Touchés par la crise sanitaire, les aéroports français vont devoir réfléchir à leur "business-modèle et se réinventer" selon Nicolas Paulissen, délégué général de l'Union des Aéroports Français (UAF) - Crédit photo : Aéroport Tarbes Lourdes Pyrénées
TourMaG.com - Il y a quelques jours, l'aéroport de Francfort-Hahn mettait la clé sous la porte. Bien que sa chute ait été causée par la faillite de son principal actionnaire, faut-il s'inquiéter en France de cette situation ?
Nicolas Paulissen : La situation économique des aéroports français est inquiétante.
Après nous ne sommes pas l'Allemagne, pour le moment, aucun aéroport français n'a et ne va faire faillite. Sauf que les déséquilibres économiques sont bien présents, puisque nous sortons complètement essorés de la crise.
Je vous rappelle qu'en 2020, nous avons perdu 70% de notre trafic et en 2021, nous sommes à 65% de perte. Il faut savoir que 80% des revenus des aéroports sont liés au trafic aérien.
b[TourMaG.com - La situation est donc très délicate...
Nicolas Paulissen : La situation économique des aéroports français est inquiétante.
Après nous ne sommes pas l'Allemagne, pour le moment, aucun aéroport français n'a et ne va faire faillite. Sauf que les déséquilibres économiques sont bien présents, puisque nous sortons complètement essorés de la crise.
Je vous rappelle qu'en 2020, nous avons perdu 70% de notre trafic et en 2021, nous sommes à 65% de perte. Il faut savoir que 80% des revenus des aéroports sont liés au trafic aérien.
b[TourMaG.com - La situation est donc très délicate...
"La question que nous allons devoir nous poser : comment financer la transition énergétique ?"
Nicolas Paulissen :]b Pour tout vous dire, le retour à la normale est prévu pour 2024... au mieux !
Tout va dépendre de la nature et la structure du trafic, vous savez bien que les lignes long-courriers sont les plus lentes à reprendre. Augustin de Romanet, le PDG du groupe ADP, estime que ses structures ne retrouveront pas les niveaux de 2019, avant 2027.
N'oublions pas que les compagnies low-cost sortent en meilleure santé que les legacy airlines, sauf que ces dernières rémunèrent moins les aéroports que les compagnies régulières.
Pendant ce temps, Air France abandonne progressivement des liaisons sur les aéroports régionaux à la faveur de Transavia.
TourMaG.com - Quel est le niveau du chiffre d'affaires des aéroports français en 2021 ?
Nicolas Paulissen : Une récente étude sur les aéroports européens montre que le chiffre d'affaires s'est effondré de 60%, un chiffre valable pour les aéroports français.
Les recettes aéronautiques, donc les revenus que nous tirons des services rendus aux compagnies aériennes, ont diminué de 67%. Quant aux recettes extra-aéronautiques, comme les parkings, les commerces ou encore l'immobilier, ont chuté de 51%, pour 2020 par rapport à 2019.
La difficulté que nous avons étant que nos coûts n'ont pu être réduits dans la même proportion. Nous avons pu diminuer nos charges de seulement 24%, du fait des coûts fixes importants, correspondant à 80% de nos charges.
Ainsi, pour continuer à fonctionner, les aéroports ont du puiser dans leur trésorerie et/ou s'endetter. L'endettement a singulièrement augmenté. D'après une étude européenne, les aéroports se sont endettés de 20 milliards d'euros.
Avec cette crise, l'image sûre de la valeur aéroport a décliné, poussant les banques à imposer des taux plus élevés.
Pendant ce temps, ils n'ont pas pu investir, alors que nous sommes une industrie aux investissements lourds. Ces derniers ont baissé de 30% entre 2019 et 2020.
TourMaG.com - Comment les aéroports français peuvent-ils se remettre d'une telle crise ?
Nicolas Paulissen : La reprise sera lente, avec un trafic moins rémunérateur et aussi une pression sur les charges aéroportuaires.
Nous n'allons pas pouvoir augmenter les charges aéroports de manière à récupérer nos pertes puisque les compagnies ont des difficultés économiques.
