"Le tourisme de masse est aussi révélateur d'un mépris de classe. Autrefois seules les personnes fortunées faisaient du tourisme, en raison du prix élevé de l'activité, maintenant il est nettement plus accessible. Si nous réservons l'activité à quelques happy few, alors il n'y aura plus de probème" selon Nicolas Martin, le DG de l'Office de Tourisme du Pays Basque - Crédit photo : Depositphotos @underworld1
TourMaG.com - Avant de vous faire réagir par rapport à votre long post Facebook sur le tourisme et surtout sa signification qui est maintenant devenue péjorative pour un grand nombre, quel bilan dressez-vous de l'été ? Même si je l'ai bien compris, vous n'appréciez pas vraiment cet exercice tel qu'il est exposé dans les médias grand public.
Nicolas Martin : C'est une saison, comme l'année dernière, atypique. Elle n'est comparable à aucune autre, hors coronavirus.
Sur le plan de l'activité touristique, le bilan est plutôt positif. Au niveau des nuitées nous serons en progression par rapport à l'année dernière, avec malgré tout des différences.
La météo n'a pas été favorable, avec un été frais et pas très ensoleillé, donc nous n'avons pas observé les mêmes phénomènes de consommation. La plage et la montagne ont été délaissées, pour les villes et les villages.
Si nous constatons un plus grand nombre de nuitées, il y a eu paradoxalement moins de monde sur notre territoire. Nous avons moins eu l'impression de foule, de voitures et bouchons. Ce phénomène s'explique par le fait que les locaux ont retrouvé le chemin des vacances en dehors de leur région.
Les Basques ont quitté cette fois-ci leur territoire, dans le même temps ceux qui avaient une résidence secondaire sont aussi moins venus. Cela s'explique par la mauvaise météo, mais aussi parce que ces dernières étaient moins occupées par les familles ou amis des propriétaires.
Pour résumer, les gens ont eu l'impression qu'il y avait moins de monde, moins de touristes, mais la fréquentation touristique (nuitées touristiques, ndlr) sera supérieure à l'année dernière.
Nicolas Martin : C'est une saison, comme l'année dernière, atypique. Elle n'est comparable à aucune autre, hors coronavirus.
Sur le plan de l'activité touristique, le bilan est plutôt positif. Au niveau des nuitées nous serons en progression par rapport à l'année dernière, avec malgré tout des différences.
La météo n'a pas été favorable, avec un été frais et pas très ensoleillé, donc nous n'avons pas observé les mêmes phénomènes de consommation. La plage et la montagne ont été délaissées, pour les villes et les villages.
Si nous constatons un plus grand nombre de nuitées, il y a eu paradoxalement moins de monde sur notre territoire. Nous avons moins eu l'impression de foule, de voitures et bouchons. Ce phénomène s'explique par le fait que les locaux ont retrouvé le chemin des vacances en dehors de leur région.
Les Basques ont quitté cette fois-ci leur territoire, dans le même temps ceux qui avaient une résidence secondaire sont aussi moins venus. Cela s'explique par la mauvaise météo, mais aussi parce que ces dernières étaient moins occupées par les familles ou amis des propriétaires.
Pour résumer, les gens ont eu l'impression qu'il y avait moins de monde, moins de touristes, mais la fréquentation touristique (nuitées touristiques, ndlr) sera supérieure à l'année dernière.
Pass sanitaire : "il a mis un gros coup de frein pour les réservations de septembre"
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TourMaG.com - Le pass sanitaire a-t-il été un frein ?
Nicolas Martin : Il n'a pas mis un coup d'arrêt aux vacances estivales, mais il a mis un gros coup de frein pour les réservations de septembre.
Celles-ci sont à un niveau beaucoup plus faible que d'habitude. Dans les anticipations nous sentons que les réservations sont moins bonnes pour l'automne. En revanche, le pass sanitaire a été compliqué pour tous les métiers de la restauration qui étaient déjà sous staffés, ils ont dû s'adapter.
TourMaG.com - Habituellement, les Espagnols fréquentent habituellement les régions limitrophes, sont-ils venus jusqu'au Pays Basque ?
Nicolas Martin : Autant, les Basques ne sont pas allés en Espagne, autant les Espagnols ne sont pas venus chez nous, du moins il n'y a pas eu de rush.
Les règles pour passer la frontière n'étaient pas très claires, finalement le flou n'a pas favoriser les échanges.
TourMaG.com - Que représentent les touristes étrangers dans la région ?
