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Destination France : Y'a-t-il encore un pilote dans l'avion ? 🔑

RĂ©forme d'Atout France en vue


Il y avait de l'eau dans le gaz depuis un bon moment chez « maison de la France »... La déflagration a eu lieu fin avril. Le détonateur ? Une lettre ouverte - et anonyme - des salariés d'Atout France qui dénonce sans fard « la crise » que traverse le GIE, ainsi que les méthodes de management de la directrice générale et de la DRH. Si le GIE tient toujours debout, à l'intérieur, les répliques ont provoqué des dégâts. Début mai, Atout France informait du départ de sa directrice, Caroline Leboucher, tandis que le Gouvernement annonçait au même moment un projet de réforme fin 2024. Une situation tendue à quelques semaines des Jeux olympiques qui interroge : y'a-t-il encore un pilote dans l'avion du tourisme français ?


Rédigé par le Mardi 21 Mai 2024

Conflits internes, recherche de nouveaux budgets, réforme du GIE... Atout France traverse une zone de turbulences ces temps-ci - DepositPhotos, sdecoret
Conflits internes, recherche de nouveaux budgets, réforme du GIE... Atout France traverse une zone de turbulences ces temps-ci - DepositPhotos, sdecoret
Vitrine de l'offre et de la demande touristique française, Atout France a récemment fait les gros titres de la presse pour des raisons moins réjouissantes.

A quelques semaines du coup d'envoi des Jeux olympiques, le GIE a été secoué de l'intérieur, après que des salariés ont décidé de régler leurs comptes avec la direction par le biais d'une lettre ouverte et anonymisée, moins de deux mois avant la fin du mandat de la DG, Caroline Leboucher.

Nous aurons l'occasion de revenir prochainement sur le fond des différends qui opposent une partie des collaborateurs au management de l'agence (notamment le sort d'une partie des salariés expatriés au sein des bureaux internationaux).


Néanmoins, les éléments de ce courrier - dénonçant « la gestion calamiteuse » d'Atout France, les « méthodes autoritaires » de la DG et les « dégâts psychologiques » engendrés - de même que ceux contenus dans la réponse de la direction - qui évoque « de graves accusations », des « manœuvres » et un impact sur le travail des équipes dans « un contexte budgétaire complexe » - ont largement été relayés et commentés dans les médias comme sur les réseaux sociaux.

En interne, le clash a entraîné de nombreuses répercussions, dont une véritable scission au sein même du CSE, mais aussi une série de plaintes déposées par des salariés, la mise en arrêt maladie pour quelques semaines de cadres. L'onde de choc s'est aussi propagée plus haut, du côté de l’État.


Vers une réforme d'Atout France en 2025

Le 7 mai dernier, alors qu'Atout France annonçait le départ de Caroline Leboucher le 16 juin prochain, le Premier ministre Gabriel Attal, évoquait lors du 7e Conseil interministériel du tourisme (CIT), une « évolution des missions de l’opérateur de l’État », la ministre du tourisme Olivia Grégoire ayant mandat dès la fin des jeux Olympiques et Paralympiques, pour lancer les travaux.

« Une consultation sera initiée en septembre 2024 pour une structuration de réforme proposée par le Gouvernement fin 2024 », indique le communiqué officiel.

En parallèle, le Gouvernement souhaite aussi faire évoluer la réglementation du tourisme afin de « l’adapter aux nouveaux défis », avec un texte législatif « tourisme » ad hoc prévu début 2025.

Doit-on y voir une réaction forte de la part de l’État dans une situation de crise ?

Il faudra d'abord voir comment s'articulera cette fameuse consultation. Trois ou quatre mois seront-ils suffisants pour dessiner les contours d'une V2 d'Atout France alors qu'au temps de sa création, en 2009, Hervé Novelli avait planché sur le sujet durant une année ?

Et qui sera donc consulté ? TourMaG reviendra très prochainement sur ces points-là dans le cadre d'une enquête plus approfondie.

A quand une stratégie nationale pour le tourisme en France ?