Il y a toute une série de facteurs qui vont peser sur nos recettes dans les années qui viennent, alors que nous allons devoir investir massivement pour la transition énergétique.
La question que nous allons devoir nous poser : comment financer la transition énergétique ? Mais aussi comment investir pour l'amélioration de la qualité de service, la digitalisation, la sureté, etc.
C'est un point très important, car nous allons devoir baisser les émissions de CO2 qui dépendent de nos infrastructures, mais aussi accueillir l'avion décarboné de demain.
L'avion à hydrogène va nécessiter énormément d'investissement et donc d'argent.
Aéroports français : "nous devons réfléchir et réinventer notre business-modèle "
TourMaG.com - Face à un tel constat, faut-il revoir le business-modèle ?
Nicolas Paulissen : Oui, nous devons réfléchir à notre business-modèle et le réinventer.
Nous allons devoir réformer la régulation aéroportuaire. Vous savez qu'en termes de redevance et de rémunération du capital, très régulé. Sauf que si nous voulons attirer des capitaux privés vers les aéroports, nous allons devoir proposer une rémunération intéressante.
Or la réglementation ne permet pas cela. Les régions et les Etats ne vont pas investir, car ils sont endettés aussi. Pour continuer avec cette mixité de capitaux publics et privés, la réglementation aéroportuaire va devoir permettre une juste rémunération du capital.
Il va falloir également réviser la réglementation européenne sur les aides d'Etat. Faute d'argent, même les grands aéroports ont du mal à investir, les aides publics ne peuvent plus être réservées aux petits aéroports, comme ça l'était jusqu'à présent.
L'autre impératif étant que le gouvernement va devoir mettre en place le cadre le plus favorable à la reprise, donc ce qui concerne la compétitivité des aéroports français.
Je parle là de la fiscalité, donc que la taxe d'aéroport ne s'envole pas, de ne pas rajouter de nouvelles taxes. Si la compétitivité de nos infrastructures décroit, avec une hausse des coûts pour les compagnies, ces dernières iront ailleurs en Europe.
Imaginez que les coûts de touché augmentent de manière importante, en raison de la fiscalité, les transporteurs iront en Espagne ou en Italie. Les pouvoirs publics doivent permettre de créer le cadre pour favoriser la connectivité aérienne de la France et des territoires.
TourMaG.com - Comment changer de business-modèle en 2021, sans nécessairement matraquer les compagnies ?
Nicolas Paulissen : Nous allons devoir jouer sur les ressources extra-aéronautiques, pour diversifier les ressources, puis dans le même temps les optimiser.
Nous voyons bien qu'avec les difficultés des compagnies aériennes et la régulation française, les redevances ne vont pas s'envoler.
Nicolas Paulissen : Oui, nous devons réfléchir à notre business-modèle et le réinventer.
Nous allons devoir réformer la régulation aéroportuaire. Vous savez qu'en termes de redevance et de rémunération du capital, très régulé. Sauf que si nous voulons attirer des capitaux privés vers les aéroports, nous allons devoir proposer une rémunération intéressante.
Or la réglementation ne permet pas cela. Les régions et les Etats ne vont pas investir, car ils sont endettés aussi. Pour continuer avec cette mixité de capitaux publics et privés, la réglementation aéroportuaire va devoir permettre une juste rémunération du capital.
Il va falloir également réviser la réglementation européenne sur les aides d'Etat. Faute d'argent, même les grands aéroports ont du mal à investir, les aides publics ne peuvent plus être réservées aux petits aéroports, comme ça l'était jusqu'à présent.
L'autre impératif étant que le gouvernement va devoir mettre en place le cadre le plus favorable à la reprise, donc ce qui concerne la compétitivité des aéroports français.
Je parle là de la fiscalité, donc que la taxe d'aéroport ne s'envole pas, de ne pas rajouter de nouvelles taxes. Si la compétitivité de nos infrastructures décroit, avec une hausse des coûts pour les compagnies, ces dernières iront ailleurs en Europe.
