"Les clients n'ont pas confiance en nous lorsqu'ils réservent, car ils ont l'impression de payer trop cher" selon Laurent Recoura - DR
TourMaG.com - La dernière fois que nous nous étions rencontrés, c'était à Oman, en plein désert et vous étiez vice-président d'Oman Air. Qu'en est-il de votre situation professionnelle aujourd'hui ?
Laurent Recoura : j'ai quitté Oman Air au mois d'août 2020, comme 80% des employés expatriés.
Dans le management, c'est encore pire, ils ne sont plus qu'une poignée. La réglementation du travail est devenue très favorable aux employés omanais, puisqu'ils ne peuvent pas être licenciés. Les expatriés sont devenus la seule variable d'ajustement.
Après c'est la règle du jeu, en tant qu'expatrié, c'est une éventualité que nous prenons en compte.
TourMaG.com - Il n'y a plus de visa touristique pour Oman, qu'est devenue la compagnie ?
Laurent Recoura : Depuis quelques jours, le gouvernement omanais a réinstauré les visas touristiques, tout en maintenant une quarantaine à l'arrivée. Dans ces conditions, le trafic tourisme est nul ou presque.
La compagnie a repris des vols régionaux depuis octobre, puis un vol vers Francfort et Londres, plusieurs fois par semaine. Ce sont des vols principalement destinés aux expatriés.
La reprise est très douce et la compagnie ne repartira pas à plein régime, un peu comme les autres acteurs. Toutes les compagnies vont redimensionner leurs flottes un peu partout.
TourMaG.com - Quel regard portez-vous sur l'état de l'aérien au Moyen-Orient ?
Laurent Recoura : Je ne suis qu'un observateur, mais ce que je sais et sens, une compagnie comme Qatar Airways sortira renforcée de cette crise. Elle a commencé sa restructuration, tout en étant très agressive durant cette crise en maintenant les vols.
Mieux encore, elle prend des parts de marché à Emirates. Le modèle de cette dernière est fortement impacté par la crise. Faire des connexions long-courrier, avec l'A380, a été énormément remis en question.
Si la compagnie a des moyens et que derrière il y a la volonté politique de la maintenir à un haut niveau, Emirates va tout de même perdre de sa superbe.
Etihad Airways qui courrait après les deux autres grandes a d'ores et déjà perdu la course. Son modèle va changer, cela ne dépend pas seulement de la crise, mais aussi d'investissements malheureux. La compagnie sera beaucoup plus petite, avec un partenariat fort avec Air Arabia.
Par contre au Moyen-Orient, nous voyons émerger des low cost efficaces et rentables, comme Air Arabia, ou Flydubai. Autre point intéressant, la montée en puissance de l'Arabie Saoudite, avec de nombreuses compagnies à bas coût. Le marché y est en pleine ébullition.
Laurent Recoura : j'ai quitté Oman Air au mois d'août 2020, comme 80% des employés expatriés.
Dans le management, c'est encore pire, ils ne sont plus qu'une poignée. La réglementation du travail est devenue très favorable aux employés omanais, puisqu'ils ne peuvent pas être licenciés. Les expatriés sont devenus la seule variable d'ajustement.
Après c'est la règle du jeu, en tant qu'expatrié, c'est une éventualité que nous prenons en compte.
TourMaG.com - Il n'y a plus de visa touristique pour Oman, qu'est devenue la compagnie ?
Laurent Recoura : Depuis quelques jours, le gouvernement omanais a réinstauré les visas touristiques, tout en maintenant une quarantaine à l'arrivée. Dans ces conditions, le trafic tourisme est nul ou presque.
La compagnie a repris des vols régionaux depuis octobre, puis un vol vers Francfort et Londres, plusieurs fois par semaine. Ce sont des vols principalement destinés aux expatriés.
La reprise est très douce et la compagnie ne repartira pas à plein régime, un peu comme les autres acteurs. Toutes les compagnies vont redimensionner leurs flottes un peu partout.
TourMaG.com - Quel regard portez-vous sur l'état de l'aérien au Moyen-Orient ?
