Les imbrications entre distribution et production sont-elles en train d'évoluer ? - Photo libre de droit
French paradox ? En France, contrairement à ce qui se pratique un peu partout en Europe, ce sont les réseaux de distribution qui, le plus souvent, ouvrent la voie, et les tour-opérateurs (TO) qui s'y engouffrent... ou pas !
« Chacun aborde ses négociations commerciales comme il l’entend, indique Benoît Chantoin, conseiller juridique de l’ECTAA (l'association européenne des agents de voyages et tour-opérateurs).
Mais ce qui est notable c’est que dans le cas français, les agences sont plus organisées en réseaux, ce qui leur donne une puissance de négociation, à la différence du système allemand, par exemple, où les agences sont juste des intermédiaires entre le TO et le client »
C’est ce que confirme Axel Mazerolles, directeur général France de FTI Voyages : « le business model du tour-operating ne tient pas en France, où les distributeurs imposent leurs taux de commission et contrôlent les choses. Il faut juste que cela reste équilibré... ».
Autre point déterminant : qui détient l’acompte du client et qui a la responsabilité ? En France, c’est le distributeur, du moins pour l’instant, car la nouvelle directive impose une responsabilité conjointe. Un changement de modèle qui, comme l'espèrent des TO, rééquilibrerait (?) la balance.
Mais le projet Sunrise adopté début avril 2018 par les adhérents Selectour rouvre le débat sur les rapports de force entre réseaux de distribution et producteurs.
Nicolas Delord, président de Thomas Cook France se veut rassurant : « Il ne faut pas crier avant d'avoir mal. La distribution domine sur le marché français, et Selectour est un acteur fort, qui veut gagner de l'argent et s'organiser, c'est normal, c'est même une bonne chose. Nous n'avons aucune appréhension...».
« Chacun aborde ses négociations commerciales comme il l’entend, indique Benoît Chantoin, conseiller juridique de l’ECTAA (l'association européenne des agents de voyages et tour-opérateurs).
Mais ce qui est notable c’est que dans le cas français, les agences sont plus organisées en réseaux, ce qui leur donne une puissance de négociation, à la différence du système allemand, par exemple, où les agences sont juste des intermédiaires entre le TO et le client »
C’est ce que confirme Axel Mazerolles, directeur général France de FTI Voyages : « le business model du tour-operating ne tient pas en France, où les distributeurs imposent leurs taux de commission et contrôlent les choses. Il faut juste que cela reste équilibré... ».
Autre point déterminant : qui détient l’acompte du client et qui a la responsabilité ? En France, c’est le distributeur, du moins pour l’instant, car la nouvelle directive impose une responsabilité conjointe. Un changement de modèle qui, comme l'espèrent des TO, rééquilibrerait (?) la balance.
Mais le projet Sunrise adopté début avril 2018 par les adhérents Selectour rouvre le débat sur les rapports de force entre réseaux de distribution et producteurs.
Nicolas Delord, président de Thomas Cook France se veut rassurant : « Il ne faut pas crier avant d'avoir mal. La distribution domine sur le marché français, et Selectour est un acteur fort, qui veut gagner de l'argent et s'organiser, c'est normal, c'est même une bonne chose. Nous n'avons aucune appréhension...».
Sunrise, un piège pour tout le monde ?
Mais pour d'autres, la décision du réseau remet en cause toute cette organisation, et pourrait bien en changer la donne.
« Avec un système de référencement à la Havas Voyages, les gros TO référencés "OR" ou "Gold" mèneront le jeu » indique un acteur du tourisme. Et pour cause : ces référencés premium paieront plus pour gagner plus.
Avec Sunrise, le réseau s’engagera sur un volume de ventes de ces TO « OR ». Si l’objectif n’est pas atteint, il ne percevra pas la partie « supplémentaire » de la commission.
Or, plus le volume est haut, plus le prix sera élevé, et plus il y a de chance que seuls les gros TO puissent accéder à la garantie.
« Les grands groupes pourront se permettre de payer plus et d’imposer leurs règles aux plus petits d'entre nous qui n’auront guère le choix » analyse un TO.
Ils auront donc le dessus sur la concurrence… Et potentiellement sur la distribution, car ces référencés OR pourront choisir les objectifs qu’ils souhaitent voir les agences atteindre.
« Certains membres de Selectour, y compris au siège, sont franchement déboussolés indique un professionnel.
Pas mal d’agences attendent de voir, cèdent aux sirènes de ceux qui cherchent à les amadouer. Ils devraient lorgner du côté du voisin belge : si, à la clé il y a une sorte de quasi-monopole, le gros TO choisira de payer pour être référencé OR et se rattrapera sur les marges ».
Résultat : une concentration à marche forcée, avec des petits TO obligés de se contenter de ce que les gros laissent, et des distributeurs obligés d’intégrer un groupe ou un réseau de poids pour ne pas devenir de simples intermédiaires.
« Avec un système de référencement à la Havas Voyages, les gros TO référencés "OR" ou "Gold" mèneront le jeu » indique un acteur du tourisme. Et pour cause : ces référencés premium paieront plus pour gagner plus.
