Mounir Mahjoubi : "l’IA ce n’est pas la fin de l’agence de voyages..." 🔑

Manor a toujours eu le don d'inviter la bonne personne au bon moment, pour clôturer ses congrès.

Rarement une personnalité aura fait un tel consensus dans la salle et au micro.

Au-delà de son allure de startupper, c'est surtout l'accessibilité et la faculté de Mounir Mahjoubi à se mettre au niveau de son auditoire qui ont véritablement scotché les participants du 28e congrès du réseau.

L'ancien secrétaire d'Etat au Numérique et député n'est pas venu présenté Eversy, sa dernière start-up avec laquelle, il a mis un pied dans le secteur du voyage, mais parler de... l'intelligence artificielle.


"Aujourd'hui, il y a un grand débat entre ceux qui souhaitent tout interdire, pour que l'IA n'entre pas dans les écoles, les entreprises ou l'Etat, puis ceux qui souhaitent tout déréguler.

Nous devons à la fois célébrer la technologie, mais nous devons nous y préparer, tout en soulignant ce qu'il faut encadrer," introduit Mounir Mahjoubi.

Alors que l'industrie n'a pas totalement digéré la digitalisation de son activité, elle va devoir affronter une nouvelle révolution.

Nous ne devons pas craindre l'IA, ni même l'interdire, mais la réguler, estime celui qui a fait ses armes en tant que technicien réseau au centre d’appels de Club Internet.

Mais avant de regarder maintenant et demain, regardons un peu en arrière.

Dans un passé pas si lointain, les billets d'avion étaient dupliqués grâce à une feuille carbone, pour les délivrer aux clients, après avoir appelé un standard, pour vérifier les disponibilités de la compagnie.

"Il y avait aussi la certification carbone ou encore le sabot. La copie carbone était une interface lettre blanche sur fond noir, le fameux codage. Les informations étaient envoyées très lentement, avec l'ancêtre d'internet.

C'était la première révolution," rappelle l'ancien secrétaire d'Etat qui endosse son habit de professeur.

Avec l'arrivée de la télématique et du Minitel, les agences de voyages ont fait leur première incursion sur le 3615. Avec l'arrivée du minitel et sa interface simplifiée, sont apparues les premières agences de voyages en ligne (fixe), comme Bourse des Vols.

Puis internet est venu tout bouleverser."A partir de cette étape là, les langages de programmation ont été maîtrisés par beaucoup de monde, car créer une interface était très complexe à l'époque

En 1995, le HTML apparait, n'importe qui passant une dizaine d'heures sur internet, peut créer un site internet d'un bon niveau. Internet est une révolution, mais nous sommes toujours à l’époque du papier... numérisé," estime Mounir Mahjoubi.

La grande révolution du moment avec l’IA, c'est que la technologie est en capacité de rendre précis ce que nous n'arrivons pas à faire. Nous sommes entrés dans le monde du "0" code.

ChatGPT peut en quelques secondes vous éditer et alimenter en contenu votre site internet, sans avoir aucune compétence en codage informatique, ni même en graphisme ou en écriture.

"C'est un bond aussi important qu'internet.

L'intelligence artificielle devient une voix, du texte, une image, elle comprend tout quand vous lui parlez, même mal," poursuit l'ancien député.

Dorénavant, une technologie est en mesure de gérer mieux que quiconque sur terre... la complexité.

L'intelligence artificielle est en mesure d'ingurgiter des quantités astronomiques d'informations, mais surtout de répondre à une interrogation complexe dans la seconde. Elle fait même mieux que le cerveau humain.

"D'après ce que j'ai entendu, votre secteur a connu un accroissement de la complexité de l'offre, puis les clients sont bien plus éduqués en loisirs et en affaires, que par le passé, avec des demandes plus fines.

La complexité de l'offre et de la demande, sans même entrer dans le détail, fait dire aux experts de l'IA qu'il y a quelque chose à faire pour votre secteur," sourit Mounir Mahjoubi.

Avec internet, nous avons vu nos vies se digitaliser.

Sans doute que l'intelligence artificielle ira plus loin. Notre quotidien va se dématérialiser de plus en plus. De nombreuses taches redondantes, mais pas seulement, seront assurées par cette nouvelle technologie.