Laurent Recoura : Je ne suis qu'un observateur, mais ce que je sais et sens, une compagnie comme Qatar Airways sortira renforcée de cette crise. Elle a commencé sa restructuration, tout en étant très agressive durant cette crise en maintenant les vols.
Mieux encore, elle prend des parts de marché à Emirates. Le modèle de cette dernière est fortement impacté par la crise. Faire des connexions long-courrier, avec l'A380, a été énormément remis en question.
Si la compagnie a des moyens et que derrière il y a la volonté politique de la maintenir à un haut niveau, Emirates va tout de même perdre de sa superbe.
Etihad Airways qui courrait après les deux autres grandes a d'ores et déjà perdu la course. Son modèle va changer, cela ne dépend pas seulement de la crise, mais aussi d'investissements malheureux. La compagnie sera beaucoup plus petite, avec un partenariat fort avec Air Arabia.
Par contre au Moyen-Orient, nous voyons émerger des low cost efficaces et rentables, comme Air Arabia, ou Flydubai. Autre point intéressant, la montée en puissance de l'Arabie Saoudite, avec de nombreuses compagnies à bas coût. Le marché y est en pleine ébullition.
"il n'est pas sain que la seule variable d'ajustement soit les employés....les structures de coût sont obsolètes"
TourMaG.com - Justement vous avez plus de 30 ans d'expérience dans le management de plusieurs compagnies américaines, asiatiques et du Moyen-Orient. Que regard portez-vous sur la crise ?
Laurent Recoura : Mon analyse de cette crise est simple, nous allons avoir moins de compagnies et surtout plus petites, entre 20 et 30% par rapport à ce que nous avons connu.
La première réaction des compagnies aériennes a été de couper dans leurs effectifs, il n'est pas sain que la seule variable d'ajustement soit les employés.
Cela signifie que les structures de coût des compagnies sont obsolètes, il faut changer cela en profondeur. Notre industrie est très cyclique. Les compagnies passent leur temps à survivre entre deux crises.
Un PDG de Continental Airlines me disait souvent que nous détruisions du capital, cette position n'était pas tenable sur le long terme. Selon lui nous devions nous transformer pour avoir une structure de coût pour passer au travers des crises.
Les compagnies sont un vrai mille-feuille bureaucratique, elles sont très difficiles à bouger.
Après, chaque crise crée des opportunités et je pense qu'il y aura des nouvelles arrivantes. J'ai eu vent de plusieurs projets, dans différentes régions du monde.
Selon moi, c'est le moment pour créer des structures beaucoup plus légères et adaptées au marché. Avec une structure de coût très agressive, il est possible de prendre des parts de marché.
TourMaG.com - Pour revenir à ce que vous avez dit un peu plus haut, peut-être que cette crise est un révélateur d'une structuration des compagnies qui n'est plus adaptée au marché. TAP Air Portugal va licencier un tiers de ses effectifs, Lutfhansa près de 20 000 personnes, etc. Nous avons l'impression que les compagnies ne sont pas en phase avec le marché...
Laurent Recoura : Tout a fait.
J'ai vécu et travaillé 20 ans dans une compagnie américaine (Continental Airlines, ndlr), dans une période où les transporteurs perdaient là-bas beaucoup d'argent. A la fin de mon expérience, l'industrie aérienne américaine avait réussi sa transformation, dans le sens où le marché s'est consolidé.
Il y avait à l'époque beaucoup trop de capacités sur le marché, le nombre de sièges a été réduit pour être en adéquation avec la demande. Sauf que ce travail n'a pas été fait ailleurs dans le monde, dont l'Europe.
Et quand il y a trop de capacités, cela conduit à faire n'importe quoi avec les tarifs.
Laurent Recoura : Mon analyse de cette crise est simple, nous allons avoir moins de compagnies et surtout plus petites, entre 20 et 30% par rapport à ce que nous avons connu.
La première réaction des compagnies aériennes a été de couper dans leurs effectifs, il n'est pas sain que la seule variable d'ajustement soit les employés.
Cela signifie que les structures de coût des compagnies sont obsolètes, il faut changer cela en profondeur. Notre industrie est très cyclique. Les compagnies passent leur temps à survivre entre deux crises.
