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Les aéroports français à l’aube d'une révolution multimodale et énergétique

Congrès de l'UAF à Paris


La deuxième journée du congrès de L’UAF (Union des Aéroports Français) était consacrée à l’organisation de plusieurs table rondes pour échanger sur la façon dont les aéroports devaient s’approprier les nouvelles missions qu’impliquent la révolution climatique et énergétique mais aussi se faire entendre sur la nécessité de réformer une régulation aéroportuaire qui n’est plus adaptée aux nouveaux défis. Une journée de débats qui s’est achevée avec la signature d’une charte d’engagement des acteurs du transport aérien français en faveur de la qualité de service.
De la réussite de leur mutation en plateformes multimodales et hubs énergétiques dépend aussi la future attractivité des aéroports.


Rédigé par le Mardi 29 Novembre 2022

Trafic : La France fait mieux que ses voisins - Thomas Juin, Président de l'UAF & FA - Photo CH
Trafic : La France fait mieux que ses voisins - Thomas Juin, Président de l'UAF & FA - Photo CH
L’union des aéroports français et francophones avec son Président Thomas Juin, tenait la semaine dernière son congrès annuel.

Réunis sous le Beffroi de Montrouge en région parisienne, le lieu était tout trouvé pour sonner le tocsin d’une mise en ordre de bataille sur plusieurs fronts : rester compétitif, réussir les mutations de la multimodalité et fournir de nouvelles énergies.

Avec un enjeu majeur : l’attractivité


En Europe, une reprise très différenciée

Olivier Jankovec,Directeur général d’Airport Council International (ACI) Europe
Olivier Jankovec,Directeur général d’Airport Council International (ACI) Europe
Avant les débats, Olivier Jankovec, le directeur général d’Airport Council International (ACI) Europe, la branche européenne du Conseil international des aéroports a dressé un état delà situation des aéroports européens.

A l’instar des compagnies aériennes, il s’est félicité d’un « très bon été au-delà même de nos espérances » .

Malgré des volumes encore inférieurs à 2019 (- 12% au troisième trimestre ) il a souligné une demande qui reste forte et qui défie les tensions géopolitiques, un environnement macroéconomique qui se détériore avec la perspective d’une récession pour la zone euro l’année prochaine.

La reprise est donc là mais très différenciée selon les marchés nationaux ou l’impact de la guerre en Ukraine redistribue les cartes. En Finlande et en Lettonie la fréquentation reste à – 30% mais a l’inverse les aéroports du sud comme ceux en Grèce performent à + 5%.

Lire aussi : Aéroports français : malgré une reprise en 2021, la crise s'est poursuivie

Différentiels aussi entre catégories d’aéroports. Les grands hubs et aéroports de plus de 25 millions de passagers sont encore handicapés par la fermeture de plusieurs marchés asiatiques et notamment la Chine.
Sans surprise, les bases low cost sont, elles aussi, en bonne forme en cette fin d’année 2022.

La France fait mieux que ses voisins

Dans ce contexte, la France tire son épingle du jeu, surtout vis-à-vis de ses voisins.

Toujours en comparaison avec l’année 2019, devenue le « mètre étalon » de la performance, alors que l’Allemagne est à – 26% et le Royaume Uni à – 18%, les aéroports français sont à -14% une « bonne » surprise pour Thomas Juin qui pensait en février 2022 finir l’année à – 30%.

Même si le bilan est bon, Olivier Jankovec a tenu a rappeler les fragilités du secteur et particulièrement la situation économique et financière des aéroports, mise à mal par la crise du covid.

Avec encore des volumes de fréquentation inférieurs, les revenus sont encore trop faibles alors que les pressions inflationnistes, les investissements, tirent les coûts vers le haut et que les aéroports européens ont pendant la crise accumulé une dette supplémentaire de 60 milliards d’euros « qu’il faudra bien rembourser » avec en plus des besoins en investissements très conséquents concernant la décarbonation, la digitalisation et la qualité de service estimés entre 300 et 400 milliards pour les dix prochaines années.

