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Garantie Financière : les transfuges de l'APST vont-ils devoir revenir au bercail ?

la jurisprudence européenne interdit le plafonnement des remboursements


Plusieurs acteurs majeurs du secteur du tourisme français ont dernièrement décidé de quitter l'APST pour déposer leurs garanties financières chez des banques ou des compagnies d'assurance. Ils assurent y bénéficier d'un rapport qualité-prix plus intéressant. Mais il pourrait ne pas le rester très longtemps car la réglementation française devrait rapidement se mettre au diapason d'une ordonnance de la Cour européenne de justice rendue en janvier 2014. Elle rappelle que l'article 7 de la Directive européenne sur les voyages à forfait de 1990 oblige les garants à rembourser l'ensemble des fonds déposés par les clients et non seulement les montants garantis... Explication.


Rédigé par Pierre Coronas le Jeudi 4 Septembre 2014

L'ordonnance de la Cour européenne de justice du 16 janvier 2014 rappelle que l'article 7 de la Directive européenne sur les voyages à forfait contraint les garants à rembourser 100 % des fonds déposés en cas de défaillance d'une agence de voyages - Photo-Libre.fr
L'ordonnance de la Cour européenne de justice du 16 janvier 2014 rappelle que l'article 7 de la Directive européenne sur les voyages à forfait contraint les garants à rembourser 100 % des fonds déposés en cas de défaillance d'une agence de voyages - Photo-Libre.fr
Pour obtenir une immatriculation au registre des opérateurs de voyages et de séjours d'Atout France, une agence de voyages doit obligatoirement disposer d'une garantie financière.

Elle est destinée à protéger les touristes en cas d'une éventuelle défaillance du point de vente avant ou pendant le séjour acheté.

A l'heure actuelle, l'organisme de garantie financière le plus connu du secteur du tourisme en France est l'Association Professionnelle de Solidarité du Tourisme (APST)

Avec 3 300 adhérents, elle regroupe environ la moitié des immatriculations d'Atout France.

Dans la catégorie "agents de voyages et apparentés" du registre qui regroupent distributeurs, producteurs et réceptifs, 2742 opérateurs sont garantis par l'APST sur un total de 4 063 opérateurs, soit 67,5%.

Mais elle n'est pas la seule car le Code du Tourisme prévoit aussi la possibilité, pour les professionnels, de souscrire une garantie financière auprès d'acteurs privés positionnés sur le marché, comme c'est le cas pour certaines banques et compagnies assurances.

Rapport qualité-prix plus satisfaisant qu'à l'APST

Dernièrement, plusieurs acteurs touristiques français importants ont d'ailleurs décidé de démissionner de l'APST pour souscrire à des offres d'organismes privés qu'ils jugent plus intéressantes et moins contraignantes financièrement.

C'est ce le cas notamment de Richou Voyages qui a choisi de se séparer de l'APST en mars 2013.

"Chaque année, le montant de la cotisation de l'APST augmente de manière importante. L'année où j'ai décidé de partir, on nous demandait une hausse de 49 %", explique Daniel Richou, PDG du groupe.

Il assure qu'au moment de lancer son affaire, afin d'obtenir son immatriculation et la garantie financière de l'APST, l'association lui a demandé de mettre sa maison en garantie. "Personne d'autre ne m'a demandé cela", ajoute-t-il.

Son choix s'est porté sur Atradius. "C'est la deuxième année que je suis chez eux. Tout se passe bien. Je dispose exactement des mêmes garanties avec des conditions plus avantageuses.

Et celles-ci restent plus ou moins fixes chaque année. Je n'ai plus besoin de négocier pour conserver des conditions financières attractives
", se félicite-t-il.

Plus récemment, Kuoni France – enregistré au registre d'Atout France sous la dénomination Travel Lab – a fait le même choix, comme l'ont révélé nos confrères de L'Echo Touristique.

Selon Emmanuel Foiry, le PDG de l'entreprise, Atradius offre un rapport-qualité prix plus satisfaisant. "Dans mon cas, la cotisation y largement inférieure et il n'y a ni blocage ni nantissement de notre trésorerie. Je n'ai pas non plus de contre-garantie personnelle à fournir", nous précise-t-il.

"Nos produits ne sont pas comparables"

A l'heure actuelle, les banques et les assurances proposent des tarifs plus intéressants que l'APST à leurs souscripteurs car ils interviennent "uniquement à hauteur des montants garantis en cas de sinistre", comme nous l'a confirmé la direction commerciale d'Atradius.

Si jamais, une agence de voyages qui y adhère venait à faire faillite, la somme que rembourserait l'organisme serait limitée au montant de la garantie financière.

Celle-ci correspond à "10 % de son volume d'affaires annuel pour les forfaits et 3 % pour les prestations touristiques comme prévu par le Code du Tourisme", précise Guillaume Lemière, Directeur de la réglementation des métiers du tourisme, des classements et de la qualité chez Atout France.