Un PDG de Continental Airlines me disait souvent que nous détruisions du capital, cette position n'était pas tenable sur le long terme. Selon lui nous devions nous transformer pour avoir une structure de coût pour passer au travers des crises.
Les compagnies sont un vrai mille-feuille bureaucratique, elles sont très difficiles à bouger.
Après, chaque crise crée des opportunités et je pense qu'il y aura des nouvelles arrivantes. J'ai eu vent de plusieurs projets, dans différentes régions du monde.
Selon moi, c'est le moment pour créer des structures beaucoup plus légères et adaptées au marché. Avec une structure de coût très agressive, il est possible de prendre des parts de marché.
TourMaG.com - Pour revenir à ce que vous avez dit un peu plus haut, peut-être que cette crise est un révélateur d'une structuration des compagnies qui n'est plus adaptée au marché. TAP Air Portugal va licencier un tiers de ses effectifs, Lutfhansa près de 20 000 personnes, etc. Nous avons l'impression que les compagnies ne sont pas en phase avec le marché...
Laurent Recoura : Tout a fait.
J'ai vécu et travaillé 20 ans dans une compagnie américaine (Continental Airlines, ndlr), dans une période où les transporteurs perdaient là-bas beaucoup d'argent. A la fin de mon expérience, l'industrie aérienne américaine avait réussi sa transformation, dans le sens où le marché s'est consolidé.
Il y avait à l'époque beaucoup trop de capacités sur le marché, le nombre de sièges a été réduit pour être en adéquation avec la demande. Sauf que ce travail n'a pas été fait ailleurs dans le monde, dont l'Europe.
Et quand il y a trop de capacités, cela conduit à faire n'importe quoi avec les tarifs.
"Les clients n'ont pas confiance en nous lorsqu'ils réservent, car ils ont l'impression de payer trop cher"
TourMaG.com - Avec cette crise nous nous rendons compte que le gigantisme n'était plus à l'honneur. Pensez-vous que les Hubs subsisteront après la crise sanitaire et économique ?
Laurent Recoura : Votre question tombe bien, car il y a un transporteur que nous oublions un peu : Turkish Airlines.
La compagnie se trouve entre deux mondes, si elle n'est pas du Golfe elle en a les recettes, avec un hub important à Istanbul. Contrairement à Emirates, Turkish Airlines a pu déployer des moyen-courriers très performants pour alimenter mon hub à partir de l'Europe.
Pour en revenir à votre question, nous avons des constructeurs qui sortent des appareils de plus en plus performants, en capacité de faire des vols de 17h ou 18h, donc il est possible de passer outre ces hubs.
Dans un aéroport aussi beau soit-il, les passagers veulent de plus en plus éviter de changer d'avion. Je pense que les hubs vont continuer à exister, puis les infrastructures sont bien là, mais d'autres modèles vont s'imposer à l'avenir.
TourMaG.com - Récemment Jean-Louis Baroux annoncé la fin du Yield Management, qu'en pensez -vous ?
Laurent Recoura : Il a raison, je pense que c'est la fin de la dictature du revenu management. Il ne faut pas oublier que cette stratégie a sauvé les compagnies, mais elle crée une relation bizarre avec les passagers.
Ils n'ont pas confiance en nous lorsqu'ils réservent, car ils ont l'impression de payer trop cher. Le système est tellement opaque que le passager lambda ne comprend plus rien.
Avec la crise et ses taux de remplissages faibles, les équipes de revenu management n'ont pas grand-chose à faire.
TourMaG.com - Nous risquons alors d'avoir une hausse des prix du fait de l'endettement croissant des compagnies...
Laurent Recoura : Oui, mais les prix ne sont pas décidés par les compagnies, mais par la valeur que souhaite bien payer un passager.
A la sortie de la crise sanitaire, il nous attend une importante crise économique et sociale, qui pourra alors se payer des vacances aux Maldives ? S'il y aura moins de capacité aérienne, nous parlons aussi d'une réduction de la clientèle pour les compagnies.