La régulation aéroportuaire pomme de discorde entre les aéroports et les compagnies

Laurent Timsit, Délégué Général FNAM (à gauche) fait face à Tanguy Bertolus Président du Directoire Aéroports de Lyon
Laurent Timsit, Délégué Général FNAM (à gauche) fait face à Tanguy Bertolus Président du Directoire Aéroports de Lyon
Après ce point sur la situation en Europe, les débats se sont ouverts sur l’écosystème français dans lequel évoluent les aéroports du territoire et particulièrement la régulation aéroportuaire mise en place pour éviter des abus de positions dominantes (hausses de tarif excessives, baisse de la qualité de service)

Tanguy Bertolus, Président du Directoire d’Aéroports de Lyon s’est chargé de faire le constat que dans un marché du transport aérien en constante évolution avec notamment le modèle low cost qui s’impose, la mise en concurrence des aéroports, le corpus règlementaire établi entre 2005 et 2011 n’est plus forcement adapté aux enjeux des prochaines années.

Plusieurs principes de régulations préoccupent les gestionnaires d’aéroports.

Sur la juste rentabilité des capitaux investis, les cadrages définis par le régulateur et pouvant donner lieu à imposer des baisses de redevances ne reflètent plus la réalité économique des aéroports.

Selon Tanguy Bertolus, ces redevances payées par les compagnies sont d’un niveau trop faible pour couvrir le coût du service public payé par les aéroports et pour lequel elles ont été prévues.

Autre point de préoccupation et « exception française » par rapport au règlement européen : la modération tarifaire, un système très asymétrique avec des limitations, des évolutions à la hausse, des redevances mais aucun encadrement pour les baisses, qui, dans un cas où elles seraient massives « ne pourraient être rattrapées au cours du temps, empêchée par la modération tarifaire ».

Enfin, une revendication sur le périmètre régulé lui-même avec le fameux système de type de caisse, unique ou double et qui détermine la hausse des redevances.

C’est un combat de longue date qui oppose les compagnies aériennes et les aéroports, ces derniers souhaitant que le régulateur ne prenne pas en compte les revenus des services extra-aéronautiques (immobilier, parkings, commerces) pour déterminer les hausses de redevances.

« Si rien ne change, on risque avec les aéroports, des accidents industriels et que ceux-ci ne puissent plus avoir les moyens pour investir pour gérer les enjeux évoqués. » prévient Tanguy Bertolus.

Fair Play, l’UAF avait convié autour de la table les compagnies aériennes en la personne de Laurent Timsit, secrétaire général de la FNAM.

Ayant rappelé en début d’intervention la volonté de se serrer les coudes tous ensemble pour affronter l’avenir et souligner que « ce qui nous rapproche est plus important que ce qui nous éloigne ». Laurent Timsit a tenu a rappeler la grande fragilité des compagnies françaises.

Et d'argumenter son propos par quelques chiffres : plus de 10 ans de résultats « effacés » pour les compagnies aériennes, et pour les dix premiers aéroports français, des pertes d’exploitation de 700 millions d’euros en 2020, mais des bénéfices d’exploitation en 2019 d’1,100 Milliards.

Si Laurent Timsit comprend bien les compensations que demandent les aéroports à l’état, la régulation selon lui n’est pas forcement la bonne réponse et de conseiller amicalement les aéroports de "ne pas aller chercher l’argent du côté des compagnies aériennes. "

Des propos modérés mais en coulisse, un responsable de compagnie aérienne me confiait se préparer à une « grosse bataille ». « Ils veulent se faire beaucoup d’argent, on ne se laissera pas faire . »

Notons toutefois au-delà de ces oppositions, l’union sacrée des compagnies et aéroports pour contester l’interdiction des liaisons aériennes domestiques françaises en cas d’alternative de transport en moins de 02h30.

Objet d’une plainte conjointe de l’UAF, d’ACI Europe et du SCARA, Olivier Jankovec a annoncé aux congressistes qu’une décision de la Commission européenne pourrait intervenir dés la première semaine de décembre.

Une décision qui pourrait limiter dans le temps la mesure d’interdiction.

les enjeux de la décarbonation

Sur le thème de la décarbonation, sujet un peu plus consensuel entre les opérateurs et les aéroports, Augustin de Romanet PDG du groupe ADP a commencé son intervention en rappelant à quel point l’histoire accélère.

i[« Agnostique vis-à-vis de la décarbonation il y a encore deux ans, le monde a aujourd’hui totalement changé.]b « Le Président de Total Energies reconnait la demande de carburant durable et nos interlocuteurs des compagnies aériennes reconnaissent que les clients sont également en demande ».

