TourMaG.com, le média spécialiste du tourisme francophone

logo TourMaG  




Jean-Paul Chantraine (ASIA) : "Reprenons ensemble le pouvoir sur le client..."

Portrait de Jean-Paul Chantraine, président d'Asia et vice-président du CETO


Voyagiste en France est le deuxième métier de Jean-Paul Chantraine. Sa première vie professionnelle fut consacrée à la publicité, au marketing et à la communication. Cette expérience, il la mettra au service de son entreprise, Asia, créée en 1986. A l’heure où les rémunérations versées par les producteurs aux distributeurs posent problème, il nous livre ses réflexions sur le métier des uns et des autres avec ce message global : « Reprenons ensemble le pouvoir sur le client... nos sorts sont liés. »


Rédigé par le Vendredi 7 Décembre 2012

Pour JP Chantraine, "l’avenir est au voyage individuel. Nos clients sont tous différents, ils n’ont ni les mêmes goûts ni les mêmes tropismes" - DR
Pour JP Chantraine, "l’avenir est au voyage individuel. Nos clients sont tous différents, ils n’ont ni les mêmes goûts ni les mêmes tropismes" - DR
Jean-Paul Chantraine aime le beau et le respecte.

A Paris, au premier étage d’un hôtel particulier de la Plaine Monceau son bureau en témoigne.

Bureau d’un « passeur d’Asie », comme il se plait à dire, où sont posés sans ostentation les objets rares d’un collectionneur éclairé.

Une œuvre aborigène, deux ou trois divinités asiatiques, un génie birman protecteur des voyageurs. « Il faut lui toucher la tête » me souffle le maître des lieux.

Un grand voyage m’attend. J’obtempère.

Une formation « Marketing » à l’américaine

Etudiant, Jean-Paul Chantraine rêve d’Amérique. Il fera le voyage.

Après deux années à la Northwestern University de Chicago, diplôme MBA option « Marketing » en poche, il se sentait prêt à vivre aux Etats-Unis.

Le choix de cette université ? « Pour la qualité de son enseignement et la valeur de ses maîtres. Ils n’étaient pas de simples professeurs universitaires mais de véritables maîtres en marketing, opérationnels, chefs d’entreprises, hommes d’affaires. Ils faisaient entrer le concret dans l’université ».

Parmi ses maîtres, Philip Kotler considéré comme le chef de file de l’école du Marketing Management.

Pourquoi Chicago ? « C’était une évidence pour son esthétisme et pour le jazz ».

Formé au marketing et à la communication son premier choix serait allé à la Finance, Goldman Sachs à New York. Une rencontre, le mariage le feront revenir à Paris.

Trouver le bénéfice de la marque, la bonne raison d'achat

A Paris, la communication prendra le dessus. Il entre chez Ted Bates, la deuxième agence américaine de publicité qui a une importante filiale en France. Il en sortira douze ans plus tard par la grande porte comme directeur général.

« La publicité est un formidable terrain pour la création, le marketing, le concept. C’est un domaine ouvert qui nous mène dans tous les secteurs. A nous de trouver le bénéfice d’une marque pour le consommateur, à faire valoir la bonne raison d’achat ».

Jean-Paul Chantraine mettra plus tard au service d’Asia son expérience de publicitaire. « Il faut savoir acheter, imaginer, créer, communiquer. Trouver les facteurs discriminants de succès. Ecrire et concevoir des produits ayant des aspérités… »

Derrière ce « bénéfice de l’achat », il y a l’expertise, la connaissance du produit qui seront dans la signatures d’Asia.

On est au milieu des années 80. Jean-Paul Chantraine vient de passer le cap de la quarantaine.

Il a fait le tour de ce que pouvait lui apporter la publicité. Il s’interroge. Patron chez les autres ? Prendre son destin en main ? Créer sa propre entreprise ou en reprendre une ? Il étudie différents projets.

Des camarades d’école lui parlent de tourisme. Un projet sur l’Asie est en gestation. Il s’appelle Transasia. Cela deviendra Asia, « un mot court, tout de suite signifiant ». On est en septembre 1986.

Un spécialiste doit pouvoir créer des produits qui n'existent pas

Pour Jean-Paul Chantraine, un voyagiste qui se dit spécialiste ne peut se contenter d’acheter et d’assembler. Une vraie démarche de conception et de production est indispensable et encore plus avec l’évolution du net.

« Un TO spécialiste doit être un couturier du voyage en accord avec le rêve de chacun de ses clients. Le voyage doit laisser des traces, favoriser l’altérité et enrichir la connaissance et les souvenirs de celui qui le réalise.

Un spécialiste ne peut rester entre quatre murs. Il doit s’implanter, investir. Quand un produit n’existe pas il doit pouvoir le créer. Il doit aller de l’avant, innover.
Chez Asia certains produits pionniers comme le Laos sont devenus des classiques
».

Lui, il a commencé à investir dans des réceptifs asiatiques puis dans la création de produits exclusifs et originaux.

La reconversion de barges en petits bateaux avec cabines naviguant sur le Mékong, un lodge en pleine nature au plus près des minorités du nord de la Thaïlande tel le Lisu Lodge, un centre d’animation culturel qui fera vivre tout un village à Sumatra, un hôtel de charme dans un lieu stratégique… Réalisés discrètement, repris dans la brochure, les exemples se multiplient au fil des ans.

