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Futuroscopie - Ces destinations en quête de surtourisme russe 🔑

Le décryptage de Josette Sicsic (Futuroscopie)


Alors que le tourisme est résolument devenu synonyme de surtourisme dans le langage médiatique, et que les solutions pour lutter contre ses excès n’en finissent pas de déferler sur les écrans des rubriques spécialisées, nombreuses sont les destinations en quête de surtourisme. Et en particulier d’un surtourisme russe. Car, avec un volume de 22 millions de voyageurs internationaux, la Russie constitue un marché source fort appréciable, malgré ses nombreux défauts et les risques de conflit qu’elle peut générer, parmi les autres visiteurs et les populations locales… Décryptage.


Rédigé par le Vendredi 15 Mars 2024

Le Tourism Authority of Thaïland a exprimé sa volonté pour cette année 2024, de recevoir 2 millions de visiteurs russes sur un total de 35 à 40 millions de touristes internationaux ! - Depositphotos.com Auteur gregorylee
Le Tourism Authority of Thaïland a exprimé sa volonté pour cette année 2024, de recevoir 2 millions de visiteurs russes sur un total de 35 à 40 millions de touristes internationaux ! - Depositphotos.com Auteur gregorylee
Alors que 145 millions de Russes sont porteurs de passeports leur permettant de voyager à l’étranger, 88 pays les accueillent volontiers, sans visa, 30 avec visa à l’arrivée et 19 avec un e.visa.

Sachant que l’Europe est sortie du jeu au nom des sanctions infligées au pays de Vladimir Poutine, dans le sillage d’une désespérante invasion de l’Ukraine et de la guerre qui continue de sévir, les bataillons de pays prêts à tendre les bras à ce marché inespéré, sont nombreux et guère regardants. Ni sur la quantité de cette clientèle, ni sur sa mentalité et ses comportements…

Il faut dire qu’en plus, malgré la résistance d’une partie de la population aux actes et à l’idéologie poutinienne, les Russes en général se voient contraints d’endosser la culpabilité d’une guerre qui déchire la région, déstabilise le monde, fait des milliers de victimes civiles et militaires et ne sert qu’à reconstituer des empires d’un autre âge.

La mort d’un dissident n’a rien arrangé à l’image sulfureuse d’un président omnipuissant qui agite la menace de cyber attaques et d’usage du nucléaire pour prendre l’avantage sur une Europe désemparée.

Vus d’un mauvais œil après avoir été adulés par des destinations touristiques en quête de marchés fortunés et bling-bling, les touristes russes ne sont donc plus vraiment bienvenus parmi des populations occidentales en général, et de nombreuses populations locales en particulier qui, pour leur part, se sentent débordées par leur nombre et leurs attitudes un brin colonisatrices, reflétant une fois de plus l’injustice des rapports Nord-Sud et l’amnésie d’une industrie touristique qui, après les années Covid, semblait avoir compris qu’elle devait changer de modèle, et réduire ses effectifs pour être acceptable et acceptée.

Et qu’elle devait aussi et surtout enseigner le respect d’autrui et la tolérance pour contribuer à une sorte de « pax turistica » à laquelle nous aspirons tous. Pour preuve, quelques exemples de discordes…

A lire aussi : Futuroscopie - quelle part du marché russe votre pays va-t-il perdre ? 🔑


Discrimination sur la "Volga coast" au Sri Lanka

Les affiches traduites en russe au Sri Lanka - Photo JS
Les affiches traduites en russe au Sri Lanka - Photo JS
Un incident récent rapporté entre autre par nbcnews.com, a défrayé l’actualité touristique du Sri Lanka et créé des dommages qui seront peut-être longs à réparer entre population locale et touristes russes.

Que s’est-il passé ? En fait, une discothèque connue proche de Galle a organisé une soirée destinée seulement à des « blancs » ! Intitulée la « white party », l’annonce de celle-ci a immédiatement enflammé les réseaux sociaux et les esprits des Sri Lankais y voyant, probablement à raison, une discrimination d’autant plus raciste et violente qu’il était spécifié qu’à l’entrée, le « Face control serait white ! »

Immédiatement annulée par les organisateurs de nationalité russe plaidant le quiproquo (selon eux, il s’agissait uniquement de « dress code »), le différend n’en a pas moins incité les autorités sri lankaises à annoncer que les extensions de visas ne seraient plus permises au delà de 30 jours et que les touristes russes concernés par la mesure devraient quitter le pays.

Mauvaise nouvelle pour une destination qui a pourtant un immense besoin de cette clientèle venue de toute la Russie, estimée à 200 000 environ alors que les Ukrainiens sont estimés à 5 000. Et qui a déployé les grands moyens pour attirer et conserver des visiteurs qui, certes, ne font pas toujours bon ménage avec les locaux et les touristes européens désormais submergés par ces groupes d’individus qui se déversent dans tous les coins du pays, inondent les hôtels de la côte sud que l’on nomme déjà : la Volga coast alors que les tours sont surnommés les « vodka tours » !

Indifférence et intolérance à Bali et en Inde

A quelques encablures, dans le Kérala, les vacanciers russes ne font pas non plus plaisir à tout le monde. Confortablement installés dans des « resorts » ayurvédiques haut de gamme, la plupart ne semblent pas très intéressés par des traditions et thérapies pourtant reconnues partout dans le monde.

Et, se souvient-on des hostilités déclarées par les Balinais devant leurs mauvaises manières et le peu de respect que témoignaient à leur culture des jeunes gens juchés sur des motos pétaradantes, faisant hurler des musiques criardes durant les cérémonies religieuses ?

