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Futuroscopie : les modestes scores du tourisme littéraire 🔑

Décryptage de Josette Sicsic, Futuroscopie


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Alors que le parc Spirou dans le Vaucluse a clos l’année avec plus de 300 000 visiteurs et que celui du Petit Prince en Alsace a fini la sienne avec quelque 200 000 entrées, les maisons, musées et autres lieux consacrant la mémoire des grands écrivains français ou au tourisme littéraire ne peuvent en dire autant. Contribuant à la notoriété d’une ville ou d’un site, ni Marcel Proust, ni Colette, ni George Sand, ni Edmond Rostand battent des records. Seule la maison de Victor Hugo à Paris dépasse les 100 000 visiteurs depuis sa rénovation. Tandis que Molière a effectivement attiré des foules lors de spectacles, rencontres, circuits divers.


Rédigé par le Jeudi 9 Mars 2023

Tourisme littéraire : Jean Baptiste Poquelin, dit Molière, toujours présent dans les bâtiments de la Comédie française à Paris où le siège où il expira est exposé, a surtout été célébré par la petite cité de Pezenas dans l’Hérault où il a commencé sa carrière de comédien. - Depositphotos.com Auteur gilmanshin
Tourisme littéraire : Jean Baptiste Poquelin, dit Molière, toujours présent dans les bâtiments de la Comédie française à Paris où le siège où il expira est exposé, a surtout été célébré par la petite cité de Pezenas dans l’Hérault où il a commencé sa carrière de comédien. - Depositphotos.com Auteur gilmanshin
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Un constat malheureux pour un pays comme la France dont le patrimoine littéraire rayonne sur toute la planète contribuant à faire de la francophonie une pièce maîtresse de ses atouts culturels.

Un constat tout aussi malheureux pour les amoureux de belles lettres qui souvent cherchent à retrouver les lieux où vécurent et voyagèrent leurs auteurs favoris.

Pourtant, la Fédération des maisons d’écrivains et des patrimoines est active comme son site en témoigne. Voyages, itinéraires, rencontres composent l’agenda de ses sept réseaux régionaux et de ses 180 membres.

Mais, le manque de moyens et peut-être d’ambition n’en finit pas de miner un secteur qui mériterait beaucoup mieux pour diversifier les thématiques touristiques et leurs publics !


Prenons l’exemple de Victor Hugo, le plus connu de nos écrivains dont des dizaines de rues, d’avenues et de places portent le nom.

Dans la maison de la Place des Vosges à Paris entièrement rénovée où il vécut, il attire entre 120 et 170 000 visiteurs selon les années. Une bonne performance due tout autant à la réputation de l’écrivain qu’aux expositions qui y sont programmées.

Ainsi, l’exposition consacrée à sa famille en 2016 a enregistré 47 000 entrées alors que la maison qu’il habita à Guernesey, Hauteville House, également propriété de la Ville de Paris, a accueilli 21 000 visiteurs en 2018.

Retrouvez les autres articles de notre série "La contribution des écrivains voyageurs"

Honoré de Balzac pour sa part, dont l’une des demeures est très mal mise en scène ne reçoit qu’une trentaine de milliers de visiteurs par an, pour une très courte visite. Heureusement, l’écrivain Eric Hazan vient de consacrer un ouvrage au Paris de Balzac qui pourra servir de guide à certains touristes francophones…

Tourisme littéraire : Pierre Loti à Rochefort : le centenaire de sa mort en 2023

Né en 1850, Pierre Loti est mort en 1923. C’est donc son année ! Internationalement connu pour ses récits de voyage, il est aussi connu des touristes de certaines villes qu’il a habitées, notamment Istanbul où l’on visite sa maison et le café où il avait ses habitudes.

A Rochefort, sa ville natale, il va de soi que l’image du grand écrivain ne pouvait qu’être exploitée à sa juste valeur. Le musée municipal d’art et histoire propose donc un espace d’exposition permanente autour de sa vie et son œuvre et une visite innovante en 3 D de sa maison. Car, celle-ci est fermée depuis 2012 pour des rénovations d’ampleur.

Labellisée « Musée de France » pour ses collections et classée au titre des Monuments Historiques en 1990 pour la totalité des bâtiments et du jardin, cette demeure ouverte au public depuis 1973 avec succès avait besoin d’être rénovée. Mais, l’addition des travaux (12 à 13 millions d’euros) est trop lourde à supporter pour la collectivité, d’où un appel au Mécénat.

On espère cependant pouvoir ré ouvrir la demeure le 13 juin prochain, jour anniversaire de la mort de l’écrivain, dans une version très optimisée avec notamment l’exposition des collections d’armes, objets métalliques et mobilier de l’écrivain qui fut aussi un grand marin…

Marcel Pagnol met en valeur le pays d’Aubagne, avec simplicité

Le public français en raffole : les inoubliables personnages de sa trilogie marseillaise et de ses romans ont fait de Marcel Pagnol un écrivain, un cinéaste et un dramaturge très cher au cœur des Français, petits et grands. Aubagne, la cité où il est né en 1895 qui se présente d’emblée comme « la ville de Marcel Pagnol » a donc fait preuve d’inventivité pour rendre hommage à sa gloire locale.

D’une part, la maison natale est ouverte au public et propose un « escape game ». Mais, elle n’attire pas plus de 12 000 visiteurs par an. C’est peu ! D’autre part, 200 figurines de terre cuite incarnent les personnages et les scènes les plus typiques de son œuvre dans le cadre du « Petit monde de Marcel Pagnol » qui a ré ouvert sur les hauteurs de la ville.