Aujourd’hui Asia compte près de 150 collaborateurs en Asie, employés dans des sociétés dédiées, des filiales, des joint-ventures. En Indonésie, en Chine, au Vietnam réceptifs et produits sont à 100 % Asia.

L'avenir est au voyage individuel

Interrogé en 1990 par l’ami Pierre Amalou, Jean-Paul Chantraine déclarait à la presse « pro » : «… A terme, la distribution devrait être dominée par 4 ou 5 grands réseaux d’au moins 500 agences chacun.

Des réseaux intégrés à l’organisation militaire et des réseaux volontaires où il sera difficile de marier deux tendances antinomiques, l’indépendance et la discipline
».

Et il ajoutait « A l’horizon de 10 ans, la distribution du voyage se développera à travers des agences de marque puis par la distribution directe du producteur au consommateur, télématique, vente par correspondance ». Prospective finement vue.

22 ans plus tard quel futur dessine-t-il au métier ? « J’ai deux convictions. L’avenir est au voyage individuel. Nos clients sont tous différents, ils n’ont ni les mêmes goûts ni les mêmes tropismes.

Dans l’esprit d’Asia, il y a une Asie pour chacun de ses clients ». Il ne met pas en doute pour autant la pérennité des voyages de groupes en circuit.

« Une certaine clientèle refuse de voyager seule et a besoin de la sécurité du groupe. Nous répondons à cette demande avec notre brochure Tentations
»

La distribution est trop globalisante

Siégeant en bonne place au CETO, Jean-Paul Chantraine connaît la complexité des relations qui unissent – ou désunissent – distributeurs et producteurs.

C’est le moment d’aborder un sujet d’actualité, les rémunérations. Il m’interrompt.

« Ce n’est pas LE sujet ! Nous vivons depuis trois ans une incroyable accumulation d’événements catastrophiques sur un fond de crise économique.

Alors que dans sa globalité le marché du tourisme se déploie régulièrement le marché intermédié et à transactions qui passe par les tour-opérateurs et les agences de voyages, stagne ou diminue. Et c’est dans ce contexte que nous observons un coût de distribution de plus en plus élevé !

La distribution est trop globalisante, elle n’a pas de politique suffisamment ciselée.
» Il se fâcherait presque.

Jean-Paul Chantraine n’associe pas le succès du net à l’attrait des prix bas.

« Le net est un formidable outil, facile, rapide, convivial. Il rapproche le monde, le rend plus accessible mais il modifie les comportements d’achats.

Il crée la désintermédiation et complexifie l’activité des voyagistes et des agences. Le coût d’acquisition du client et du traitement de la demande deviennent plus élevés.

L’acte de conseil et de vente devient de plus en plus lourd. Les dossiers sont repris plusieurs fois. Le client est plus difficile à capter, il demande davantage de services. Réaliser un voyage sur mesure devient un challenge.

Pour les voyagistes le net met la barre de plus en plus haut. Et ce n’est plus le seul prix qui importe. Notre enjeu à tous, distributeurs et producteurs, est de reprendre le pouvoir sur le client. C’est notre intérêt commun. Nos sorts sont liés. Évitons d’opposer nos modèles économiques
».

Que les distributeurs produisent et que les producteurs distribuent sont pour lui un fait acquis depuis longtemps. Pas de problème. Encore faut-il que cela soit fait dans le respect de la déontologie, sans distorsion de prix.

Les problèmes ne sont pas liés à la seule rémunértion

Spécialiste du voyage dit « à la carte et sur mesure », ce qui l’insupporte est de voir ses équipes travailler sur des programmes qui sont ensuite envoyés par les agences de voyage à leurs réceptifs pour cotation.

Le débat il le met ailleurs, sur la répartition des rémunérations. N’y aurait-il pas d’autres modèles de rémunération à imaginer d’autres modèles de services à inventer ?

« Mettons-nous autour d’une table. Évitons les rapports de force. Regardons sans polémique dans un esprit libéral, productif et non malthusien les problèmes qui ne sont pas limités aux rémunérations.

Les réseaux doivent reconnaître qu’ils ont dans leurs adhérents des agences différentes. Certaines produisent, certaines revendent, d’autres ont des profils différents de clientèles. Je leur demande d’avoir une réflexion plus fine
».

Le patron d’Asia estime qu’à moyen terme tour-opérateurs et agents de voyages développeront leur métier en adaptant un modèle avec une vraie valeur ajoutée. Et surtout pas de fatalisme, il y a des voies de passage.

En dépit des marques emblématiques qui ont aujourd’hui un genou à terre, ces métiers ont encore de beaux jours devant eux.

Lu 3197 fois

Tags : asia, chantraine
Notez

Nouveau commentaire :

Tous les commentaires discourtois, injurieux ou diffamatoires seront aussitôt supprimés par le modérateur.
Signaler un abus

Dans la même rubrique :
< >

Mercredi 11 Décembre 2024 - 14:17 TUI Group enregistre une belle année 2024





































TourMaG.com
  • Instagram
  • Twitter
  • Facebook
  • YouTube
  • LinkedIn
  • GooglePlay
  • appstore
  • Google News
  • Bing Actus
  • Actus sur WhatsApp
 
Site certifié ACPM, le tiers de confiance - la valeur des médias