Les clients feront des arbitrages et les tarifs suivront aussi le pouvoir d'achat des passagers. Donc je ne vois pas une flambée immédiate des prix. Autre problématique, la clientèle affaires va être durablement impactée par la crise, alors qu'elle était la locomotive des compagnies aériennes.
Je vois un problème de responsabilité de la part des entreprises et des employés en cas de voyages à l'étranger, surtout pour les USA, car les Américains ont une grande culture judiciaire.
Donc les compagnies vont se retrouver à la reprise, avec des clients qui ne génèrent pas beaucoup de marges.
Laurent Recoura : Votre question tombe bien, car il y a un transporteur que nous oublions un peu : Turkish Airlines.
La compagnie se trouve entre deux mondes, si elle n'est pas du Golfe elle en a les recettes, avec un hub important à Istanbul. Contrairement à Emirates, Turkish Airlines a pu déployer des moyen-courriers très performants pour alimenter mon hub à partir de l'Europe.
Pour en revenir à votre question, nous avons des constructeurs qui sortent des appareils de plus en plus performants, en capacité de faire des vols de 17h ou 18h, donc il est possible de passer outre ces hubs.
Dans un aéroport aussi beau soit-il, les passagers veulent de plus en plus éviter de changer d'avion. Je pense que les hubs vont continuer à exister, puis les infrastructures sont bien là, mais d'autres modèles vont s'imposer à l'avenir.
TourMaG.com - Récemment Jean-Louis Baroux annoncé la fin du Yield Management, qu'en pensez -vous ?
Laurent Recoura : Il a raison, je pense que c'est la fin de la dictature du revenu management. Il ne faut pas oublier que cette stratégie a sauvé les compagnies, mais elle crée une relation bizarre avec les passagers.
Ils n'ont pas confiance en nous lorsqu'ils réservent, car ils ont l'impression de payer trop cher. Le système est tellement opaque que le passager lambda ne comprend plus rien.
Avec la crise et ses taux de remplissages faibles, les équipes de revenu management n'ont pas grand-chose à faire.
TourMaG.com - Nous risquons alors d'avoir une hausse des prix du fait de l'endettement croissant des compagnies...
Laurent Recoura : Oui, mais les prix ne sont pas décidés par les compagnies, mais par la valeur que souhaite bien payer un passager.
A la sortie de la crise sanitaire, il nous attend une importante crise économique et sociale, qui pourra alors se payer des vacances aux Maldives ? S'il y aura moins de capacité aérienne, nous parlons aussi d'une réduction de la clientèle pour les compagnies.
Les clients feront des arbitrages et les tarifs suivront aussi le pouvoir d'achat des passagers. Donc je ne vois pas une flambée immédiate des prix. Autre problématique, la clientèle affaires va être durablement impactée par la crise, alors qu'elle était la locomotive des compagnies aériennes.
Je vois un problème de responsabilité de la part des entreprises et des employés en cas de voyages à l'étranger, surtout pour les USA, car les Américains ont une grande culture judiciaire.
Donc les compagnies vont se retrouver à la reprise, avec des clients qui ne génèrent pas beaucoup de marges.
"Il faut laisser faire le marché, mais il est nécessaire d'avoir un régulateur"
TourMaG.com - Alors que les business class étaient les vaches à lait des compagnies aériennes, ces dernières vont se retrouver avec un produit obsolète...
Laurent Recoura : En effet, je ne sais pas si vous avez vu ce que propose Lufthansa.
La compagnie allemande propose un siège business en Economy, sous la forme d'un matelas qui se déroule sur une rangée. Ainsi Lufthansa proposera une position allongée à ses passagers sur un vol de nuit, le tout à un coût bien moindre que sur sa classe Affaires.
Elle a très bien analysé la situation : il sera compliqué de remplir les classes affaires, mais elle a cherché une solution pour tirer plus de revenus de la classe Economy.
Le surclassement à petit prix ne permettra pas de gagner de l'argent, mais c'est en créant de nouveaux produits qu'il sera possible de dégager de la marge.
Actuellement je ne voudrais pas travailler chez Emirates. Avec son A380, elle a 70 sièges Affaires, c'est un sacré challenge de vendre autant de places dans le marché actuel.