Et puis, surtout, la ville a mis en place une dizaine d’itinéraires de durée et difficulté variables permettant d’arpenter la magnifique campagne déployée autour du rocher du Garlaban et, dans le massif qui a servi de théâtre aux promenades du jeune Pagnol et des principaux personnages de ses romans autobiographiques.

Tous les derniers dimanche deux randonnées sont exclusivement consacrées à l’écrivain qui, selon l’Office de tourisme, n’en finit pas d’attirer des visiteurs passionnés, essentiellement francophones qui, selon un calendrier irrégulier, peuvent aussi participer à la « Dictée de Pagnol » ou a des conférences et autres représentations initiées par l’amicale des amis de l’écrivain le plus représentatif de de la littérature provençale.

A quelques dizaines de kilomètres, au cœur des Alpilles, le village de Fontvieille tire en partie sa renommée du chef d’œuvre d’Alphonse Daudet : Les lettres de mon moulin, mais l’exploite moins bien.

Nantes exploite l’univers utopique de Jules Verne

Nantes qui fait feu de tout bois et sait tirer adroitement les ficelles du tourisme culturel, ne pouvait rester indifférente à l’immense œuvre et renommée de Jules Verne, l’un de ses natifs.

Outre le musée Jules Vernes rénové et ré ouvert en 2005, qui accueille bon an mal an, environ 30 000 visiteurs dont 25% d’étrangers en été et 18% le reste de l’année, Jules Verne fait l’objet de promenades à travers la ville, balisées de plaques commémoratives et de statues de bronze.

Lire aussi : FUTUROSCOPIE - Festivals : "Quand la musique est bonne"... le tourisme excelle !

Organisées par l’Office du tourisme, ces visites peuvent s’effectuer individuellement. De plus, sur l’île de Nantes, les Machines de l’île évoquent à leur façon les formidables inventions de l’écrivain tout en évoquant l'histoire industrielle de la ville. Par ailleurs, une ville aussi dynamique que Nantes n’a pu se dispenser de créer le Festival international de sciences fiction : les Utopiales qui sont une façon de rendre hommage au génie que fut Jules Verne et qu’une autre ville célèbre à travers la maison où il mourut : la ville d’Amiens.

Une application téléchargeable gratuitement en dit plus elle aussi sur le célébrissime écrivain.

Pezenas célèbre avec brio les 400 ans de la naissance de Molière et le centenaire de Boby Lapointe

Enfin, voyons comment un écrivain de renommée mondiale qui incarne à merveille la richesse de la littérature française, a été traité en cette année 2022 célébrant le quatre-centième anniversaire de sa naissance.

Jean Baptiste Poquelin, dit Molière, toujours présent dans les bâtiments de la Comédie française à Paris où le siège où il expira est exposé, a surtout été célébré par la petite cité de Pezenas dans l’Hérault où il a commencé sa carrière de comédien.

Dès le dix-neuvième siècle, un monument financé par une souscription nationale est érigé à sa gloire. Ce qui était la moindre des choses. Puis, la ville ne s’en est pas contentée. Au contraire, misant sur la notoriété du dramaturge, Pezenas a mis en place une batterie de lieux et d’événements dédiés au dramaturge.

Notamment, la Scénovision, un parcours-spectacle en 5 actes et 3D. Depuis 2001, Pézenas a aussi contribué à l’inauguration de “L’illustre théâtre” dans une propriété familiale tandis que, tous les ans, et surtout cette année, elle organise un festival dédié à l’écrivain, composé de représentations théâtrales, spectacles de rue, lectures et conférences qui attirent bel et bien le public.

Partout et notamment à Paris, à Versailles et à l’étranger, circuits, spectacles, rencontres ont aussi célébré Molière avec succés… C’est un fait.

Une problématique difficile à résoudre

… Mais, ce qui est aussi un fait c’est qu’ Edmond Rostand à Combo-les-bains, Alexandre Dumas à Port Marly, Alain Fournier et la maison du Grand Meaulnes dans le Cher, George Sand à Nohant, Paul Valéry à Sète, Chateaubriand à Combourg, Albert Camus à Lourmarin… n’attirent pas les foules.

Le réseau mis en place par la Fédération des patrimoines littéraires fait son possible pour sauver, maintenir, faire exister les maisons d’écrivains et entretenir des animations. Mais, la littérature semble moins photogénique que le patrimoine bâti, artistique ou naturel.

A moins qu’il ne s’agisse d’un manque de moyens et d’un cloisonnement toujours vivace entre tourisme et culture. Lequel devrait tendre à s’atténuer compte tenu de la Convention signée entre les ministères du tourisme et culture et la volonté de dépasser le cadre mémoriel (exploitation des tombes et lieux de vie et d’inspiration ) afin de donner vie à travers événements et animations pérennes à l’œuvre littéraire elle-même.

En somme, il s’agirait de ne plus se contenter d’une timide exposition dans la Bibliothèque municipale, des restaurants et hôtels qui arborent fièrement le nom des célébrités, de la tombe où l’on se recueille et de quelques promenades sur les traces de l’écrivain ? Mais, est-ce bien possible ? Nous verrons demain comment agissent quelques destinations étrangères


Josette Sicsic
Josette Sicsic
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

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