Nicolas Martin : La part des voyageurs étrangers est assez faible dans le Pays Basque, avec seulement 13% de visiteurs étrangers dans notre clientèle. Globalement, nous sommes beaucoup moins impactés que Paris ou la Côte d'Azur par la baisse des touristes étrangers.
Lors de l'été 2021, les Allemands, les Néerlandais, les Suisses ou encore les Belges sont bien revenus par rapport à 2020, par contre les Anglais ne sont pas revenus. Après nous n'avons jamais eu une réelle clientèle long-courrier.
Nicolas Martin : Il n'a pas mis un coup d'arrêt aux vacances estivales, mais il a mis un gros coup de frein pour les réservations de septembre.
Celles-ci sont à un niveau beaucoup plus faible que d'habitude. Dans les anticipations nous sentons que les réservations sont moins bonnes pour l'automne. En revanche, le pass sanitaire a été compliqué pour tous les métiers de la restauration qui étaient déjà sous staffés, ils ont dû s'adapter.
TourMaG.com - Habituellement, les Espagnols fréquentent habituellement les régions limitrophes, sont-ils venus jusqu'au Pays Basque ?
Nicolas Martin : Autant, les Basques ne sont pas allés en Espagne, autant les Espagnols ne sont pas venus chez nous, du moins il n'y a pas eu de rush.
Les règles pour passer la frontière n'étaient pas très claires, finalement le flou n'a pas favoriser les échanges.
TourMaG.com - Que représentent les touristes étrangers dans la région ?
Nicolas Martin : La part des voyageurs étrangers est assez faible dans le Pays Basque, avec seulement 13% de visiteurs étrangers dans notre clientèle. Globalement, nous sommes beaucoup moins impactés que Paris ou la Côte d'Azur par la baisse des touristes étrangers.
Lors de l'été 2021, les Allemands, les Néerlandais, les Suisses ou encore les Belges sont bien revenus par rapport à 2020, par contre les Anglais ne sont pas revenus. Après nous n'avons jamais eu une réelle clientèle long-courrier.
"Il y a un vrai enjeu qui est de redonner un sens positif au tourisme"
TourMaG.com - Pour en revenir à votre post Facebook, au tout début de celui-ci, vous vous interrogez, sur le mot même "tourisme". Pourquoi vous interrogez-vous sur ce mot ? Vous trouvez qu'il est mal traité ?
Nicolas Martin : C'est une lapalissade de dire, que le tourisme est devenu un gros mot !
Globalement ce qui est vrai dans le Pays Basque ou ailleurs, ça n'a jamais été une industrie noble en France, mais surtout ça l'est de moins en moins.
Vous rajoutez à cela le terme abominable du tourisme de masse, avec tout ce que nous mettons derrière. Si ce n'est les gens qui travaillent dans l'industrie, la vision est généralement négative.
Le tourisme est devenu péjoratif, car nous l'enfermons seulement dans le business. Il y a un vrai enjeu qui est de redonner un sens positif au tourisme, montrer que ce ne sont pas seulement des gens qui viennent consommer, mais aussi des personnes qui enrichissent les territoires.
TourMaG.com - Selon vous il faut sortir des seuls indicateurs que nous avons ?
Nicolas Martin : Nous devons redéfinir les indicateurs que nous mettons en place pour déterminer si le rapport au territoire est positif ou négatif.
En France si ce n'est les nuitées, nous ne savons pas comptabiliser grand-chose.
De nombreux territoires traitent le sujet du tourisme décarboné, après nous manquons d'outils de mesure. Pour dire ce qu'est un touriste décarboné, il faut être en mesure de calculer son empreinte carbone par rapport aux habitants.
Malheureusement nous n'avons aucune de ces deux données.
Nous ne sommes pas en capacité de se fixer des objectifs, si ce n'est celui du nombre de touristes ou de la dépense moyenne.
Nicolas Martin : C'est une lapalissade de dire, que le tourisme est devenu un gros mot !
Globalement ce qui est vrai dans le Pays Basque ou ailleurs, ça n'a jamais été une industrie noble en France, mais surtout ça l'est de moins en moins.
Vous rajoutez à cela le terme abominable du tourisme de masse, avec tout ce que nous mettons derrière. Si ce n'est les gens qui travaillent dans l'industrie, la vision est généralement négative.
Le tourisme est devenu péjoratif, car nous l'enfermons seulement dans le business. Il y a un vrai enjeu qui est de redonner un sens positif au tourisme, montrer que ce ne sont pas seulement des gens qui viennent consommer, mais aussi des personnes qui enrichissent les territoires.
TourMaG.com - Selon vous il faut sortir des seuls indicateurs que nous avons ?
