Il est devenu ces dernières années une préoccupation majeure des acteurs de cette industrie. Un chiffre est révélateur de cette évolution : avec 1,4 milliard de touristes internationaux selon l’OMT, 2018 a été la neuvième année consécutive de croissance pour le secteur. L’OMT s’attendait à franchir ce cap en 2020, mais ses prévisions se sont réalisées deux ans plus tôt.
Plusieurs facteurs expliquent une telle progression.Au-delà des aspects démographiques liés à l’augmentation de la population mondiale, la première raison n’est autre que le développement du tourisme de masse.
La généralisation des congés payés dans beaucoup de pays industrialisés, associée à une augmentation du pouvoir d’achat, a permis à partir des années 1960 d’ouvrir le tourisme à une grande partie de la population mondiale. Cette première vague a été suivie par une seconde, au début des années 2000, avec l’apparition de nouveaux segments de visiteurs venant, entre autres, de Chine.
En parallèle, le coût des voyages a considérablement diminué, sous l’impulsion de la croissance économique du tourisme, mais aussi de l’apparition de nouveaux business modèles, tels que les compagnies aériennes à bas coût ou encore Airbnb.
S’ajoute à cela une tendance générale chez l’ensemble des acteurs du tourisme à rechercher la croissance à tout prix, guidés par le poids que représente le secteur dans de multiples économies. Ce qui favorise le court terme mais sans réfléchir aux potentielles incidences à long terme.
La Covid-19, une occasion inattendue
Aujourd’hui, de nombreux sites touristiques dans le monde sont victimes de leur succès et reçoivent plus de visiteurs que leurs infrastructures ne permettent en théorie d’accueillir.
Les conséquences sont humaines, notamment en ce qui concerne les conditions de vie des populations locales, mais aussi et surtout environnementales : émissions de CO2 et gaz à effet de serre, pollution des espaces naturels, besoin conséquent en énergie et en eau, etc.
La cité inca du Machu Picchu au Pérou a par exemple vu sa fréquentation annuelle passée de 200 000 visiteurs en 1987 à plus de 1 500 000 en 2018, causant ainsi des usures sur la surface en pierre.
Le problème est tel que des initiatives, institutionnelles et individuelles, se font de plus en plus pressantes. L’Unesco a par exemple menacé de retirer la ville croate de Dubrovnik de la liste des sites inscrits au patrimoine mondial de l’humanité si les autorités locales n’y faisaient pas diminuer le nombre de touristes tandis qu’à Venise, les habitants ont manifesté à de nombreuses reprises contre l’impact du nombre de touristes sur leur qualité de vie.
Pour s’attaquer au problème du surtourisme, plusieurs stratégies sont étudiées ou ont déjà été mises en place : de l’éducation des touristes à la fermeture ponctuelle de sites en passant par l’augmentation des prix et des taxes, ou l’étalement des touristes sur des périodes creuses. La portée de ces actions demeure toutefois limitée parce qu’elles viennent de l’intérieur du secteur, c’est-à-dire d’acteurs qui sont eux-mêmes fortement impliqués dans le tourisme.
De précédentes études ont montré que, de façon générale, pour que des changements radicaux aient lieu, un choc externe est nécessaire. Malgré ses conséquences désastreuses sur le secteur, une récente étude considère également la crise du Covid-19 comme une opportunité pour lutter contre le surtourisme.
En raison de son caractère imprévisible, mais aussi de sa puissance inédite, la pandémie de Covid-19 a en effet forcé les acteurs du tourisme à se réinventer.
À Lourdes, un e-pèlerinage
Les auteurs de l’article prennent l’exemple de Lourdes. En tant que troisième pèlerinage au monde, le site a été durement touché par la Covid-19. La mesure la plus importante prise par la structure pour faire face à la crise a été pour le moins radicale : la création du premier pèlerinage virtuel au monde, « Lourdes United ».
Organisé le 16 juillet 2020, ce pèlerinage virtuel a pris la forme d’un marathon de 15 heures, avec de multiples animations en ligne. L’article relate que non seulement Lourdes a largement bénéficié de cette stratégie radicale puisque 80 millions de followers ont assisté à l’événement, mais aussi qu’en passant d’un événement physique à un événement virtuel, Lourdes a trouvé une solution inattendue au problème du surtourisme.
En Thaïlande, le retour de la faune
Un autre exemple intéressant vient de Thaïlande, qui a su utiliser la crise sanitaire pour poursuivre un tourisme plus durable. Plusieurs sites locaux sont depuis longtemps confrontés à un problème de surpopulation, que ce soit Bangkok, Phuket ou encore Maya Bay, générant ainsi de multiples dommages environnementaux. Mais le blocus mondial à la suite de la première vague du Covid-19 a entraîné la fermeture de tous ces sites au public.
Les autorités thaïlandaises ont alors pu observer en conditions réelles dans quelle mesure des actions radicales bénéficient à la lutte contre le surtourisme. La fermeture des parcs pendant la pandémie a par exemple permis à l’habitat naturel de se régénérer et de ramener la faune, comme des baleines et des tortues, sur certains sites.
Fortes de cette expérience forcée, les autorités ont pris la décision de fermer les parcs chaque année pendant deux à quatre mois, à partir de 2021, afin d’améliorer la conservation des zones.
Ce que les exemples de Lourdes et de la Thaïlande soulignent ici, c’est que les circonstances exceptionnelles fournies par la crise du Covid-19 ont permis aux acteurs du tourisme d’adopter des stratégies exceptionnelles qui n’auraient pas pu être prises en temps normal. Malgré ses conséquences désastreuses sur le secteur du tourisme à court et moyen terme, la crise du Covid-19 pourrait donc avoir des conséquences positives à plus long terme.
Damien Chaney, Professor, EM Normandie – UGEI et Hugues Séraphin, Senior Lecturer, University of Winchester
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.