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Futuroscopie - La "cold attitude" un marqueur social qui renverse les codes [ABO]

Le décryptage de Josette Sicsic (Futuroscopie)


En peu de temps, le mouvement de balancier qui anime nos sociétés, est reparti en sens inverse. De la quête d’un tropisme fait de soleil et de chaleur, ne sommes-nous pas en train de déplacer nos imaginaires et nos désirs de voyages vers ces contrées venues du froid ? Et pourquoi ? Décryptage.


Rédigé par le Jeudi 12 Décembre 2024

La « cold attitude » est donc résolument plus positive que négative - Depositphotos.com Auteur biletskiy_e
La « cold attitude » est donc résolument plus positive que négative - Depositphotos.com Auteur biletskiy_e
Depuis les années d’après-guerre, le tourisme de masse s’est développé dans des climats chauds capables de garantir des activités balnéaires résumées par les 3 S du« sea-sun and sex ».

Traduite par une iconographie composée invariablement de plages étincelantes, de cieux et de mers tout aussi bleu, cette forme de tourisme a aussi bénéficié d’une terminologie parfaitement répétitive mais propre à enflammer les imaginaires contemporains : détente, sérénité, solitude, calme, soleil, simplicité…

Du Club Méditerranée aux Villages Club du soleil, il ne manquait (et ne manque toujours pas) un grain de sable blanc et une pincée d’eau turquoise à la carte postale idéale des vacances estivales !


Quand le changement climatique poursuit son œuvre de sape

Certes, à l’opposé de cette imagerie, celle consacrée à la montagne en hiver a coexisté et coexiste toujours à travers une mise en valeur de sommets neigeux, sports de glisse, chaleur des retrouvailles devant un feu de cheminée, joie de vivre et « bonheur si je veux ! ».

Sauf que la montagne d’aujourd’hui n’est plus exactement la montagne d’hier. Celle convoitée par les sportifs continue fort heureusement d’exister et d’attirer son lot de grands et jeunes skieurs sur des pistes noires. Mais, on le sait, le dérèglement climatique et la pénurie de neige font en même temps lentement et sûrement leur œuvre de démolition des imaginaires et pratiques touristiques. D’une montagne blanche, on passe à une montagne grise qui malheureusement risque fort de dominer l’offre dans les années à venir.

En effet, selon le dernier rapport de la DRIAS, l’année 2024 s’annonce comme la plus chaude avec une hausse des températures de 1.5 degré. On prévoit aussi que d’ici 2100, ces hausses atteindront les 4 degrés par rapport au climat actuel.

Les risques de gelée auront eux pratiquement disparu. La neige ne tombera qu’au-dessus de 1800 mètres. La France subira 5 à 10 fois plus de journées de canicule. Les vagues de chaleur pourront durer deux mois d’affilée ! Paris pourrait même subir des pics à 50 degrés !

En France, la température annuelle moyenne pourrait atteindre 14.2 degrés et au delà de 18% degrés dans la moitié sud du pays. Soit l’équivalent de la température d’Andalousie aujourd’hui…

Si bien que, d’ores et déjà, certaines clientèles indisposées par les températures excessives, se détournent des rivages ensoleillés pour élire des destinations plus fraîches, notamment en montagne ou dans des pays nordiques comme la Suède, l’Islande, La Finlande, le Canada et même la Sibérie.

Et l’on en est qu’au tout début d’une vague montante alimentée et entretenue par le marketing de ces destinations qui ont bien compris l’intérêt pour elles du bouleversement en cours.

Premier atout : le froid soigne et fait du bien !

Un bouleversement dopé par un premier point fort de ce marketing, celui qui fait état des qualités exceptionnelles du froid sur la santé. Déjà, aux premiers temps du tourisme balnéaire, c’étaient les mers froides, notamment la mer du Nord et la Baltique dans lesquelles on se trempaient pour soigner rhumatismes et autres affections.

Et aujourd’hui, n’oublions pas que les Finlandais s’aspergent toujours d’eau froide en sortant des saunas ou se jettent dans une mer glaciale pour stimuler leur énergie. Tandis qu’en plein hiver, il est de coutume pour certains intrépides de se jeter dans une eau glacée afin de tester leur résistance et se donner un coup de fouet.

