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Oman Air : qui est le Français Laurent Recoura, le serial redresseur des compagnies ?

Interview de Laurent Recoura, vice-président en charge des ventes


Il fait partie des Français ayant bourlingué de bureau en bureau dans les compagnies aériennes du monde entier. De l'Inde à la Malaisie, Laurent Recoura possède une solide expérience dans la transformation des compagnies aériennes. C'est d'ailleurs pour cette expertise que le Français a rejoint Oman Air, son objectif est d'atteindre l'équilibre comptable d'ici 5 ans. Interview de Laurent Recoura, le redresseur de compagnies et d'Oman Air.


Rédigé par le Lundi 21 Octobre 2019

TourMaG.com - Avant d'atterrir au sein de la direction d'Oman Air, quel a été votre parcours ?

Laurent Recoura :
J'ai débuté ma carrière comme responsable des ventes en France chez Continental Airlines (ex nom d'United Airlines, ndlr). Dans cette compagnie, où je suis resté 20 ans, j'ai eu la chance d'apprendre le métier et gravir les échelons, petit à petit.

Après quelques années à Paris, puis six ans en Inde et Dubaï, les dirigeants me proposent de rentrer en France, sauf que cela ne m'intéressait pas vraiment de revenir à la maison.

J'ai démissionné et je me suis retrouvé chez Philippines Airlines. Depuis cette expérience, débutée en 2013, je rejoins des compagnies qui sont en pleine transformation.

A force, j'ai développé des automatismes, des savoir-faire pour transformer des compagnies. Après Philippines Airlines, je suis allé chez Malaysia Airlines et c'est encore le cas pour Oman Air.

TourMaG.com - Justement quel est le projet ?

Laurent Recoura :
Celui-ci correspond à la volonté du nouveau PDG d'Oman Air, arrivé il y a deux ans. Ce dernier a mis en place une structure pour transformer la compagnie.

Oman Air est le cas typique d'un transporteur national qui a grandi au fil des ans avec une forte croissance à deux chiffres depuis 2 ans. C'est un rythme pas vraiment tenable dans la continuité. Au bout d'un moment il faut se poser et fixer les fondamentaux de l'entreprise.

L'équipe en charge de ce plan est mixte avec des expatriés et beaucoup d'Omanais. Ma mission est de faire en sorte que la compagnie devienne pérenne comme beaucoup de compagnies du genre. Il y a une fuite en avant au niveau de la croissance et des coûts non maîtrisés.

"Il existe des solutions technologiques, à travers NDC, nous permettant d'outrepasser les GDS"

TourMaG.com - Après six mois d'inspection et de travail, quels sont les leviers que vous pensez pouvoir actionner pour rendre la compagnie durable ?

Laurent Recoura :
Tout d'abord, mon domaine d'intervention concerne les ventes donc je ne pourrais parler que de ce secteur.

En parallèle du développement du revenu, il faut arriver à réduire le coût de distribution. Il existe une particularité pour l'ensemble des compagnies de la région, à savoir que nous travaillons avec des agents généraux (GSA).

Ma première mission a été de repenser le modèle économique des GSA (General Sales Agent, ndlr) ces derniers prennent une commission sur le montant des ventes réalisé sur son territoire.

TourMaG.com - Pourriez-vous me détailler le rôle d'un GSA ?

Laurent Recoura :
L'agent général est une agence de voyages représentant aussi les compagnies aériennes, un peu comme un courtier en assurance.

Le concept repose sur country manager appartenant à la compagnie, puis le reste du staff qui est rattaché à l'agent général. Le modèle est très ancien et basé sur une commission, sauf que la stratégie est entre nos mains.

Au fil des ans, la mission des GSA a changé, mais la rémunération n'avait pas évolué. C'est à ce niveau que je suis intervenu. Ainsi, nous avons pu réduire les coûts de distribution. Ce fut un gros enjeu.

Puis, il y a aussi les GDS, tout le monde connaît les coûts de cette distribution et l'impact sur les compagnies. Il existe des solutions technologiques, à travers NDC, nous permettant d'outrepasser les GDS.

A l'image de ce que font les autres compagnies, nous avons mis en place NDC et nous développons ce modèle de distribution alternatif.

"Par rapport à notre taille, Oman Air est entourée de monstres..."

TourMaG.com - Donc de développer les connexions en direct avec les agences ?

Laurent Recoura :
En effet, nous connectons les agences directement avec nous, via notre API. Pendant très longtemps, les compagnies ont voulu réduire les coûts de distribution, car les GDS prenaient trop d'argent, même s'ils délivraient un très bon service.

Sauf qu'en 2019, il y a d'autres options nous permettant de délivrer un bon service à un moindre coût. La réflexion est vite vue.

TourMaG.com - Où en est Oman Air en 2019 ?

Laurent Recoura :
Nous avons 55 appareils, pour 50 destinations. Nous avons un plan à 5 ans à respecter. Et dans celui-ci les chiffres évoqués ne devraient pas bouger.