Nicolas Martin : Nous devons redéfinir les indicateurs que nous mettons en place pour déterminer si le rapport au territoire est positif ou négatif.
En France si ce n'est les nuitées, nous ne savons pas comptabiliser grand-chose.
De nombreux territoires traitent le sujet du tourisme décarboné, après nous manquons d'outils de mesure. Pour dire ce qu'est un touriste décarboné, il faut être en mesure de calculer son empreinte carbone par rapport aux habitants.
Malheureusement nous n'avons aucune de ces deux données.
Nous ne sommes pas en capacité de se fixer des objectifs, si ce n'est celui du nombre de touristes ou de la dépense moyenne.
"Nous avons un bouc émissaire tout trouvé avec Airbnb, c'est un peu trop facile"
TourMaG.com - Il faut sortir de la vision économique du tourisme pour le rendre plus noble et vertueux...
Nicolas Martin : C'est très complexe, nous allons devoir avoir des indicateurs autres qu'économiques, même si ces derniers sont importants.
Le tourisme est une formidable opportunité d'éducation, avec la rencontre de l'autre et le partage. Aujourd'hui quand un touriste vient au Pays Basque ou ailleurs en France, nous sommes incapables de dire le nombre d'interactions qu'il aura avec les habitants locaux.
Et pour fixer un objectif, il me faut un indicateur et un outil de mesure. Pour que nous souhaitons que le tourisme soit une opportunité pour les artistes locaux, nous devons trouver des moments et des vecteurs de rencontres entre ces deux publics.
Si ce n'est le Voyage à Nantes qui en a fait le cœur de sa stratégie, partout ailleurs, nous sommes dans un tourisme drivé par l'économie. La clé d'acceptation de notre activité par les habitants passe par ça et je peux vous dire que cela va devenir un vrai sujet.
TourMaG.com - Vous dénoncez le fait que le développement touristique est incontrôlé, nous pouvons constater les méfaits d'Aibnb ou autres, mais nous ne voyons personne en mesure de le contrôler.
Nicolas Martin : Le monde n'est pas binaire, concrètement sur les sujets d'urbanisme qui sont complexes et sur du temps long, nous avons un bouc émissaire tout trouvé avec Airbnb.
C'est un peu facile, car ça occulte d'autres problèmes et phénomènes.
Lorsque je suis sorti de mes études et j'ai trouvé un petit boulot, déjà à cette époque pour se loger dans le Pays Basque c'était très compliqué. Les propriétaires préférant des locations saisonnières, puisque plus lucratives.
Ce n'est pas tout, la baisse de la population dans les arrondissements centraux de Paris a débuté, il y a plusieurs décennies, bien avant l'arrivée d'Airbnb.
A se focaliser sur cette entreprise, nous négligeons sans doute d'autres pistes de réflexion sur la gentrification, la vente des biens à des étrangers plus fortunés, etc.
L'urbanisme et le transport sont des sujets complexes, il n'est pas possible de construire une ligne de TGV en quelques semaines, ni même requalifier une ville. Il ne peut pas y avoir de stratégie homogène sur toute la France.
Le tourisme a très longtemps été rattaché au commerce extérieur, le caser dans un tiroir a aussi ses conséquences, comme de l'orienter vers le business.
Si demain vous le casez avec la culture cela ne changera pas mal de chose.
Nicolas Martin : C'est très complexe, nous allons devoir avoir des indicateurs autres qu'économiques, même si ces derniers sont importants.
Le tourisme est une formidable opportunité d'éducation, avec la rencontre de l'autre et le partage. Aujourd'hui quand un touriste vient au Pays Basque ou ailleurs en France, nous sommes incapables de dire le nombre d'interactions qu'il aura avec les habitants locaux.
Et pour fixer un objectif, il me faut un indicateur et un outil de mesure. Pour que nous souhaitons que le tourisme soit une opportunité pour les artistes locaux, nous devons trouver des moments et des vecteurs de rencontres entre ces deux publics.
Si ce n'est le Voyage à Nantes qui en a fait le cœur de sa stratégie, partout ailleurs, nous sommes dans un tourisme drivé par l'économie. La clé d'acceptation de notre activité par les habitants passe par ça et je peux vous dire que cela va devenir un vrai sujet.
TourMaG.com - Vous dénoncez le fait que le développement touristique est incontrôlé, nous pouvons constater les méfaits d'Aibnb ou autres, mais nous ne voyons personne en mesure de le contrôler.
Nicolas Martin : Le monde n'est pas binaire, concrètement sur les sujets d'urbanisme qui sont complexes et sur du temps long, nous avons un bouc émissaire tout trouvé avec Airbnb.
