Futuroscopie - Vous jugez que les grands projets ont du plomb dans l'aile, pourquoi ?
Stéphane Durand : Aujourd’hui en France, la question de savoir si l’on peut encore bâtir des concepts touristiques neufs, en « green field », se pose. Les exemples d’abandon du Center Parcs de Roybon dans l’Isère, d’Europa City, d’un magnifique centre de congrès sur les bords du lac d’Annecy, sonnent le glas de ces grands projets, en particulier en contexte naturel.
La plupart des acteurs ont intégré ces nouvelles données et ne s’aventurent plus que très rarement en « green field ». La règle devient plutôt la réhabilitation des bâtiments, des friches, des zones aménagées naguère. Cela tombe bien, le potentiel est considérable puisque tout ou presque a été construit il y a plus de 30 ans et que beaucoup d’équipements se trouvent souvent dans un état d’obsolescence technique, conceptuel et environnemental.
Les législations visant à limiter l’urbanisation induisent une véritable remise en cause de la capacité à construire en site « vierge », dans un contexte où les préoccupations environnementales, paysagères, écologiques sont devenues centrales dans des approches qui se veulent durables et inclusives.
C’est en tout cas une période nouvelle de l’aménagement touristique qui s’ouvre.
Stéphane Durand : Aujourd’hui en France, la question de savoir si l’on peut encore bâtir des concepts touristiques neufs, en « green field », se pose. Les exemples d’abandon du Center Parcs de Roybon dans l’Isère, d’Europa City, d’un magnifique centre de congrès sur les bords du lac d’Annecy, sonnent le glas de ces grands projets, en particulier en contexte naturel.
La plupart des acteurs ont intégré ces nouvelles données et ne s’aventurent plus que très rarement en « green field ». La règle devient plutôt la réhabilitation des bâtiments, des friches, des zones aménagées naguère. Cela tombe bien, le potentiel est considérable puisque tout ou presque a été construit il y a plus de 30 ans et que beaucoup d’équipements se trouvent souvent dans un état d’obsolescence technique, conceptuel et environnemental.
Les législations visant à limiter l’urbanisation induisent une véritable remise en cause de la capacité à construire en site « vierge », dans un contexte où les préoccupations environnementales, paysagères, écologiques sont devenues centrales dans des approches qui se veulent durables et inclusives.
C’est en tout cas une période nouvelle de l’aménagement touristique qui s’ouvre.
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Futuroscopie - Le secteur de la montagne doit se renouveler, comment ?
Stéphane Durand : De manière globale et un peu théorique, le paysage touristique de la montagne devrait se structurer autour d’une géographie largement renouvelée avec :
- Des stations d’altitude et/ou bénéficiant de conditions climatiques spécifiques, qui vont concentrer l’économie du ski, et une montée en gamme liée à la rareté.
- De stations villes d’agrément à proximité des grandes villes (Genève, Grenoble…) transformées en des sortes de banlieues chics et smart.
- De stations « climatiques » qui auront réussi à réinventer leur modèle sur des identités réinventées et en accord avec les valeurs du 21ème Siècle
- Il y aura aussi des laissés pour compte (beaucoup ?) qui n’auront pas su ou pas pu évoluer et connaîtront des destins difficiles, comme le littoral en montre déjà souvent. Dans ce contexte, les enjeux apparaissent multiples et globaux :
Il faudra repenser les offres et les produits. Le thème de la santé, du bien-être offre des potentiels considérables, avec des avantages stratégiques que le thermalisme ne peut revendiquer, sauf exceptions. Les sujets autour de la quête de spiritualité, du développement personnel, sont aussi des thèmes pour la montagne, dans une société qui en exprime les besoins de plus en plus clairement. D’évidence les sujets du sport, des loisirs, de la culture, de l’évènementiel, des identités… sont autant de pistes à faire vivre.
Je pense surtout qu’il faut repenser la manière de vivre à la montagne : le modèle autrichien, suisse ou américain nous montre qu’une montagne à vivre toute l’année est possible. Cela passe par une large remise en cause des modèles des années 1960 à 80.
Parfois des solutions radicales devront être mises en œuvre : on détruit bien les quartiers urbains mal construits de cette période. Les références seront à aller chercher dans la réinvention des modèles vernaculaires, des constructions bio-climatiques, adaptées au climat, avec de l’espace, de la lumière, un mode de vie sain, convivial, sécure.
Changer d’échelle s’impose aussi. Tout le monde ou presque raisonne à l’échelle de sa station, considérant souvent son voisin comme son principal concurrent. Si l’on veut faire évoluer le modèle économique et celui de la vie quotidienne, il sera indispensable de penser vallée, bassin de vie. C’est la condition pour offrir des territoires globaux, riches d’offres et de services résilients car diversifiés, traitant les questions urbaines, de services publics, d’environnement…
Enfin, il convient de penser de nouveaux modèles car les stations sont souvent gérées par des collectivités, en charge notamment de l’urbanisme et des sujets collectifs, avec un opérateur pour les remontées mécaniques, un pour le marketing et l’accueil, parfois un autre pour l’évènementiel, évidemment un pour l’école de ski…
Or, le modèle anglo-saxon du ressort est à cet égard plus puissant et souple, permettant un management global de la destination. Il est impossible en France mais il doit questionner sur l’organisation des fonctions et les modèles contractuels. Sans évolution du cadre de management et de gestion, le risque est fort de consensus mou et d’immobilisme.
