Sécheresse dans le Verdon : le vrai du faux

Une sécheresse historique. C’est ainsi que le Parc Naturel Régional (PNR) du Verdon et l’office du tourisme intercommunal (OTI) Verdon Tourisme décrivent la sécheresse actuelle.

Du jamais vu depuis les premiers suivis en 1964 : 40 % de déficit hydrique, le plus faible enneigement des 30 dernières années dans les Alpes-du-sud, des précipitations trop faibles en automne et au printemps…

Les températures, déjà très hautes en juin (avec des pointes à 35 °C) laissent augurer d’un été encore plus chaud. Une végétation toujours plus sèche, avec des risques d’incendies accrus.

« Un incendie a déjà ravagé au mois de juin 1800 ha dans le camp militaire de Canjuers. Il y a beaucoup de craintes que ça recommence », s’inquiète le PNR du Verdon.

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Une crise climatique déjà bien présente qui commence à avoir des répercussions très concrètes en local. Comme le prouve la vague de canicule qui s'apprête à (de nouveau) s'abattre sur le pays, ça n'est qu'un début, auquel nous devons tous nous habituer.

C'est le message de François Gemenne, directeur de The Hugo Observatory, un centre de recherche dédié au climat à l'Université de Liège, qui parle de « nouvelle normalité » sur linkedin. Il nous invite donc à accoutumer à la situation : « Plus tôt on s'y préparera, plus on pourra limiter la casse et les dégâts.

Mais pour cela, il faut abandonner l’espoir qu’on puisse revenir en arrière, parce que ça ne créera que des désillusions : le changement climatique que nous avons engagé est irréversible. »

Débloqué par la préfecture fin juin 2022, le Plan d’Action Sécheresse situe le bassin du Verdon en situation de vigilance.

« Des sources dans la partie nord du territoire, en tête de bassin, sont à sec et certains hameaux sont approvisionnés par camions citernes » indique le PNR du Verdon.

Partant du Mercantour et s'écoulant vers la Durance puis vers le Rhône, le Verdon irrigue toute la Région.

Via le Canal de Provence il dessert en eau, notamment, la métropole marseillaise. Une forte densité, avec une forte demande en eau, et des barrages qui priorisent l'eau potable et le secteur agricole, resserrant toujours un peu plus les vannes.

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En alerte, EDF tient cependant à rassurer : « Nous sommes attentifs à l’évolution des débits et nous partageons au quotidien ces informations avec l’ensemble des parties prenantes ». Comprendre : la commission locale de l’eau, sous l’égide du PNR du Verdon, qui définie la gestion des aménagements hydroélectriques en fonction des usages industriels, agricoles, domestiques et de loisirs.

Et qui dit loisirs, dit activités touristiques : « l’économie de la Vallée du Verdon repose quasi exclusivement sur le tourisme » explique Gilles Gravier, chargé des relations publiques de Verdon Tourisme.

Le tourisme, justement, se plaint d’être directement touché par une vague de désinformation, liée à cette grave sécheresse, qui fait fuir la clientèle.

« Cette situation peut être accentuée par les angoisses collectives, les rumeurs qui vont bon train et sont alimentées, y compris par les médias et les réseaux sociaux. Par exemple, beaucoup de fausses informations circulent sur des problèmes de pollution ou sur des interdictions d'activités nautiques, sans fondement officiel.

Non, les gorges ne sont pas à sec ! Non, il n’y a pas seulement 40 cm d’eau dans le Lac de Castillon ! Les sports d’eau vive ne sont pas interdits ! Ce sont les conditions qui ne sont simplement pas réunies pour qu’ils puissent se réaliser » s’indigne le PNR.

Fabien Perrot, directeur de l’OTI de la Communauté de communes Lacs et Gorges de Verdon (CCLGV) s’exaspère. « Nous sommes suffisamment victimes des raccourcis des journalistes en ce moment qui mettent tous les lacs du Verdon dans le même sac !

