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La Badira : "La reprise du tourisme en Tunisie devrait se confirmer en 2023"

l'interview de Mouna Ben Halima, propriétaire et directrice générale de La Badira


Optimiste malgré la fusillade qui a fait 4 morts à Djerba cette semaine, Mouna Ben Halima, propriétaire et directrice générale de La Badira (130 suites), le seul cinq étoiles tunisien membre du réseau The leading hotels of the world, estime que la Tunisie devrait davantage valoriser son patrimoine archéologique et culturel pour développer un tourisme de qualité.


Rédigé par le Vendredi 12 Mai 2023

Mouna ben Halima : "Pour La Badira, l’année 2023 s’annonce encore plus exceptionnelle : nous devrions faire 20 % de plus qu’en 2022." (photo Paula BOYER)
Mouna ben Halima : "Pour La Badira, l’année 2023 s’annonce encore plus exceptionnelle : nous devrions faire 20 % de plus qu’en 2022." (photo Paula BOYER)
TourMaG : Une fusillade vient de faire 4 morts et des blessés sur l’île de Djerba. Le tourisme tunisien va t il en souffrir ?

Mouna Ben Halima : il est trop tôt pour se prononcer. Nous avons évité le pire car les forces de l’ordre ont empêché le tireur d’atteindre la synagogue de Djerba. Quant à l’enquête, elle est en cours.

Cependant, nous n’avons eu, depuis, aucune annulation ni aucun mail de clients inquiets. Donc à priori, je pense que ces événements n’auront pas un impact négatif sur la fréquentation touristique de la Tunisie si notre Ministère de l’intérieur continue de gérer sa communication en toute transparence.

Depuis les attentats de 2015 (au musée du Bardo à Tunis en mars et à Sousse en juin), les autorités tunisiennes ont fait beaucoup d’efforts pour améliorer la sécurité et les opérateurs privés comme les simples citoyens ont appris à être vigilants

TourMaG : Comment se porte le tourisme tunisien ?

Mouna Ben Halima :
En 2022, le tourisme tunisien a fait en volume et en nombre de nuitées environ 70 % de ce qu’il avait fait en 2019, avant le Covid. En revanche, mon hôtel La Badira a dépassé ses niveaux de 2019 et même battu tous ses records depuis l’ouverture en 2015.

Lire aussi : La Tunisie vise le million de touristes pour l'été 2023

Pour La Badira, l’année 2023 s’annonce encore plus exceptionnelle : nous devrions faire 20 % de plus qu’en 2022.


Tunisie : les TO ont été hégémoniques parce qu’ils dominaient l’aérien

Une suite de la Badira, hôtel de Luxe situé à Hammamet en Tunisie - (Photo PB)
Une suite de la Badira, hôtel de Luxe situé à Hammamet en Tunisie - (Photo PB)
TourMaG : Le tourisme tunisien a longtemps souffert de son image « all inclusive » et bon marché. Qu’en est il aujourd’hui ?

Mouna Ben Halima :
Après les attentats de 2015 puis pendant le Covid, nous avons reçu bien moins -voire plus du tout -d’étrangers. De ce fait, nos hôteliers se sont employés à séduire la clientèle locale qui a pris une place qu’elle n’occupait pas auparavant.

C’est cette clientèle locale qui a sauvé à La Badira mais aussi beaucoup d’autres hôtels tunisiens.

Beaucoup d’hôteliers se sont alors rendus compte qu’ils étaient totalement dépendants des tour-opérateurs. Maintenant que la clientèle internationale est de retour, ils ne veulent plus mettre tous leurs œufs dans le même panier. Sans pour autant renoncer au modèle all inclusive, ils veulent moduler et garder une place pour la clientèle locale. Les tours-operateurs continueront donc à être présents mais ils seront moins hégémoniques.

TourMaG : Comment s’explique cette hégémonie des TO ?

Mouna Ben Halima :
les TO ont été hégémoniques parce qu’ils dominaient l’aérien en organisant des vols charters. Avant, il y avait donc Air France qui pratiquait des tarifs élevés et les charters.

Maintenant, la donne a changé. Nous avons notamment Transavia qui dessert la Tunisie. Nous avons aussi une compagnie aérienne privée, Nouvelair, qui organise des vols réguliers. La desserte aérienne du pays s’en trouve améliorée.

Malheureusement, nous sommes toujours dans l’attente de l’open Sky qui serait indispensable pour améliorer vraiment l’accessibilité de notre pays.

TourMaG : Lorsque vous avez ouvert La Badira en 2015, vous avez fait le pari de vous positionner sur le luxe à Hammamet, une station balnéaire plutôt réputée pour le tourisme de masse. N’était-ce pas un pari risqué ?