Face à environ 60 000 citoyens russes dont beaucoup sont là pour longtemps, il est clair que les tensions ne peuvent que s’accentuer. Pourtant, en décembre 2023, l’augmentation du marché russe sur l’île hindouiste s’est poursuivie : elle a été de 50,84% contre 27,70% par exemple pour les Japonais. Ce qui causait un grand plaisir aux autorités balinaises.

Touriste russe : saturation en vue en Thaïlande

Quant à la Thaïlande, elle a des ambitions qui vont sans doute au-delà de ses forces.

C’est ainsi qu’elle a compté 130 000 arrivées russes en janvier 2024 contre seulement 85 000 arrivées chinoises, une clientèle encore clairsemée malgré un retour flagrant.

Et, ce n’est pas tout : le Tourism Authority of Thaïland a exprimé sa volonté pour cette année 2024, de recevoir 2 millions de visiteurs russes sur un total de 35 à 40 millions de touristes internationaux !

Mais là encore, la mésentente est au rendez-vous. Selon le journal : The Post of Bangkok, dans le sud de Phuket, certaines zones sont devenues la copie des stations russes de la mer Noire. Des vacanciers rôtissent toute la journée au soleil.

Lire aussi : Futuroscopie - Où est passé le tourisme russe ? 🔑

Tout est écrit en russe. Les restaurants offrant des plats russes se multiplient et les agences immobilières proposant des propriétés ou de simples bungalows à cette clientèle, prospèrent, au profit d’une clientèle aisée qui obtient des visas de très longues durées : les « élites visas » dont les tarifs s’envolent autour de 20 000 USD.

Entre 5000 et 10 000 riches Russes en auraient profité à Phuket seulement. En 2023, 40% des condominiums ont été achetés par les Russes. Tandis que des investisseurs dépensent plusieurs centaines de millions de dollars US pour construire des villages de grand luxe.

Pire, des guides locaux Russes volent le travail des guides thaïlandais. Ce qui n’est pas pour alléger les relations entre touristes et locaux qui, après les touristes chinois, se voient submergés par cette nouvelle vague de voyageurs qui leur semblent méprisants pour leur culture, leur économie, leurs paysages... Et qui le disent.

Quant à la Malaisie qui a reçu 113 000 visiteurs en 2023, elle en attend au moins 140 000 cette année.

La Turquie reste la destination historique

Avec 6,31 millions de visiteurs russes en 2023, la Turquie pour sa part a progressé de 20% sur le marché russe et s’approche de ses niveaux records de 2019 (environ 7 millions). Au même moment, pourtant, la hausse des prix (estimée à deux ou trois fois plus) liée à la faiblesse du rouble les a pénalisés.

Mais le gouvernement turc et les associations de voyagistes sont confiants. La Turquie est en effet l’un des rares pays à disposer de vols directs depuis la Russie et a changé sa politique de prix en les convertissant en euros. D’ores et déjà à mi-décembre, les réservations en « early booking » pour l’été ont triplé par rapport à 2023.

Les voyagistes s’attendent donc à ce que la fréquentation russe progresse de 10 à 15% voire de 20 à 30%. Pour autant, ce surtourisme venu du froid n’est pas toujours du goût des nationaux de ce pays qui reste un pays musulman où les traditions ont la vie dure. Ni de celui des autres nationalités présentes.

L’Égypte reprend la main, l’UAE en embuscade

Pénalisée par sa proximité avec Gaza, l’Égypte, une destination importante pour les Russes depuis que le balnéaire s’y est développé, semble satisfaite : 55% de Russes contre 45% l’an dernier plébiscitent des vacances à Hurghada et Sharm-el-Sheikh mais avec des dépenses stables puisque nombreux sont les Russes orientés vers une destination plus économique comme Hurghada.

Le tout en forfait « all inclusive », une durée moyenne de 10.7 nuits et une dépense moyenne de 2700 dollars US.

Mais, mieux, parmi d’autres, les Luxury hotels en Egypte offrent des réductions de 30% de leurs tarifs pour l’été 2024. Ce qui a fait d’ores et déjà augmenter leur demande.

Cela suffira-t-il cependant à atteindre un objectif de 30 millions d’arrivées en 2028, comme le souhaite le ministre du tourisme ? Pas sûr. Et, c’est sans doute mieux comme cela dans un pays dont l’économie est fragile et devrait le rester dans les années à venir.

Cuba revient également dans le jeu. Dernier exemple : de janvier à octobre 2023, les flux de touristes russes à Cuba se sont multipliés par 3 et demi. Et cela devrait continuer, compte tenu de la coopération historique mise en place entre les deux pays et l’amitié supposée entre Russes et Cubains. Mais, supposée seulement, car les deux populations ont peu d’atomes crochus et cela se sent.

Les Ukrainiens victimes de l’hostilité russe

Enfin, outre les conflits d’usage, notons comme beaucoup, que, selon Euronews parmi d’autres, la haine envers les Ukrainiens va bien au-delà de Vladimir Poutine.

Selon des sondages récents, la plupart des Russes soutiennent l'agression de leur pays contre l'Ukraine et ont également déclaré qu'ils souhaitaient que la guerre se poursuive.

Ce qui explique les tensions entre les touristes originaires de ces deux pays, qui ne font rien pour les atténuer. Au contraire. Et qui, là comme ailleurs font pâtir les locaux de leur adversité…

Certes, les Russes ne sont pas les seuls exemples de populations touristiques envahissantes et peu respectueuses des autochtones.

Mais, ils révèlent les paradoxes encore bien vivaces d’une économie touristique peu compatible avec une écologie touristique….

Josette Sicsic - DR
Josette Sicsic - DR
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

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Commentaires

1.Posté par Blaise le 24/03/2024 12:31 | Alerter
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C'est très bien ça

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