Imaginez que les coûts de touché augmentent de manière importante, en raison de la fiscalité, les transporteurs iront en Espagne ou en Italie. Les pouvoirs publics doivent permettre de créer le cadre pour favoriser la connectivité aérienne de la France et des territoires.
TourMaG.com - Comment changer de business-modèle en 2021, sans nécessairement matraquer les compagnies ?
Nicolas Paulissen : Nous allons devoir jouer sur les ressources extra-aéronautiques, pour diversifier les ressources, puis dans le même temps les optimiser.
Nous voyons bien qu'avec les difficultés des compagnies aériennes et la régulation française, les redevances ne vont pas s'envoler.
"Nous allons voir des aéroports abandonner le trafic commercial."
"Il faut savoir que pour 2021, il nous manque 100 millions d'euros, mais ça n'a été encore inscrit en PLF. Nous attendons l'amendement. Nous allons devoir aussi financer le déficit 2022 qui est estimé par la DGAC à 180 millions d'euros," selon Nicolas Paulissen, délégué général de l'Union des Aéroports Français (UAF)
TourMaG.com - Les aéroports français sont bien souvent propriétés des régions ou d'organismes institutionnels, malgré tout faut-il changer cette structuration capitalistique ?
Nicolas Paulissen : Il est compliqué de me prononcer dessus, puisque c'est le rôle du législateur d'organiser le paysage aéroportuaire.
Les collectivités locales et l'Etat qui sont propriétaires d'un grand nombre d'aéroports régionaux, ont bien compris que la connectivité apporte aussi un développement économique et social aux territoires.
Personne ne veut voir un aéroport fermer ses portes. Pour l'instant en France, nous n'avons pas vu de fermeture d'aéroport, par contre certaines collectivités vont réfléchir à la vocation de leurs aéroports.
Tous les aéroports n'ont pas vocation à faire du trafic commercial, c'est ce qui coûte cher, puisqu'il faut ajouter les coûts de sécurité, de sureté, etc. Nous allons assister au fait que des aéroports vont abandonner le trafic commercial, pour se spécialiser soit en zone aéro-industrielle ou alors dans l'aviation d'affaires.
Tous les aéroports ne retrouveront pas du trafic commercial.
TourMaG.com - Avons-nous en France, trop d'aéroports ?
Nicolas Paulissen : Pas trop, mais il n'est pas nécessaire qu'il fasse tous du trafic commercial.
Il est évident que deux aéroports situés à 50 km l'un de l'autre, tout en faisant du trafic commercial, le réseau sera rationalisé (le cas de l'aéroport de Caen et celui de Deauville, ndlr).
Pour autant, ils ne vont pas fermer, mais se diriger vers d'autres activités. Les collectivités locales doivent décider de la vocation de chacune des infrastructures.
Nicolas Paulissen : Il est compliqué de me prononcer dessus, puisque c'est le rôle du législateur d'organiser le paysage aéroportuaire.
Les collectivités locales et l'Etat qui sont propriétaires d'un grand nombre d'aéroports régionaux, ont bien compris que la connectivité apporte aussi un développement économique et social aux territoires.
Personne ne veut voir un aéroport fermer ses portes. Pour l'instant en France, nous n'avons pas vu de fermeture d'aéroport, par contre certaines collectivités vont réfléchir à la vocation de leurs aéroports.
Tous les aéroports n'ont pas vocation à faire du trafic commercial, c'est ce qui coûte cher, puisqu'il faut ajouter les coûts de sécurité, de sureté, etc. Nous allons assister au fait que des aéroports vont abandonner le trafic commercial, pour se spécialiser soit en zone aéro-industrielle ou alors dans l'aviation d'affaires.
Tous les aéroports ne retrouveront pas du trafic commercial.
TourMaG.com - Avons-nous en France, trop d'aéroports ?
Nicolas Paulissen : Pas trop, mais il n'est pas nécessaire qu'il fasse tous du trafic commercial.
Il est évident que deux aéroports situés à 50 km l'un de l'autre, tout en faisant du trafic commercial, le réseau sera rationalisé (le cas de l'aéroport de Caen et celui de Deauville, ndlr).