TourMaG.com - Reconfigurer les avions serait-ce une solution ?
Laurent Recoura : Reconfigurer un avion est très couteux, puis vous ajoutez la situation économique des compagnies, peu de transporteurs auront les ressources financières pour mener cette opération.
Tout le monde sortira exsangue de la crise, puis reconfigurer une flotte, cela prendra des années. Pour les compagnies ayant massivement investi sur les revenus de la classe affaires, il y a un gros travail de remise à plat de la stratégie à faire.
Les états-majors des compagnies ont en ce moment un seul souci en tête, la transformation des coûts, sans faire de la cosmétique, mais en faisant un travail en profondeur.
Cette crise nous montre que nous pouvons travailler différemment, notamment avec le télétravail, quand je vois que certaines compagnies ont encore des bureaux de représentation à l'étranger, ça n'a pas de sens.
Ce n'est plus les revenus managers qui vont faire rentrer de l'argent dans les compagnies, il est venu le temps des vendeurs.
TourMaG.com - Ces derniers temps, nous voyons que les Etats sont énormément intervenus pour sauver les compagnies. Ne fallait-il pas laisser la crise faire son tri entre les transporteurs ?
Laurent Recoura : Vous savez, les Etats-Unis le pays roi du libéralisme, où le marché dicte sa loi, le gouvernement est toujours intervenu lors des crises.
Lorsqu'une société se met en faillite à l'aide du chapitre 11, c'est en fait une aide plus ou moins déguisée de l'Etat. Ainsi, même le pays le plus libéral du monde a recours à la puissance étatique pour sauver les entreprises en difficulté.
Il faut laisser faire le marché, mais il est nécessaire d'avoir un régulateur, car derrière il y a des milliers d'employés et familles qui dépendent du secteur.
Par contre, la régulation doit être transparente et équitable.
Laurent Recoura : En effet, je ne sais pas si vous avez vu ce que propose Lufthansa.
La compagnie allemande propose un siège business en Economy, sous la forme d'un matelas qui se déroule sur une rangée. Ainsi Lufthansa proposera une position allongée à ses passagers sur un vol de nuit, le tout à un coût bien moindre que sur sa classe Affaires.
Elle a très bien analysé la situation : il sera compliqué de remplir les classes affaires, mais elle a cherché une solution pour tirer plus de revenus de la classe Economy.
Le surclassement à petit prix ne permettra pas de gagner de l'argent, mais c'est en créant de nouveaux produits qu'il sera possible de dégager de la marge.
Actuellement je ne voudrais pas travailler chez Emirates. Avec son A380, elle a 70 sièges Affaires, c'est un sacré challenge de vendre autant de places dans le marché actuel.
TourMaG.com - Reconfigurer les avions serait-ce une solution ?
Laurent Recoura : Reconfigurer un avion est très couteux, puis vous ajoutez la situation économique des compagnies, peu de transporteurs auront les ressources financières pour mener cette opération.
Tout le monde sortira exsangue de la crise, puis reconfigurer une flotte, cela prendra des années. Pour les compagnies ayant massivement investi sur les revenus de la classe affaires, il y a un gros travail de remise à plat de la stratégie à faire.
Les états-majors des compagnies ont en ce moment un seul souci en tête, la transformation des coûts, sans faire de la cosmétique, mais en faisant un travail en profondeur.
Cette crise nous montre que nous pouvons travailler différemment, notamment avec le télétravail, quand je vois que certaines compagnies ont encore des bureaux de représentation à l'étranger, ça n'a pas de sens.
Ce n'est plus les revenus managers qui vont faire rentrer de l'argent dans les compagnies, il est venu le temps des vendeurs.
TourMaG.com - Ces derniers temps, nous voyons que les Etats sont énormément intervenus pour sauver les compagnies. Ne fallait-il pas laisser la crise faire son tri entre les transporteurs ?
Laurent Recoura : Vous savez, les Etats-Unis le pays roi du libéralisme, où le marché dicte sa loi, le gouvernement est toujours intervenu lors des crises.