Si le montant du sinistre était supérieur, les acomptes versés par les clients touchés ne seraient ainsi pas remboursés intégralement. Les organismes de garantie sont là en conformité avec la réglementation nationale française.

Une limitation que n'applique pas l'APST. "Nous sommes les seuls à déplafonner le montant de la garantie", rappelle Raoul Nabet. Il ajoute que l'association est l'unique acteur du marché à être en mesure de maintenir les contrats en cours.

"Les autres garants ne font que rembourser. Nous nous pouvons assurer les départs, malgré une défaillance, poursuit le Président de l'APST. On ne peut donc pas dire que nous sommes plus chers ou moins chers car nos produits ne sont pas comparables."

Pourtant, la situation pourrait rapidement évoluer.

L'ordonnance qui change la donne

En effet, une ordonnance de rapprochement des législations, rendue par la Cour européenne de justice (6e chambre) le 16 janvier 2014, et passée plutôt inaperçue jusqu'alors, change la donne.

Elle stipule notamment que "L'article 7 de la directive 90/314 (qui traite de la garantie financière, Ndlr) fait peser sur l'organisateur du voyage l'obligation de disposer de garanties suffisantes propres à assurer, en cas d'insolvabilité ou de faillite, le remboursement des fonds déposés et le rapatriement du consommateur."

Il y est également rappelé que "l'article 7 (…) comporte l'obligation de résultat de conférer aux voyageurs à forfait un droit aux garanties de remboursement des fonds qu'il a déposés".

Par conséquent, selon la jurisprudence européenne, la garantie financière des professionnels du tourisme ne peut pas être plafonnée.

"Techniquement, tout le monde doit rembourser 100 % des fonds déposés par les clients, analyse Me Emmanuelle Llop, avocate au Barreau de Paris (Equinoxe Avocats) spécialisée dans le tourisme.

A l'heure actuelle, seule l'APST est donc en conformité avec la juridiction européenne." C'est le cas depuis 1997.

Cette ordonnance de la Cour Européenne de justice confirme 3 décisions rendues par cette même cour plusieurs années auparavant. (Voir encadré ci-dessous)

Elle rappelle aussi que toute réglementation nationale qui limiterait le montant du remboursement par un garant financier est contraire à l'article 7 de la Directive européenne.

L'APST pourrait récupérer des adhérents à long terme

On peut donc s'attendre à une réaction prochaine des pouvoirs publics français en vue d'adapter la réglementation du pays aux principes de cette directive.

Peut-être même très rapidement, puisque, comme nous vous l'expliquions mercredi 3 septembre 2014, plusieurs clients touchés par des annulations de croisières après le placement en liquidation judiciaire de TAAJ envisagent de saisir la justice.

La garantie financière de l'agence était déposée auprès de la Banque Palatine. En cas de procès, celle-ci devrait donc logiquement être obligée de rembourser toutes les sommes versées sans aucune limitation.

Ces changements devraient avoir plusieurs conséquences pour l'APST. L'association pourrait, à moyen terme, ne plus être seule à proposer la garantie à 100 % des fonds déposés.

Mais, à plus long terme, cette situation pourrait aussi lui permettre de récupérer de nouveaux adhérents.

"Si les compagnies d'assurance ou les banques se rendent compte qu'elles risquent d'être condamnées si jamais elles limitent le remboursement au montant de la garantie, elles se retireront certainement du marché", estime Raoul Nabet.

C'est ce qu'a d'ailleurs déjà fait CNP Caution, organisme chez qui Twim Travel avait déposé sa garantie financière avant la cessation de celle-ci le 31 mars 2014.

Dans les affaires « Dillenkofer » du 8 octobre 1996, « VKI » du 14 mai 1998 et « Rechberger » du 15 juin 1999, la Cour interprète l'article 7 de la Directive de 1990 comme contraignant le garant à rembourser les clients sur l'ensemble des fonds déposés.

"Dans ces cas, la cour estime qu'il doit rembourser aux clients les acomptes, les dépenses et les frais. Le juge demande également une mise en œuvre rapide et simple de la garantie", précise Me Llop.

Une obligation renforcée par le rapport de mise en œuvre de la Directive européenne sur les voyages à forfait (90/314 du 13/06/1990) publié en 1999.

Il y est écrit que la Directive "ne permet toutefois aucune divergence d'interprétation quant à l'objectif très clair de cette disposition : la couverture par les garanties apportées par l'organisateur et/ou le détaillant, du remboursement intégral des fonds déposés et de tous les frais de rapatriement du consommateur. Toute solution qui permettrait, en fait, une limitation du remboursement des fonds déposés et des frais de rapatriement, même dans des situations extrêmes, est donc inacceptable."

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