui des pratiques restrictives de concurrence.
Imposer des délais de paiement à un partenaire peut constituer une infraction liée aux déséquilibres significatifs entre deux parties."
L'auteur de la pratique engagera sa responsabilité (dommages et intérêts). A cela il faut ajouter des amendes : soit 5 M€ maximum, soit le triple du montant des avantages indûment perçus ou obtenus, et enfin cela peut atteindre 5% du chiffre d'affaires HT réalisé en France par l'auteur des pratiques.
Exemple : le TO émet une facture à 45 jours en moyenne avant la date de départ. La DGCCRF va prendre cette date et va faire son calcul. Si le paiement intervient à M+1 après le départ au 20 du mois... cela fait un délai qui tourne autour des 90 jours.
"Les usages n'ont pas force de loi, face à une réglementation d'ordre public. Le texte est là, et si la DGCCRF vient à s'intéresser aux relations B2B, elle calculera les délais de paiement et elle estimera qu'ils ne sont pas respectés", précise Sahra Hagani.
Peut-on décaler la date d'émission de la facture pour être dans les clous ?
"Les montages pour contourner les délais de paiement peuvent être aussi sanctionnés de la même manière, sur le fondement de la réglementation en matière d'infractions aux délais de paiement, et vont être également sanctionnés sous un autre prisme, celui des pratiques restrictives de concurrence.
Imposer des délais de paiement à un partenaire peut constituer une infraction liée aux déséquilibres significatifs entre deux parties."
L'auteur de la pratique engagera sa responsabilité (dommages et intérêts). A cela il faut ajouter des amendes : soit 5 M€ maximum, soit le triple du montant des avantages indûment perçus ou obtenus, et enfin cela peut atteindre 5% du chiffre d'affaires HT réalisé en France par l'auteur des pratiques.
Quid de la date d'émission de la facture et de la livraison du service ?
Quand les TO doivent-ils émettre la facture ? Au moment de la livraison du bien ou au moment de l'exécution de la prestation de service.
Comment déterminer la date de l'exécution de la prestation de service ? Pour Sahra Hagani, ce n'est pas la date départ du client mais le jour de la réservation car il s'agit d'une relation B2B. (Nous ne sommes pas dans la relation agence-client).
Comment déterminer la date de l'exécution de la prestation de service ? Pour Sahra Hagani, ce n'est pas la date départ du client mais le jour de la réservation car il s'agit d'une relation B2B. (Nous ne sommes pas dans la relation agence-client).
Comment qualifier le lien juridique entre TO et distributeur ?
Sahra Hagani va plus loin dans son analyse juridique.
Pour l'avocat, c'est un contrat de commission qui lie les relations entre tour-opérateurs et agences de voyages.
"Dans la grande distribution, on parle de contrat d'achat-revente. Cela ne peut pas cadrer dans la relation TO - agence : vous pensez bien que les agences de voyages ne vont pas se mettre à acheter du stock aux tour-opérateurs.
Après il y a d'autres formes d'intermédiation mais qui, à mon sens, ne sont pas adaptées. Par exemple dans certains réseaux de distribution : agent commercial, concession, franchise...
Les contrats qui lient actuellement agences et tour-opérateurs ne disent pas qu'il s'agit d'un contrat de commission.
Cela s’apparente davantage à un mélange d'achat-revente avec un commissionnement. Mais si demain il y a une problématique juridique, le juge n'est pas tenu par la dénomination donnée par les parties. Il peut requalifier le contrat et à mon sens ce sera un contrat de commission.
D'un point de vue juridique donc, les contrats conclus sont censés être des contrats de commission."
Pour l'avocat, c'est un contrat de commission qui lie les relations entre tour-opérateurs et agences de voyages.
"Dans la grande distribution, on parle de contrat d'achat-revente. Cela ne peut pas cadrer dans la relation TO - agence : vous pensez bien que les agences de voyages ne vont pas se mettre à acheter du stock aux tour-opérateurs.
Après il y a d'autres formes d'intermédiation mais qui, à mon sens, ne sont pas adaptées. Par exemple dans certains réseaux de distribution : agent commercial, concession, franchise...