Lorsqu'une société se met en faillite à l'aide du chapitre 11, c'est en fait une aide plus ou moins déguisée de l'Etat. Ainsi, même le pays le plus libéral du monde a recours à la puissance étatique pour sauver les entreprises en difficulté.
Il faut laisser faire le marché, mais il est nécessaire d'avoir un régulateur, car derrière il y a des milliers d'employés et familles qui dépendent du secteur.
Par contre, la régulation doit être transparente et équitable.
"Tout ce que nous savons du passé, cela n'a plus aucune valeur"
TourMaG.com - Avec une intervention aussi importante des Etats, nous empêchons peut-être la constitution d'un géant européen et une consolidation du marché, vous ne pensez pas ?
Laurent Recoura : Ce n'est pas aussi évident, prenez les exemples de SAS et d'Air France-KLM, ces alliances ne sont pas un long fleuve tranquille. Il existe plein de bonnes raisons pour que la naissance d'une grande compagnie européenne n'existe pas.
Nous parlons de cultures d'entreprise très différentes, de règles aussi qui ne sont pas les mêmes, puis il y a les orgueils nationaux, les egos, etc. Vous savez les compagnies ne meurent pas facilement, elles ne disparaissent pas, car il y a une représentation nationale liée à la celles-ci.
TourMaG.com - Il existe assez peu de marchés, où les Etats interviennent autant...
Laurent Recoura : Un PDG qui m'a fortement marqué chez Continental, me disait : nous sommes dans une industrie parmi les plus taxées au monde.
Aux USA, elles sont plus taxées que les constructeurs d'armes ou alcool, quelque part nous sommes considérés comme plus dangereux que ces produits.
Nous sommes aussi la vache à lait de tout un système, il ne faut pas oublier. Une compagnie nationale a une dimension stratégique au niveau de la souveraineté d'un Etat.
Par exemple, pour l'acheminement des vaccins, seules les compagnies aériennes pourront permettre un déploiement rapide des vaccins contre la covid-19. Personne ne peut se permettre de détruire un outil stratégique.
Je vous rejoins, nous sommes entre deux mondes, en ayant besoin de l'Etat, tout en étant soumis aux aléas du capitalisme.
TourMaG.com - Avec la crise, nous allons donc vers toujours plus de présence étatique...
Laurent Recoura : Regardez Ryanair, financièrement, nous parlons de la compagnie qui sortira en meilleure forme de cette crise.
Pendant qu'Air France, KLM ou Lufthansa ont recours à des aides massives de l'Etat, la low cost irlandaise ne bénéficie de rien, sans s'effondrer.
Il est intéressant de remarquer que Ryanair était la compagnie la plus rentable avant la crise et sortira de celle-ci avec un trésor de guerre que les autres non pas. Pourquoi ce constat ? Car elle maîtrise ses coûts.
Ce n'est pas forcément la compagnie préférée des passagers, mais cela marche. C'est un modèle extrême, mais toute l'industrie ne pourra pas et ne voudra pas se transformer en Ryanair.
Le problème actuel étant que des compagnies ont des images qui ne collent pas à leurs revenus. Il ne faut plus donner de services si la compagnie n'en a pas les moyens.
Les services doivent devenir payants.
TourMaG.com - Les compagnies vont aussi devoir composer avec le retour des Boeing 737 Max. La reconquête de la confiance des clients dans cet appareil ne sera pas une mince affaire. Qu'en pensez-vous ?
Laurent Recoura : S'il n'y avait pas eu la crise sanitaire, le Boeing 737 Max sera en une de l'actualité. Sauf qu'il y a tellement d'autres sujets plus importants, que les Boeing 737 Max vont revenir en circulation, sans qu'ils ne fassent la Une.
Enfin, cela fait parler entre nous, les professionnels du secteur, mais pas au niveau du grand public. Le souci numéro un d'un passager lorsqu'il voyage étant de savoir s'il ne risque pas d'attraper la covid-19.
Le problème qu'il y a avec cet appareil, c'est que les compagnies ont commandé cet appareil à une certaine période. Désormais elles réduisent leur flotte et les 737 Max arrivent.
