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Marie-Odile Vincent, aventurière en fauteuil roulant pour Comptoir des Voyages

consultante handicap auprès de Comptoir des voyages


Passionnée de voyage, Marie-Odile Vincent est aussi tétraplégique. Loin de freiner ses ardeurs, ce handicap est désormais un outil de travail. Elle est consultante pour Comptoir des Voyages et met en place des séjours adaptés. Dimanche 3 décembre 2017 était la Journée Internationale du Handicap. Le moment idéal pour qu’elle nous parle de ses missions.


Rédigé par le Dimanche 3 Décembre 2017

Pour Marie-Odile Vincent le handicap rapproche les gens - DR Guillaume JUHERIAN - comptoir des voyages
Pour Marie-Odile Vincent le handicap rapproche les gens - DR Guillaume JUHERIAN - comptoir des voyages
TourMaG.com - Vous travaillez pour Comptoir des voyages, quel est votre rôle ?

Marie-Odile Vincent :
Je suis consultante depuis 2011 auprès de Comptoir des voyages. J'effectue des audits auprès de nos différents partenaires pour élaborer une offre à destination de personnes handicapées physique et moteur.

Étant moi-même handicapée, je développe une expertise liée à des éléments très factuels, par exemple : quelle taille a mon fauteuil et peut-il entrer dans l'encadrement d'une porte. Ensuite, je trouve des solutions simples, adaptés à l'endroit où je suis, souvent créatives et loin d'être cherès !

TourMaG.com - Comment a débuté votre collaboration avec Comptoir des voyages ?

Marie-Odile Vincent :
Passionnée par les voyages, j'ai d'abord créé avec l'agence de voyages près de chez moi un site et une marque sur ces problématiques. Nous avions été récompensés par le prix du tourisme responsable de scnf.com.

Par la suite j'ai rencontré Alain Capestan (P-DG de Comptoir des voyages NDLR) et je lui ai prouvé qu'on pouvait être une aventurière sur fauteuil roulant ! Je suis allée dans des pays où on a déjà du mal à survivre, alors y aller en fauteuil... D'autant qu'en voyage, je suis invalide à 99%. Comme quoi rien n'est impossible.

Créer du lien et s'adapter à la culture locale

TourMaG.com - Dans ces pays dont vous parlez, où "on a du mal à survivre", comment gérez-vous le handicap ?

Marie-Odile Vincent :
Clairement, ça n'est pas la priorité ! A priori c'est un questionnement de pays riches, les besoins essentiels ne sont pas les mêmes. Mais l'accessibilité, c'est juste une question de bon sens, pas besoin d'investir.

Il suffit souvent de regarder ce qu'on a sur place pour trouver des solutions. Au Kenya, j'étais partie en repérage. J'ai voulu aller voir l'Océan Indien, mais impossible de me rendre sur la plage. Je ne vais pas aller voir les personnes d'un pays où les moyens sont bien moindres (le salaire kényan médian était de moins de 60€ en 2012, NDLR) et exiger une rampe en béton !

J'ai simplement observé autour de moi, j'ai vu des branches de palmier et ensemble, du logisticien au président de l'hôtel, nous avons tressé des nattes que nous avons déroulées sur le sable pour pouvoir arriver au bord de l'océan.

En plus d'être une excellente alternative, gratuite, notre natte a créé du lien entre nous, elle est esthétique et elle respecte la culture locale, que demander de plus ?

TourMaG.com - Vous parlez de l'extérieur, mais comment adapter un bâti, un encadrement de porte dans un hôtel sans engager de frais ?

Marie-Odile Vincent :
Chez nous il y a des normes mais paradoxalement, on dilue la responsabilité. Les gens ont toujours peur de mal faire et qu'on leur fasse un procès. Finalement l'absence de norme peut être plus efficace immédiatement. Je me souviens d'un hôtel en Italie dont l'entrée n'était accessible que par des marches. J'ai fait le tour, j'ai vu que le personnel entrait par la cuisine, derrière le bâtiment.

Les personnes handicapées entrent par là, et c'est plus un avantage qu'une contrainte parce qu'on rencontre les gens, les cuisiniers nous voient chaque jour, on se parle. On va à la rencontre des autres et on sort de nous-même.

Même chose au Grand Palais, comme il y a des marches, je passe par les sous-sols et je peux voir des choses auxquelles les personnes valides n'ont pas accès, les coulisses, les œuvres, les discussions avec les gardiens qui m'accompagnent...