Pour autant, ils ne vont pas fermer, mais se diriger vers d'autres activités. Les collectivités locales doivent décider de la vocation de chacune des infrastructures.
Taxes aéroportuaires : la crise a coûté 530 millions d'euros aux aéroports français
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TourMaG.com - Des destinations long-courriers, comme les USA rouvrent, puis l'été a été plutôt bon. Comment s'annonce l'hiver ?
Nicolas Paulissen : Pour l'instant les signaux sont positifs, avec une rentrée meilleure qu'espérée.
La crainte que nous avions après l'été, c'est que le trafic s'effondre à l'automne, mais ça n'a pas eu lieu. La réouverture de l'Amérique du Nord est une très bonne nouvelle.
Malgré tout, nous serons encore loin des niveaux d'avant crise, avec un trafic en 2022 se rapprochant sans doute des 60% par rapport à 2019.
TourMaG.com - Quels sont les grands enjeux à venir pour l'UAF ?
Nicolas Paulissen : Ce qui sera important pour nous, c'est le cadre du prochain projet loi de finance (PLF).
La question du financement des missions régaliennes de sécurité et suretés sera primordiale. Nous bénéficions d'un dispositif d'avance, avec la taxe d'aéroport, mais ce n'est pas évident.
C'est un sujet que nous suivons de près, car la sentence doit être dans les prochaines semaines.
TourMaG.com - Je suppose que les compagnies et l'UAF doivent faire du lobbying auprès du gouvernement, quels échos avez-vous du possible arbitrage du gouvernement ?
Nicolas Paulissen : Nous agissons bien évidemment.
Il faut savoir que pour 2021, il nous manque 100 millions d'euros, mais ça n'a été encore inscrit en PLF. Nous attendons l'amendement. Nous allons devoir aussi financer le déficit 2022 qui est estimé par la DGAC à 180 millions d'euros.
Je parle là du manque à gagner pour les aéroports par rapport aux taxes aéroportuaires.
En 2020, il nous a manqué 350 millions d'euros et non 250 comme inscrit dans le projet loi de financer, donc nous avons un trou de 100 millions. Les compagnies règlent leurs dettes, mais en 2020, elles n'ont pas toutes payées ce qu'elles devaient.
Les dettes sont actuellement en train d'être apurées.
Nicolas Paulissen : Pour l'instant les signaux sont positifs, avec une rentrée meilleure qu'espérée.
La crainte que nous avions après l'été, c'est que le trafic s'effondre à l'automne, mais ça n'a pas eu lieu. La réouverture de l'Amérique du Nord est une très bonne nouvelle.
Malgré tout, nous serons encore loin des niveaux d'avant crise, avec un trafic en 2022 se rapprochant sans doute des 60% par rapport à 2019.
TourMaG.com - Quels sont les grands enjeux à venir pour l'UAF ?
Nicolas Paulissen : Ce qui sera important pour nous, c'est le cadre du prochain projet loi de finance (PLF).
La question du financement des missions régaliennes de sécurité et suretés sera primordiale. Nous bénéficions d'un dispositif d'avance, avec la taxe d'aéroport, mais ce n'est pas évident.
C'est un sujet que nous suivons de près, car la sentence doit être dans les prochaines semaines.
TourMaG.com - Je suppose que les compagnies et l'UAF doivent faire du lobbying auprès du gouvernement, quels échos avez-vous du possible arbitrage du gouvernement ?
Nicolas Paulissen : Nous agissons bien évidemment.
Il faut savoir que pour 2021, il nous manque 100 millions d'euros, mais ça n'a été encore inscrit en PLF. Nous attendons l'amendement. Nous allons devoir aussi financer le déficit 2022 qui est estimé par la DGAC à 180 millions d'euros.
Je parle là du manque à gagner pour les aéroports par rapport aux taxes aéroportuaires.
En 2020, il nous a manqué 350 millions d'euros et non 250 comme inscrit dans le projet loi de financer, donc nous avons un trou de 100 millions. Les compagnies règlent leurs dettes, mais en 2020, elles n'ont pas toutes payées ce qu'elles devaient.
Les dettes sont actuellement en train d'être apurées.