Pascal de Izaguirre (FNAM) : "La dynamique du transport aérien n'est pas en Europe"

La traditionnelle cérémonie des vœux à la presse organisée par la FNAM s’est tenue la semaine dernière à Paris. L’occasion pour son Président Pascal de Izaguirre de faire un bilan de l’année écoulée et pointer, dans un premier temps, les changements intervenus dans les habitudes de déplacement.

En Europe, le trafic aérien est revenu au niveau de 2019 avec cependant quelques particularités. Exprimé en nombre de passagers, le trafic est supérieur de 3% au trafic de 2019 alors que nous restons sur moins de mouvements (de l’ordre de 96% ) parce qu'il y a une augmentation du module moyen, une tendance de long terme.

Sur les vingt prochaines années, le Président de la FNAM a fait remarquer que les prévisions de trafic sont de l’ordre de 662 millions de passagers supplémentaires en Europe contre 2,6 milliards en Asie - Pacifique.

b[Des chiffres qui lui ont fait dire que "la dynamique du transport aérien aujourd'hui n'est pas en Europe".]b

En France, il est intéressant de constater que le trafic est revenu au niveau de 2019 et en entrant dans le détail on constate une dynamique a l’international et un déclin inexorable concernant le trafic domestique.

Sur les vols internationaux, le nombre de passagers internationaux sur le marché français est monté à 150,8 millions, pulvérisant le record de 2019 établi à 145,5 millions grâce notamment au trafic Outre-mer très dynamique.

En revanche, le trafic intérieur poursuit sa décroissance. En 2024, il était de 20,2 millions de passagers, soit 1,1 million de moins qu’en 2023 et surtout en retrait de 6,6 millions comparé à 2019.

« Et ce que je trouve le plus illustratif, c'est que si vous comparez le trafic des grandes radiales qui relient Paris aux aéroports de province, et bien il est retombé en 2024 à son niveau de 1984, c'est-à-dire 40 ans en arrière. » a précisé Pascal de Izaguirre.

Ce déclin inexorable du trafic domestique est une fatalité et le secteur de l’aérien l’accepte. Selon le président de la FNAM, le train n’est plus un rival, et devra être considéré comme une complémentarité.

Pour 2025, la FNAM observe un contexte de grandes incertitudes en rappelant en particulier que, selon elle, la hausse envisagée par le gouvernement de la taxe de solidarité sur les billets d’avion risquait d’éloigner du transport aérien les catégories les moins aisées de la population française, de nuire à l’attractivité de la France et fragiliser encore un peu plus les compagnies aériennes dont les besoins financiers pour accompagner la transition écologique sont pourtant massifs.

Elle en appelle donc à une révision de ce projet au caractère récessif dans un contexte où des pertes d’emplois significatives sont anticipées en France dans les prochains mois avec pas moins de 11 500 emplois menacés par ce seul projet.

La fédération estime que le transport aérien français reste fragile, et de rappeler que le pavillon français continue de perdre chaque année un point de part de marché (37,5% de part de marché pour le pavillon français au global en 2024).

Pascal de Izaguirre en a ainsi appelé « à une nécessaire inflexion de la politique française du transport aérien qui ne peut décemment se limiter à une nouvelle taxe chaque année. Une véritable réflexion avec les pouvoirs publics autour de l’avenir d’un secteur qui contribue directement à 37% des recettes des touristes internationaux en France et à 35% en valeur des exportations du pays hors Union européenne apparait indispensable ».

La hausse des taxes diverses et notamment la TSBA si elle se confirmait, ajoutée aux redevances de navigation aérienne et le coût de la transition énergétique induit par le paquet européen "Fit for 55" devrait se traduire selon la FNAM par un surcout d’1,2 milliards d’euros.

« Jusqu’à maintenant, on a prêché dans le désert, mais on va continuer. On connaît des gens qui ont commencé à prêcher dans le désert et qui ont fini par connaître un très grand succès » nous a confié, scripturaire, Pascal de Izaguirre.