Ce qui ressort déjà des nombreux témoignages que nous avons pu recueillir, au-delà d'une simple réforme de l'outil Atout France, c'est l'attente très forte de la part des professionnels du secteur, comme des institutionnels, d'une véritable stratégie nationale pour le tourisme en France, qui s'accompagnerait d'une large concertation de l'écosystème touristique, d'une redéfinition du rôle des opérateurs publics (CRT, CDT, OT, etc.) - avec un pouvoir d'action plus large au niveau des régions - et d'une meilleure coordination de l'ensemble des parties prenantes.

Certains, nostalgiques, regrettent l'époque de la « Maison de la France », avec ses grands rendez-vous annuels à propos de la stratégie marketing pluriannuelle, et les moments de réflexion autour de l'offre et de la demande touristique et des méthodes d'approche des marchés, qui permettaient de définir des plans stratégiques sur plusieurs années, et qui réunissaient la commission marketing et l'ensemble des bureaux de Maison de la France, mais aussi les partenaires.

Mais au-delà des annonces gouvernementales et des projections de chacun sur le nouveau visage d'Atout France, demeure une inconnue de taille : la question des moyens alloués à cette réforme.

Nous vous l'annoncions déjà en mars, Atout France est en pleine recherche de budgets pour 2025, après la perte des fonds visas (environ 5 M€, compensés par ailleurs) en 2024 et des crédits alloués pour trois ans dans le cadre du plan de relance Destination France au 1er janvier 2025. (Voir à ce sujet le rapport de la députée Emilie Bonnivard quant au projet de loi de finances pour 2024).

Une réforme, mais avec quels moyens ?

Pourtant, l'Etat ne semble pas disposé à mettre davantage la main à la poche.

Exemple parmi d'autres, depuis le 1er mai, le GIE a récupéré la gestion des nouveaux labels d’État « Tourisme & Handicap » et « Destination d'Excellence » sans toutefois, semble-t-il (mais nous attendons toujours la confirmation d'Atout France) de moyens financiers ou humains supplémentaires alloués.

De même, que deviendra France Tourisme Observation, le tout nouvel observatoire lancé en partenariat avec ADN Tourisme, alors que deux tiers de son financement (environ 400 000€) proviennent des fonds du plan Destination France (qui s'arrêtent fin 2024) ?

Et que, selon nos confrères de La Lettre, l’État est empêché d'y apporter des crédits, n'ayant pas reçu de la part d'Atout France, de convention ou de justification d'une attribution par marché public ?

Doit-on s'attendre Ă  une recentralisation du pouvoir Ă  Bercy ?

Enfin, dernière inconnue dans cette équation bien complexe : quid du rôle (ou du contrôle) de Bercy sur la nouvelle Atout France ?

Lors de sa création en 2009, le GIE avait été imaginé par Hervé Novelli, alors Secrétaire d'État chargé du Tourisme, comme une agence puissante, véritable bras armé du ministère du tourisme, qui réunirait à la fois l’offre et la demande touristique, définirait les normes et externaliserait la fonction touristique afin de laisser aux professionnels et aux collectivités territoriales, le soin de la gérer.

C'était sans compter sur la dépendance d'Atout France aux financements de l’État (qui pèsent à peu près pour la moitié du budget annuel). Des financements publics bien moindres que chez certains de nos voisins européens, tandis que le gouvernement n'a de cesse de répéter que la France demeure la première destination touristique mondiale, avec ses 100 millions de visiteurs en 2023.

Quant à la crise interne qui sévit chez Atout France, si elle n'est pas la cause de ce projet de réforme, elle pourrait bien avoir contribué à affaiblir le pouvoir décisionnel d'Atout France. Il est en en effet de notoriété publique que Caroline Leboucher et Christian Mantei, le président du GIE, ne s'entendaient guère.

Qu'adviendra-t-il ainsi d'Atout France après le 16 juin et à quelques jours des JO ? Verra-t-on d'ici là la nomination d'un nouveau directeur général ? D'un DG intérimaire ? Qui pilotera la « maison de la France » alors que Paris accueillera le monde ?

Pour l'ensemble des acteurs du tourisme français, et également pour les salariés d'Atout France, espérons que cette crise parviendra à se transformer en opportunité et qu'Atout France, accompagné par ses partenaires, reprendra les manettes de l'avion du tourisme.


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