Avec Sunrise, le réseau s’engagera sur un volume de ventes de ces TO « OR ». Si l’objectif n’est pas atteint, il ne percevra pas la partie « supplémentaire » de la commission.
Or, plus le volume est haut, plus le prix sera élevé, et plus il y a de chance que seuls les gros TO puissent accéder à la garantie.
« Les grands groupes pourront se permettre de payer plus et d’imposer leurs règles aux plus petits d'entre nous qui n’auront guère le choix » analyse un TO.
Ils auront donc le dessus sur la concurrence… Et potentiellement sur la distribution, car ces référencés OR pourront choisir les objectifs qu’ils souhaitent voir les agences atteindre.
« Certains membres de Selectour, y compris au siège, sont franchement déboussolés indique un professionnel.
Pas mal d’agences attendent de voir, cèdent aux sirènes de ceux qui cherchent à les amadouer. Ils devraient lorgner du côté du voisin belge : si, à la clé il y a une sorte de quasi-monopole, le gros TO choisira de payer pour être référencé OR et se rattrapera sur les marges ».
Résultat : une concentration à marche forcée, avec des petits TO obligés de se contenter de ce que les gros laissent, et des distributeurs obligés d’intégrer un groupe ou un réseau de poids pour ne pas devenir de simples intermédiaires.
S’affranchir des canaux de distribution
« N’importe quoi ! s’emporte un membre du SETO (Syndicat des entreprises du tour-operating). Dès que Selectour bouge une oreille, on évoque ce sujet. La question se posait avant mais désormais, la distribution classique ne représente plus la majorité des ventes ».
Et de fait, les TO n’ont pas attendu pour s’adapter aux évolutions des canaux de distribution… et de s’affranchir des seules agences de voyages pour distribuer leur propre production.
OTA's, grande distribution, ventes en B2C… La répartition des ventes est de plus en plus multicanale et un équilibre s’est créé entre vente via un tiers et vente en propre.
Pour ceux qui en sont là, la distribution n’est plus vraiment le sujet : multiplier les canaux de distribution permettrait aux TO de ne plus baser leur prix que sur les négociations avec les réseaux d’agences et de se focaliser sur la satisfaction client, via une charte engageante comme le propose le SETO, notamment sur les prix.
Avec les réformes au sein de Selectour, certains voyagistes se réjouissent que les réseaux « se professionnalisent et gagnent en discipline, comme dans un réseau intégré » et estiment que l’avenir de la distribution passe par là comme celui de la production par la diversification des canaux de vente.
« Ils évoluent, tant mieux, nous aussi, et les choses s’équilibrent » juge un professionnel.
Et de fait, les TO n’ont pas attendu pour s’adapter aux évolutions des canaux de distribution… et de s’affranchir des seules agences de voyages pour distribuer leur propre production.
OTA's, grande distribution, ventes en B2C… La répartition des ventes est de plus en plus multicanale et un équilibre s’est créé entre vente via un tiers et vente en propre.
Pour ceux qui en sont là, la distribution n’est plus vraiment le sujet : multiplier les canaux de distribution permettrait aux TO de ne plus baser leur prix que sur les négociations avec les réseaux d’agences et de se focaliser sur la satisfaction client, via une charte engageante comme le propose le SETO, notamment sur les prix.
Avec les réformes au sein de Selectour, certains voyagistes se réjouissent que les réseaux « se professionnalisent et gagnent en discipline, comme dans un réseau intégré » et estiment que l’avenir de la distribution passe par là comme celui de la production par la diversification des canaux de vente.
« Ils évoluent, tant mieux, nous aussi, et les choses s’équilibrent » juge un professionnel.
La concentration, pour mettre tout le monde d’accord ?
Pour François Piot, président de Prêt-à-Partir, cette solution n’a rien d’équilibré. « On a besoin des fournisseurs comme ils ont besoin de nous, dans le respect les uns des autres ».
Et de montrer du doigt justement le développement de la vente en direct chez les TO.
« Quand TUI vend moins cher sur ses sites Marmara que ce qui est proposé en agence, ça n’est pas ce que j’appelle du respect, c’est agressif et brutal, alors que ces géants ont besoin des agences ».
Concurrence déloyale ? Ou simplement une adaptation aux nouveaux modes de fonctionnement des consommateurs ?
« La distribution traditionnelle est mise à mal par les changements de comportement des clients. Il nous faut nous différencier, à la fois en production et dans la distribution, même si c'est plus compliqué » explique Nicolas Delord.
Et de défendre le modèle mêlant distribution et production de Thomas Cook, TUI, Karavel-FRAM... Des entreprises qui ne sont pas forcément citées comme des modèles de rentabilité. « Le système hybride n'a rien à voir avec la rentabilité, il n'y a aucune corrélation.
Nous avons souffert de la conjoncture car très présents dans les pays du Maghreb qui ont connu une forte baisse suites aux attentats. Mais regardez Salaün, qui est producteur et possède plus d'une centaine d'agences : on ne peut pas dire qu'il se porte mal. Il est leader sur son marché ! » ajoute-t-il.