C'est un peu facile, car ça occulte d'autres problèmes et phénomènes.
Lorsque je suis sorti de mes études et j'ai trouvé un petit boulot, déjà à cette époque pour se loger dans le Pays Basque c'était très compliqué. Les propriétaires préférant des locations saisonnières, puisque plus lucratives.
Ce n'est pas tout, la baisse de la population dans les arrondissements centraux de Paris a débuté, il y a plusieurs décennies, bien avant l'arrivée d'Airbnb.
A se focaliser sur cette entreprise, nous négligeons sans doute d'autres pistes de réflexion sur la gentrification, la vente des biens à des étrangers plus fortunés, etc.
L'urbanisme et le transport sont des sujets complexes, il n'est pas possible de construire une ligne de TGV en quelques semaines, ni même requalifier une ville. Il ne peut pas y avoir de stratégie homogène sur toute la France.
Le tourisme a très longtemps été rattaché au commerce extérieur, le caser dans un tiroir a aussi ses conséquences, comme de l'orienter vers le business.
Si demain vous le casez avec la culture cela ne changera pas mal de chose.
"Le tourisme de masse est aussi révélateur d'un mépris de classe"
TourMaG.com - Quand vous voyez la région PACA ou d'autre se féliciter des chiffres de fréquentation, alors que Marseille fait + 20% par rapport à 2019, n'est-ce-pas dangereux et contre-productif ?
Nicolas Martin : Il y aura toujours plus de dichotomie entre ces communiqués de presse triomphant, après chaque saison estivale, et la perception des locaux.
Vous comprenez mieux, les questionnements que je soulève.
Après pour avoir la data et les indicateurs, il faut mener des études d'observations, mais ça coûte cher. Nous investissons bien moins que l'Espagne sur ce sujet.
Cette observation devrait être décentralisée et non nationale, car chaque territoire est différent.
TourMaG.com - Quel est le problème du tourisme de masse ?
Nicolas Martin : Je sais bien ce qu'est le tourisme de masse à Venise, Barcelone ou encore Amsterdam, dans l'ère avant le coronavirus. En France, il n'y a pas de tourisme de masse, nous ne sommes pas sur ce modèle-là, comme sur la Costa Brava ou Cancun.
Je ne dis pas qu'il n'y a pas un peu trop de monde par moment à certains endroits, mais nous parlons de quelques semaines par an, contrairement à 11 mois à Venise ou Barcelone.
Le tourisme de masse est aussi révélateur d'un mépris de classe. Autrefois seules les personnes fortunées faisaient du tourisme, en raison du prix élevé de l'activité, maintenant il est nettement plus accessible.
Si nous réservons l'activité à quelques happy few, alors il n'y aura plus de problème (ironique).
Nicolas Martin : Il y aura toujours plus de dichotomie entre ces communiqués de presse triomphant, après chaque saison estivale, et la perception des locaux.
Vous comprenez mieux, les questionnements que je soulève.
Après pour avoir la data et les indicateurs, il faut mener des études d'observations, mais ça coûte cher. Nous investissons bien moins que l'Espagne sur ce sujet.
Cette observation devrait être décentralisée et non nationale, car chaque territoire est différent.
TourMaG.com - Quel est le problème du tourisme de masse ?
Nicolas Martin : Je sais bien ce qu'est le tourisme de masse à Venise, Barcelone ou encore Amsterdam, dans l'ère avant le coronavirus. En France, il n'y a pas de tourisme de masse, nous ne sommes pas sur ce modèle-là, comme sur la Costa Brava ou Cancun.
Je ne dis pas qu'il n'y a pas un peu trop de monde par moment à certains endroits, mais nous parlons de quelques semaines par an, contrairement à 11 mois à Venise ou Barcelone.
Le tourisme de masse est aussi révélateur d'un mépris de classe. Autrefois seules les personnes fortunées faisaient du tourisme, en raison du prix élevé de l'activité, maintenant il est nettement plus accessible.
Si nous réservons l'activité à quelques happy few, alors il n'y aura plus de problème (ironique).
Le post Facebook de Nicolas Martin sur le tourisme :
Nous avons réalisé l'interview en fin de semaine dernière.
Nicolas Martin deviendra à partir du 1er septembre 2021 le directeur général de l’Office de Tourisme et des Congrès de La Rochelle. Il occupait au paravant le poste de directeur généal de l'Office de Tourisme du Pays basque.
Nicolas Martin deviendra à partir du 1er septembre 2021 le directeur général de l’Office de Tourisme et des Congrès de La Rochelle. Il occupait au paravant le poste de directeur généal de l'Office de Tourisme du Pays basque.