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Face aux low cost, pourquoi les compagnies classiques ne gagnent-elles pas d'argent ?

la chronique de Jean-Louis Baroux


Pourquoi les compagnies aériennes n'arrivent-t-elles pas à dégager un profit raisonnable ? Jean-Louis Baroux, expert aérien, revient dans cette chronique sur les difficultés qu'ont les transporteurs aériens à réaliser des bénéfices. Serait-ce l’incapacité de ce secteur d’activité à maîtriser les mécanismes de la concurrence ?


Rédigé par Jean-Louis BAROUX le Mercredi 5 Novembre 2014

Le redressement de l’économie du transport aérien passera par un changement complet de la relation entre les compagnies et leurs clients. Ces derniers doivent payer le juste prix, encore faut-il que les transporteurs le proposent DR : Photo-libre.fr
Le redressement de l’économie du transport aérien passera par un changement complet de la relation entre les compagnies et leurs clients. Ces derniers doivent payer le juste prix, encore faut-il que les transporteurs le proposent DR : Photo-libre.fr
Il est un discours récurent entendu dans toutes les conférences du transport aérien : tout le monde fait du profit dans ce secteur, sauf les compagnies elles-mêmes.

L’APG World Connect n’a pas fait exception à la règle.

Et les compagnies sont bien documentées.

Elles montrent avec force graphiques et statistiques les profits jugés souvent excessifs des GDS tout d’abord, mais également des constructeurs, des distributeurs, des fournisseurs de services de tout poil et jusqu’aux aéroports, comparés à leurs pauvres résultats.

J’avoue m’interroger sur le bien-fondé de ce qui paraît être une vérité d’évidence pour les transporteurs.

Pourquoi finalement tout le monde gagnerait-il de l’argent, sauf eux ?


Après tout ce sont eux les donneurs d’ordre, eux qui détiennent le produit, eux qui fixent les prix et les conditions tarifaires, eux qui choisissent leurs fournisseurs.

Alors, que se passe-t-il pour qu’ils ne soient pas capables de dégager un profit raisonnable ?

Les compagnies se plaignent amèrement de ployer sous les taxes

Les professions qui tournent autour du transport aérien : constructeurs, GDS, agents de voyages, agents de handling aéroportuaires, sociétés de sûreté, aéroports, ne sont-elles pas en concurrence ?

Et les compagnies qui justement leur achètent leurs services ne font-elles pas jouer à fond la compétition entre les sous-traitants ?

Alors pourquoi arrivent-elles à se développer dans un environnement si difficile quand leurs clients sont incapables de le faire ?

Les compagnies se plaignent amèrement de ployer sous les taxes les plus diverses qui frappent le transport aérien.

Il faut d’ailleurs bien reconnaître que l’on ne voit pas très bien le rapport entre la vaccination des populations pauvres et le transport aérien, dans ce cas pourquoi ne pas taxer également les fabricants d’automobiles ou les parfumeurs ?

Mais une fois cette remarque faite, les compagnies n’absorbent pas les taxes sur leurs charges, elles les passent tout simplement à leurs passagers. Et ce sont ces derniers qui paient la note.

Alors où le bât blesse-t-il ?

Les transporteurs traditionnels ont pris de mauvaises habitudes

C’est, me semble-t-il dans l’incapacité de ce secteur d’activité à maîtriser les mécanismes de la concurrence.

L’ADN des transporteurs traditionnels a été fabriqué dans un environnement de protection par les Etats.

Les droits de trafic n’étaient accordés que dans la mesure où ils étaient favorables aux compagnies nationales et les tarifs étaient soigneusement contrôlés pour éviter tout dérapage à la baisse.

En foi de quoi, les transporteurs ont pu construire les réseaux et créer un transport aérien de qualité.

Mais dans le même temps, ils ont pris de mauvaises habitudes. Ils ont pris de la mauvaise graisse : trop de personnel dont la conséquence est que chacun doit défendre sa position à l’intérieur de l’entreprise pour montrer son utilité.

Finalement plus d’énergie est dépensée en interne qu’à développer l’entreprise.

Alors est arrivée la dérégulation, en clair la concurrence. Et cette dernière est venue de nouveaux opérateurs, créés à partir de zéro, c’est-à-dire qu’ils ont été d’emblée plongés dans un univers concurrentiel.

Et ils ont été créés pour y faire face avec des méthodes et des moyens adaptés. Et ce modèle, celui des « Low Costs Carriers » s’est finalement imposé au marché.

Pour répondre à cette puissante offensive si longtemps niée, voire dénigrée, les compagnies traditionnelles ont développé le « yield management » remède miracle qui allait permettre de remplir les appareils.

Et cela a marché puisque le coefficient de remplissage moyen est passé de 65% à 80%. Sauf que cela n’a pas résolu l’équation économique car même avec ces niveaux jamais atteints les compagnies n’arrivent toujours pas à dégager les marges suffisantes.

