Jean Belotti :

TourMaG.com - Quel est votre sentiment sur les raisons du crash ?

Jean Belotti :"L'expérience impose la plus grande prudence quant aux avis émis relatifs aux causes des accidents. Or, dès les premières heures, les hypothèses les plus farfelues sont souvent avancées. Pour Concorde, avaient été citées l'existence de criques dans les ailes. Pour un autre accident quelqu'un avait déclaré voir des valises tomber du ciel. etc... Cela étant, toutes les hypothèses sont prises en compte par les enquêteurs, auxquels il appartient d'analyser tous les informations récupérables, en vue de rechercher la cause de l'accident et ses facteurs contributifs."

T.M.com - Est-ce normal que les pilotes n'aient donné aucun signe radio de leurs problèmes ?

J.B. . :"En cas de survenance d'un grave dysfonctionnement, surtout dans une phase à proximité du sol, la première réaction de l'équipage n'est pas d'informer la Tour de contrôle, mais de trouver la parade, afin de récupérer au plus vite la trajectoire normale de l'avion. Dans l'hypothèse où il n'aurait pas pu le faire avant l'écrasement, ce qui a été dit dans le cockpit serait connu par l'exploitation d'une des "boîtes noires" (CVR - Cockpit Voice Recorder)."

T.M.com - Le ministre des transports a évoqué une "perte de puissance" de l'appareil. Cela vous semble-t-il plausible ?

J.B. Cette cause est évidemment plausible. Mais, pour la valider il faut pouvoir expertiser les moteurs et recueillir les paramètres enregistrés dans les boîtes noires CVR et FDR (Flight Data Recorder, qui donne la valeur de nombreux paramètres moteurs : nombre de tours, consommation, température, accélérations,...)."

T.M.com - Pourquoi un avion interdit dans le ciel suisse peut-il voler en France et ailleurs ?

J.B. "Il convient tout d'abord de connaître les raisons (techniques ou commerciales) pour lesquelles cet avion était interdit en Suisse. Ensuite, c'est une question à poser à la Direction Générale de l'Aviation Civile ou à Aéroports de Paris. J'ai déjà été amené à signaler l'existence, sur certains aéroports, de contrôles des avions en stationnement, afin de vérifier leur état de navigabilité, tout en indiquant les surprenants constats qui avaient été faits et les mesures qui avaient été prises.

Mais ces mesures restent des cas isolés. Dans ce domaine, la coopération par des échanges d'informations et des politiques communes n'est pas encore en place, chaque État, en fonction de ses propres contrôles, reste maître de des décisions."

T.M.com - Qu'arrivera-t-il si on ne trouve pas les boîtes noires ?

J.B. L'expérience montre que même à de grandes profondeurs, il est désormais possible de récupérer les boîtes noires. Dans les cas contraire ou dans le cas où le contenu des bandes ne serait inexploitable, de précieuses données manqueraient alors aux enquêteurs. Il reste que l'auscultation de l'épave et des débris peut amener à certains constats permettant de mieux cerner ce qui a pu se passer. Si aucune information fiable n'est obtenue, les enquêteurs en seraient alors réduits à n'émettre que des hypothèses."

Propos recueillis par Jean da LUZ - 06 janvier 2004
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