Capitaliser sur ce qui se fait ailleurs

A venise,  les solutions les plus simples sont souvent les meilleures © Marie_Odile_Vicent Comptoir des voyages
A venise, les solutions les plus simples sont souvent les meilleures © Marie_Odile_Vicent Comptoir des voyages
TourMaG.com - Et en ce qui concerne les transports ?

Marie-Odile Vincent :
Il faut penser à tout, et pour certaines choses, on n'a pas de prise. Si tout est réfléchi pour votre séjour, mais que vous ne pouvez pas vous rendre à l'aéroport ? A Paris, il n'y a que 100 taxis accessible sur 8000.

A Londres, ils le sont tous, ce qui facilite la vie de tout le monde parce que la société vieillie et ce qui est valable pour les handicapés peut l'être pour les valides seniors.

TourMaG.com - Vous parlez de la France mais il y a des normes qui permettent d'aider, par exemple dans les transports en commun ?

Marie-Odile Vincent :
Vous rigolez ? Ne serait-ce que prendre un bus. Il y a un plancher électrique à l'arrière (don, là où les gens sortent) pour les personnes handicapées. Que se passe-t-il s'il y a une panne ? A New-York, le plancher s'active par une pédale mécanique et à l'avant. Résultat : pas de panne, moins cher, et un contact humain parce que le chauffeur me voit.

Il faut capitaliser sur ce qui se fait ailleurs, et souvent, les méthodes les plus simples et les moins chères sont les meilleures.

TourMaG.com - Encore une fois, la norme vous semble restreindre les possibilités ?

Marie-Odile Vincent :
Dans le tourisme il faut être adaptable, encore plus quand il s'agit de handicap.

Venise a dépensé énormément de subventions européennes notamment dans des élévateurs sur les ponts qui ne fonctionnent jamais parce qu'ils sont électriques. Visiter Venise pour un repérage est devenu un vrai marathon pour moi. Finalement on a pris les planches sur les ponts et on les a placé de manière à pouvoir passer. Pour monter dans le vaporetto il y a un contrôleur qui gère les flux d'entrée et sortie. S'il tient bien le pontons ça fonctionne. Résultat, les planches restent et font aussi le bonheur des parents avec poussette.

C'est plus simple qu'un élévateur, et encore une fois, c'est plus une question de bon sens que de dépense.

Accompagner et former les équipes en agence

TourMaG.com - Donc pas de surcoût pour le voyageur ?

Marie-Odile Vincent :
Le handicap est un déjà luxe, sans qu'on en rajoute. Mon fauteuil électrique est lourd et il prend de la place, forcément au quotidien comme en voyage ça nécessite une attention supplémentaire.

Mais nos prix sont affichés, ils sont à peine supérieur à ceux de personnes valides. Rien ne justifie de pratiquer des tarifs exorbitants, dans la mesure où les idées que je propose (car on n'impose évidemment rien aux réceptifs ou hôtels) lors des séjours sont rudimentaires. C'est le transport accessible et l'aide humaine qui va ajouter un surcoût, c'est la donne, on le sait.

TourMaG.com - Une fois que vous avez vérifié et éventuellement repensé l'accessibilité du séjour, comment ça se passe en agence ?

Marie-Odile Vincent :
Sur l'ensemble des destinations, il y a plus de 35 propositions de voyages adaptés. Une fois la reconnaissance et la formation des partenaires locaux effectuée, je forme l'ensemble des équipes, à la fois l'administration et les conseillers.

Lorsqu'une demande est faite, il faut la qualifier en amont, connaître très exactement les besoins de la personne. J'en parle avec elle, je vois comment mettre les équipes en interne en adéquation avec son désir de voyage, et je donne (ou pas) mon feu vert.

Ensuite, on travaille en binôme avec le spécialiste de la destination. J'aime transmettre. Je pose le contexte, je pointe des informations précieuses (par exemple, mon fauteuil mesure 50cm de large, c'est important). Il faut que les conseillers puissent avoir des réponses à toute demande.

Le crédo de Comptoir des voyages c'est le sur-mesure et à la carte, donc on ne change finalement pas la manière de fonctionner des équipes. Mon rôle entre totalement dans la culture de l'entreprise. Ensuite, je vais accompagner les savoirs et transmettre à l'équipe. L'Objectif : que les agents finissent pas pouvoir se passer de moi !

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