Oman Air a beaucoup grandi ces deux dernières années. Maintenant, nous devons absorber cette croissance. Il serait trop périlleux de poursuivre une croissance à ce rythme.

La flotte n'évoluera pas pendant quelque temps, pour boucler la transformation et arriver à l'équilibre. La réflexion de la transformation est globale.

TourMaG.com - Oman Air est la petite compagnie encerclée par des grandes sœurs puissantes. Comment peut-elle exister dans ces conditions ?

Laurent Recoura :
Par rapport à notre taille, Oman Air est entourée de monstres (rire, ndlr). Pour exister, il faut se démarquer, en tant que différent des autres.

Small is beautiful. Nous devons aussi être plus agiles, nos concurrents sont de grosses machines de guerre, mais qui bougent lentement. De plus, nous avons la chance d'avoir un aéroport, tout neuf. Il est fabuleux et bien dimensionné, les connexions se sont facilement et rapidement.

Nous nous définissons comme une boutique airlines assez exclusive (une compagnie qui se distingue par une expérience client unique et une personnalisation), nous n'allons pas nous lancer dans la course au gigantisme.

En ayant cette taille raisonnable, nous pouvons développer un service bien supérieur et soutenu, que les autres. Notre modèle économique repose sur notre hub, nous permettant de faire de la connexion, mais sans être un super-connecteur, comme Dubaï et Doha.

Nous avons aussi des particularités comme l'Inde, où nous avons 11 destinations, c'est plus que nos concurrents. De plus, nous avons une mission de service public consistant à desservir Oman et promouvoir le tourisme dans le pays, qui est dans l'air du temps.

"Depuis, que je suis arrivé, nous avons augmenté de 80% le nombre de voyages d'études"

Laurent Recoura a été nommé vice-président des ventes avec pour objectif de diminuer les coûts de distribution - crédit photo : Oman Air
Laurent Recoura a été nommé vice-président des ventes avec pour objectif de diminuer les coûts de distribution - crédit photo : Oman Air
TourMaG.com - Comment Oman Air s'y prend pour développer la destination ?

Laurent Recoura :
Depuis, que je suis arrivé, nous avons augmenté de 80% le nombre de voyages d'études. En 2019, plus de 500 agents de voyages seront venus découvrir Oman, en mettant surtout le paquet sur la Russie qui est une nouvelle destination, en invitant près de 150 professionnels.

Toutefois, nous n'avons pas les moyens des pays voisins, nous n'allons pas dépenser des centaines de millions pour avoir "Fly Oman" sur un maillot de football en Premier League.

Notre métier est de prendre le bâton de pèlerin et éduquer les agents de voyages, car nous ne pouvons pas nous positionner sur le BtoC, les montant sont trop élevés.

TourMaG.com - Donc selon vous, Oman Air et la destination se développeront grâce aux agents de voyages ?

Laurent Recoura :
Bien sûr, cela ne peut pas se passer autrement. La destination Oman n'est pas une destination commune et basique, ce n'est pas Bangkok. Il n'est pas possible de prendre un billet au dernier moment et de ne pas préparer le voyage.

Venir au Sultanat demande de la préparation et notamment à l'aide d'un professionnel du voyage.

"Il existe une partie du marché, où l'agent de voyages a son rôle à jouer..."

TourMaG.com - Vous mettez en place d'autres initiatives pour pousser les agents de voyages à conseiller et vendre Oman ?

Laurent Recoura :
Comme toutes les compagnies, nous mettons en place des incentives sur les volumes et nous utilisons toute la gamme habituelle d'incitations.

Aujourd'hui, à l'heure où tout se fait sur internet sans intermédiaire, nous disons que cette affirmation n'est pas exacte.

Il existe une partie du marché, où l'agent de voyages a son rôle à jouer. D'autant plus que la destination se veut confidentielle, avec plus d'hôtels 5 étoiles que 3 étoiles.

Oman n'est pas une destination de tourisme de masse, il n'y a pas des hordes de touristes, même dans la capitale. Les voyageurs qui viennent ici, ils repartent avec des histoires vécues avec la population locale.

TourMaG.com - Que représente le marché Français pour Oman Air ?

Laurent Recoura :
Nous sommes présents en France depuis 10 ans, c'est une destination très mûre, avec un office du tourisme dynamique.

Ce n'est pas un marché de masse, mais il y a une connaissance particulière du produit, et c'est la France qui tire la croissance en Europe. L'Angleterre représente un trafic historique, de par l'histoire commune et avec les correspondances pour l'Inde.

Alors qu'en France, nous sommes tributaires de la partie loisir et les correspondances vers certaines destinations, comme Zanzibar ou Colombo. C'est encore un marché avec de la ressource, même si nous sommes dépendants des droits de trafic, nous ne sommes pas encore à saturation.