Dans le domaine de la santé, l'IA est "un rêve, la plus grande révolution.

La manipulation de la complexité à ce niveau dans ce secteur n'a jamais été atteinte. Aujourd'hui vous avez sur chaque type de cancer, une start-up."

Un peu partout, que ce soit dans la clinique du quartier ou celle d'une petite ville, les médecins sont secondés dans la prise de décisions par des logiciels dopés à l'IA.

La révolution est à ce niveau bénéfique, qu'elle permet une qualité de soin égale sur le territoire, mais aussi de dépister des maladies plus ou moins graves à leurs prémices.

Elle évite aussi les biais cognitifs propres à la décision humaine.

Bien que le premier plan social causé par l'intelligence artificielle ait été reporté, sous pression du gouvernement au sein de l’entreprise Onclusive (veille médiatique), des pans entiers de la société sont inquiets.

A commencer par les comptables et expert-comptables qui connaissent "quelques frissons," d'après le spécialiste en innovation.

Ce n'est pas tout : le monde de la relation client n'est pas en reste.

"Les opérateurs sont en transe. Ils développent tous leurs propres IA.

Les bots étaient froids, assez peu précis, avec des phrases préprogrammées. ChatGPT vient mettre fin à cette époque," témoigne Mounir Mahjoubi. Et pour la première fois, la technologie va aussi disrupter et remplacer les professionnels de la création.

Si les comptables sont en sueur, les graphistes ne vivent pas la période la plus prolifique de leur existence.

A l'aide des prompts, n'importe qui peut créer des visuels ébouriffants, des livres et scénarios rocambolesques et même générer des vidéos, à partir de... quelques mots.

"Cette révolution a la capacité de réaliser des gains de productivité très élevés. Des entreprises seront capables de produire beaucoup de revenu, avec extrêmement peu de coûts.

Un des sujets pour votre industrie sera l'accélération de la concurrence et la question : qui va disparaitre ?

Quand il y a un saut technologique, les gains de productivité sont énormes pour ceux qui l'utiliseront, les autres vont mourir," prophétise l'ancien ministre d'Emmanuel Macron.

L'IA sera une source de profits et de gain de temps, dans bien des secteurs. Tout comme elle génèrera des crises existentielles dans des industries entières.

Pour éviter d'être mangés par un plus gros poisson, mais surtout rester compétitifs, les agents de voyages vont devoir se mettre à écrire des prompts et vite.

De plus, il est important de ne pas brider les salariés dans leurs initiatives.

"Taire le sujet est encore plus risqué, puisque tous vos collaborateurs vont y aller sans vous et l'utilisent sans doute déjà, vous devez y aller avec eux.

Il faut aussi les rassurer sur la pérennité de l'emploi, ils ne doivent pas voir ChatGPT comme un concurrent, mais comme un outil" conseille Mounir Mahjoubi.

Une des façons d'avancer est de tester sur des sujets quotidiens, puis ensuite de l'étendre sur des thématiques plus éloignées.

Dans de nombreuses agences de voyages, OpenAI est déjà utilisé pour rédiger les mails clients, les fiches de poste ou encore les devis.

Tout comme avec l'arrivée d'internet et contrairement à ce qu'a pu dire récemment Elon Musk, cette nouvelle technologie ne va pas mettre l'humain au placard.

D'ailleurs pour, l'ancien proche de François Hollande, l'IA ne signifie pas la disparition annoncée des agences de voyages, bien au contraire.

" Est-ce la fin de l’agence de voyages ? Non, car la fin des agences, c’est la fin du voyage. Les gens auront toujours envie de voyager et de ne pas tout faire eux-mêmes.

La question à laquelle vous devez répondre : quelle est la plus-value que vous apportez à vos clients ?" recadre l'ancien membre du gouvernement.

Tout peut paraître rose, dans cet exposé, mais les limites sont nombreuses. ChatGPT commet des erreurs, il ne doit pas être totalement autonome et ses travaux doivent être surveillés.

De plus l'émergence de l'IA s'accompagne d'un risque de cybersécurité accru, sans compter la désinformation de tous les instants et l'absence de régulation.

Tout comme internet, cette révolution ne sera pas la même aujourd'hui et dans 10 ou 20 ans.