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IA et droit du travail : quels sont les devoirs de l’employeur ? [ABO]

Des enjeux juridiques croissants


L’introduction de l’intelligence artificielle en entreprise soulève des questions majeures en matière de droit du travail, de contrat, mais également de bien-être en entreprise.


Rédigé par le Jeudi 27 Mars 2025

IA et droit du travail : quels sont les devoirs de l’employeur ? - Photo : Depositphotos.com @peshkova
IA et droit du travail : quels sont les devoirs de l’employeur ? - Photo : Depositphotos.com @peshkova
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L’intelligence artificielle transforme les environnements professionnels à un rythme effréné depuis quelques années.

Elle promet gains de productivité, automatisation de tâches répétitives et aide à la décision. Mais son usage dans le monde du travail soulève également des défis juridiques majeurs.

A l’occasion d’un quatrième webinaire en partenariat avec TourMaG, Chloé Rezlan et Laura Ballester, avocates associées chez Adeona se sont exprimées sur l’IA, le droit du travail et leur impact sur les relations employeurs-salariés.



Contrat de travail et limites du pouvoir de direction

L’employeur qui souhaite intégrer un outil d’intelligence artificielle dans le quotidien des salariés doit s’interroger sur l’impact de cette introduction sur la nature du contrat de travail.

La question clé est de savoir si l’outil vient modifier un élément essentiel du contrat (qui nécessiterait l’accord explicite du salarié) ou s’il ne s’agit que d’un simple changement des conditions de travail.

Par exemple, le déploiement d’un système d’IA pouvant influer sur les missions confiées, les critères d’évaluation ou la rémunération d’un employé constitue une modification importante.

L’affectation à de nouvelles missions imposant l’usage d’outils IA, sans formation préalable ni ajustement contractuel, pourrait être requalifiée juridiquement en modification unilatérale du contrat, exposant l’employeur à des contentieux.

Inversement, si l’IA est introduite comme un outil d’aide complémentaire, sans modifier la nature des tâches, il est possible d’envisager une simple évolution des conditions d’exécution du contrat.

Néanmoins, la vigilance s’impose. Le contrat et la fiche de poste doivent être actualisés pour refléter les exigences nouvelles, comme la maîtrise de certains outils ou la capacité à interagir avec un système d’IA dans le cadre du travail. Il est à noter qu’il n’est pas possible en France de renvoyer un employé parce que son poste est remplaçable par une IA.

En cas de difficultés d’adaptation, l’employeur devra également démontrer qu’il a rempli ses obligations en matière de formation. La jurisprudence est claire : un salarié ne peut être sanctionné pour insuffisance professionnelle si l’employeur n’a pas assuré les formations nécessaires à l’usage des nouveaux outils mis à disposition.

Enfin, le recours à l’IA pour l’évaluation ou le suivi des performances impose une transparence totale. L’employeur devra informer les salariés des données collectées, de leur usage et s’assurer que ces systèmes ne produisent pas d’effets discriminatoires ou arbitraires, sous peine de voir sa responsabilité engagée.

Risques psychosociaux de l'IA et responsabilités de l’employeur

La généralisation de l’intelligence artificielle dans les organisations peut générer des risques psychosociaux importants, que l’employeur doit anticiper et intégrer dans sa politique de prévention.

Le Code du travail impose une obligation de sécurité de résultat. Toute entreprise est donc tenue de garantir la santé physique et mentale de ses salariés, ce qui inclut la prévention des effets psychologiques induits par une transformation technologique.

Les effets délétères de l’intelligence artificielle peuvent être multiples. L’isolement, par exemple, résulte d’une interaction réduite entre humains. À cela s’ajoutent l’anxiété liée à une perte de contrôle, le sentiment d’incompétence face à une technologie jugée opaque, ou encore la peur de devenir obsolète dans un système de production de plus en plus automatisé.

Pour y faire face, l’évaluation des risques doit être intégrée au Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), comme le prévoit l’article R. 4121-1 du Code du travail. Cette évaluation doit être actualisée à chaque fois qu’une transformation significative est introduite dans l’organisation du travail.

L’accompagnement au changement devient ainsi une exigence forte. L’introduction d’une IA doit s’accompagner d’actions de formation, de communication claire sur les objectifs et les limites de l’outil, mais aussi de points de vigilance sur la charge mentale générée.

L’entreprise doit aussi veiller à ce que les processus automatisés ne produisent pas d’erreurs ou d’injustices susceptibles de provoquer stress ou conflit, notamment dans le domaine des ressources humaines, où certaines IA sont utilisées pour présélectionner des candidatures ou analyser des entretiens.

L’usage de l’IA ne dispense pas l’employeur de son obligation de contrôle et d’humanité dans le management. Il ne peut se contenter de déléguer à l’algorithme des décisions affectant directement les salariés. Il lui appartient, au contraire, de garantir l’intervention humaine et de documenter les choix faits sur la base des recommandations de l’IA.

Encadrement réglementaire et perspectives d’évolution

L’intelligence artificielle s’inscrit désormais dans un cadre réglementaire en cours de structuration à l’échelle européenne, avec des incidences directes sur le droit du travail.

L’AI Act ou règlement européen sur l’intelligence artificielle, a été adopté et prévoit une entrée en vigueur progressive jusqu’en 2027. Ce texte distingue les systèmes à risques élevés, soumis à des obligations renforcées, des systèmes à risques limités.

En matière de ressources humaines, plusieurs outils utilisés pour le recrutement, l’évaluation ou la surveillance sont classés comme « à hauts risques » par le législateur européen.

L’AI Act impose ainsi des exigences strictes en matière de transparence, d’explicabilité et de contrôle humain. L’employeur devra être en mesure de démontrer que les systèmes déployés sont conformes aux normes, qu’ils ont été testés et validés, et qu’un responsable en assure la supervision.

En parallèle, le droit français reste mobilisé via les principes du Code du travail, notamment sur l’obligation d’information et de consultation du CSE. Toute introduction d’un dispositif automatisé de surveillance ou de collecte de données personnelles doit faire l’objet d’une déclaration et d’un échange avec les représentants du personnel.

Dans ce contexte, les entreprises sont appelées à anticiper les évolutions légales et à intégrer les principes de conformité dès la conception des systèmes.


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