Le redressement passera par le changement de relation entre les compagnies et leurs clients

Leurs prix ont été tirés à la baisse car ils sont été déconnectés du produit. Rajoutez à cela l’arrêt de la rémunération du circuit de distribution et vous avez tous les ingrédients pour réaliser l’impasse économique.

Mais à qui la faute ?

Les prix sont fixés par les compagnies, celles-ci pourraient facilement se battre contre les tarifs prédateurs en demandant à IATA de fournir les données économiques qui permettraient de déceler à coup sûr les ventes à pertes.

Elles ne veulent pas le faire. Alors elles ne doivent pas se plaindre. Le redressement de l’économie du transport aérien passera par un changement complet de la relation entre les compagnies et leurs clients. Ces derniers doivent payer le juste prix, encore faut-il que les transporteurs le proposent.

Dernière petite remarque, la différence n’est plus entre les « Low Costs Carriers –LCC » et les Legacy Carriers, elle est maintenant entre les transporteurs normaux et les « High Cost Carriers - HCC».

Face aux low cost, pourquoi les compagnies classiques ne gagnent-elles pas d'argent ?
Jean-Louis Baroux, est l'ancien président d'APG (Air Promotion Group) et le créateur du CAF (Cannes Airlines Forum) devenu le World Air Forum.

Grand spécialiste de l'aérien, il a signé aux éditions L'Archipel ''Compagnies Aériennes : la faillite du modèle'', un ouvrage que tous les professionnels du tourisme devraient avoir lu.

Les droits d'auteur de l'ouvrage seront reversés à une association caritative. On peut l'acquérir à cette adresse : www.editionsarchipel.com..

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Tags : apg, aérien, baroux
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Commentaires

1.Posté par michael tolini le 05/11/2014 02:18 | Alerter
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Trop bon la derniere phrase de l'article !

2.Posté par Pascal le 05/11/2014 15:11 | Alerter
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Tu as raison Michael parlons de la derniere phrase. Une low cost devient une compagnie normale. Donc être payé 900€ net par mois, exiger de l argent des collectivités locales, ne pas payer 60% de ses pilotes en basse saison parcequ ils sont sous contrat de travailleurs indépendants, faire payer les formations aux salariés et traiter les clients comme des bouffons, c est super normal.

Et puisque c est normal, pourquoi ne pas faire la même chose avec les agents de voyages? Tu te rends compte, il y en a qui se plaignent alors qu ils touchent au moins le smic!!!!

Monsieur Baroux, lui, s en fout, il sera toujours invité par Ethiad ou Emirates.....


3.Posté par TWI le 06/11/2014 11:15 | Alerter
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Je suis totalement l'auteur de l'article lorsqu'il déclare qu'il y a une question d'ADN qui corrobore l'expression : "on naît low cost, mais on ne le devient pas". Cette question se retrouve également dans les relations sociales entre la compagnie traditionnelle et ses PN : ces derniers ont "grandi" dans un vase clos, protégés soit par la réglementation ou par un actionnaire étatique qui ne fait qu'acheter la paix sociale. Les PN résument tout à leur seule paroisse et semblent totalement ignorer le fait qu'il existe une concurrence, comme l'atteste la grève récente des PNT et le commentaire stéréotypé ci-dessus de Pascal. Mais, bien sûr, la concurrence, dans nos cultures latines, est un vilain mot. Elle est d'emblée qualifiée de déloyale. Elle renvoie également à d'autres stéréotypes passéistes sur le méchant actionnaire vorace, avide de dividendes prélevés sur le dos du gentil salarié, ce qui est comptablement faux (qu'on m'explique, d'ailleurs, comment on peu verser un seul euro de dividendes dans une compagnie déficitaire alors que c'est interdit par la plupart des lois dans le monde) Entre temps, alors qu'on défend sa petite paroisse salariale (AF/SNCM, même destin ?) les compagnies low cost prospèrent, grandissent, commandent de nouveaux avions par centaines et créent de l'emploi en embauchant les équipages nécessaires.

4.Posté par Pascal le 06/11/2014 13:56 | Alerter
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Pour TWI: Je ne suis pas PN et je trouve irreverencieux pour l article de Monsieur Barroux de limiter son propos à cette categorie de personnel. Le sujet est plus vaste, heureusement!
Et oui l actionnaire n est pas mechant (qui a dit une chose pareille???), mais bien avide (c est d ailleurs sa raison d être: jouer pour gagner), et il s enrichit plus souvent et plus rapidement qu un salarié qui n est pas gentil (qui a dit une chose pareille???), mais qui veut être payé le juste prix pour son travail (c est d ailleurs sa raison d être)
Et oui les taxes (entre autres) sont une vraie distorsion de concurrence qui fausse le jeu (si on peut l appeler un jeu...)

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