Mouna Ben Halima :
Je savais que je trouverais une clientèle de luxe -qui est exigeante - en cultivant notre différence, en portant de l’attention aux services et à tous les petits détails à laquelle elle est attentive. Notre Spa qui jusqu’en 2022 était le seul de Tunisie by Clarins a été un atout supplémentaire.

Nous sommes l’hôtel le plus cher de Hammamet (en été, la chambre est à partir de 300 euros, petit déjeuner inclus), nous n’avons pas de buffet, ni pour le déjeuner ni pour le dîner mais seulement deux restaurants à la carte. Cela ne nous empêche pas d’être numéro un à Hammamet sur Booking.com, Tripadvisor ou Expédia.

La Badira : « Il y a une place pour le luxe en Tunisie »

L’Adra, l’un des deux restaurants de La Badira est SPECIALISE dans les saveurs tunisiennes (photo La Badira)
L’Adra, l’un des deux restaurants de La Badira est SPECIALISE dans les saveurs tunisiennes (photo La Badira)
TourMaG : Il y a donc une place pour le luxe en Tunisie ?

Mouna Ben Halima :
Indiscutablement. Au départ beaucoup de gens m’ont traitée de folle, mais j’ai fait la démonstration du contraire.

J’ai prouvé aussi qu’il y existe une clientèle tunisienne pour le luxe. Aujourd’hui, 40 % de mes clients sont Tunisiens, 25 % Français, 8 % Allemands, 8 % Italiens, 8 % Britanniques.

J’ai démontré aussi qu’un hôtel était parfaitement rentable sans passer par les TO. Notre premier canal de vente, c’est notre site internet (60 %). Les agences de voyage et d’évènementiels font 40 % de nos ventes.

Plusieurs projets dont un nouvel hôtel de luxe dans la Medina de Tunis

La Badira, une vue imprenable sur la mer à Hammamet (photo Paula BOYER)
La Badira, une vue imprenable sur la mer à Hammamet (photo Paula BOYER)
TourMaG : Avez vous d’autres projets ?

Mouna Ben Halima :
Avec une amie qui vit à Paris, nous nous sommes associées pour un projet d’hôtel hyper luxe (seulement 12 clés) avec restaurant gastronomique dans un bâtiment du XVIIe siècle dans la médina de Tunis. Il devrait ouvrir en 2026.

Par ailleurs, j’ai acheté un terrain à Hammamet, juste derrière La Badira. Je vais y aménager une dizaine de suites supplémentaires avec piscine privée et cheminée. Le chantier démarrera dans un an.

TourMaG : Aujourd’hui, dans le domaine du luxe, la clientèle ne veut plus seulement des services d’une qualité exceptionnelle, elle veut aussi vivre des expériences authentiques et exclusives. Comment répondez-vous à cette demande ?

Mouna Ben Halima :
Notre cible, des clients à fort pouvoir d’achat -chefs d’entreprise, stars, jet set...- , vient chez nous pour faire un break et se ressourcer. Pour lui assurer le calme qu’elle recherche, nous sommes un hôtel sans enfant (il faut avoir 16 ans pour être admis à La Badira, ndlr).

Nous répondons aussi aux demandes spéciales (week-end et dîner en amoureux, anniversaire de mariage, voyage de noces, etc...) et au besoin d’intimité des clients. Nous proposons aussi à ceux qui veulent sortir des sentiers battus des cours de cuisine tunisienne, des journées chez l’habitant, et aussi, bien sûr, de découvrir une Tunisie différente, par exemple de visiter de petits villages berbères peu connus ou des sites archéologiques romains exceptionnels comme celui de Oudhna.

TourMaG : Pour réussir dans le domaine de luxe en Tunisie, il ne faut donc pas seulement miser sur le balnéaire ?

Mouna Ben Halima :
Le balnéaire est un créneau porteur bien sûr, mais la mise en valeur de notre patrimoine archéologique et culturel en est un autre, qui n’est pas assez mis en avant.

La Tunisie compte 4 ou 5 médinas classées par l’Unesco, et au moins une vingtaine de sites archéologiques d’envergure. C’est dommage qu’ils ne soient pas mieux connus ! Je rêve par exemple d’un hôtel de luxe avec vue sur le site archéologique de Dougga (situé dans le nord-ouest de la Tunisie, il est selon l’Unesco qui l’a classé la petite ville romaine la mieux conservée d’Afrique du Nord, ndlr).

Il y a beaucoup à faire dans ce pays et il y a place pour de nombreux hôtels de luxe, pas seulement pour La Badira. Nous commençons d’ailleurs à avoir des établissements de très bon niveau. C.est encourageant pour l’avenir.

PAULA BOYER Publié par Paula Boyer Responsable rubrique LuxuryTravelMaG - TourMaG.com
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