Inconnue il y a peu encore, la cryogénie (l’étude des températures froides) a aussi donné naissance à la cryothérapie. Laquelle a fait son apparition dans les centres de santé afin de démontrer son énorme influence sur le corps et le cerveau. Le froid brûle les graisses, dope les capacités intellectuelles, réduit les informations et les allergies, améliore la santé émotionnelle, soigne certaines maladies dermatologiques, soulage la douleur…

De plus, on dort mieux dans une chambre fraîche que dans une chambre surchauffée. Et si l’on est convaincu des pouvoirs du froid extrême, on peut s’offrir une cabine dont le prix varie selon les performances de 30 000 à plus de 300.000 euros !

Deuxième atout : le blanc a une symbolique positive

Associé au froid, la couleur « blanche » liée à la neige compte parmi les couleurs les plus appréciées des différentes civilisations. Disponible dans des expressions comme « blanc comme neige », « faire chou blanc », « de but en blanc », « nuit blanche », la couleur blanche omniprésente dans l’iconographie hivernale est synonyme de qualités reconnues, en tête desquelles se situent la pureté et ’innocence. Associée au mariage, elle représente également la virginité.

Symbole de la paix dans de nombreux pays, elle est également associée à la bonté, la compassion, l’apaisement, la sagesse, la gentillesse, la sérénité, tranquillité, bienveillance, la spiritualité, la lumière… La « cold attitude » est donc résolument plus positive que négative.

Troisième atout : Un territoire d’aventure « en péril »

Enfin, l’exploration des pôles encore méconnue il y a peu a permis de faire de ces terres oubliées, non seulement un objet de savoir réservé aux seuls spécialistes, mais un bien imaginaire partagé par un large public en quête d’extrêmes, de risques, d’aventures. Comme l’explique la chercheuse québécoise Mathilde Roussat, c’est la photographie qui a largement contribué au succès des destinations nordiques explorées surtout depuis la fin du dix-neuvième siècle par les Européens.

Ainsi, écrit-elle : « Toute une économie visuelle s’est mise en place dans les années mille huit-cent- soixante-dix, et les régions polaires ont fait dés lors l’objet d’un intérêt entretenu par la circulation d’images et la mise en spectacle des sociétés humaines associées à ces régions ».

Très développée aujourd’hui, cette imagerie faite de grands froids, de grands espaces, de glaces et de neige, associée à la structuration d’une offre touristique dite « polaire », a permis à certaines régions notamment celles revendiquant l’origine du père Noël de devenir des « best of » des brochures d’hiver.

Quand d’autres aventures Antarctique cette fois, vendues à des prix astronomiques, font le plein durant l’hiver non seulement de leurs hébergements mais des activités caractéristiques de ces régions comme l’observation des pingouins, celle des baleines, les courses en chiens de traîneaux, et surtout la traque des aurores boréales.

Une traque malheureusement aussi aléatoire que celle des aurores elles-mêmes mais attirant un immense public d’amateurs. Ainsi, à Tromso dans le grand nord norvégien, tous les soirs, des dizaines d’adeptes grimpent à bord de minibus pour suivre un guide cherchant à capter les fameuses lumières vertes.

Et malgré les tarifs et l’inconfort, cela marche et devrait continuer de marcher tant que là bas comme ailleurs, le climat et l’isolement de la région seront préservés des battues touristiques auxquelles se livrent aussi les nombreux croisiéristes.

La « cold attitude » : un marqueur social

En fait et en résumé, face à l’adversité climatique dont le tourisme (rappelons le) est en partie responsable, la « cold attitude » devient pour le moment une pratique de distinction.

De celles qui permettent à une élite voyageuse de se démarquer des masses de visiteurs inondant les destinations traditionnelles : Offrez-vous dix jours en Sibérie en hiver et vous voilà aussitôt classés parmi les « bons touristes » !

Mais, partez en croisière en Arctique et vous risquez aussi vite d’être catalogués de touristes inutiles, invasifs, destructeurs car déjà, cette destination blanche comme neige et glaciale est menacée…

Josette Sicsic - DR
Josette Sicsic - DR
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

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