Les contrats qui lient actuellement agences et tour-opérateurs ne disent pas qu'il s'agit d'un contrat de commission.
Cela s’apparente davantage à un mélange d'achat-revente avec un commissionnement. Mais si demain il y a une problématique juridique, le juge n'est pas tenu par la dénomination donnée par les parties. Il peut requalifier le contrat et à mon sens ce sera un contrat de commission.
D'un point de vue juridique donc, les contrats conclus sont censés être des contrats de commission."
Contrat de commission, quelles conséquences ?
Qu'est ce qu'un commissionnaire et qu'est-ce qu'un commettant ?
Le commissionnaire agit en son nom propre mais pour le compte de quelqu'un. Il a une relation - un effet réel - avec le client final. C'est lui le vendeur du client final.
C'est lui qui a les obligations du vendeur. Le commettant est le donneur d'ordre.
Le commissionnaire (donc la distribution dans le secteur du tourisme) vend en son nom pour le compte du TO. Il lui rend donc un service pour lequel il est rémunéré (commission).
Que nous dit la loi sur la facturation ?
La loi dit : "vous devez émettre une facture au moment de la livraison du bien et de la prestation de service" explique Sahra Hagani. Attention il s'agit d'un service dans le cadre de la relation B2B.
Lorsque l'agence rend un service à un TO, c'est-à-dire vend un voyage, elle est censée lui facturer sa commission.
Dans ce cadre la réservation est le service B2B qui est rendu.
Le commissionnaire (l'agence) conserve l'argent pour le compte de tiers et c'est pour cela que le commissionnaire doit aussi faire une réédition de comptes à son commettant (le tour-opérateur).
Au niveau TVA : le commissionnaire est considéré comme un acheteur revendeur et donc il lui faut une facture.
Ainsi les délais de paiement de 60 jours devraient s'appliquer dans les deux sens sur le service que l'agence rend au TO mais aussi sur la réédition de comptes. Et pour calculer les délais de règlement, il faut se caler sur la facture qui doit ainsi être émise le jour de la réservation.
Le commissionnaire agit en son nom propre mais pour le compte de quelqu'un. Il a une relation - un effet réel - avec le client final. C'est lui le vendeur du client final.
C'est lui qui a les obligations du vendeur. Le commettant est le donneur d'ordre.
Le commissionnaire (donc la distribution dans le secteur du tourisme) vend en son nom pour le compte du TO. Il lui rend donc un service pour lequel il est rémunéré (commission).
Que nous dit la loi sur la facturation ?
La loi dit : "vous devez émettre une facture au moment de la livraison du bien et de la prestation de service" explique Sahra Hagani. Attention il s'agit d'un service dans le cadre de la relation B2B.
Lorsque l'agence rend un service à un TO, c'est-à-dire vend un voyage, elle est censée lui facturer sa commission.
Dans ce cadre la réservation est le service B2B qui est rendu.
Le commissionnaire (l'agence) conserve l'argent pour le compte de tiers et c'est pour cela que le commissionnaire doit aussi faire une réédition de comptes à son commettant (le tour-opérateur).
Au niveau TVA : le commissionnaire est considéré comme un acheteur revendeur et donc il lui faut une facture.
Ainsi les délais de paiement de 60 jours devraient s'appliquer dans les deux sens sur le service que l'agence rend au TO mais aussi sur la réédition de comptes. Et pour calculer les délais de règlement, il faut se caler sur la facture qui doit ainsi être émise le jour de la réservation.
Conclusion
Pour Sahra Hagani, il faut "retravailler ce contrat de commission pour que tout le monde y trouve son compte.
L'objectif est de trouver une solution équitable et qui contente tout le monde. Sans les agences, les TO ne vendent pas et sans les TO les agences ne vendent pas non plus", a-t-elle lancé en guise de conclusion.
Voilà de quoi donner du grain à moudre (et des maux de tête ?) à quelques jours des fêtes de fin d'année !
L'objectif est de trouver une solution équitable et qui contente tout le monde. Sans les agences, les TO ne vendent pas et sans les TO les agences ne vendent pas non plus", a-t-elle lancé en guise de conclusion.
Voilà de quoi donner du grain à moudre (et des maux de tête ?) à quelques jours des fêtes de fin d'année !