Il y a encore de l'eau dans le Verdon, sur notre secteur. Ce genre d'articles et de reportages TV qui se multiplient depuis quelques jours ne font qu'angoisser les touristes qui pensent qu'on ne peut même plus se baigner dans le lac de Sainte-Croix ! Et de ce fait envisagent des annulations en cascade. Nous avons une saison à gérer et ce genre d'articles ne nous aide vraiment pas. »

Et Gilles Gravier d’enfoncer le clou : « Il y a une déferlante médiatique, et face à ces haut-parleurs, on ne peut pas grand-chose. Bien sûr, il y a de vrais problèmes de sécheresse, évidemment qu’on subit le réchauffement climatique, et qu’il est nécessaire d’y être attentif, c’est une question de bon sens !

Mais il faut avoir un discours de vérité : quand il y a une crise, on le dit, quand il y a des excès, il faut le dire aussi. Ce que j’ai lu dans la presse la semaine dernière me navre. Beaucoup de journalistes ne mesurent pas la portée de leur parole et on assiste à des annulations très dommageables là où il n’y a strictement aucune raison d’annuler »

Tout part d’une dépêche constatant un niveau de l'eau sur le lac de Castillon particulièrement bas, empêchant la baignade. Une information qui, semble-t-il, serait mal vérifiée et erronée, et qui a fait le tour des médias depuis début juillet 2022.

Mais qu’en est-il, concrètement ?

Manque de neige, sécheresse dramatique : le lac n’a en effet pas pu être rempli à son niveau habituel. Et de fait, explique le PNR, « La cote de Castillon est actuellement à plus de 4 à 5 m sous la cote de compatibilité touristique estivale (niveau d’eau permettant la baignade et les activités nautiques dans de bonnes conditions) ».

Résultat : les eaux trop boueuses interdisent la baignade, et le niveau trop bas empêche le rafting - l’activité nautique principale sur cette partie du lac - à l’entrée des gorges. Sur cette zone, seule la plage de Saint-André-les-Alpes est fermée. Située en zone d’alluvion à l’entrée du lac, c’est celle dont le niveau de l’eau est trop bas pour maintenir la sécurité des touristes.

Et ailleurs ? « À l'heure actuelle, il est encore tout à fait possible de se baigner et de pratiquer toutes les activités nautiques traditionnelles sur le lac de Sainte-Croix (baignade, pédalo, canoë-kayak, paddle et catamaran). Le lac d'Artignosc est plein en ce moment » indique Fabien Perrot.

Sur Saint-André-les-Alpes, les professionnels s’organisent : « il y a de la résilience, explique Gilles Gravier. Ils disposent d’un diplôme d’État de guide de rivière qui leur permet de diversifier leurs activités. Ils proposent du canyoning ou de la randonnée aquatique. C’est une activité de substitution qui ne les fait pas vivre, mais qui aide à combler ».

Mais les activités en eau vive sont loin d’être l’activité principale du Verdon, continue Gilles Gravier : « le plus gros de la demande porte sur la randonnée pédestre, le VTT, le vélo de route ». À Saint-André-les-Alpes toujours, se développe le vol libre. L’astronomie, elle aussi, prend de l’ampleur parmi les demandes.

De son côté, le PNR met en avant l'offre culturelle et patrimoniale, tout en appuyant aussi sur l'importance de la randonnée et du vélo sur le territoire.

Depuis avril, les acteurs du tourisme tentent de valoriser ces autres formes de tourisme auprès des médias. Ils cherchent aussi à mettre en avant les intersaisons, pour désengorger le territoire l’été. Mais ils sont nombreux, parmi eux, à regretter que le sensationnalisme ne l’emporte sur la mise en lumière de ces alternatives.

Nous, médias, avons une responsabilité. Notre métier, c’est de décrypter et de vérifier.

Oui, la sécheresse est inédite. Elle est inquiétante et préfigure d’un avenir que le tourisme serait bien inspiré d’anticiper. Mais crier à la mort du secteur ne risque pas d’aider à porter un changement des consciences durable.

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