Il nous manque quelques fréquences à Paris, ce n'est pas à l'étude pour le moment, mais si nous pouvons en ajouter ce serait très bien.

"Le pays est trop petit pour se permettre de sponsoriser une compagnie à fonds perdu"

TourMaG.com - Avec une expérience de presque 30 ans dans l'aérien, quel regard portez-vous sur l'actualité récente du secteur ?

Laurent Recoura :
J'ai travaillé dans pas mal de compagnies, et elles avaient toute un dénominateur commun : une structure de coût complexe. Nous n'arrivons pas à nous réformer en profondeur.

J'ai passé 25 ans dans une compagnie aérienne américaine et le 1er briefing a été sur l'importance du contrôle des coûts, c'est un lavage de cerveau. Il nous fallait penser "coût" en permanence.

Sauf que d'autres compagnies ont découvert cela sur le tard. Les compagnies aériennes américaines dégagent beaucoup d'argent, car il y a eu une concentration importante, ce qui a permis d'augmenter les prix.

Parfois, nous avons l'impression en Europe que le client a perdu la notion du prix des billets d'avion. Les low cost ont créé un nouveau marché, mais elles ont aussi perturbé l'imaginaire des gens sur le coût d'un billet, quand vous en arrivez à payer un taxi plus cher, c'est qu'il y a un problème.

Les compagnies doivent être présentes dans la bataille des prix et pour cela elles doivent contrôler les coûts, mais d'une façon draconienne.

Les malheurs des dernières semaines démontrent qu'il y a aussi un problème de masse critique qui n'avait pas été atteinte, pour pouvoir influencer les coûts.

Je suis mal placé pour dire, il faut faire ci et faire ça, mais ce sont des observations qui sont communes à de nombreux transporteurs.

TourMaG.com - Et justement cette structuration ou restructuration des coûts doit mener Oman Air à l'équilibre ?

Laurent Recoura :
Avant la rentabilité, nous visons l'équilibre, d'ici cinq ans. Notre plan de transformation vise cet objectif. Nous sommes légèrement en avance rapport aux étapes que nous nous sommes fixées.

Le revenu est solide et travailler sur les coûts est un travail global. Le pays est trop petit pour se permettre de sponsoriser une compagnie à fonds perdu, cette période est révolue.

"Les compagnies aériennes correspondent à des histoires de plomberie"

TourMaG.com - Pour revenir sur votre dernière expérience, que s'est-il passé chez Jet Airways ?

Laurent Recoura :
Quand je suis arrivé (décembre 2016, ndlr), il était déjà trop tard pour redresser la barre. Je suis resté un an, et dès la première semaine je me suis dit que je n'aurais pas dû venir.

Il n'y avait pas besoin d'une boule de cristal pour savoir ce qu'il allait advenir. Au niveau du contrôle des coûts, il y avait un grand flou artistique. Il faut savoir qu'en Inde, le fuel est surtaxé et les contraintes locales ne sont pas évidentes.

La sensibilité au prix est exacerbée. Sur les vols intérieurs, si vous augmentez un peu les prix, les clients désertent l'avion et prennent un train pendant 15 heures, ce qui n'arriverait pas nécessairement en Europe.

Cela rend plus difficile un possible redressement.

TourMaG.com - Le problème serait donc que la classe moyenne n'est pas assez nombreuse ?

Laurent Recoura :
Ce n'est pas seulement ça, mais plutôt comment est définie la classe moyenne. Il faut savoir, où se place le curseur sur l'échelle des revenus.

C'est un marché en pleine expansion, mais cela profite surtout aux compagnies low cost, comme Indigo. Sur le long courrier, Jet Airways était sur un créneau Legacy Carrier (transporteur traditionnel, ndlr) avec pour seule concurrente Air India.

Avec la chute de Jet Airways, il y a un petit vide, profitant à des compagnies comme la nôtre. Les compagnies aériennes correspondent à des histoires de plomberie, il faut connecter des tuyaux entre eux et le problème vient soit de la taille soit du nombre de tuyaux.

Romain Pommier Publié par Romain Pommier Journaliste - TourMaG.com
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Commentaires

1.Posté par eurofans le 22/10/2019 08:20 | Alerter
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C est clair que chez Aigle Azur et XL on aurait eu besoin de lui

2.Posté par westar le 22/10/2019 10:56 | Alerter
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@eurofans.


bonjour


il est facile de vous vendre un produit, pas compliqué avec vous !!!! Vous me rappellez jean Dionnet à cet égard


bien à vous

3.Posté par expert le 22/10/2019 15:19 | Alerter
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Il y a aujourd’hui sur le circuit international peu de Français avec une vision à 360° sur le marché de l’aérien. Oman est en de bonnes mains ! Il n’y a pas de miracles, pour réussir il faut maitriser le secteur de l'aérien, les différents modèles économiques, les étapes clés des ventes et surtout les coûts… Chapeau bas !

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