Inquiétude aussi quant à la constitution d’une filière CAD, les carburants aéronautiques durables.

Selon la FNAM, les moyens mis en œuvre pour développer cette filière européenne et française qu’elle appelle de ses vœux sont très insuffisants. Dans le cadre du projet « France 2030 », une enveloppe de 200 millions avait été promise lors du dernier salon aéronautique du Bourget, mais dans le prochain budget il y a clairement une menace d’annulation de ces crédits.

« Soyons clairs, s'il n'y a pas de CAD en France, les compagnies aériennes françaises l'importeront. Mais à ce moment-là, quid, bien sûr, de la création d'emplois qu'aurait pu apporter une filière française ? Quid de la souveraineté nationale ? Quid de l'indépendance énergétique ? Veut-on qu'on soit contraints d'acheter notre CAD aux États-Unis avec un Donald Trump qui pourrait un jour utiliser cette arme ? » s’est inquiété le Président de la FNAM.

Rappelons que la production mondiale de CAD en 2025 sera de 2 millions de tonnes, soit 0,7% de la consommation totale de carburant pour l'aviation.

Sur ce chapitre de la décarbonation, Pascal de Izaguirre a également voulu alerter sur les risques d’une stratégie bas carbone nationale incompatible avec les conditions de concurrence à l'échelle internationale.

En écho à l’alerte de Ben Smith, PDG d'Air France KLM, lancée quelques jours plus tôt au Palais Garnier, Pascal de Izaguirre a mis en garde : « le transport aérien évolue dans un cadre global. C'est totalement ouvert, totalement international, et on demande aux autorités françaises de prendre des mesures qui soient cohérentes en termes de coûts et d'impact avec celles existantes dans notre environnement européen et mondial.

Nous demandons à bénéficier d'une protection contre les distorsions de concurrence, à l'instar d'autres secteurs industriels et un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, parce que sinon, on aura ce qu'on appelle « des fuites de carbone » qui sont en fait des fuites de passagers. »

Le Président de la FNAM a aussi affirmé sa volonté d’une FNAM toujours plus dynamique et entreprenante.

Il a annoncé l’intégration de deux nouveaux membres, Volotaa et Norse Atlantic Airways, deux compagnies étrangères ayant des bases d’exploitation en France.

Également, la fédération veut se lancer dans la bataille de la communication en produisant des études fiables et incontestables à propos du secteur aérien. « Il y a trop de clichés, il y a trop de on-dit, il y a trop d'imprécisions, il y a trop de flous qui circulent sur le transport aérien » s’est agacé Pascal de Izaguirre

Et de poursuivre, « Nous sommes les mieux placés pour réaliser ces études et pour avoir des bases de données en agrégeant les données des différentes compagnies membres de la FNAM, et qui nous permettront de sortir des éléments précis et d’être une référence. Le transport aérien a une bataille à gagner, une bataille avec les médias et avec l'opinion publique.

Si on laisse circuler des commentaires impressionnistes sur le transport aérien qui ne sont pas basés sur la réalité de faits, sur la réalité de chiffres, c'est très ennuyeux. Nous devons pouvoir nous appuyer sur des choses très concrètes, très solides, fiables et rigoureuses, parce qu'après il est plus difficile pour des responsables, par exemple gouvernementaux, de raconter des choses si on leur a démontré par A plus B que ça ne correspond pas à la réalité. »

Enfin, la FNAM a annoncé la création d’une commission « Outre - Mer » afin d’être une force de proposition pour développer une politique prenant en compte la spécificité des territoires, la continuité territoriale, l’accessibilité des transports aériens et de nombreux sujets tels que l’exonération des taxes, les situations de monopoles…

«Le transport aérien sur l’outre-mer est un sujet ultrasensible. Il faut faire bouger les choses.»

La réflexion va être engagée avec les compagnies françaises desservant l’outre-mer. A terme, la commission devrait se doter d’un(e) Président(e).