Avec cette crise, le prix du pétrole s'est effondré, ce qui a prolongé la vie des avions les moins performants, le prix des leasings ont chuté. Tout ce que nous pensions savoir s'effondre.
Pour fixer les prix, nous regardons dans le passé, pour connaître les comportements d'achat, sauf que tout ce nous savons du passé, cela n'a plus aucune valeur.
Une nouvelle ère s'ouvre.
Laurent Recoura : Ce n'est pas aussi évident, prenez les exemples de SAS et d'Air France-KLM, ces alliances ne sont pas un long fleuve tranquille. Il existe plein de bonnes raisons pour que la naissance d'une grande compagnie européenne n'existe pas.
Nous parlons de cultures d'entreprise très différentes, de règles aussi qui ne sont pas les mêmes, puis il y a les orgueils nationaux, les egos, etc. Vous savez les compagnies ne meurent pas facilement, elles ne disparaissent pas, car il y a une représentation nationale liée à la celles-ci.
TourMaG.com - Il existe assez peu de marchés, où les Etats interviennent autant...
Laurent Recoura : Un PDG qui m'a fortement marqué chez Continental, me disait : nous sommes dans une industrie parmi les plus taxées au monde.
Aux USA, elles sont plus taxées que les constructeurs d'armes ou alcool, quelque part nous sommes considérés comme plus dangereux que ces produits.
Nous sommes aussi la vache à lait de tout un système, il ne faut pas oublier. Une compagnie nationale a une dimension stratégique au niveau de la souveraineté d'un Etat.
Par exemple, pour l'acheminement des vaccins, seules les compagnies aériennes pourront permettre un déploiement rapide des vaccins contre la covid-19. Personne ne peut se permettre de détruire un outil stratégique.
Je vous rejoins, nous sommes entre deux mondes, en ayant besoin de l'Etat, tout en étant soumis aux aléas du capitalisme.
TourMaG.com - Avec la crise, nous allons donc vers toujours plus de présence étatique...
Laurent Recoura : Regardez Ryanair, financièrement, nous parlons de la compagnie qui sortira en meilleure forme de cette crise.
Pendant qu'Air France, KLM ou Lufthansa ont recours à des aides massives de l'Etat, la low cost irlandaise ne bénéficie de rien, sans s'effondrer.
Il est intéressant de remarquer que Ryanair était la compagnie la plus rentable avant la crise et sortira de celle-ci avec un trésor de guerre que les autres non pas. Pourquoi ce constat ? Car elle maîtrise ses coûts.
Ce n'est pas forcément la compagnie préférée des passagers, mais cela marche. C'est un modèle extrême, mais toute l'industrie ne pourra pas et ne voudra pas se transformer en Ryanair.
Le problème actuel étant que des compagnies ont des images qui ne collent pas à leurs revenus. Il ne faut plus donner de services si la compagnie n'en a pas les moyens.
Les services doivent devenir payants.
TourMaG.com - Les compagnies vont aussi devoir composer avec le retour des Boeing 737 Max. La reconquête de la confiance des clients dans cet appareil ne sera pas une mince affaire. Qu'en pensez-vous ?
Laurent Recoura : S'il n'y avait pas eu la crise sanitaire, le Boeing 737 Max sera en une de l'actualité. Sauf qu'il y a tellement d'autres sujets plus importants, que les Boeing 737 Max vont revenir en circulation, sans qu'ils ne fassent la Une.
Enfin, cela fait parler entre nous, les professionnels du secteur, mais pas au niveau du grand public. Le souci numéro un d'un passager lorsqu'il voyage étant de savoir s'il ne risque pas d'attraper la covid-19.
Le problème qu'il y a avec cet appareil, c'est que les compagnies ont commandé cet appareil à une certaine période. Désormais elles réduisent leur flotte et les 737 Max arrivent.
Avec cette crise, le prix du pétrole s'est effondré, ce qui a prolongé la vie des avions les moins performants, le prix des leasings ont chuté. Tout ce que nous pensions savoir s'effondre.
Pour fixer les prix, nous regardons dans le passé, pour connaître les comportements d'achat, sauf que tout ce nous savons du passé, cela n'a plus aucune valeur.
Une nouvelle ère s'ouvre.