Un modèle hybride qui selon lui réduirait la dépendance à l'extérieur et permettrait de mieux répondre aux attentes du client final, en touchant du doigt les différentes problématiques des deux côtés de la barrière.
Et de montrer du doigt justement le développement de la vente en direct chez les TO.
« Quand TUI vend moins cher sur ses sites Marmara que ce qui est proposé en agence, ça n’est pas ce que j’appelle du respect, c’est agressif et brutal, alors que ces géants ont besoin des agences ».
Concurrence déloyale ? Ou simplement une adaptation aux nouveaux modes de fonctionnement des consommateurs ?
« La distribution traditionnelle est mise à mal par les changements de comportement des clients. Il nous faut nous différencier, à la fois en production et dans la distribution, même si c'est plus compliqué » explique Nicolas Delord.
Et de défendre le modèle mêlant distribution et production de Thomas Cook, TUI, Karavel-FRAM... Des entreprises qui ne sont pas forcément citées comme des modèles de rentabilité. « Le système hybride n'a rien à voir avec la rentabilité, il n'y a aucune corrélation.
Nous avons souffert de la conjoncture car très présents dans les pays du Maghreb qui ont connu une forte baisse suites aux attentats. Mais regardez Salaün, qui est producteur et possède plus d'une centaine d'agences : on ne peut pas dire qu'il se porte mal. Il est leader sur son marché ! » ajoute-t-il.
Un modèle hybride qui selon lui réduirait la dépendance à l'extérieur et permettrait de mieux répondre aux attentes du client final, en touchant du doigt les différentes problématiques des deux côtés de la barrière.
A chacun son métier ?
Tous ne partagent pas cette vision du secteur du tourisme. Pour Jean Dionnet, P-DG du réseau Univairmer : « Il ne faut pas confondre commercial et commerçant. Les TO sont des commerciaux, des négociateurs.
Le métier d’agent de voyages c’est la relation client avant tout. Ce sont deux métiers différents », comprendre : les TO ne savent pas vendre en direct.
« Certains se réveillent après 30 ans de production en se disant que d’un coup ils sauront vendre en direct, mais ça ne marche pas ! »
Si le modèle proposé par Selectour pourrait, selon certains, renforcer le pouvoir des seuls TO capables de pouvoir payer pour être « OR » et renforcer la concentration, les professionnels cherchent une 3e voie.
Chez Univairmer, on rejette le modèle hybride, auquel on préfère la synergie industrielle avec, par exemple, une participation de MisterFly au capital à hauteur de 5%, suffisamment pour asseoir le partenariat, mais pas assez pour s'imposer : une « autonomie de gestion dans l’intérêt de tous ».
De leur côté, les TO « moyens » cherchent (et pourraient bien trouver) leur salut et leur indépendance dans le sur-mesure ou dans l’offre très ciblée et sectorisée.
Un moyen aussi de séduire les autres réseaux de distribution qui trouvent de plus en plus leur intérêt à négocier avec ces « moyens » plutôt qu’avec les gros.
Et chez les gros en question ? « En France, on a un petit marché et la domination coûte très cher : il faut être présent partout, le business se fait beaucoup en province et ça coûte cher en capacité aérienne. Il faut tenir dans la durée, la concentration est une force », indique Nicolas Delord.
Finalement le changement de paradigme pourrait être : des frontières moins marquées entre réseaux de distribution et production, mais un grand écart entre d'un côté les petits et moyens, et de l'autre les mastodontes et la concentration ?
Le métier d’agent de voyages c’est la relation client avant tout. Ce sont deux métiers différents », comprendre : les TO ne savent pas vendre en direct.
« Certains se réveillent après 30 ans de production en se disant que d’un coup ils sauront vendre en direct, mais ça ne marche pas ! »
Si le modèle proposé par Selectour pourrait, selon certains, renforcer le pouvoir des seuls TO capables de pouvoir payer pour être « OR » et renforcer la concentration, les professionnels cherchent une 3e voie.
Chez Univairmer, on rejette le modèle hybride, auquel on préfère la synergie industrielle avec, par exemple, une participation de MisterFly au capital à hauteur de 5%, suffisamment pour asseoir le partenariat, mais pas assez pour s'imposer : une « autonomie de gestion dans l’intérêt de tous ».
De leur côté, les TO « moyens » cherchent (et pourraient bien trouver) leur salut et leur indépendance dans le sur-mesure ou dans l’offre très ciblée et sectorisée.
Un moyen aussi de séduire les autres réseaux de distribution qui trouvent de plus en plus leur intérêt à négocier avec ces « moyens » plutôt qu’avec les gros.
Et chez les gros en question ? « En France, on a un petit marché et la domination coûte très cher : il faut être présent partout, le business se fait beaucoup en province et ça coûte cher en capacité aérienne. Il faut tenir dans la durée, la concentration est une force », indique Nicolas Delord.
Finalement le changement de paradigme pourrait être : des frontières moins marquées entre réseaux de distribution et production, mais un grand écart entre d'un côté les petits et moyens, et de l'autre les mastodontes et la concentration ?