Désormais explique Augustin de Romanet, la feuille de route du groupe ADP est de se transformer en un hub multi-énergies et multimodal et de se décarboner.

Panneaux solaires et biomasse pour une partie des besoins en électricité, géothermie pour disposer d’eau chaude sont déjà en train de se mettre en place chez ADP.

En plus de la mise en place très progressive des biocarburants, ADP mène d’ores et déjà des études pour se mettre en capacité de stocker l’or liquide (ou gazeux) de la deuxième moitié du 21 siècle : l’hydrogène.

Le groupe vient de signer un partenariat avec Air Liquide pour créer une société de conseils qui, dans le monde entier, se propose d’aider les aéroports sur leur transformation en hub multi énergie pour intégrer l’hydrogène.

Aéroports contre ferroviaire : La hache de guerre est entérrée

Augustin de Romanet, PDG du groupe ADP
Augustin de Romanet, PDG du groupe ADP
Sur la multimodalité, Augustin de Romanet voulu publiquement enterrer la hache de guerre avec le train.

« Les échanges rugueux, les querelles entre petits gradés sont terminées, nous avons fait la paix »
Nous reconnaissons qu’il vaut mieux que les gens viennent en train à l’aéroport si cela est possible, et le train reconnait qu’il faut promouvoir l’accès à l’aéroport ».

Et de fait, l’intermodalité se développe sur le territoire. A Roissy, en plus du CDG Express prévu en 2027, et la ligne 17 du grand Paris express en 2030, la connectivité via le train sera améliorée avec notamment les projets « Roissy-Picardie » et « Massy Valenton ».

Devant l’assemblée, le PDG d’ADP est revenu en fin d’allocution sur cette petite phrase prononcée sur France Info, très modérément appréciée par le secteur, qui avait fait grand bruit et déconcerté Thomas Juin : « Il faut revendiquer un usage raisonnable de l’avion ».

Augustin de Romanet a souhaité préciser ses propos. « i[…Face à cette très forte croissance qui va démarrer, je pense que les gens qui ont eu le privilège de voyager, les classes favorisées des pays développés, vont devoir être un peu raisonnables faute de quoi les extrémistes vont vouloir nous imposer un quota de vols dans une existence.

C’est une licence pour croitre. Nous avons une pression pour accroitre notre capacité, les clients nous le demande et nous leur devons. Si nous n’apportons pas la preuve que notre croissance est nécessaire et n’est pas dû au fait que nous poussons à la consommation, nous serons empêchés de le faire »]i

Clément Beaune engage le secteur sur l'amélioration de la qualité de service

Clément Beaune, Ministre des transports et Thomas Juin Président UAF & AF signent la Charte
Clément Beaune, Ministre des transports et Thomas Juin Président UAF & AF signent la Charte
Arborant une cravate tirant sur la couleur verte, Clément Beaune, le ministre des Transports était là avec le Président Thomas Juin pour conclure les débats

Dans un contexte de défiance face au transport aérien ses premiers mots soulignant « qu’un secteur qui fait l’objet de débats dans la société est un secteur qui n’est pas prêt de disparaitre » ont donné le ton d’une allocution bienveillante à l’égard du secteur.

Le Ministre s’est félicité de la bonne année 2022 et, même s’il a souligné que tout n’avait pas été parfait en termes de qualité de service, il a tenu a saluer le travail des compagnies aériennes et des aéroports qui ont su anticiper la reprise pour que « l’été se passe mieux qu’ailleurs »

Au sujet de la régulation, Clément Beaune s’est également voulu rassurant auprès des opérateurs en réaffirmant être totalement ouvert à rouvrir le dossier de la régulation sans aucun tabou.

Pour conclure il a réaffirmé être convaincu que l’avion à un rôle à jouer dans les décennies qui viennent : « Nous aurons besoin de l’avion, de son rôle et de la liberté qu’il permet. »

En conclusion du congrès, et en prévision des grands évènements à venir qui impliqueront fortement les infrastructures aéroportuaires et les compagnies aériennes, (Coupe du Monde de rugby, J.O 2024) Clément Beaune a signé aux côtés des acteurs du transport aérien une charte d’engagement en faveur de la qualité de service.

Une charte pour une amélioration continue la qualité de service et pour mettre une amicale pression sur une bonne synergie de l’écosystème du secteur aérien pour préparer au mieux et particulièrement les grands rendez vous sportifs organisés par la France.

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