Stéphane Durand : De manière globale et un peu théorique, le paysage touristique de la montagne devrait se structurer autour d’une géographie largement renouvelée avec :
- Des stations d’altitude et/ou bénéficiant de conditions climatiques spécifiques, qui vont concentrer l’économie du ski, et une montée en gamme liée à la rareté.
- De stations villes d’agrément à proximité des grandes villes (Genève, Grenoble…) transformées en des sortes de banlieues chics et smart.
- De stations « climatiques » qui auront réussi à réinventer leur modèle sur des identités réinventées et en accord avec les valeurs du 21ème Siècle
- Il y aura aussi des laissés pour compte (beaucoup ?) qui n’auront pas su ou pas pu évoluer et connaîtront des destins difficiles, comme le littoral en montre déjà souvent. Dans ce contexte, les enjeux apparaissent multiples et globaux :
Il faudra repenser les offres et les produits. Le thème de la santé, du bien-être offre des potentiels considérables, avec des avantages stratégiques que le thermalisme ne peut revendiquer, sauf exceptions. Les sujets autour de la quête de spiritualité, du développement personnel, sont aussi des thèmes pour la montagne, dans une société qui en exprime les besoins de plus en plus clairement. D’évidence les sujets du sport, des loisirs, de la culture, de l’évènementiel, des identités… sont autant de pistes à faire vivre.
Je pense surtout qu’il faut repenser la manière de vivre à la montagne : le modèle autrichien, suisse ou américain nous montre qu’une montagne à vivre toute l’année est possible. Cela passe par une large remise en cause des modèles des années 1960 à 80.
Parfois des solutions radicales devront être mises en œuvre : on détruit bien les quartiers urbains mal construits de cette période. Les références seront à aller chercher dans la réinvention des modèles vernaculaires, des constructions bio-climatiques, adaptées au climat, avec de l’espace, de la lumière, un mode de vie sain, convivial, sécure.
Changer d’échelle s’impose aussi. Tout le monde ou presque raisonne à l’échelle de sa station, considérant souvent son voisin comme son principal concurrent. Si l’on veut faire évoluer le modèle économique et celui de la vie quotidienne, il sera indispensable de penser vallée, bassin de vie. C’est la condition pour offrir des territoires globaux, riches d’offres et de services résilients car diversifiés, traitant les questions urbaines, de services publics, d’environnement…
Enfin, il convient de penser de nouveaux modèles car les stations sont souvent gérées par des collectivités, en charge notamment de l’urbanisme et des sujets collectifs, avec un opérateur pour les remontées mécaniques, un pour le marketing et l’accueil, parfois un autre pour l’évènementiel, évidemment un pour l’école de ski…
Or, le modèle anglo-saxon du ressort est à cet égard plus puissant et souple, permettant un management global de la destination. Il est impossible en France mais il doit questionner sur l’organisation des fonctions et les modèles contractuels. Sans évolution du cadre de management et de gestion, le risque est fort de consensus mou et d’immobilisme.
Futuroscopie - Quid des équipements de congrès ?
Stéphane Durand : Le marché du tourisme d’affaire/MICE souffre particulièrement de la crise sanitaire et ce dans toutes ses composantes. Les activités vont repartir mais probablement de manière plus lente que pour le tourisme d’agrément, différente.
Les congrès institutionnels en France se porteront vraisemblablement toujours aussi bien, autour d’une approche conviviale renforcée. Si les salons professionnels devraient se polariser sur des thématiques et certaines localisations, les salons grand public vont probablement souffrir.
Globalement, les manifestations seront cependant plus courtes, moins éloignées, plus raisonnables en budget. De plus en plus d’événements seront hybrides à vocation multidimensionnelle (information, rencontres, démarches commerciales, …).
Le marché des centres événementiels se sera probablement transformé, concentré sur quelques grandes villes et destinations touristiques phares.
Le besoin d’être ensemble passera aussi par une personnalisation plus forte des centres de manifestation conçus autour de la notion d’expérience individuelle et collective. Il conviendra aussi de mieux valoriser les marques et les entreprises, de mieux utiliser les data clients et de repenser les services.
Quelques exigences complémentaires seront fortes :
- Assumer la durabilité : la réinvention des lieux se fera notamment autour de la limitation de la consommation énergétique (voire parfois en devenant producteurs d’énergie), l’utilisation de matériaux recyclables, bio-sourcés, des circuits de déchets, …
- Assurer la sécurité : sécurité physique des personnes (risques attentats, risques sanitaires…) mais aussi celle des données (protection des datas).
- Intégrer les sites au sein de la cité et en faire des lieux à vivre : … Certains lieux devraient quitter leur mono-fonctionnalité pour aller vers une interpénétration des fonctions : boutiques, lab, entreprises, espaces de loisirs…
Stéphane Durand : Le marché du tourisme d’affaire/MICE souffre particulièrement de la crise sanitaire et ce dans toutes ses composantes. Les activités vont repartir mais probablement de manière plus lente que pour le tourisme d’agrément, différente.
Les congrès institutionnels en France se porteront vraisemblablement toujours aussi bien, autour d’une approche conviviale renforcée. Si les salons professionnels devraient se polariser sur des thématiques et certaines localisations, les salons grand public vont probablement souffrir.
Globalement, les manifestations seront cependant plus courtes, moins éloignées, plus raisonnables en budget. De plus en plus d’événements seront hybrides à vocation multidimensionnelle (information, rencontres, démarches commerciales, …).
Le marché des centres événementiels se sera probablement transformé, concentré sur quelques grandes villes et destinations touristiques phares.
Le besoin d’être ensemble passera aussi par une personnalisation plus forte des centres de manifestation conçus autour de la notion d’expérience individuelle et collective. Il conviendra aussi de mieux valoriser les marques et les entreprises, de mieux utiliser les data clients et de repenser les services.
Quelques exigences complémentaires seront fortes :
- Assumer la durabilité : la réinvention des lieux se fera notamment autour de la limitation de la consommation énergétique (voire parfois en devenant producteurs d’énergie), l’utilisation de matériaux recyclables, bio-sourcés, des circuits de déchets, …
- Assurer la sécurité : sécurité physique des personnes (risques attentats, risques sanitaires…) mais aussi celle des données (protection des datas).
- Intégrer les sites au sein de la cité et en faire des lieux à vivre : … Certains lieux devraient quitter leur mono-fonctionnalité pour aller vers une interpénétration des fonctions : boutiques, lab, entreprises, espaces de loisirs…
Futuroscopie - Quant à la Méditerranée, elle vous préoccupe, que faire ?
Stéphane Durand : La Méditerranée est devenue en quelques décennies la première destination touristique mondiale, avec plus de 400 millions de séjours par an (2019). Mais, il nous apparaît que l’âge d’or de cette mer si chère au cœur de l’humanité a d’ores et déjà atteint son point haut.
Plusieurs éléments le démontrent :
- l’urbanisation omniprésente des linéaires côtiers, l’urbanisme banalisé, voire déjà dégradé, le surtourisme ponctuel… s’ajoutent à la pollution maritime et littorale omni présente en particulier sur les rives sud. Par ailleurs, le réchauffement climatique et de ses multiples désordres : étés caniculaires, incendies, crues... exerce déjà ses ravages.
Enfin, la Méditerranée n’est pas exempte des menaces géo stratégiques dans un contexte sécuritaire largement dégradé. Bassin de la civilisation, n’est-elle pas en train de devenir une frontière entre crises climatiques, démographiques, sociales, culturelles, et déplacements massifs de population ?
Ces crises sont aussi révélatrices des faiblesses d’un tourisme très largement lié au balnéaire où les pratiques de plage l’emportent toujours largement sur les activités culturelles, avec donc un modèle saisonnier, largement mono-thématique et mono-clientèle (les Européens du nord). Dans ce contexte, en France, la protection des espaces, des paysages et globalement de l’environnement en mer et sur terre, est définitivement la composante de base de toute politique de développement touristique.
Il doit en effet être possible de faire évoluer les situations, de densifier ponctuellement, même fortement, ailleurs se retirer etc. L’anticipation des désordres climatiques doit être un moteur de l‘évolution, pas un argument de statu quo ou d’un recul de l’activité touristique.
Stéphane Durand : La Méditerranée est devenue en quelques décennies la première destination touristique mondiale, avec plus de 400 millions de séjours par an (2019). Mais, il nous apparaît que l’âge d’or de cette mer si chère au cœur de l’humanité a d’ores et déjà atteint son point haut.
Plusieurs éléments le démontrent :
- l’urbanisation omniprésente des linéaires côtiers, l’urbanisme banalisé, voire déjà dégradé, le surtourisme ponctuel… s’ajoutent à la pollution maritime et littorale omni présente en particulier sur les rives sud. Par ailleurs, le réchauffement climatique et de ses multiples désordres : étés caniculaires, incendies, crues... exerce déjà ses ravages.
Enfin, la Méditerranée n’est pas exempte des menaces géo stratégiques dans un contexte sécuritaire largement dégradé. Bassin de la civilisation, n’est-elle pas en train de devenir une frontière entre crises climatiques, démographiques, sociales, culturelles, et déplacements massifs de population ?
Ces crises sont aussi révélatrices des faiblesses d’un tourisme très largement lié au balnéaire où les pratiques de plage l’emportent toujours largement sur les activités culturelles, avec donc un modèle saisonnier, largement mono-thématique et mono-clientèle (les Européens du nord). Dans ce contexte, en France, la protection des espaces, des paysages et globalement de l’environnement en mer et sur terre, est définitivement la composante de base de toute politique de développement touristique.
Il doit en effet être possible de faire évoluer les situations, de densifier ponctuellement, même fortement, ailleurs se retirer etc. L’anticipation des désordres climatiques doit être un moteur de l‘évolution, pas un argument de statu quo ou d’un recul de l’activité touristique.